Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1875 Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le R. Père d'Alzon - 18 septembre 1875
    Quatrième instruction
  • CM 379, pp. 8-10.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 ACCEPTATION DE LA CROIX
    1 AMOUR DES AISES
    1 AMOUR-PROPRE
    1 BAVARDAGES
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 CONFESSION FREQUENTE
    1 CONTRITION
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRITIQUES
    1 DEGOUTS
    1 ENNUI SPIRITUEL
    1 ESPRIT DE COMMUNAUTE
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 INSENSIBILITE
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE CORPS
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 MANQUEMENTS A LA REGLE
    1 PARESSE
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 REPRESSION DES ABUS
    1 SCANDALE
    1 SCRUPULE
    1 SOUFFRANCE SUBIE
    1 TENUE RELIGIEUSE
    1 TIEDEUR
    1 TRAVAIL
    2 GOUSSET, THOMAS
    2 MARIE-AMELIE, REINE DES FRANÃAIS
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    3 PARIS
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 18 au 25 septembre 1875
  • SEP 1875
La lettre

Mes chères filles,

Je suis obligé d’aller un peu vite en examinant aujourd’hui ce qui s’oppose à votre sanctification. Je trouve trois choses: l’amour des aises, le dégoût dans le service de Dieu et l’abus des grâces. D’abord l’amour des aises. Ce que j’attaque ici ce n’est pas que vous sentiez des privations; mais c’est le regret que vous avez de souffrir ces privations. C’est ma soeur une telle qui a besoin de souliers fourrés, c’est ma soeur une telle dont le chauffe-pieds doit être rangé de telle manière; c’est la tisane de ma soeur une telle qui doit être faite de telle façon, etc. Aussi dans un couvent, une des obligations les plus sérieuses du noviciat doit être de faire disparaître toutes ces habitudes. L’amour des aises vous empêche d’avoir une tenue convenable, ce qui fait qu’en voyant des religieuses dans la rue on croirait parfois voir des marchandes de chaussons; que voulez-vous, on ne veut pas se gêner, c’est trop pénible! En général, mes filles, quand on tient mal son corps, on tient aussi très mal son âme. La reine Amélie a empêché le cardinal Gousset d’être archevêque de Paris pour avoir un jour enlevé son soulier afin de gratter le dessous de son pied; cependant c’était un très grand personnage que le cardinal Gousset mais dans sa jeunesse il avait gardé les troupeaux de son père et il se ressentait de cette première éducation. L’amour des aises fait encore que chacune tirant de son côté comme je l’ai dit ce matin, personne ne veut céder ni se gêner en aucune façon pour les autres. La tenue n’use pas, c’est le mauvais temps qui use. Un autre inconvénient très grave de l’absence de tenue c’est qu’elle fait jaser, qu’elle porte à un certain abandon peu convenable, à une certaine tendreté si l’on peut dire ainsi qui amène bien souvent la perte des âmes.

L’amour des aises fait encore que l’on ne travaille pas, cela fatigue, cela pourrait nuire à la santé. Si vous êtes malade, rien de mieux de vous ménager, mais si vous ne l’êtes pas, il faut travailler. Imitez en cela l’exemple du bon Père Tissot qui va bientôt revenir de mission pour se reposer. Il a 74 ans mais il compte bien encore retourner dans 3 ou 4 ans pour fonder un collège. Voilà de l’amour pour le travail et de l’ardeur pour le service de Dieu. Souvenez-vous que c’est à vos supérieurs à vous dire si vous devez vous reposer mais non à vous à en juger. Ce qui fait aimer ses aises c’est quelquefois la peur de la souffrance; on se ménage dans la crainte de ruiner sa santé; si j’allais prendre une maladie de poitrine, une irritation d’entrailles, etc., etc. Je ne croirai jamais qu’une personne qui a de telles frayeurs possède la vertu d’espérance. Le remède à tout cela c’est le mépris de son corps et l’amour du crucifix. Je ne puis comprendre que certaines religieuses portent un crucifix et osent le regarder; mais elles portent leur propre condamnation!

Laissons maintenant l’amour des aises et parlons du dégoût qui amène bientôt les confidences, les murmures et les plaintes. J’ai vu une lettre, il n’y a pas bien longtemps dans laquelle il était dit: Si je n’avais pas reçu certaines confidences je n’en serais pas où j’en suis! Le dégoût de la vie religieuse, mes filles, mais vous l’avez pris parce que vous avez pratiqué la règle avec négligence. Prenez garde, toutes ces choses n’apportent rien de bon à vos âmes et craignez de devenir par cette vie lâche et dégoûtée une communauté tiède où les voeux ne tiennent plus qu’avec quatre épingles. Malheur à la religieuse dégoûtée, son mal est contagieux; si elle s’en allait, au moins elle se damnerait seule dans le monde, tandis qu’en restant dans la communauté elle en entraîne d’autres. Mes pauvres soeurs, dira-t-elle, que vous êtes naïves de vous trouver bien dans une pareille prison où l’on meurt d’ennui. – Nous le savons, nous sommes des sottes, des bigaudes de nous plaire dans le couvent mais peu nous importe votre avis, pour vous reprenez votre liberté, voilà la porte et nous vous la fermons sur le nez. A la trappe, à cause des voeux solennels on renvoie difficilement, et s’il se trouve un religieux dégoûté, on le soumet alors à de rudes pénitences, par exemple à une forte discipline mais à mon avis la porte est encore mieux, aussi les supérieurs sont-ils dans l’obligation de supprimer les abus dès qu’ils les aperçoivent.

Le support des caractères est bien une cause du dégoût de la vie religieuse mais il faut voir aussi que cela vient quelquefois de son propre caractère. Voyez cette religieuse qui languit, pauvre fille, que c’est triste mais aussi que c’est déplorable de voir si peu de vertus et d’énergie dans son coeur. Allons, laissez-moi vous le dire, mes filles, toute religieuse qui languit est une nigaude.

Voyons à présent l’abus des grâces, nous entrons, si je puis le dire ainsi, dans le coeur de la retraite. Vous allez examiner quels sont les péchés que vous avez à déplorer et à expier en même temps. Vous n’avez ni tué, ni volé, ni fraudé, ni falsifié; mais laissons ces gros péchés et examinons le point capital pour vous qui est l’abus des grâces. Que de bénédictions, que de grâces vous avez laissé perdre depuis votre entrée en religion. Vous avez à répondre devant Dieu de tous ces moyens de sanctification que vous avez désignés et si vous examinez bien, vous découvrirez des montagnes d’ingratitude. Que de communions tièdes, lâches, sans fruits, que de confessions où vous avez peut-être caché certains péchés, certaines fautes, que de blâmes sur vos supérieurs: Telle ou telle tentation vient vous tourmenter; mais la grâce est là pour vous soutenir, vous aider et malheur à vous si vous en abusez. Oui, je puis le dire, malheur à vous mes filles parce que bien souvent vous avez abusé de la grâce; car si vous en aviez profité vous seriez à présent des saintes et vous ne l’êtes pas. Vous ne pouvez pas, dites-vous, être bonnes. Si, vous le pouvez, mais vous ne voulez pas. Qu’est-ce qu’une communauté où l’on abuse de la grâce? Voyez donc la nécessité de cette conversion collective. Vous avez Notre-Seigneur dans le tabernacle, vous pouvez aller lui confier vos peines, lui demander son secours, mais on aime mieux parler à la créature qu’au Créateur et vous perdez ainsi les grâces que Jésus-Christ vous tenait en réserve.

Vous abusez des grâces par la paresse avec laquelle vous vous levez, vous allez à la méditation, vous assistez à la messe. Abus de grâces dans la pratique de la pauvreté, de la chasteté, de l’obéissance. Les sources de ce mal, nous l’avons vu c’est l’amour-propre, l’amour des aises et les mille défauts que je vous ai dépeints; l’effort est ennuyeux c’est vrai, mais la grâce est là pour vous aider et vous dire: Ma fille, tu peux faire cet effort, remporter cette victoire si tu le veux. Nous sommes très tièdes, il faut que pendant cette retraite nous prenions la résolution de sortir de notre tiédeur. Quant à l’abus des grâces, c’est à vous à voir les réformes que vous avez à apporter dans votre conduite par rapport à la règle et à votre règlement particulier. Où est cette tenue que donne la pratique de la règle, elle s’est envolée, elle a disparu, à vous de la ramener, de la faire revivre.

Quels sont les effets de l’abus des grâces? D’abord l’insensibilité et c’est cette insensibilité qui sera peut-être pour plusieurs une cause de l’inefficacité de la retraite. Demandez donc dès ce soir à Notre-Seigneur que dans sa miséricorde il vous envoie des remords salutaires qui vous amènent à pénitence; je souhaite que vous éprouviez un certain trouble, ayez des scrupules, je les ferai passer à celles qui en auraient trop et je crois qu’il vous serait très bon d’en avoir de petits. Voyez, mes filles, une religieuse par sa vocation même se trouve placée entre le bon Dieu et le diable, si elle ne s’appuie pas sur Dieu elle tombe entre les mains de Satan; de quel côté voulez-vous être? Et puis, dites-moi, quel n’est pas le mal que fait une religieuse qui ne fait pas le bien et quel est le scandale qu’entraîne toujours l’abus des grâces!

Que demain donc je vous trouve toutes disposées à bien profiter des grâces que Dieu vous envoie dans sa miséricorde. Que Notre-Seigneur donne sa bénédiction à mes paroles et vous porte à profiter de ses grâces dans la proportion que vous en avez abusé jusqu’ici.

Notes et post-scriptum