Aux Oblates de l’Assomption

10 MAY 1875 Oblates

Le don d’intelligence.

Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
    Instruction du 10 mai 1875
  • CN 18, pp. 93-94.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU CHRIST
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DON D'INTELLIGENCE
    1 DONS DU SAINT-ESPRIT
    1 FOI
    1 IDEES DU MONDE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 MOTIFS DE L'APOSTOLAT
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 PARESSE
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PURETE D'INTENTION
    1 SAINTS DESIRS
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 VANITE
    1 VIE DE SILENCE
    1 VISION BEATIFIQUE
    1 VOIE UNITIVE
    2 MARIE DE L'INCARNATION GUYART, BIENHEUREUSE
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • 10 mai 1875
  • 10 MAY 1875
La lettre

Mes chères enfants,

Le sujet que j’entreprends aujourd’hui de vous développer c’est le don de l’Intelligence, deuxième don du Saint-Esprit. Et sur lui se reposeront la sagesse et l’intelligence. L’intelligence qui correspond plus spécialement à la foi éclaire notre âme et la rend plus apte à saisir les vérités cachées de Dieu. La Foi, vertu infuse de Dieu nous fait atteindre et saisir ce que nous ne pouvons comprendre; l’intelligence du Saint-Esprit en illuminant notre entendement lui fait concevoir certaines vérités cachées tout en lui montrant l’impuissance où il est d’approfondir les mystères de Dieu. Il est un principe dans les mathématiques qui dit: que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux angles droits. Cette chose qui au premier abord vous semble si difficile à comprendre est cependant si claire, si simple et si vraie qu’elle est passée en axiome. Vous avez sans doute entendu parler de l’accident de trois Messieurs morts en ballon il y a près d’un mois. Le ballon s’étant élevé trop rapidement et l’air venant à leur manquer, ils ont été suffoqués et deux d’entre eux sont morts. De même que pour les aéronautes il est un moment où ils ne peuvent plus monter, de même dans l’ordre surnaturel nous sommes aussi arrêtés et nous ne pouvons nous élever plus haut sans un secours divin. La foi nous soutient à une certaine hauteur mais c’est par le don d’intelligence que nous découvrons plus clairement certaines vérités. Vous passez devant une porte, on vous dit que c’est celle d’une chapelle, vous ne l’avez pas vue mais cependant vous le croyez. Telle est la foi par rapport à la vérité. A présent vous rentrez dans la chapelle mais si elle est entièrement fermée, vos yeux n’y distingueront rien encore. Si l’on donne un peu de jour vous commencez à voir les objets qui y sont renfermés mais vous ne pouvez encore les apprécier et découvrir leur beauté. Enfin si les rayons du soleil pénètrent dans cette chapelle, si une lumière vive et abondante l’éclaire pleinement vous jouirez de ces beautés qui vous étaient cachées découvrant toujours quelques nouveaux chefs-d’oeuvre, quelques splendeurs inconnues. Ainsi en est-il dans la vie spirituelle mais ce troisième état de la jouissance pleine et entière de la lumière est le partage des âmes béatifiées et ce n’est qu’au ciel qu’il nous sera donné. La science n’est rien pour cette intelligence des choses divines et l’on voit des personnes ignorantes avoir des lumières que les gens instruits et les savants les plus distingués n’ont pas. L’autre jour, je vous parlais de Soeur Marie de l’Incarnation, à la béatification de laquelle on travaille. Eh bien, cette simple religieuse qui avait une science bien modeste s’exprime avec une telle précision dans ses ouvrages théologiques qu’on en est dans l’admiration.

Est-il utile de posséder cette intelligence extraordinaire, mes filles? A cela je répondrai oui et non; oui si vous savez en faire un bon usage, si vous n’en êtes ni plus orgueilleuses, ni moins modestes; non si au contraire vous en tirez vanité et que vous offensiez Dieu avec ses propres dons. Il est différentes manières d’agir, différents états dans la perfection. Ainsi vous donnez aux pauvres parce que vous aimez les pauvres, c’est une bonne chose, une excellente chose d’avoir bon coeur; à présent vous leur donnez parce que Notre-Seigneur a dit: donnez et vous recevrez et qu’il nous a fait un précepte de la charité; le motif est meilleur encore. Enfin vous voyez dans le pauvre Notre-Seigneur lui-même et c’est par amour pour Notre-Seigneur que vous les servez, que vous les aimez; voilà le sentiment purement surnaturel qui domine, voilà ce qui est le plus agréable à Dieu. Ce que je vous dis pour les pauvres, je le dis de tout ce que vous pouvez faire pendant votre journée, de vos actions les plus humbles, les plus petites. Lorsque vous vous levez, lorsque vous travaillez, faites-le pour Dieu, lorsque vous parlez, ne le faites que par un motif surnaturel et croyez qu’alors vous ne parlerez pas trop longtemps. Parlez à Dieu dans le fond de vos coeurs, dites-lui quelquefois même ce que vous avez envie de dire à vos supérieurs et soyez sûres que vous vous en trouverez bien. Il est bon et utile de parler, de se faire connaître, mais parfois il est très bon et très utile de savoir se taire. Grand nombre de tableaux du Moyen-Age représentent Notre-Seigneur Jésus-Christ enfant, un doigt sur la bouche. Cela nous marque qu’il est le Verbe de Dieu, la parole incarnée mais cela nous enseigne aussi que nous devons savoir nous taire. Vous rappelez-vous, mes filles, à quelle béatitude correspond l’Intelligence?… C’est à la pureté de coeur, Notre-Seigneur purifie les coeurs par la foi; de même que dans l’ordre naturel l’air est purifié par la lumière et la chaleur. Le don d’intelligence purifie notre coeur, il faut donc exercer notre intelligence par la méditation. Rien n’est pur comme Dieu et rien aussi n’est purifiant comme Lui. La foi nous rapproche de Dieu et l’intelligence nous fait comprendre l’impossibilité où nous sommes de connaître entièrement Dieu. Dieu est et sera toujours incompréhensible et même dans la vision béatifique nous ne comprendrons pas entièrement Dieu et il n’y a que lui seul qui se connaisse et se comprenne dans ses mystères infinis. Que doit faire, mes filles, une religieuse qui tend à la perfection? Elle doit s’appliquer à connaître Dieu de plus en plus et pour cela l’étudier chaque jour, élever son âme vers lui par la méditation et se nourrir de lui. Je vais vous dire une chose qui va vous étonner; vous ne savez pas ce qui constitue votre virginité, ce n’est point seulement la pureté de votre corps mais plutôt les relations de votre âme avec Dieu. Plus ces relations seront intimes, plus votre union sera grande, plus pur sera votre coeur. Faites donc un effort généreux pour soumettre et votre volonté et votre intelligence à ce Dieu si bon, sacrifiez-lui tous ces murmures, ces négligences, ces impatiences, ces sentiments humains; laissez toute cette paresse, ce désir de paraître et d’être comptée pour quelque chose et ne vivez plus que dans l’amour de Celui qui vous a tant aimées.

Qu’est-ce que l’intelligence? ce mot peut s’interpréter de deux façons: intus legere, qui signifie lire au-dedans de soi et intus ligare signifiant lier à, unir, mettre ensemble. L’intelligence nous lie donc à Dieu, or celui qui adhère parfaitement à Dieu ne fait plus qu’un esprit avec Lui, ce sont les mêmes sentiments, la même pensée, le même amour.

L’Intelligence est donc un don du Saint-Esprit par lequel nous saisissons les vérités de Dieu et les comprenons dans une certaine mesure. Don pratique qui nous enseigne comment nous devons agir et les motifs par lesquels nous devons agir. Que nos pensées soient celles de Dieu, que nos sentiments, nos désirs, nos actions soient en tout conformes aux sentiments, aux désirs, aux actions de Jésus-Christ, notre divin modèle. La sagesse nous pousse à avoir ce désir, ce goût des choses de Dieu et l’intelligence nous fait comprendre comment nous pouvons arriver à la réalisation de ce désir surnaturel et saint.

Notes et post-scriptum