Aux Oblates de l’Assomption

2 APR 1875 Oblates

L’apparition de Jésus ressuscité aux Onze et la mission qu’il leur donne.

Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
    Instruction de vendredi [de Pâques]. - 2 avril 1875
  • CN 17, pp. 76-78.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 AMOUR DU PROCHAIN SOURCE DE L'APOSTOLAT
    1 APOTRES
    1 APPARITIONS DE JESUS-CHRIST
    1 CHRIST CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 CORRECTION FRATERNELLE
    1 CRITIQUES
    1 DOUTE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 FOI
    1 HUMILITE
    1 INCONSTANCE
    1 ITALIENS
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 OBLATES
    1 ORAISON
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 QUATRIEME VOEU DES OBLATES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 SOUVERAINETE DIVINE
    1 TIEDEUR
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 MARIE-MADELEINE, SAINTE
    2 PIERRE, SAINT
    3 EMMAUS
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • 2 avril 1875
  • 2 APR 1875
La lettre

Mes chères filles,

L’Evangile aujourd’hui vous est parfaitement approprié, c’est l’apparition de Notre-Seigneur aux onze disciples et le moment où il leur donne la mission d’aller enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Remarquez tout d’abord la manière dont les apôtres acceptent l’apparition de Notre-Seigneur: en le voyant ils l’adorèrent, plusieurs crurent et un certain nombre doutèrent encore, quelle contradiction dans cette manière de faire, ils adorent et ils doutent. Il en est souvent ainsi dans une communauté, il y a des hauts et des bas, des moments de ferveur et des moments de lâcheté. Quand à quinze jours de là ils auront reçu le Saint-Esprit, leurs intelligences s’ouvriront et ils comprendront enfin ce que c’est que cette Eglise que Jésus est venu fonder en ce monde. Ils ont répondu à l’appel de Jésus qui les a fait venir sur une montagne. A vous aussi, Jésus a montré une montagne pour vous élever à lui, c’est votre communauté. – Quidam autem dubitaverunt. La beauté d’une communauté c’est l’absence des doutes et l’ardeur pour le bien. Cependant malgré leur doute Jésus s’approche d’eux; voilà qui est une grande consolation pour certaines âmes qui vont et viennent dans la pratique de la vertu, elles se donnent un instant, se reprennent pour se donner encore; âmes peu généreuses, Notre-Seigneur a encore pitié de vous et il veut bien vous soutenir et vous encourager de sa présence. Il y a dans le monde des gens qui feignent d’être ce qu’ils devraient être, ceci est mal; mais il en est d’autres qui feignent de feindre et moi-même il m’est arrivé avec les gens qui voulaient m’attraper d’avoir l’air de m’y laisser prendre, quant au fond je savais parfaitement à quoi m’en tenir. On raconte d’un certain cardinal qu’il dit un jour en parlant d’une personne qui voulait user de ruse: je lui ai laissé croire qu’il était plus fin que moi. Il est des circonstances où l’on est obligé de feindre de cette façon et à l’exemple des Italiens de donner pour réponse ce mot qui ne dit rien: que voulez-vous. Mais pour Notre-Seigneur il ne faut pas aller par ces quatre chemins. Jésus-Christ veut qu’on croie fermement en Lui; pour convaincre ses disciples il a apparu à Marie-Madeleine, à Simon, aux disciples d’Emmaüs et maintenant il apparaît aux onze et à un grand nombre de personnes qui étaient avec eux. Mes filles, pour vous, vous avez la foi mais vous laissez-vous conduire par cet esprit de foi qui nous fait voir Dieu en tout. Il y a des personnes très habiles qui veulent de Notre-Seigneur tout en n’en voulant pas. C’est tout a fait comme une personne qui m’écrivit pour me demander à être Oblate à condition qu’elle n’irait pas en mission. Je lui répondis que le caractère particulier de l’Oblate se trouvait précisément dans ce quatrième voeu qui l’oblige de quitter et patrie et parents dès que ses supérieurs en auront ainsi décidé. Mais pour revenir à vous, mes chères enfants, examinez un peu sérieusement si vous n’êtes pas des filles de doute lorsque vous savez que la figure de ce monde passe et que cependant vous vous y attachez; n’êtes-vous pas des filles de doute lorsque par rapport à l’humilité vous vous croyez encore quelque chose. N’êtes-vous pas des filles de doute quand sachant que la charité est un précepte de Notre-Seigneur, vous le violez quand même; et pour l’obéissance, Jésus-Christ lui-même vous a donné l’exemple puisqu’il s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix; vous, vous avez besoin d’être soutenues, l’obéissance est là pour vous aider mais vous refusez son secours, ses ailes qui devraient vous porter vous embarrassent. Et dans votre oraison, que de distractions, de moments perdus pendant lesquels vous n’êtes pas avec Dieu, je ne parle pas de ces distractions involontaires que l’âme repousse et qui sont pour elle une occasion de mérite; mais de ces distractions très volontaires, de ces instants pris à Dieu, d’une personne enfin qui pouvant méditer ne le fait pas; et avec ce temps que l’on perd, l’heure de l’oraison passe et quelles sont, dites-moi, les résolutions que vous avez prises. Ne disons donc pas tant de mal des personnes qui doutèrent car nous aussi nous doutons et nos doutes se traduisent par notre lâcheté, par notre tiédeur. Si vous imitez l’exemple des saintes femmes, que vous alliez à l’adoration comme elles, je vous déclare en mon âme et conscience que vous feriez bientôt des progrès et croyez bien que si vous avez fait déjà quelques progrès, vous devez voir les choses tout autrement que ce que vous les aviez vues à votre rentrée, et dans 20 ans si vous avez avancé dans le chemin de la perfection vous verrez encore tout autrement que ce que vous voyez. Supposez qu’on veuille faire de vous une statue, vous êtes un bois précieux mais vous n’êtes encore qu’à l’état de bûche, quelques-unes commencent à être ébauchées mais il faut accepter d’être sculptées, c’est-à-dire que l’on coupe, que l’on retranche ce qui doit être retranché et c’est Jésus lui-même, ce céleste ouvrier qui vient travailler vos âmes; alors voyez un peu ce que c’est que l’adoration mais c’est une vie tout entière. Vous devez sans cesse reconnaître le suprême domaine de Dieu sur votre coeur, sur votre intelligence, sur votre volonté. Une fille de foi agit, marche, travaille, monte et descend en adorant Dieu, elle va à la chapelle et elle fait provision pour le reste de la journée, pour les moments où elle pourra être distraite de cette pensée unique qui fait sa joie. Quand vous serez-vous enfin appliquées à retrancher tous ces sentiments qui ne sont pas conformes à la volonté de Dieu? Qu’est-ce que Dieu vous demande? Est-ce tout ou un peu? Vous, mes filles, qui êtes appelées à une certaine perfection, vous êtes obligées de reconnaître que Dieu vous demande tout et que vous devez ne vous réserver rien. Il est dit dans l’Evangile que Notre-Seigneur reproche à ses apôtres leur incrédulité. C’est très extraordinaire que Notre-Seigneur fasse encore des reproches à ses disciples, si près du moment où il doit les quitter. Je crois que Notre-Seigneur a voulu être l’exemple des supérieurs et les consoler en même temps de l’obligation où ils sont de faire des reproches et leur montrer aussi qu’il faut avoir le courage de son opinion.

Toute puissance, dit Jésus, m’a été donnée au ciel et sur la terre. Oh! mes chères enfants, si vous pouviez bien comprendre cette chose, qu’il n’y a dans la perfection que cela: Notre-Seigneur Jésus-Christ lui seul est beau, lui seul est bon et c’est vers lui que nous devons tendre sans cesse. Ce n’est point seulement comme Dieu mais encore comme homme que toute puissance lui a été donnée. S’il est donc vrai qu’il ait reçu toute puissance sur la terre il l’a donc aussi sur votre âme. Méditez sérieusement sur ce point et alors voyez pourquoi ces révoltes, ces impatiences, ces murmures. Jésus-Christ a la toute-puissance sur la terre où je suis, il l’a aussi au ciel où je dois aller, je dois donc être toute disposée à me laisser tourmenter comme dit le prophète. Toute puissance vous a été donnée, ô Jésus, et je voudrais encore élever contre vous la puissance du péché, la puissance du mal? Qu’il n’en soit pas ainsi! et que cette divine puissance que je ne connais pas encore s’empare de mon âme et de toutes les âmes qui lui ont été données par Dieu le Père pour les façonner selon votre désir, Seigneur, et les guider dans les voies de la perfection que vous leur avez choisies. Quelle différence, dites-moi, entre le coeur d’une simple chrétienne et le coeur dévoué d’une véritable épouse de Jésus-Christ, ce coeur qui est terre et ciel en même temps, terre par sa nature matérielle, ciel par ses aspirations élevées, par ses sentiments presque divins. Aimez avec ardeur et laissez faire à Jésus tout ce qu’il veut en vous, ne craignez pas d’y perdre, il y a des âmes privilégiées, et vous êtes de ce nombre, appelées à recevoir comme un surcroît de bénédictions et de faveurs, ce sont toutes les grâces que les mauvais chrétiens refusent. Ainsi l’on peut dire que l’impiété des uns est comme un gage de sainteté pour les autres, et si un jour vous n’êtes pas assises sur des trônes magnifiques je vous le dis en vérité, ce sera bien votre faute. C’est un époux, c’est un fiancé qui vous offre ces grâces et sollicite votre coeur, lui refuserez-vous ce don de vous-même, rejetterez-vous l’amour de Celui qui vous a tant aimées. Pour vous, mes filles, appelées à aller dans les missions étrangères, écoutez ces paroles de Notre-Seigneur: Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ce commandement sans doute est donné aux évêques, successeurs des apôtres et aux prêtres, mais il est aussi adressé à vous et c’est dans les pays lointains, sur ces terres inhospitalières que vous serez vraiment apôtres et évangélistes. Mais il faut être digne de cette mission admirable et n’être pas de ceux qui doutèrent; il faut aimer Notre-Seigneur et l’adorer dans ses desseins miséricordieux et possédant une immense liberté de coeur être prêtes à aller partout où l’on vous enverra. – Et voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. Notre-Seigneur vous promet d’être sans cesse auprès de vous, pour être votre soutien, votre appui, votre guide. Que puis-je craindre si Jésus est avec moi et que dois-je espérer de sa bonté divine. L’amour des âmes, le désir sincère de les sauver, tel est le caractère de votre sublime vocation et tels sont les moyens pour établir sur la terre le royaume de Dieu. A la fin du monde un ange viendra et jurera, par la mer, par la terre et par le ciel, que les temps ne sont plus. Mais en attendant travaillons avec ardeur, ne considérons point nos succès particuliers mais plutôt ce beau travail d’ensemble qui honore toujours Dieu et fait que les mondres de nos actions lui sont cependant agréables. Eh bien, mes filles, ayez ce zèle, embrasez-vous de l’amour des âmes, mortifiez-vous, et quand on vous enverra loin pour sauver de pauvres âmes, que Jésus-Christ soit avec vous, et qu’il soit aussi votre récompense un jour, et celle des âmes que vous aurez sauvées.

Notes et post-scriptum