Aux Oblates de l’Assomption

29 MAR 1875 Oblates

Les disciples d’Emmaüs.

Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
    Instruction du Lundi de Pâques. - 29 mars 1875
  • CN 16, pp. 65-67.
Informations détaillées
  • 1 ABAISSEMENT
    1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 AMOUR DIVIN
    1 AMOUR DU CHRIST
    1 APPARITIONS DE JESUS-CHRIST
    1 BON EXEMPLE
    1 CHARITE DE JESUS-CHRIST
    1 DEMARCHE DE L'AME VERS DIEU
    1 DESESPOIR
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 ESPERANCE
    1 ESPRIT DE COMMUNAUTE
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FOI
    1 HYPOCRISIE
    1 JANSENISME
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 JOUISSANCE DE DIEU
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 OBLATES
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 RECHERCHE DE DIEU
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 SACRILEGE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 TIEDEUR
    1 TRISTESSE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    2 CATHERINE D'ALEXANDRIE, SAINTE
    2 MARIE-MADELEINE, SAINTE
    2 PIERRE, SAINT
    3 EMMAUS
    3 ISRAEL
    3 JERUSALEM
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • 29 mars 1875
  • 29 MAR 1875
La lettre

Mes chères filles,

Je profite pendant ces vacances que vous êtes toutes réunies pour vous adresser quelques instructions afin de vous donner un nouvel élan pour le bien, exciter vos coeurs, les embraser du plus ardent amour pour Notre-Seigneur et vous faire comprendre de plus en plus la beauté de votre vocation et l’obligation où vous êtes de devenir des saintes. Méditons quelques instants sur l’Evangile de ce jour: c’est le miracle de l’apparition de Notre-Seigneur aux disciples d’Emmaüs. Il est dit: En ce temps-là, deux disciples de Jésus allaient à un bourg nommé Emmaüs. Pourquoi ces hommes quittent-ils Jérusalem? C’est qu’ils croient dans leur ignorance que tout est perdu depuis qu’ils ont vu leur maître traîné ignominieusement jusqu’au sommet du calvaire et crucifié comme un malfaiteur; leur foi a chancelé, leur espérance s’est évanouie. Ils s’en allaient pleins de tristesse rêvant le rétablissement de ce royaume d’Israël qu’ils avaient espéré mais leur intelligence grossière leur faisait concevoir un royaume terrestre et déçus dans cette espérance ils ne voyaient plus en Jésus qu’un simple prophète. Il en est de même de certains chrétiens qui, en voyant les persécutions, les malheurs de l’Eglise, finissent par douter de sa divine origine, pauvres ignorants qui ne savent pas découvrir la beauté toute divine de l’Epouse du Christ au milieu de ces outrages, de ces persécutions, de ces ignominies. – Que font les disciples pendant la route? Ils s’entretiennent de Jésus, leur conversation est sainte. Or, pendant qu’ils conversaient, Jésus lui-même les joignit et se mit à marcher avec eux. Jésus a pitié d’eux, il voit leur désespoir, leur tristesse, il ne veut pas les abandonner, c’est pour cela qu’il vient à eux; mais leurs yeux étaient comme fermés en sorte qu’ils ne pouvaient le reconnaître. Que de fois, mes chères filles, Notre-Seigneur viendra aussi près de vous et vous ne pourrez le reconnaître, il se cachera, il se cache peut-être; vous le croyez bien loin et il se trouve dans votre coeur. Ne savez-vous pas ce trait de sainte Catherine, assaillie par une tentation violente elle cherche son Dieu et ne le trouve pas, mais après ce moment d’épreuve Jésus lui apparaît et comme Catherine se plaint et lui dit: Seigneur, où étiez-vous donc? Elle entend cette divine réponse: Ma fille, j’étais au milieu de ton coeur. Et croyez que vous serez traitées de la même sorte si Notre-Seigneur veut bien faire de vous des religieuses parfaites. Mais pour attirer le regard de Dieu il faut toujours savoir occuper son esprit de choses saintes et que le souvenir de Notre-Seigneur se retrouve sans cesse dans nos conversations, alors nous ne craindrons pas d’en rendre compte de même que les disciples d’Emmaüs n’eurent aucune crainte de rendre compte de leurs discours. Les disciples étaient tristes parce qu’ils pensaient aux souffrances du Sauveur. Mes filles, il est une tristesse mauvaise que les Pères du désert nommaient un huitième péché capital, mais il y a aussi une sainte tristesse que vous devez avoir, tristesse qui s’oublie elle-même, tristesse qui provient, qui est causée par le souvenir des souffrances de Notre-Seigneur, par la vue du mal qui se commet, des communions mauvaises, des sacrilèges qui se font. O mon Dieu, revêtez mon âme de cette tristesse qui est votre apanage, qu’elle s’y ensevelisse et y demeure à jamais. C’est cette tristesse sainte qui attire Notre-Seigneur vers les disciples d’Emmaüs, il s’approche d’eux et il les interroge. Ceux-ci lui racontent alors les souffrances et la mort de leur divin Maître. Notre-Seigneur fait l’étonné, il a l’air de ne rien savoir, d’ignorer tout. Pour vous aussi, Jésus aura l’air parfois de ne porter nulle attention à ce que vous faites, d’ignorer vos désirs. Vous ne savez donc pas comment ce prophète a été crucifié: Nos autem sperabamus. Nous espérions, ils n’espèrent plus maintenant. Etats affreux de désolation, états terribles et souffrants par lesquels doit passer toute âme qui tend à la perfection. En perdant l’espérance ils ont perdu aussi la foi, ils n’ont point cru au récit des saintes femmes qui leur avaient annoncé la résurrection du Sauveur. Mais Jésus va les instruire maintenant; d’abord il commence par leur dire des injures: O stulti et tardi corde ad credendum. O stupides, ô insensés, que votre coeur est tardif à croire ce que vous ont annoncé les prophètes et ce qu’on vous expliquait depuis déjà trois ans. Ne fallait-il pas que le Christ souffrît et qu’il entrât ainsi dans sa gloire; une fois le moyen pris, il fallait agir dans le même sens. Jésus-Christ a choisi pour Lui la souffrance, il l’a choisie aussi pour ses épouses et vous comprendrez alors comment tant qu’on ne s’est pas arraché soi-même à soi-même, tant qu’on n’a pas pour ainsi dire brûlé ses vaisseaux avec Notre-Seigneur, on ne peut lui appartenir entièrement. Si vous n’avez pas tout sacrifié, vous n’êtes pas son bien, sa propriété enfin, vous ne possédez pas encore cette sagesse véritable. Aussi l’obligation d’une personne qui dirige certaines âmes, c’est de voir si elles sont encore stupides et insensées ou si on a affaire à des âmes saintement raisonnables. Jésus, en expliquant les Ecritures aux disciples d’Emmaüs fait briller à leurs yeux la lumière de la vérité. Examinez, je vous prie, si vous aimez la lumière et voyez de quelle manière vous devez aller à Jésus. Il a fallu que le Christ souffrît, il faut aussi que les épouses du Christ souffrent. La nature frémit et se trouble mais Notre-Seigneur n’a-t-il pas frémi lui-même et je comprends que si vous vous êtes données à Notre-Seigneur d’une certaine façon il y a de quoi frémir en effet. Il faut s’attendre à des persécutions, à des épreuves de tous genres, et votre vocation d’Oblate doit vous faire envisager avec joie les souffrances les plus grandes, les douleurs les plus poignantes. Une Oblate doit être prête à quitter sa patrie, ses parents, ses soeurs et doit s’attendre au martyre. Lorsque vous baisez votre crucifix, vous pouvez vous dire qu’un jour peut-être vous serez aussi crucifiées ou pendues. La mesure de vos souffrances sera la mesure de votre mérite et de votre perfection; ne souffrez-vous que peu de chose, c’est une preuve que Notre-Seigneur ne vous juge pas capables de marcher à sa suite au sommet du calvaire, il semble vous laisser de côté; souffrez-vous beaucoup, mais acceptez-vous mal la souffrance, cela ne vaut guère mieux. Vous livrez-vous aux austérités, à la pénitence, vous avez l’esprit janséniste qui est, disent les Pères de l’Eglise la manière la plus triste de se damner; mais souffrez-vous avec bonheur, aimez-vous la souffrance, voilà le vrai moyen d’aller à Jésus-Christ dans la plus grande perfection. La souffrance est donc le baromètre de votre perfection et plus vous l’acceptez avec joie plus vous ressemblez à votre divin modèle Jésus-Christ, qui s’étant proposé une très grande joie est allé au sommet du calvaire embrasser cette croix chérie, objet de ses désirs. La souffrance, l’immolation, la donation de soi-même, voilà le terme de la perfection vers lequel vous devez tendre.

Lorsqu’ils furent près d’Emmaüs, il fit semblant de passer outre. Notre-Seigneur agit de même avec les âmes mais à l’exemple des disciples d’Emmaüs sachons le retenir auprès de nous. Il est des gens qui laissent partir Jésus, d’autres qui le retiennent par politesse; que de gens qui ont l’air fervent et qui ne le sont pas; mais cette manière forte, énergique, de retenir Notre-Seigneur, voilà où est la perfection, il faut savoir lui faire violence. Restez avec nous, nous ferons un peu plus connaissance, c’est l’âme qui aux pieds de Jésus voit la nécessité de corriger certains défauts, de pratiquer certaines vertus, de lui offrir tel ou tel acte comme preuve de son amour. Notre-Seigneur aime qu’on lui fasse violence. Il est certaines personnes qui prennent pour prétexte leur indignité; il y a le sentiment vrai de l’indignité qui comme dans le centurion de l’Evangile, est admiré mais il y a aussi un sentiment faux de l’indignité. Allez à Jésus en toute confiance, cet abandon de votre coeur lui plaira et d’un seul mot il peut faire jaillir dans votre âme une grande lumière. Jésus rentre donc avec eux puis comme ils étaient à table il prit du pain, le bénit, le rompit et le leur présenta. Aussitôt leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Les moments de Notre-Seigneur sont fugitifs; ils reconnaissent Jésus, mais il disparaît. La perfection est comme un perpétuel évanouissement de Notre-Seigneur puis il revient à l’âme qui le cherche pour disparaître encore; mais ces évanouissements loin de laisser comme les joies du monde, l’ennui et le dégoût, ne laissent à l’âme si elle est fidèle, qu’un amour ardent pour Notre-Seigneur, un désir tout nouveau pour le bien afin de mériter les joies de sa présence. Est-ce que votre coeur n’était pas tout de feu au jour béni d’une première communion, d’une prise d’habit, de tel jour caché et connu de vous seule; il y a eu des moments où vous l’avez reconnu, le reconnaissez-vous encore? je n’en sais rien; mais soit que vous jouissiez de sa divine présence soit que vous en soyez privées, renouvelez-vous dans la ferveur, transformez-vous dans une vie nouvelle, ce doivent être là les fruits du carême; comme une petite plante que le soleil fait croître, que Jésus-Christ, divin soleil de justice vienne embraser vos coeurs et faire grandir en vous cette volonté pour tout ce qui est bien. Vous êtes peu de chose, mes filles, laissez-vous faire; écoutez la voix de Jésus-Christ, il vous parlera, vous grandirez sous son regard et comme le voyageur qui s’élève découvre sans cesse des horizons nouveaux, à votre tour, vous découvrirez des choses toutes nouvelles, vous vous sentirez saisies par l’amour divin, vous ne serez plus vous, votre transformation sera complète et ce sera le résultat de vos conversations intimes avec votre Dieu, mais sachez alors ouvrir votre coeur tout entier afin que Jésus-Christ en prenne pleinement possession. L’amour fait faire des choses extraordinaires, nous avons entendu les disciples dire à Jésus: Il se fait tard, et maintenant qu’ils ont reconnu le Sauveur ils partent à l’heure même pour Jérusalem. En général, lorsqu’on reçoit une grâce nouvelle, on éprouve le besoin de la faire connaître; vous, mes filles, lorsque Notre-Seigneur vous favorise de quelques nouvelles faveurs, contentez-vous de les communiquer par votre conduite régulière, vos bons exemples, votre manière de faire. Il est bon d’être plusieurs réunis puisque le Saint-Esprit a dit: malheur à celui qui est seul; mais alors sachons nous édifier mutuellement à l’exemple des Apôtres en parlant de Jésus-Christ avec beaucoup d’amour; ils se racontent comment le Sauveur a apparu à Madeleine, à Simon, aux disciples d’Emmaüs. Remarquez, mes chères filles, que Jésus-Christ, dans ses apparitions, ne suit aucun ordre par un divin caprice et va où bon lui semble. Appelez-le dans votre coeur et dites-lui: il se fait tard, Seigneur, demeurez avec moi jusqu’à ce que je puisse jouir de vous dans le ciel. Souvenez-vous que vous êtes appelées chacune à un degré différent de sainteté et que par votre ferveur vous devez consoler le coeur de votre divin Epoux et le dédommager des natures lâches, tièdes et molles qui l’offensent sans cesse. Tâchons de mériter par l’ardeur de notre amour d’aller à Lui en toute confiance quand l’heure de la résurrection aura sonné pour nous.

Notes et post-scriptum