Aux Oblates de l’Assomption

8 DEC 1874 Oblates

Bienveillance, obéissance et franchise.

Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
    Cinquième instruction. - 8 décembre 1874
  • CN 16, pp. 59-60.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ANTIPATHIES
    1 BON EXEMPLE
    1 BONTE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 FRANCHISE
    1 HYPOCRISIE
    1 MENSONGE
    1 OBLATES
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 SCANDALE
    1 VOCATION
    2 CORRENSON, EMMANUEL-MARIE
    3 BABEL
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • 8 décembre 1874
  • 8 DEC 1874
La lettre

Mes chères filles,

Voilà que je vais bientôt vous quitter(1), avant de partir j’aurais trois recommandations à vous faire: 1° Faites toutes vos actions dans un esprit de bienveillance, 2° dans un esprit d’obéissance et 3° enfin dans une grande franchise.

1° La bienveillance, elle vous manque presque totalement; à chaque instant on voit des soeurs qui se blessent, qui se heurtent, qui se donnent des coups de pattes, résultat déplorable de l’absence de bienveillance parmi vous; eh bien, je voudrais qu’à mon retour toutes ces vilaines choses aient disparu. Je conjure les anciennes de se surveiller beaucoup et de donner l’exemple de cette condescendance, de cette charité qui doivent être la parure de toute religieuse qui cherche à gagner des âmes à Dieu. Que fait-on d’une religieuse malveillante? Pour s’en débarrasser, on l’enverra peut-être en mission; beau cadeau que l’on fera; mais non, elle ne pourra même pas aller en mission, car ce ne sont que les bonnes religieuses qui seront envoyées. Une chose qui pourra vous étonner, mes enfants, c’est qu’une religieuse malveillante sera souvent très tranquille à l’endroit des tentations, elles n’en auront point et le diable leur laissera même acquérir une certaine vertu extérieure qui rendra leur exemple encore plus funeste et plus contagieux. Aussi peut-on appeler les religieuses malveillantes des démolisseuses de vocations. Avis aux anciennes; quant aux plus jeunes, je leur recommande de devenir de plus en plus ferventes et de ne point imiter ce qu’elles remarquent de mal dans leurs soeurs; que leur exemple au contraire vous soit une leçon. Les Spartiates faisaient enivrer des esclaves pour détourner leurs fils de l’ivrognerie et leur inspiraient par ce spectacle la plus profonde horreur pour ce vice. Faites de même et que le mal des autres vous soit un remède.

2° De l’obéissance; c’est une chose excessivement importante de faire toutes ses actions dans un esprit d’obéissance et c’est un des points sur lequel toute religieuse, si elle veut être bonne religieuse, doit veiller d’une manière toute spéciale. Si vous êtes ennuyées, fatiguées d’avoir une mère qui est toujours dans son lit, un père qui pour cause de santé est obligé de vous quitter et que pour ces raisons vous négligiez vos devoirs, vous êtes de bonnes filles, mais non des religieuses. Dans ce moment, mes enfants, votre petite congrégation est tout à fait entre les mains de Dieu, or comme ce sont de très bonnes mains, au moins devons-nous faire tous nos efforts pour y rester. Nous devons donc agir dans un esprit d’obéissance, de dépendance envers la volonté de Dieu. Volonté qui nous est révélée par les différents ordres qui nous sont donnés soit par nos supérieurs, soit par les personnes qui sont chargées de les transmettre. Tout doit remonter à votre Mère par ce moyen, souvenez-vous donc qu’il faut toujours obéir à qui l’on doit; ainsi dans l’Ordre des Jésuites, le frère convers chargé de la cuisine dit au profès qui vient lui aider: Faites ceci, faites cela et aussitôt le Père profès lui obéit comme à son supérieur. C’est ainsi que vous devez agir, mes enfants, sans cela le couvent serait la cour du roi Pétaud ou la tour de Babel. Je reviendrai encore sur toutes ces questions à moins qu’à mon retour je ne vous trouve tout à fait converties.

3° Il faut être franche; mes enfants, l’êtes-vous? Hélas, vous êtes trop faibles pour être franches. La duplicité est un signe de faiblesse; en effet une chose faible n’a point de consistance et se replie sur elle-même. N’est-ce pas là votre histoire. Et cependant quel mal effroyable la duplicité ne cause-t-elle pas dans un couvent; il arrive même que ces personnes doubles, ces personnes habiles disposent quelquefois les autres à quitter les communautés. Est-ce ce que vous faites? Je dirai oui et non, non par rapport à ce que l’on me disait hier; mais cependant il y a dans votre conduite une certaine habileté, un certain manque de franchise qu’il faut absolument changer. Vous savez que d’une beauté on peut faire une très laide figure, ainsi de l’Appolon du Belvédère on a tiré la figure d’une grenouille. Ainsi l’habileté nuit-elle à vos meilleures actions. Vous êtes rentrées bien ferventes, bien franches et puis peu à peu, de petits riens en petits riens vous êtes devenues des menteuses, des hypocrites. N’est-ce pas que ce n’est pas beau. On prétend que les montagnards sont finoches mais je connais des gens de la plaine qui ont aussi ce défaut. Or, je vous le déclare, ce que je poursuivrai le plus impitoyablement chez mes filles les Oblates, c’est le manque de franchise. Voyez un peu ce que vous avez à faire pour l’acquérir.

En partant je vous laisse donc ces trois sujets d’examen: Bienveillance, obéissance et franchise. Réfléchissez-y sérieusement et qu’à mon retour je trouve en vous de vrais progrès; je serai content alors; profitez donc, toutes, de ces recommandations, je les mets sous la protection de Notre-Seigneur et de la Très Sainte Vierge et les prie de les bénir en vous bénissant ainsi.

Notes et post-scriptum
1. Le P. d'Alzon quitta Nîmes le lendemain et séjourna à Nice jusqu'au 28 janvier 1875. Il y fut l'hôte des Dames de l'Assomption, y retrouva Mère Marie-Eugénie de Jésus, les Pères Picard et Vincent de Paul Bailly, et y présida à la naissance d'un alumnat (voir la correspondance de décembre 1874 et de janvier 1875).