- Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes
- Cahier des procès-verbaux 1845-1847
26 à 28. Du 3 au 17 mai 1846 - DI 208-210, pp. 24-28.
- 1 ADMISSION AU TIERS-ORDRE
1 AMOUR-PROPRE
1 ASSOCIATION DE L'ASSOMPTION
1 ATHEISME
1 BEAU LITTERAIRE
1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
1 CHATIMENT
1 COLLEGE DE NIMES
1 CONTRARIETES
1 DETACHEMENT
1 DEVOTION AU CRUCIFIX
1 EFFORT
1 ENERGIE
1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
1 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE
1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
1 ENSEIGNEMENT RELIGIEUX
1 ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
1 ESPERANCE
1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
1 FOI
1 GENEROSITE DE L'APOTRE
1 GRACES
1 GRANDEUR MORALE
1 MORTIFICATION
1 PARDON
1 PERES DE L'EGLISE
1 PERSEVERANCE
1 PEUR
1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
1 QUERELLE DES AUTEURS CLASSIQUES
1 RECHERCHE DE LA PERFECTION
1 REDEMPTION
1 RHETORIQUE
1 SCEPTICISME
1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
1 THEOLOGIE DE SAINT THOMAS D'AQUIN
1 TIERS-ORDRE MASCULIN
1 VIE DE SACRIFICE
2 BLANCHET, ELZEAR-FERDINAND
2 CARDENNE, VICTOR
2 CUSSE, RENE
2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
2 EVERLANGE, PIERRE-EMILE-LEON D'
2 GERMER-DURAND, EUGENE
2 GIRARD
2 HENRI, EUGENE-LOUIS
2 HENRI, ISIDORE
2 JOVENICH
2 LAURENT, CHARLES
2 MONNIER, JULES
2 PAUL, SAINT
2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
2 SURREL, FRANCOIS
2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE - Tertiaires de l'Assomption
- Tertiaires Hommes
- 3, 10 et 17 mai 1846
- may 1846
- Nîmes
- Collège de l'Assomption
[26] Séance du 3 mai 1846.
Etaient présents: MM. d’Alzon, Surrel, Tissot, Henri, Laurent, Cusse, Blanchet, Cardenne, Monnier, Durand, Sauvage, Decker, Isidore.
Présidence de M. d’Alzon.
L’heure des Réunions demeure fixée de 3 h moins 1/4 à 4 h 1/2.
M. d’Alzon examine avec nous l’état de l’oeuvre. Il nous dit dans quelles dispositions il revient vers nous, dans quels sentiments il désire nous retrouver nous-mêmes.
L’absence lui a permis d’envisager les choses d’une manière plus froide, d’en juger l’ensemble avec calme, sans enthousiasme. Il se sent plus que jamais confiant et résolu.
Des obstacles ont paru, se présentent, quelques affaiblissements dans les volontés ont apparu ça et là. – Il n’y a rien là qui puisse décourager nos espérances.
Tout ce que nous devons conclure des quelques misères qui sont survenues, c’est que l’oeuvre ne va pas naturellement, et qu’il faut s’en réjouir en esprit de foi.
Un noyau s’est formé déjà parmi nous, un travail d’assimilation s’opère: nous nous dépouillons de nos sentiments propres: nous reconnaissons notre faiblesse individuelle.
Lorsque la grâce agit ainsi avec nous, et quelquefois malgré nous, un germe de puissance est communiqué aux coeurs; et l’on avance insensiblement. Nous en sommes là; nous n’avons qu’à suivre l’impulsion donnée à l’oeuvre.
Ne l’arrêtons point. Pour cela réparons les échecs reçus, les imperfections manifestées, les coups de ciseau mal donnés sur un marbre que nous travaillons ensemble.
Si Mr d’Alzon sent en lui le besoin d’agir encore plus en père, à notre égard, c.à.d. avec plus de charité, à exprimer plus fortement la puissance et l’amour de Dieu dans l’action que nous lui avons confiée sur nous, quelque chose de haut, de puissant et d’humble tout à la fois, de grandement respectueux, et de profondément intime dans cette direction dont il assume la responsabilité – nous devons correspondre à ces dispositions en laissant tomber les petites idées d’intérêt propre, les pensées terrestres, nous revêtir de cette belle et noble personnalité que J.C. communique aux âmes qui s’unissent à lui, et dans laquelle les âmes se possèdent avec dignité et grandeur, toujours élevées, toujours saintes.
C’est une générosité complète à laquelle il faut habituer nos égoïsmes, nos timidités, nos réserves, notre mollesse: c’est un sacrifice absolu de notre vie, de notre action, de tout notre être, selon la parole du Psalmiste: congregate illi sanctos ejus qui ordinent testamentum ejus super sacrificia.
C’est là où nous devons aspirer. Advocabit coelum super terram, et terram discernere populum suum. Voyons en effet sérieusement jusqu’où nous voulons nous discerner de la terre. Ne songeons pas à nous faire canoniser: mais entrons généreusement dans la voie de notre sainteté et de notre perfection. Séparons-nous de la vie terrestre, réunissons-nous dans la vie du ciel.
Le courage est nécessaire pour se mettre à l’oeuvre. On accepte volontiers le but qui enthousiasme facilement, mais les moyens coûtent beaucoup et répugnent toujours.
Appuyons-nous sur deux sentiments également forts pour nous soutenir.
I. un sentiment d’effroi à la pensée du sérieux de l’oeuvre qui n’est plus, nous le voyons, une oeuvre hasardée, une oeuvre d’enthousiasme, mais une oeuvre positive, et appuyée par des encouragements supérieurs. Il y a là des intérêts religieux exposés: n’allons pas les compromettre.
II. un sentiment de confiance et d’énergie. Traversons les difficultés courageusement, nous répétant le mot de St Paul: omnia possum in eo qui me confortat. Quelques-uns s’arrêtent peut-être en chemin, un petit nombre seulement atteindra le but; n’y pensons pas, allons toujours en avant. L’oeuvre est bonne. Il faut qu’elle réussisse; n’importe par qui elle s’établira. Notre tâche est de la fonder. Commençons donc, l’édifice s’achèvera tôt ou tard.
[27] Séance du 10 mai [1846].
Etaient présents: MM. d’Alzon, Tissot, Henri, Laurent, Surrel, Cusse, Cardenne, Jovenich, d’Everlange, Monnier, Durand, Decker.
Présidence de M. d’Alzon.
M. d’Alzon invite chacun de nous à lui demander un sujet particulier de conférence, et accueille les demandes qui lui sont faites à cet égard.
Il revient, dans son Instruction du jour, sur la mortification.
L’homme, par le péché, avait rompu les liens qui l’unissaient à Dieu. Dieu, par le sacrifice du calvaire, a rétabli cette union brisée. Mais il ne suffisait pas à l’homme d’être pardonné, il lui fallait les moyens de se conserver dans le pardon; si Dieu avait miséricordieusement relevé notre nature déchue, il nous laissait encore et respectait notre liberté; et avec la liberté nous inclinions toujours vers le mal. Dieu a donc donné le pardon à l’homme, et toutes les conséquences du pardon; car ses bienfaits sont sans repentance. Jésus en montant au ciel après avoir anéanti la captivité du péché, nous a enseigné à détruire incessamment en nous le mal.
Ce moyen secourable indiqué à notre nature, c’est la mortification. Avec elle nous méritons les dons de la grâce de la même manière qu’ils nous ont été donnés, c.à.d. par la croix, par la souffrance.
Les textes de l’Evangile sont précis à cet égard: Absit autem gloriari… Nos autem Christum Dei virtutem et sapientiam… Christus passus est pro nobis relinquens…
Ainsi la mortification, expiation du péché et éducation du coeur, nous est représentée comme rachetant, pacifiant, sanctifiant l’homme. Elle réagit sur le mal inhérent à notre nature déchue. Virtutem, elle dégage les ténèbres de l’esprit et du coeur. Sapientiam, elle est à la foi la théorie divine et la pratique du progrès intérieur de l’âme.
Les enseignements de N.S., les textes formels de l’Evangile, élèvent le fait de la mortification, comme expiation due à Dieu, comme éducation indispensable du chrétien, jusqu’à la certitude de la foi. Nous pensons ne pas le comprendre; il nous est impossible de ne pas l’accepter.
Si quis vult venire post me, abneget semetipsum. Voilà donc la voie de la perfection chrétienne: l’immolation volontairement acceptée.
Cette mortification, cette immolation, renferme deux souffrances. Il faut réparer le mal par le châtiment, souffrance d’expiation: il faut faire effort, effort violent pour arriver au bien, souffrance d’éducation.
L’homme qui veut s’élever, qui aspire à monter dans le monde spirituel, doit faire effort sur lui-même pour se retirer du monde terrestre (e-ducere). C’est en ce sens que la mortification est l’éducation du chrétien.
M. d’Alzon s’arrête à cette considération. Il nous montre à côté de la souffrance, à côté du châtiment douloureux, l’élévation et l’agrandissement de l’esprit et du coeur. Dès qu’il y a résistance aux passions, à l’amour de nous-mêmes, il doit y avoir en nous déchirement, souffrance; mais aussi dans cette éducation intérieure l’homme sent doubler sa puissance; il s’agrandit de tout ce qu’il retranche à l’empire des sens; la volonté se fortifie à chaque effort nouveau, et chaque effort est une vertu qui s’acquiert.
Habituons-nous à cette nécessité de la souffrance, et en vue du prix qui la récompense acceptons-la généreusement.
Les moyens, les applications varient. Mais, extérieure ou intérieure, la mortification est une loi rigoureuse de l’éducation ou de la perfection chrétienne.
A la fin de la séance, M. d’Alzon distribue à tous les membres présents une image de l’Assomption de Marie, avec une devise particulière. Il remet aux novices du T.O. le crucifix qu’ils doivent porter sur eux. – Mr Isidore Henri a été, à l’unanimité, déclaré un postulant du T.O.
[28] Séance du 17 mai [1846].
Etaient présents: MM. d’Alzon, Surrel, Tissot, Henri, Laurent, Cusse, Blanchet, Cardenne, Monnier, Durand, Sauvage, Isidore, Decker.
Présidence de M. d’Alzon.
La conversation s’engage sur l’enseignement littéraire de nos classes. M. d’Alzon demande s’il n’y aurait pas moyen de faire ressortir aux yeux de nos élèves la supériorité de la littérature chrétienne comme empreinte du spitualisme le plus élevé sur la littérature païenne toute pénétrée d’un sensualisme grossier.
M. Durand entrevoit de grandes difficultés d’application à cette critique chrétienne. Les exigences du B[accalauréa]t lui semblent d’abord nous imposer forcément les études spéciales des classiques de l’antiquité. Il croit d’ailleurs que les écrits païens, comme modèles parfaits de goût, d’art, de forme, sont incontestablement supérieurs aux écrits des Pères, et qu’à ce titre ils doivent demeurer en possession de nos études littéraires.
M. d’Alzon pense qu’il est possible de discuter la supériorité des classiques païens sur la littérature des Pères. Mais sans s’arrêter à cette idée, il constate les résultats de l’enseignement universitaire, résultats déplorables, qui aboutissent à l’incrédulité ou au scepticisme. Ne devons-nous pas essayer de réagir contre cette influence de l’enseignement universitaire?
M. Durand avoue ces tristes résultats, mais ne les attribue pas à l’étude exclusive des auteurs païens. Il en voit le principe dans l’enseignement ph[ilosoph]ique et historique. Il convient de la nécessité de pénétrer davantage les jeunes esprits de nos élèves de la pensée chrétienne. Mais cet enseignement chrétien lui semble possible même avec l’étude des écrivains profanes. Les explications des textes classiques offrent aisément l’occasion de faire un commentaire chrétien des auteurs, en comparant les points de vue païens avec la philosophie catholique, les vérités incomplètes et mutilées entrevues par les plus beaux génies de l’antiquité avec les vérités toujours complètes, entières, larges, élevées des génies chrétiens. Seulement ce commentaire suppose dans l’enseignement une étude approfondie de la religion que les Maîtres n’ont pas eu le temps de faire ou n’ont pas été habitués à faire.
M. d’Alzon accepte ce moyen terme. Il lui semble on ne peut plus avantageux de faire ressortir ainsi le point de vue chrétien dans l’explication des auteurs classiques, de rétablir l’enseignement catholique là où l’insuffisance du paganisme l’altère, de développer toujours la pensée païenne à l’aide de la notion catholique. – Ce serait à ses yeux un progrès dans notre enseignement de s’écarter peu à peu de l’étude exclusive de la forme pour s’élever à ce commentaire chrétien: notre enseignement aurait alors la valeur et l’influence que nous devons aspirer à lui donner.
Il nous invite à diriger nos études dans ce sens. Nous y gagnerons beaucoup et nos élèves aussi. Il fait quelques applications de cette méthode à l’enseignement scientifique et en montre les avantages pratiques pour la foi de nos enfants.
Il propose à chacun de nous des travaux particuliers se rapportant de loin ou de près à ce but.
M. Tissot préparera un rapport sur l’enseignement du P. Girard.
M. Cardenne fera un travail sur l’impartialité historique.
M. Monnier présentera quelques aperçus sur l’enseignement catholique de la rhétorique.
M. Laurent fera un exposé de la Somme de St Thomas, en y étudiant particulièrement les questions applicables à l’enseignement catholique.