Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1875 Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le R. Père d'Alzon - 18 septembre 1875
    Sixième instruction
  • CM 379, pp. 14-16.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMOUR DES AISES
    1 ANTIPATHIES
    1 AUGUSTIN
    1 BON EXEMPLE
    1 CONCUPISCENCE DE LA CHAIR
    1 CONTRITION
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 DEGOUTS
    1 DOUCEUR
    1 EFFORT
    1 ENNUI SPIRITUEL
    1 FAIBLESSES
    1 HABITUDE DU PECHE VENIEL
    1 HUMILITE
    1 INTEMPERANCE
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MANQUEMENTS A LA REGLE
    1 ORGUEIL
    1 PATIENCE
    1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
    1 RECHUTE
    1 RESPECT HUMAIN
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TIEDEUR
    1 VETEMENT
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 PAUL, SAINT
    3 DAMAS
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 18 au 25 septembre 1875
  • SEP 1875
La lettre

Mes chères filles,

Il est effrayant de voir comment le temps passe, voilà déjà trois jours finis de votre retraite. Il vous faut sérieusement réfléchir sur l’état de votre âme et c’est ce que vous avez déjà fait, je pense, et maintenant nous allons causer des moyens de conversion.

Vous voulez toutes vous convertir, donc vous n’étiez pas ce que vous deviez être. Je fais une conscience à votre Mère d’être très ferme pour les moindres choses et je me fais une conscience à moi-même de peser sur votre Mère afin que cela soit ainsi. Si vous voulez que votre conversion ait quelque durée, il faut poser des bases solides et durables. Je viens vous proposer de vous convertir non bien sûr comme un pécheur coupable de crimes énormes, mais je viens vous dire qu’il faut commencer dès aujourd’hui une vie toute nouvelle. Il faut pour vous convertir qu’il y ait chez vous une cause de conversion et nous allons parler ici des obstacles qui s’opposent à votre conversion et des moyens que vous devez prendre pour l’opérer généreusement en vous. Je vois ici un texte de saint Augustin: « Il y a, dit-il, une certaine vie de l’homme qui est embarrassée par des sentiments sensuels, qui suit toutes les lois de la chair et tout ce qui lui fait plaisir ». Mes filles, n’est-ce pas ce que vous faites? N’y a-t-il pas en vous une certaine délectation sensuelle dans laquelle vous vous complaisez. Sensualité dans la nourriture, sensualité dans le vêtement, dans la toilette, sensualité dans une foule de petites satisfactions que vous vous donnez, dans les caresses que vous vous faites, dans l’imagination où vous vous plaisez à errer, enfin dans mille arrangements contraires à la pauvreté et qui vont contre la perfection de la pénitence religieuse. On recherche certaines joies, certains plaisirs sensibles, alors on oublie la prière, on manque à la charité, à la règle et l’on devient des filles humaines et incorrigibles.

Saint Augustin d’où j’ai tiré ce passage ajoute: « Mais c’est comme une nécessité pour la corruption de la nature ». Suis-je une fille humaine? suis-je une fille surnaturelle? C’est par l’état sensuel que l’on commence, ainsi est la loi de la nature, mais c’est en restant dans cet état que l’on pèche. Il faut donc s’y mettre et changer car cet état charnel, cet état humain serait maintenant pour vous un état qui, s’il n’est pas péché mortel, est tout au moins péché véniel. Il nous faut commencer par cet état mais il nous faut en sortir par la force de la volonté. Voilà la véritable question de ma conversion. Qu’ai-je jusqu’ici accordé à tous mes sens? à mes yeux, à ma langue, à mon corps tout entier? et que dois-je me refuser maintenant?

Dans une communauté, on a droit à plus de respect lorsqu’on y est depuis plus longtemps; mais si on y vit dans des habitudes de mollesse, de lâcheté, d’attiédissement, quel respect peut-on exiger? Les jeunes novices doivent vous respecter, c’est vrai; mais vous devez être respectables, ou le devenir, autrement cette habitude de non conversion serait même un obstacle pour la conversion des autres. C’est très mal raisonner que de régler sa conduite sur celle des autres, c’est raisonner comme des gens qui ne veulent plus aller à la Messe parce que Monsieur le curé a eu un mauvais procédé envers eux. Mais qu’importe, c’est ainsi et les anciennes doivent examiner et voir si leurs habitudes ne sont pas un obstacle au bien de la communauté.

J’ai parlé des anciennes, parlons maintenant des jeunes. Vous n’avez pas encore d’habitudes, pourquoi en prendriez-vous? Vous avez, dites-vous, les mauvais exemples des anciennes, mais vous êtes les premières à les blâmer, pourquoi donc les imiter? Vous donc anciennes qui par vos exemples êtes une pierre d’achoppement et vous jeunes religieuses qui critiquez si bien et n’avez rien de plus pressé que d’imiter, tâchez de prendre de fortes et sérieuses résolutions pour vous convertir les unes et les autres.

3ème obstacle: la faiblesse. Mais cette faiblesse ne vient-elle pas justement de cette habitude que vous avez tristement contractée de tomber sans cesse dans les mêmes fautes. Vous êtes comme des personnes qui se font des entorses et qui y deviennent plus sujettes à mesure qu’elles s’en font davantage.

4° L’ennui et le dégoût dont nous avons déjà parlé hier. Prenez garde des religieuses qui connaissent tout, disent-elles et qui en savent trop sur la vie religieuse, ce ne sont pas en général les plus ferventes. Lorsque vous êtes venues, dites-moi, ne vous a-t-on pas dit ces paroles de l’Evangile: Si quelqu’un veut être mon disciple qu’il se renonce lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Vous annonce-t-on par là une vie facile et commode? Ne sont-ce pas plutôt des tribulations et des sacrifices que l’on vous prédit. Mais les religieuses dégoûtées ne raisonnent pas ainsi et repliées sur leurs déceptions, leurs ennuis, elles ne peuvent souffrir la moindre contradiction, tout les irrite, de là naissent les antipathies; on ne peut plus souffrir ma soeur une telle et sur son compte on a mille choses à rapporter aux supérieurs; on donne même des conseils. A ce sujet il m’est arrivé de recevoir des lettres de conseils mais comme en général les supérieurs se croient majeurs ils ne répondent pas ou n’ont qu’à dire qu’ils attendent d’être devenus mineurs pour passer en tutelle.

Croyez-le, mes chères filles, la faim fait sortir le loup du bois non seulement au physique mais aussi au moral et une religieuse qui a fait quelques sottises finit par dire: suis-je assez bête!… Laissons maintenant ceci de côté et voyons ce qu’il faut faire pour se convertir. Le premier moyen, c’est la prière, c’est-à-dire ce cri de l’âme vers Dieu comme disent les théologiens. Un homme tombé au fond d’un précipice et qui s’est brisé les jambes, que fera-t-il? Il criera et l’on viendra à son secours. L’âme tombée dans l’abîme du péché criera aussi vers Dieu. Il faut qu’elle sente qu’elle est tombée et que par la miséricorde de Dieu elle crie vers Lui, l’appelle à son secours. Et Dieu viendra alors à elle, il sera son médecin et il la guérira, mais sa prière pour être agréée doit être un cri, cri de douleur et d’espérance. J’accuserai et j’avouerai contre moi mon iniquité dans la prière, a dit le Psalmiste.

2ème moyen: écouter le remords. Dans un sens il vous est peut-être plus difficile qu’aux grands pécheurs d’écouter le remords. Par votre vocation vous devez être parfaites selon ce que nous enseigne saint Thomas. Tout religieux, dit-il, doit être parfait. Or si le respect humain retient le pécheur pour avouer ses crimes, le respect humain peut bien empêcher certaines religieuses d’écouter le remords vis-à-vis de leur confesseur et vis-à-vis d’elles-mêmes. Une des plus grandes humiliations qu’un confesseur puisse imposer à ses pénitentes est, je crois, d’être de leur avis. Mon Père, je m’accuse d’être orgueilleuse, d’être vaniteuse; – mais c’est très vrai, vous avez parfaitement raison. Voilà une parfaite manière de faire faire des actes d’humilité, qu’en pensez-vous?

3ème moyen: l’effort. Dieu ne vous convertira pas sans vous et saint Paul même terrassé sur le chemin de Damas se relève en disant: Mon Dieu, que voulez-vous que je fasse? Imitez saint Paul, allez tout bonnement, tout franchement trouver Notre-Seigneur et dites-lui: Seigneur, que voulez-vous que je fasse? Et il vous fera trouver les moyens de vous convertir, croyez-le. Vous êtes orgueilleuses, soyez humbles, vous êtes impatientes, devenez douces, bonnes, bienveillantes. Allons, je désire demain vous trouver toutes converties, je prie Notre-Seigneur qu’il vous bénisse et vous aide de sa grâce.

Notes et post-scriptum