Aux Oblates de l’Assomption

20 NOV 1874 Oblates

L’humilité base de la vie religieuse.

Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
    Instruction du Révérend Père d'Alzon. 20 novembre 1874
  • CN 16, pp. 51-52 (copie dact. d'un ms de Hulsberg - notes d'une religieuse).
Informations détaillées
  • 1 ANTIPATHIES
    1 BON EXEMPLE
    1 CAPRICE
    1 CRITIQUES
    1 DEFAUTS
    1 DEPARTS DE RELIGIEUX
    1 EFFORT
    1 ESPRIT DE COMMUNAUTE
    1 FRANCHISE
    1 HUMILITE
    1 HUMILITE FONDEMENT DE VIE SPIRITUELLE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MEDISANCE
    1 OBLATES
    1 ORGUEIL
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 UNION DES COEURS
    1 VERTUS RELIGIEUSES
    2 ANNE D'AUTRICHE
    2 BERNARD DE CLAIRVAUX, SAINT
    2 OLIER, JEAN-JACQUES
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
    3 HULSBERG
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • 20 novembre 1874
  • 20 NOV 1874
La lettre

Mes chères filles,

Je me propose de temps en temps de venir vous faire quelques instructions pour remplacer celles que je vous adressais tous les jours après la messe, lorsque vous étiez dans l’autre maison. En vous parlant ici, cela me permettra d’aborder certains sujets très pratiques, mais qui étant un peu familiers ne peuvent pas toujours se traiter dans une chapelle. Aujourd’hui je me propose de vous parler sur l’humilité base de la vie religieuse. Saint Vincent de Paul nous fait observer que ce qu’il y a d’admirable dans les filles de la Charité, c’est leur humilité profonde. Il leur disait franchement et même un peu durement leurs vérités. Eh bien! puisque je suis votre Père, il faut, et vous devez souhaiter que j’en agisse ainsi. Devenez donc humbles et petites, mes filles, imitez en cela votre modèle; Notre-Seigneur n’a-t-il pas dit: Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. Il y a bon nombre de religieuses qui prennent un peu d’humilité mais elles en laissent encore plus que ce qu’elles en prennent; et même il arrive quelquefois que sous le masque de l’humilité elles cachent un orgueil insupportable. C’est alors l’humilité du pharisien: Mon Dieu, je vous rends grâce de ne pas être comme ce publicain, et vous, vous dites: j’ai beaucoup de défauts mais au moins je n’ai pas mauvais caractère; je ne suis pas une rapporteuse, je ne vais pas faire la cour à notre Mère, etc., etc. Je ne m’adresse à personne et ne croyez pas que quelqu’un me l’ait dit, mais je l’ai observé moi-même chez vous ou chez d’autres. En quoi donc une Oblate doit-elle faire consister son humilité? C’est surtout, mes filles, et avant tout, à se mépriser elle-même, à ne prendre aucune complaisance en soi, faire comme Notre-Seigneur qui possédant toutes les qualités, ne s’y est pas complu un seul instant. Mais ce n’est point notre conduite; on forme dans son coeur comme un piédestal des défauts d’autrui et en faisant ressortir le mal des autres on tâche de cacher son propre mal. Souvenez-vous de ces paroles de saint Bernard que je vous ai dites déjà bien souvent: Que suis-je venu faire ici? Est-ce, dites-moi, pour vous passer toutes les fantaisies, tous les caprices d’une petite personne mal élevée? Ou bien pour redresser et corriger en vous toutes les vaines complaisances d’un sot orgueil. Mes filles, il n’y a qu’une lutte qui vous soit permise, c’est de chercher à être la dernière de toutes; alors nous verrons disparaître ces airs pincés, ces airs de supériorité que l’on remarque quelquefois même parmi les Oblates. Soyez vides de vous-mêmes et Dieu remplira votre coeur des eaux salutaires de sa grâce. Pour bien vous faire comprendre ces choses, je vais me servir d’une comparaison un peu vulgaire, il est vrai, mais qui vous fera bien saisir ma pensée. Un chaudron quand il est vide, je pourrai dire un bassin, reçoit autant d’eau qu’il est capable d’en contenir; mais si on y met des pierres, de la boue, du sable, c’est autant d’enlevé sur la quantité d’eau. De même pour une communauté, si chaque religieuse ne prend soin de corriger ses défauts, elle empêche l’eau de la grâce de remplir ce bassin spirituel car la grâce ne coule pas là où sont les défauts. Quelle est la quantité de grâces que j’ai détournée de la communauté par mes seuls défauts; moi j’ai apporté mes bavardages, moi j’ai apporté mon mauvais caractère; moi j’ai apporté mes manques de charité; vous êtes 2 et vous parlez mal d’une troisième qui est absente; vous êtes aux pieds de Notre-Seigneur et votre esprit se trouve à cent lieues de la présence de votre divin époux.

Mes chères filles, vous reconnaîtrez que vous êtes véritablement humbles quand vous trouverez que vous n’avez droit à rien; car lorsqu’on juge que l’on a droit à quelque chose on n’est pas humble encore. Il est évident que nous ne resterons pas longtemps comme nous sommes. Dans peu de temps il viendra des postulantes, ce seront des ouvrières, puis des filles qui tout en étant ouvrières en sauront un peu plus; puis enfin des jeunes filles d’un rang plus élevé, d’une instruction plus solide et plus profonde et appartenant à des familles plus distinguées. Eh bien, tout cela doit se fondre ensemble et ne former qu’un seul tout où Notre-Seigneur soit aimé et en qui il puisse mettre toutes ses complaisances. Il est bon, mes enfants, que toutes les choses que je vous dis maintenant soient conservées, la communauté pourra y trouver plus tard des enseignements salutaires.

Comme je vous l’ai déjà dit, il arrive souvent que nos yeux sont fermés entièrement sur nos défauts mais s’ils n’aperçoivent pas ce qui est mal en nous ils savent toujours découvrir les travers du prochain. Que faut-il donc faire, mes filles? se promettre sincèrement de devenir humbles. Voilà deux religieuses, l’une est sensée travailler à acquérir l’humilité; l’autre y travaille sincèrement; vous verrez celle-ci faire de généreux efforts, elle saura accepter les contrariétés, les peines, les affronts; celle-là au contraire ressemble à un chat qui montre sans cesse les griffes. Avez-vous vu quelquefois des religieuses qui au nom de leur ignorance se moquent de celles qui savent quelque chose et d’autres au contraire qui au nom de leur science regardent les autres du haut de leur grandeur. Des religieuses encore qui murmurent et se plaignent d’être trop surveillées, etc. On raconte que saint Vincent de Paul, ayant été accusé faussement à la cour de la Régente Anne d’Autriche, reçut tous les reproches que méritait non pas lui mais Monsieur Olier comme s’il les avait réellement mérités; combien de religieuses imiteraient saint Vincent de Paul! mais vous convertiriez le monde entier. L’humilité, base de la vie religieuse; il faut donc que désormais je sois humble, si je veux être une véritable Oblate. Veux-je le devenir, oui ou non? Si vous ne voulez pas, mes enfants, être de bonnes et excellentes religieuses, oh! alors, allez-vous-en; sinon mettez-vous-y et surtout soyez franches, n’agissez pas avec finesse. Acceptez humblement la direction que l’on veut vous donner car souvenez-vous que le manque d’humilité a été cause de la perte de bien des vocations. Si vous étiez véritablement humbles, votre Mère serait bien vite guérie; vous n’avez donc qu’à vouloir, telle est ma conviction.

Rappelez-vous, mes enfants, que sans l’humilité vous serez des cadavres, des squelettes de religieuses mais non de vraies religieuses. Qu’il plaise à Notre-Seigneur de vous inspirer l’amour des humiliations et que vous deveniez par vos bons exemples et vos vertus la base de votre petite Congrégation.

Notes et post-scriptum