- Aux Oblates de l'Assomption
- Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
Deuxième instruction - 24 novembre, fête de saint Jean de la Croix - CN 16, pp. 53-54.
- 1 ABUS DES GRACES
1 AME EPOUSE DE JESUS CHRIST
1 ANEANTISSEMENT
1 BAVARDAGES
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 COMMUNION FREQUENTE
1 CRITIQUES
1 ESPRIT DE COMMUNAUTE
1 HUMILITE
1 IMITATION DE JESUS CHRIST
1 JESUS-CHRIST NOURRITURE DES AMES
1 JOIE SPIRITUELLE
1 ORAISON
1 ORGUEIL
1 PAIX DE L'AME
1 PATIENCE
1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
1 ROUTINE
1 SEVERITE
1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
1 SUSCEPTIBILITE
1 UNION DES COEURS
1 VANITE
2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
2 JACQUES, SAINT
2 JEAN DE LA CROIX, SAINT - Oblates de l'Assomption
- Oblates
- 24 novembre 1874
- 24 NOV 1874
Mes chères filles,
Vendredi passé je vous ai parlé sur l’humilité, et aujourd’hui je me propose de traiter le même sujet, persuadé que lorsque vous posséderez cette vertu vous serez alors d’excellentes religieuses. Un des moyens de reconnaître si nous sommes véritablement humbles, c’est d’examiner quel est notre amour pour les humiliations, car il y a trois degrés dans l’humilité. Le premier est de supporter patiemment le mépris, les humiliations, les abaissements, le deuxième de les recevoir avec joie, et enfin le troisième est non seulement de les recevoir avec joie et reconnaissance mais encore d’aller au-devant, de les désirer, de les demander. Saint Jean de la Croix dont nous célébrons aujourd’hui la fête peut nous servir de modèle dans l’amour des mépris et de la souffrance; écoutez sa devise: souffrir et être méprisé! Et entendez encore saint François d’Assise nous dire que le parfait bonheur ne se trouve que dans la souffrance et les humiliations.
Voulez-vous avoir la paix, mes filles, soyez humbles et petites à vos propres yeux, croyez n’avoir droit à rien, le trouble provient toujours de ce que l’on manque d’humilité, c’est une question de droits lésés, méconnus; or une religieuse qui commence par établir que n’étant rien elle-même, ne peut prétendre à rien, ne sera jamais troublée. Convaincue de sa petitesse elle ne se mêlera nullement de ce qui ne la regarde pas, car, croyez que ce qui trouble bien souvent une communauté tout entière, ce sont ces conversations, ces murmures, ces cancans qui ont toujours lieu lorsqu’on se mêle de ce qui ne nous regarde pas.
Voici, mes chères filles, une manière d’envisager l’humilité. Maintenant étudions cette vertu par rapport à Dieu. Il arrive souvent que l’on fait mal sa méditation parce qu’on ne se juge pas assez sévèrement. Si vous allez à l’oraison en vous présentant devant Dieu comme un vil néant, convaincu de sa misère et de son indignité, une pauvre créature remplie de péchés et qui dans son orgueil trouve encore le moyen de dissimuler sa misère et de cacher ses vices; (mais ô mon divin Maître, si je puis mentir aux autres je ne puis vous tromper vous-même car vous savez toutes choses, vous connaissez le fond de toutes mes pensées, de toutes mes actions; aidez-moi à corriger tout ce qui est mal en moi, et à devenir chaque jour moins indigne de mon titre d’Epouse). Si donc vous vous présentez à Dieu avec de tels sentiments, vous ferez alors de rapides progrès dans la vertu. Mais hélas, que de fois au contraire, allez-vous à l’oraison avec l’esprit et le coeur remplis de l’excellence de vos mérites et enflés d’orgueil; que de fois vous êtes-vous approchées de la Sainte Table sans préparation, que de confessions faites par routine et sans aucune contrition de vos fautes. Mes chères enfants, lorsque vous avez le bonheur de communier, demandez à Notre-Seigneur de vous enseigner le secret de vous anéantir comme il s’anéantit lui-même jusqu’à devenir votre nourriture; sachez disparaître et n’être rien à l’exemple de votre divin modèle. Une religieuse qui penserait ainsi serait dans le vrai et alors au lieu de murmurer et de se révolter dans certaines occasions elle saurait s’anéantir et vaincre la tentation par son humilité. Mais telle n’est point notre conduite. Pourquoi voyez-vous toujours ma soeur une telle bavarder avec une soeur une telle; oh! c’est que l’orgueil blessé de cette pauvre soeur a besoin de consolations, d’adoucissants: A-t-on jamais vu des supérieurs traiter une soeur de cette manière, a-t-on jamais vu une soeur être aussi rapporteuse, a-t-on jamais entendu parler d’une telle façon, a-t-on, etc., etc. Il serait trop long d’énumérer toutes les raisons, les susceptibilités d’un orgueil froissé et qui sont autant de rats qui se cachent dans la tête d’une religieuse. Pour nous en débarrasser, nous n’avons qu’un moyen, c’est de détruire tous ces prétendus droits par une profonde humilité. Qu’avez-vous, dites-moi, que vous n’ayez reçu et si vous n’avez rien de bon en vous-même, quelle est la chose à laquelle vous pouvez avoir droit. Croyez-moi, mes enfants, la décadence des couvents arrive toujours par le besoin de se plaindre, de murmurer. Souvenez-vous qu’une religieuse n’a droit qu’à une chose, c’est d’être grondée et reprise par ses supérieures, sauf ce droit, elle n’en a pas d’autres et puis croyez que moins on parle aux hommes, plus on trouve de temps pour parler à Dieu.
Maintenant si je prends la question d’un autre côté, je vous dirai, mes filles, que si on veut avancer dans la perfection, il faut non seulement recevoir les humiliations avec joie, il faut encore aller au-devant. Quelle est celle d’entre vous qui dès ce soir, pour mieux célébrer la fête de saint Jean de la Croix, demandera au bon Dieu l’amour des humiliations. Ecoutez saint Jacques dans son épître souhaiter aux premiers chrétiens beaucoup de traverses, beaucoup de tentations. Pour imiter saint Jacques, il faut donc que je vous souhaite beaucoup d’humiliations et de mépris. Mais une communauté où régnerait l’amour des humiliations serait toujours dans une grande paix; tous les murmures disparaîtraient alors, il n’y aurait plus de rancune. Une soeur vous aurait fait de la peine, loin de vous fâcher, vous la remercieriez, vous lui baiseriez les pieds. Que c’est dur, direz-vous, que c’est difficile; mais où avez-vous jamais vu que l’humilité soit facile? Pourquoi êtes-vous religieuses? est-ce pour mériter d’entendre cette parole de Notre-Seigneur: vous semblez vivant et vous êtes mort? Si vous n’acceptez point de mériter ce reproche, il faut dès maintenant vous dire avec sincérité: Je ne suis hélas qu’un tas de péchés et de boue, je ne mérite que la dernière place, quand commencerai-je à m’y mettre, quand dirai-je véritablement à Notre-Seigneur: Mon Dieu, je veux disparaître, m’anéantir avec vous. L’abus des grâces, mes enfants, me fait frémir; craignez de n’avoir que l’habit de religieuse et que votre coeur au contraire enflé par un sot orgueil soit rempli de vaine gloire et du sentiment de votre mérite personnel. Si quelquefois il en coûte d’aller au-devant des personnes qui nous ont blessés, il est plus difficile encore d’aller au-devant de celles que l’on a blessées soi-même. Sachons surmonter ces sentiments naturels et réparer les petits scandales dont notre orgueil a été cause. Il faut éviter aussi cette humilité à crochet, humilité extérieure mais qui n’est point au fond du coeur. On grondera une religieuse, elle baisera la terre, ira prendre la discipline et reviendra telle qu’elle est partie avec le sentiment de sa dignité et de son mérite. Je recevais un jour la visite d’un prêtre qui se plaignait à moi de ce qu’on n’avait pas su l’apprécier; je suis, disait-il d’un air très convaincu, une personne de valeur, j’ai de la valeur et des mérites. Mes enfants, persuadez-vous que vous n’avez aucune valeur et oubliez les mérites que vous pouvez avoir si toutefois vous en avez. La véritable humilité n’est point dans les grimaces, les simagrées, les cous tordus mais dans la disposition d’être compté pour rien; placez-vous aux pieds de Notre-Seigneur dans de tels sentiments et alors vous oubliant vous-même vous vous occuperez un peu plus des autres par charité; il n’y a que l’humilité véritable qui puisse vous donner de tels procédés.
Je vous souhaite, mes chères filles, que vous acceptiez généreusement d’être humiliées, que vous ayez de la joie d’être humiliées et que vous acquerriez l’amour des humiliations afin d’imiter le plus parfaitement votre divin modèle, Notre-Seigneur Jésus-Christ.