Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1875 Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le R. Père d'Alzon - 18 septembre 1875
    Cinquième instruction
  • CM 379, pp. 11-13.
Informations détaillées
  • 1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 BAVARDAGES
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 COMMANDEMENTS DE DIEU
    1 CORRECTION FRATERNELLE
    1 CREATEUR
    1 CRITIQUES
    1 DECADENCE
    1 DISPOSITIONS AU PECHE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 ESPRIT DE COMMUNAUTE
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 FAIBLESSES
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 HABITUDE DU PECHE VENIEL
    1 HYPOCRISIE
    1 ILLUSIONS
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MAL MORAL
    1 MANQUEMENTS A LA REGLE
    1 PECHE
    1 PECHE MORTEL
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 PURGATOIRE
    1 RELIGIEUSES
    1 REVOLTE
    1 ROUTINE
    1 RUSE
    1 SALUT DES AMES
    1 SCANDALE
    1 SEVERITE
    1 SPIRITUALITE TRINITAIRE
    1 SUPERIEURE
    1 VANITE
    2 BESSON, LOUIS
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 18 au 25 septembre 1875
  • SEP 1875
La lettre

Mes chères filles,

Je ne sais si je ne vous ai pas traité déjà le sujet que je vais aborder aujourd’hui. Nous parlerons du péché et de l’affaire importante de votre salut.

Qu’est-ce que le péché? c’est la révolte de la créature contre Celui qui lui a donné l’être. Et cependant voyez le peu que nous sommes. Qu’est notre corps par rapport à la terre? un rien, un atome; et qu’est la terre par rapport au système planétaire? bien peu de chose encore. Et dans l’ordre spirituel, voyez ce qu’est votre âme comparée à l’infinité d’âmes qui vivent dans le monde ou qui ont déjà vécu, et au nombre infini des Anges dans le Ciel. Hélas, c’est ce peu de chose, cet atome, ce rien qui se révolte contre la toute-puissance de Dieu. Il pourrait ou plutôt il devrait nous écraser comme un insecte et sa puissance est telle que si un seul instant il cessait de vouloir que nous existions, nous serions détruits aussitôt. Et c’est ce Dieu bon et terrible à la fois que nous bravons sans cesse soit par les péchés mortels que nous commettons, soit par les péchés véniels qui viennent peu à peu apporter la mort à notre âme en diminuant, en affaiblissant la vie spirituelle en nous. C’est peu de chose, direz-vous, qu’un péché véniel et il n’y a pas grand mal à violer sa règle! Et moi je vous dirai qu’après le péché mortel, le plus grand mal est le péché véniel et que quiconque viole la règle par mépris, pèche très gravement. Or depuis combien de temps vivez-vous dans cet oubli des droits de Dieu? Qui offre à Dieu, dites-moi, de véritables actes d’adoration? Quelle est celle qui pense sérieusement à ce que veulent dire ces paroles: Gloire au Père, gloire au Fils et gloire au Saint-Esprit? Pour moi c’est une des choses qui me confondent. Mes filles, la loi c’est Jésus-Christ lui-même puisqu’il a été dit: Celui-ci est la loi de Dieu! Toute religieuse, épouse de Jésus-Christ devrait donc s’appliquer à méditer la loi, à obéir à la loi, à pratiquer la perfection de la loi qui est leur règle et à la pratiquer avec intelligence. Car voyez je vous prie la différence qu’il y a entre la religieuse qui accomplit sa règle avec intelligence, avec amour et celle qui le fait par routine. Ce que Dieu demande par-dessus tout, c’est que nous l’aimions. Nous sommes unis au Père en obéissant, au Fils en acceptant, en méditant sa loi et au Saint-Esprit en aimant. Il a été dit dans un concile que ce qui est une bagatelle pour un laïque est un crime pour un ecclésiastique, or mes filles, vous êtes de l’Eglise et votre titre de religieuses apostoliques vous oblige encore à plus de sainteté. Jetez le regard sur vous et posez-vous cette question: Suis-je en état de grâce? ou mon état est-il celui d’une mauvaise religieuse? Est-ce qu’il n’y a pas en moi une foule de révoltes? révolte contre Dieu qui m’a amené au couvent, révolte contre mes supérieurs qui me reprennent de mes défauts, révolte contre ma règle dont l’assujettissement me pèse, me blesse à chaque instant.

Examinez-vous par rapport aux commandements de Dieu: Un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement. Qui adorez-vous, qui aimez-vous? n’est-ce pas vous-même, votre chère personne? Dieu en vain tu ne jureras ni mentiras aucunement. Voilà où se trouve la loi contre le mensonge, y êtes-vous fidèles? Dites-vous toujours les choses telles qu’elles sont? Non, on cherche toujours à se donner le beau rôle et suivant les personnes on change, on diminue ou on amplifie. Père et mère honoreras, etc. Vous honorez votre père et votre mère mais vos supérieurs comment les jugez-vous? Comment vous livrez-vous, vous abandonnez-vous entre leurs mains? Une religieuse qui ne se fait pas connaître à ses supérieurs, peut-elle être une bonne religieuse? elle peut dissimuler pendant quelque temps, se cacher par son habileté mais tôt ou tard on la découvre. Il me semble qu’une petite revue sur ce point serait très utile. Je ne reviens pas sur l’abus des grâces dont nous nous sommes entretenus hier mais je vous parlerai de cette disposition au péché qui se trouve dans votre âme. Disposition qui est peu de chose en commençant mais qui vous entraîne peu à peu au péché grave, au péché mortel. Car croyez-vous que certains sentiments d’aigreur, de rancune gardés au fond de votre coeur ne deviennent pas péchés mortels? Vous ne pouvez vous corriger, dites-vous; c’est que vous ne voulez pas; prenez garde, d’un petit péché vous tomberez dans un plus grand et vous accepterez bientôt d’être des ennemis et des révoltés envers le Père, des insensés envers la sagesse du Fils et des ingrats envers l’amour du Saint-Esprit. Le Pape parlant de certains prêtres du diocèse à Monseigneur Besson, disait: « Ce sont des orgueilleux, il faut les humilier ». Je répondis à Monseigneur que dans cette circonstance le Pape pouvait bien ne pas être infaillible et que je les croyais plus bêtes que méchants. Je ne puis admettre, mes filles, que vous soyez bêtes, mais si vous êtes méchantes, alors qu’y a-t-il à faire? Il est impossible, voyez-vous, qu’une religieuse se damne toute seule à moins qu’elle ne soit la perfection de l’hypocrisie. Qu’arrive-t-il alors, c’est qu’il y a deux, trois, quatre soeurs qui écoutent ses confidences et qu’elle entraîne ainsi après elle. Ne suis-je pas par mes conversations un sujet de scandale? Nouveau motif de réitérer les défenses par rapport aux conversations scandaleuses. Si vous n’êtes pas mortes par le péché mortel, à cause des péchés véniels qui souillent votre âme vous êtes des lépreuses, des êtres horribles aux yeux de Dieu. N’est-ce pas un mensonge en action? Vous avez l’air d’être une communauté vivante et vous n’êtes que des âmes gâtées, des coeurs corrompus qui blessent l’oeil de Dieu. Quand aurai-je le courage de faire les aveux nécessaires pour sortir de cet état? Quand m’y mettrai-je? En quoi êtes-vous humaine, attachée à vous-même, vous adorant peut-être dans le secret de votre âme? Tout ceci est très grave, ne nous faisons pas illusion, chaque jour nous porte davantage vers le péché mortel, si nous ne faisons de sérieux efforts pour lutter contre le mal. Il est une question terrible, montez-vous ou descendez-vous? Je vais vous dire une chose épouvantable: j’ai peur que vous ne soyez dans un état de décadence, que votre communauté ne marche à sa condamnation. C’est pour remédier à ce mal que je vous ai donné cette retraite, c’est parce que j’ai vu la grandeur de vos misères morales et des besoins de vos âmes. Aussi je prends aujourd’hui la résolution très énergique ainsi que votre Mère, de vous tenir avec beaucoup d’affection mais aussi avec beaucoup de fermeté. Convertissez-vous aujourd’hui même, ne renvoyez pas à demain, sortez de cet état, ne dites pas: j’en ai assez fait, mais dites: il faut que je recommence et que je recommence avec ardeur. Si les limites de votre esprit ne peuvent vous faire comprendre ces choses nous vous garderons comme on garde un petit chien, mais nous ne compterons pas sur vous.

Voyons maintenant ce que c’est que l’affaire de votre salut. Mes filles, vous compromettez votre salut par l’absence d’horreur que vous avez pour les péchés véniels, les petites fautes; souvenez-vous que les petites fautes sont le père et la mère du péché mortel. Si vous mouriez maintenant, que deviendriez-vous? Vous iriez sans doute en purgatoire expier vos péchés. Petite question, dites-vous, et moi je dis grosse question plutôt, si le purgatoire est pour vous le vestibule de l’enfer.

Les deux causes qui vous font compromettre l’affaire importante de votre salut sont: 1° l’illusion. On ne voit pas le mal en soi et si on en découvre quelques traces on se figure que c’est peu de chose, que cela n’en vaut pas la peine, on s’illusionne enfin. Illusion qui ne conduit pas directement à la damnation mais qui y amène indirectement.

2° l’endurcissement dans la routine. Etes-vous des religieuses endurcies? Ma réponse va vous faire trembler mais j’en ai peur. Vous êtes comme ces pécheurs dont on parle dans les Saintes Ecritures et de qui il est dit: Ils avalent l’iniquité comme l’eau. Examinez-vous et dites-vous à vous-même: Où en suis-je par rapport au péché véniel? Les fautes que je commets, sont-ce des péchés de malice ou des péchés de faiblesse? Et pensez qu’en commettant les péchés de malice vous vous abonnez au purgatoire; que pensez-vous espérer d’un pareil état? Qu’il plaise à Notre-Seigneur de vous faire comprendre la nécessité où vous êtes de sortir du péché, quel qu’il soit. Ne soyez pas des religieuses routinières, sortez de votre apathie, guérissez la lèpre qui recouvre vos âmes et devenez des saintes.

Notes et post-scriptum