Aux Oblates de l’Assomption

SEP 1875 Oblates
Informations générales
  • Aux Oblates de l'Assomption
  • Retraite prêchée par le R. Père d'Alzon - 18 septembre 1875
    Onzième instruction
  • CM 380, pp. 27-29.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMOUR DES AISES
    1 AMOUR DU PROCHAIN SOURCE DE L'APOSTOLAT
    1 BULGARES
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CONCUPISCENCE DES YEUX
    1 DETACHEMENT
    1 DIEU CENTRE DE LA VIE SPIRITUELLE
    1 EFFORT
    1 FOI BASE DE L'OBEISSANCE
    1 GRECS
    1 HUMILITE
    1 INDIFFERENCE
    1 ORAISON
    1 PRATIQUE DE L'OBEISSANCE
    1 PRIERE DE DEMANDE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 REFORME DU COEUR
    1 SAINTS DESIRS
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 TURCS
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
  • Oblates de l'Assomption
  • Oblates
  • du 18 au 25 septembre 1875
  • SEP 1875
La lettre

Mes chères filles,

Aujourd’hui vous devez réfléchir sérieusement sur les résolutions que vous devez prendre. Je trouve dans saint Jean de la Croix un passage très utile pour votre avancement dans la voie parfaite, si vous voulez arriver à quelque chose de sérieux dans vos rapports avec Dieu que saint Jean de la Croix appelle Le Tout. Or, si vous voulez faire des progrès, écoutez ce qu’il dit: « Pour jouir du Tout, n’avoir du goût pour aucune chose ». Il ne faut plus avoir de jouissances dans rien d’humain; aimer Dieu en tout et rien qu’en Dieu; faire tout passer au travers de Dieu, ne pas jouir de ses succès, de ses avantages, de rien enfin; prendre tout ce que Dieu nous donne pour nous en servir mais ne mettre notre bonheur qu’en Lui seul.

Pour arriver à posséder le Tout, ne vouloir rien posséder de rien. Il faut se détacher de tout, ne plus tenir à rien ni à son chapelet, ni à sa robe, ni à une médaille, ni à sa volonté, ses idées, son emploi, il ne faut plus être propriétaire de rien absolument et tant que vous ne serez pas dans cette résolution vous ne pourrez pas pleinement posséder votre Tout.

Pour en venir à être au Tout ne vouloir rien être de rien, c’est-à-dire rester dans l’indifférence la plus complète pour tout ce qui vous touche, tout ce qui vous regarde.

Pour arriver à ce dont tu ne jouis pas, passe par ce qui ne te plaît pas. Saint Jean de la Croix nous enseigne ici à accepter toutes les épreuves qui se présentent. Epreuve de maladie, épreuve de contradiction, épreuve dans les affections, dans le support des caractères, etc.

Pour parvenir à ce que tu ne sais pas, tu dois passer par ce que tu ne connais pas. Ceci a rapport à la méditation. Il faut chercher Dieu en toute humilité, car il est dit: Dieu résiste aux orgueilleux et se communique aux humbles. De plus vous devez le chercher pour Lui seul et non pas pour vous-même, cela va tout à fait contre cette personnalité que l’on retrouve bien souvent parmi vous.

Pour atteindre ce que tu ne possèdes pas, tu dois traverser les choses que tu ne possèdes pas. Ceci indique que loin de nous complaire dans certaines satisfactions nous devons les traverser sans nous y arrêter et chercher Dieu même au milieu de ces jouissances afin de ne se trouver en rien.

Pour arriver à ce que tu n’es pas, il est nécessaire que tu sois conduit par les choses que tu n’es pas. Vous devez donc vous laisser diriger par vos supérieurs avec un entier abandon, vous laisser faire; ils vous commanderont une chose, acceptez, ils changeront d’avis et vous donneront d’autres ordres, d’autres emplois, acceptez encore sans réplique, sans murmure, sans révolte mais plutôt avec joie, avec empressement. Laissez-vous faire par les maladies, par les travaux, les contrariétés, par les soeurs, enfin par tout ce qui peut vous faire connaître la volonté de Dieu. Mais qu’arrive-t-il? c’est qu’on résiste à toutes ces choses et qu’au contraire on se laisse guider dans une foule de circonstances par les sentiments naturels. On se laisse faire alors dans le choix de ses vêtements, de sa nourriture, dans la satisfaction de ses goûts, de ses désirs. Est-ce, dites-moi, le vrai moyen pour mériter d’arriver à ce Tout qui est Dieu? Quelle différence y a-t-il entre une Soeur qui va comme je te pousse et une autre qui se laisse conduire par les sentiments surnaturels de la foi? à l’extérieur peut-être vous n’en trouverez pas mais aux yeux de Dieu. C’est au plus intime du coeur que ces choses se jugent. Voulez-vous généreusement embrasser cette vie toute d’amour? Laissez-vous donc conduire et dites à Dieu dans le fond de votre âme: Dès ce moment et jusqu’à ma mort je veux n’avoir que vous, je veux n’aimer qu’en vous, je veux n’agir que pour vous.

Maintenant nous allons examiner comment certaines âmes s’arrêtent dans la voie du Tout, c’est-à-dire dans le chemin de la perfection.

Quand tu t’arrêtes à quelque chose, tu cesses de t’avancer vers le Tout. On s’arrête aux créatures quand on veut leur plaire, quand on veut les dominer, alors on ne va pas à Dieu.

Car pour arriver pleinement au Tout, tu dois te refuser toute chose. Ici vous est prêché le retranchement de toutes joies matérielles, de toutes satisfactions humaines. Il n’y a rien que vous ne devriez être prêtes à sacrifier pour arriver à Dieu. Je ne dis pas que l’on puisse agir toujours ainsi, la faiblesse étant le propre de notre nature nous oblige à nous reposer quelquefois, mais il nous faut ensuite reprendre avec plus d’ardeur, plus de générosité.

Et quand tu en viendras à voir le Tout, tu dois le posséder sans rien vouloir. C’est-à-dire que possédant Dieu vous ne devez rien attendre des créatures. Ce n’est pas le bonheur que l’on trouve à servir Dieu mais le bonheur de Dieu que vous devez chercher. On désire souvent la consolation de Dieu, dit saint François de Sales, au lieu de vouloir le Dieu des consolations. Il dit encore: Veuillez très peu de choses et le voulez très peu; en effet il est à remarquer que les âmes les plus saintes sont celles qui se contentent de moins; c’est que leur amour est si grand que Dieu seul leur suffit. Convenez que la manière dont je vous parle dans ce moment, écorche bien un peu votre coeur.

Car si tu veux quelque chose de particulier dans le Tout, tu ne possèdes pas purement en Dieu ton trésor.

Voyez, mes filles, tout est dans cette parole du Pater: que votre volonté soit faite. Qu’elle est belle dans sa simplicité! la volonté de Dieu pour règle de conduite! se perdre dans son immensité, n’est-ce pas tout ce que peut souhaiter une âme dont les désirs sont fixés irrévocablement en Lui.

Mes chères enfants, même à la fin de cette retraite, quelques-unes peuvent être découragées mais dans cette disposition surtout je leur dirai: Il faut prier et ne pas se lasser. Si vous êtes bien disposées au contraire, vous arriverez par ce moyen à vous soutenir dans la sainteté. Quand vous priez, il n’y a pas à dire beaucoup; les anges dans le ciel ne disent pas grand chose, leur prière consiste simplement dans un sentiment délicat d’adoration et d’amour. Pour l’âme religieuse, la prière ne doit pas être un effort de l’intelligence, mais un effort du coeur; si dans la sincérité de son âme elle peut dire: Mon Dieu, elle a tout dit. A ce point de vue la prière n’est pas si difficile, c’est au contraire un acte très simple. La prière est nécessaire après une retraite pour tenir ses résolutions. Chaque jour, dites à Dieu avec simplicité: Mon Dieu, vous savez ce que je vous ai promis, aidez-moi à le tenir; vous savez que je suis vôtre, sauvez-moi. Pensez à cette propriété voulue de Dieu: Je suis vôtre, Tuus sum ego et le temps de votre méditation passera vite.

C’est là la première nécessité de l’oraison. De quoi avez-vous besoin? De beaucoup d’amour! Mon Dieu, je suis vôtre et mon bonheur à moi est de vous appartenir. Mais cette belle ferveur ne durera pas toujours, le moment de l’épreuve, du découragement viendra et c’est alors qu’il vous faudra prier. Notre-Seigneur tombé en agonie pria plus longtemps, eh bien, vous aussi, mes filles, vous prierez davantage lorsque vous sentirez le vent de la tentation agiter votre coeur.

La prière vous est encore nécessaire pour les autres, oubliez-vous quelquefois, priez pour les âmes, aimez-les parce que Dieu veut que vous les aimiez, vous surtout qui êtes destinées à travailler à leur salut. Demandez à Dieu de leur faire du bien, dites-lui: Seigneur, je sens ce que c’est que la prière de votre divin Fils, cette prière de propitiation, c’est pourquoi je m’oublierai pour les autres en union avec mon divin Epoux. Vous me direz peut-être que vous n’êtes pas chargées des âmes; croyez-vous que vous n’avez pas à prier pour les Bulgares, les Grecs, les Turcs au milieu desquels vous aurez un jour à vivre? Voyez donc comment je voudrais que vous priiez et voyez la vie de sacrifices à laquelle vous devez vous donner désormais.

Notes et post-scriptum