Aux Oblates de l’Assomption

13 MAY 1875 Oblates

La vertu et le don de force.

Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Instructions de 1874-1875 aux Oblates de l'Assomption
    Instruction du 13 mai 1875
  • CN 18, pp. 97-98.
Informations détaillées
  • 1 CIEL
    1 CONFESSION DU NOM DE JESUS-CHRIST
    1 CRAINTE
    1 DONS DU SAINT-ESPRIT
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 FOI
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 ORAISON
    1 QUATRIEME VOEU DES OBLATES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RESPECT HUMAIN
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTU DE FORCE
    2 JEAN, SAINT
    2 PAUL, SAINT
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • 13 mai 1875
  • 13 MAY 1875
La lettre

Mes chères filles,

Nous parlerons aujourd’hui si vous le voulez bien du don de force, ou plutôt nous examinerons la vertu de force par laquelle nous surmontons les obstacles qui se présentent à la pratique de la vertu, ce qui implique toujours une lutte pour arriver au but que l’on se propose d’atteindre. Je mange pour me nourrir, voilà un acte raisonnable mais si je mange pour le plaisir de manger, voilà qui est contraire à la raison et ainsi des autres actions de votre vie. La force dans l’ordre naturel, voyant ce qui est raisonnable lutte ensuite pour arriver au but. Dans l’ordre surnaturel il faut être dans la disposition de lutter jusqu’à la mort et le voeu que vous faites de vous consacrer aux missions va jusqu’à se dévouer, se sacrifier, perdre sa vie pour Dieu, telle est la force du martyre. J’ai dit et je le répète, la force peut se rencontrer dans l’ordre naturel et hier je voyais le portrait d’un homme mort à 67 ans et qui par deux fois s’inocula le virus de la peste pour montrer à tous que ce mal terrible ne se communiquait pas autant que ce qu’on le supposait autrefois; et ce fut lui, ce fut son courage qui détruisant ce préjugé, améliora le sort des pestiférés qui à partir de ce moment-là ne furent plus abandonnés mais au contraire soignés avec dévouement.

Une religieuse qui veut pratiquer la vertu de force ne manque pas d’occasion, car il faut être forte en effet pour accomplir son devoir, et plus cette force s’applique à la vie intérieure, à la vie religieuse, plus elle prend un caractère important. Car croyez-le, il faut une très grande force pour se faire la guerre à soi-même. Le vice opposé à la force c’est la timidité et nous entendons saint Jean dire dans l’Apocalypse que l’étang de feu, cette seconde mort, est réservé aux timides; et saint Thomas dit encore que de sa nature la timidité est un péché mortel. Il est sûr, mes chères filles, que la gravité du péché dépend de la gravité de la matière, ainsi il s’agirait de confesser ma foi, je ne le fais pas par timidité, parce que je n’ose pas, dans cette occurence le péché est mortel et dans d’autres cas au contraire il n’y a même pas péché: c’est par timidité que je n’ose pas faire cette visite, c’est encore par timidité que je n’ose pas parler à telle ou telle personne, quel mal y a-t-il à cela? aucun assurément. Mais hélas, que d’hommes qui par respect humain, parce qu’ils n’osent pas, se taisent lorsqu’ils devraient parler, cachent leur conviction, leurs sentiments lorsqu’ils devraient les faire connaître et les avouer devant tous. Je ne veux pas dire que vous ayez commis des péchés mortels touchant la vertu de timidité; mais examinez un peu cette vertu par rapport à vos devoirs religieux, dans cette circonstance la timidité serait péché mortel et digne de l’Etang de feu.

La vertu de force est-elle la plus grande de toutes les vertus? Non, mais elle ne cesse pas d’être très importante, s’appliquant à toutes les vertus et à tous les devoirs; devoirs précis, il est vrai, car elle ne les crée pas. Mais laissons si vous le voulez bien la vertu de force pour nous occuper du don de force. Il y a différentes catégories, différents degrés dans le don de force. Il y a les forts naturels, il y a la vertu de force que pouvaient posséder les payens eux-mêmes, il y a la vertu de force des chrétiens, enfin il y a le don de force donné par le Saint-Esprit; et sans ce don la pratique des conseils évangéliques nous serait impossible. Mais aussi avec la force de Dieu, qu’est-ce qui peut nous arrêter? Toute chose est possible à celui qui croit; Seigneur, donnez-moi de croire fermement afin que je puisse dire avec vérité ces autres paroles de saint Paul: Je puis tout en Celui qui me fortifie.

Vous ne vous en doutez pas, mes enfants, je donne des armes contre vous, au Saint-Esprit et à votre Mère. Elle vous aura donné un ordre qui vous agréera peu. Ma Mère, direz-vous! Je ne puis pas faire telle ou telle chose, cela m’est impossible! Ma fille, avez-vous été confirmée, et si vous l’avez été, pourquoi ne pas compter sur le Saint-Esprit qui est un esprit de force et douter de son secours. Si une épée demeurait toujours dans son fourreau, ne finirait-elle pas par se rouiller? Il en est de même du don de force, il devient inutile si on ne l’emploie pas; ne faisons pas comme le mauvais serviteur, n’enterrons pas les dons qui nous sont donnés. Mais comme c’est une chose très difficile que de faire valoir ces dons, nos supérieurs ont charge de nous forcer à les faire valoir.

Demandons au Saint-Esprit un accroissement de cette force. Si vous aviez pleinement cette vertu, les directions seraient vite faites. Considérez un peu si dans la perfection vous n’êtes pas un peu tortue. Règle générale, les gens les plus occupés sont ceux qui trouvent toujours le plus de temps. Il y a quelques années je vis un saint Curé qui passait des heures entières à prier Notre-Seigneur. Eh bien, je me rappelle avoir pensé qu’un quart d’heure de mon oraison valait bien deux heures de la sienne s’il parlait toutefois au bon Dieu comme il parlait aux hommes. Voyez un peu, mes chères filles, l’attention que vous devez apporter pour correspondre au don de force. A la bénédiction du diacre, l’évêque dit: Accipe Spiritum Sanctum, Recevez le Saint-Esprit pour avoir la force de résister au diable et à toutes ses incursions.

Je vous souhaite la force, mes filles, afin que vous soyez toujours vainqueurs des tentations et que vous surmontiez toutes les difficultés qui peuvent se présenter dans l’accomplissement de vos devoirs et de votre vocation d’Oblate, vous dévouant jusqu’au martyre s’il le faut. Que ces dispositions soient les vôtres et ne craignez rien alors de ce qui vous surviendra du côté du démon, du monde et de vous-même car la grâce de Dieu étant avec vous, vous serez victorieuses et mériterez de partager la gloire de votre divin Epoux dans le ciel.

Notes et post-scriptum