Aux Oblates de l’Assomption

28 MAR 1875 Oblates

Une vie ensevelie en Dieu avec Jésus-Christ.

Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
    Instruction du Jour de Pâques. - 28 mars 1875
  • CN 16, pp. 63-64.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 APPARITIONS DE JESUS-CHRIST
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 FEMMES
    1 IMITATION DES SAINTS
    1 JESUS-CHRIST EPOUX DE L'AME
    1 JESUS-CHRIST NOURRITURE DES AMES
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 PAIX DE L'AME
    1 PAQUES
    1 PARDON
    1 PECHE
    1 PERSEVERANCE
    1 REGLES DES RELIGIEUX
    1 SOLITUDE
    1 VANITE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VERTU DE PAUVRETE
    1 VOEUX DE RELIGION
    1 VOLONTE PROPRE
    2 MARIE-MADELEINE, SAINTE
    2 PAUL, SAINT
    3 LIBAN
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • 28 mars 1875
  • 28 MAR 1875
La lettre

Mes chères filles,

Si ces paroles de saint Paul: « votre vie doit être cachée avec Jésus-Christ en Dieu », étaient adressées aux premiers chrétiens, ne doivent-elles pas s’appliquer d’une manière toute particulière aux religieuses dont la vie doit être une mort continuelle. Vous devez être mortes au monde que vous avez quitté, mortes à vos parents que vous avez laissés pour ne vous attacher qu’à Dieu seul, et mortes enfin à vous-même, c’est-à-dire dépouillées de tout sentiment personnel, de toute vue humaine pour vous ensevelir avec Jésus-Christ dans ce tombeau de l’oubli de tout ce qui est créé et qui est Dieu lui-même. De même que le corps d’une personne morte est voué à cette solitude effrayante du tombeau plus terrible pour ceux qui confient à la terre une personne aimée que pour cette personne elle-même dont le corps ne sent plus rien, de même toute religieuse doit mourir pour être ensevelie, mais non de cet ensevelissement ordinaire; votre solitude ne sera point complète et votre tombeau sera partagé avec Jésus-Christ qui n’a voulu se faire homme qu’afin de s’ensevelir avec vous dans la tombe et être ainsi le principe de votre résurrection. Comme le grain de blé confié à la terre est obligé de mourir pour germer et produire le 20, le 30, le 60, et le 100, de même si votre mort est complète, le principe de vie qui est en vous opérera pleinement sa résurrection. Et suivant la perfection de votre résurrection en Jésus-Christ vous jouirez d’une vie plus ou moins abondante. Un malade dans son lit est aussi bien vivant qu’une personne en bonne santé mais l’un a une surabondance de vie et de force que l’autre ne possède pas. Voyez, mes chères filles, dans quelle mesure vous êtes ressuscitées et alors dites-moi que seront les prétentions, la vaine gloire, la jactance d’une religieuse? Rien: absolument rien, qu’un vain mensonge, une faible fumée que le moindre vent dissipe.

Une chose qui devrait rendre jaloux notre sexe, c’est que Notre-Seigneur a choisi une femme comme premier témoin de sa résurrection. Il est dit dans l’Evangile: Les Saintes femmes étant allées au tombeau du Sauveur, portant des parfums pour l’embaumer, virent un ange qui leur annonça que Jésus-Christ était ressuscité et qu’il les précéderait en Galilée. Elles s’en furent aussitôt racontant ce qu’elles avaient vu. Pour Madeleine, elle est venue elle aussi à ce même tombeau, ne portant pour tout parfum que son ardent amour et c’est ce même amour qui la retient encore auprès de cette tombe chérie qu’elle ne peut plus quitter. Mais cette persévérance ne tarde pas à être récompensée et lui mérite de voir Notre-Seigneur et d’entendre cette parole consolante et pleine de douceur: Marie. Elle reconnaît alors Celui qu’elle cherche et s’écrie: Rabboni (Maître). Mais Notre-Seigneur lui dit aussitôt: Noli me tangere, ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Attends, ô Madeleine, que ce corps glorifié soit caché sous les voiles eucharistiques et alors non seulement tu le toucheras mais même il deviendra ta nourriture. Cependant cette femme à qui le Seigneur parle, avait beaucoup péché; mais ses fautes nombreuses et qui avaient été pardonnées sont oubliées de Dieu, elles ne servent plus maintenant que d’aiguillon à son amour et en augmentent sans cesse l’ardeur. Vous aussi, mes filles, que le souvenir de vos fautes soit un excitant qui donne à votre coeur un élan tout nouveau pour aimer Celui qui vous a tant aimées. Madeleine la pécheresse pénitente est donc la première qui ait vu le Sauveur ressuscité. Quant à moi je crois bien que Notre-Seigneur avait dû apparaître déjà à sa sainte Mère; mais il n’en est point question dans l’Evangile.

Plus heureuses que Madeleine, mes chères filles, si vous n’avez pas vu le Seigneur ressuscité, vous avez eu le bonheur de le recevoir dans votre coeur, il s’est fait votre nourriture et maintenant il ne tient plus qu’à vous de profiter de sa résurrection en vous transformant dans une vie toute nouvelle d’amour et de ferveur. Ce seront toujours les mêmes emplois à remplir, la même pauvreté, la même chasteté, la même obéissance que vous observerez; mais toutes ces choses il faut les faire avec un esprit tout nouveau, une âme vraiment ressuscitée.

Voyez, mes enfants, quelle belle chose que la pauvreté, elle nous rapproche de la nature même de Dieu car un corps glorieux n’a besoin de rien et plus on se rapproche de la nature glorifiée moins est grande la nécessité des biens de la terre. La richesse n’est donc après tout que la marque d’une grande pauvreté. Notre-Seigneur ressuscité n’a nul besoin de vêtements et de nourriture et si vous le voyons encore manger et converser avec ses apôtres et ses disciples, c’est pour prouver au monde la vérité de sa résurrection.

Pour cette fleur admirable et délicate de la chasteté qui a fait dire aux Pères de l’Eglise que l’âme humaine qui s’adonne à cette vertu est comme un ange dans un corps mortel, que vous dirai-je à mon tour? Sinon qu’elle attire les regards bienveillants de Dieu et nous fait mériter toutes les tendresses du coeur de l’Epoux divin. Aussi voyons-nous dans le Cantique des Cantiques Notre-Seigneur prodiguer à son épouse chérie les noms les plus suaves et les plus doux: Mon Elue, ma bien-aimée, dit-il, viens à moi; soit que vous arriviez des hauteurs du Liban siège de l’amour, de la vallée des neiges emblême de la pureté ou des lieux arides et déserts figure de la pénitence, allez toujours à Jésus afin qu’il soit votre bonheur et votre récompense.

Enfin parlons de l’obéissance, vertu sublime qui embrasse toutes les autres et par laquelle nous donnons à Notre-Seigneur des preuves de notre amour et de notre dévouement. Par l’obéissance nous sacrifions à Dieu ce qu’il y a de plus intime en nous, c’est-à-dire cette propriété d’agir que l’on nomme la volonté et qui nous fait suivre ou combattre tout ce qui s’oppose ou se rapporte à nos vues et aux désirs de votre coeur. Cette volonté ainsi offerte à Notre-Seigneur est le sacrifice le plus agréable qu’une âme puisse lui faire, aussi pouvons-nous dire que notre perfection consiste à faire pleinement la volonté de Dieu. Plus nous la ferons sur la terre, plus notre volonté sera conforme à celle de Notre-Seigneur et finira par ne faire plus qu’une avec la sienne. C’est de cette façon que les Saints forcent pour ainsi dire Dieu lui-même de faire leur volonté, c’est-à-dire qu’ils sont arrivés à un tel degré de perfection qu’ils ne peuvent plus vouloir que ce que Dieu veut. Mais pour arriver là il faut beaucoup aimer et pour aimer il faut aussi connaître car on ne peut aimer que ce que l’on connaît; or comment connaître la volonté de Dieu. Pour vous, mes filles, la chose est très facile; cette volonté vous est manifestée par votre règle, par les commandements ou même les désirs de vos supérieurs. Appliquez-vous à porter une grande attention à cette obéissance, à la voix de Dieu. Vous pourrez avoir des moments de trouble, des moments d’inquiétude et d’ennui. Notre divin Maître a bien voulu ressentir aussi ces troubles et ces combats dans sa sainte humanité; mais à son exemple dites à votre Père qui est dans les cieux: Seigneur, non pas ma volonté mais la vôtre, Mon Dieu que votre volonté soit faite. Alors vous sentirez bientôt le calme et la paix rentrer dans votre coeur et de plus vous aurez acquis un nouveau mérite pour l’éternité. Connaissant la volonté de Dieu, attachez-vous-y fortement, aimez-le et que son accomplissement soit votre bonheur sur la terre comme il sera un jour votre bonheur et votre récompense dans le Ciel.

Notes et post-scriptum