Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes

1846 Nîmes Tertiaires Hommes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes
  • Cahier des procès-verbaux 1845-1847
    29 à 31. Du 24 mai au 21 juin 1846
  • DI 208-210, pp. 29-32.
Informations détaillées
  • 1 ADORATION PERPETUELLE
    1 AMOUR DIVIN
    1 ANACHORETES
    1 APOSTOLAT DE L'ENSEIGNEMENT
    1 APOTRES
    1 ASSOCIATION DE L'ASSOMPTION
    1 ATHEISME
    1 BEAU CHRETIEN
    1 CLASSES SUPERIEURES
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 DECADENCE
    1 DEVOTIONS
    1 EFFORT
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 ENSEIGNEMENT PROFANE
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ESPRIT SACERDOTAL
    1 FOI
    1 FRERES
    1 IMITATION DE DIEU
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 MAITRES CHRETIENS
    1 MISSION DES LAICS
    1 MOINES
    1 PAGANISME
    1 PARESSE
    1 PREDICATION
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 RECONNAISSANCE
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SURVEILLANCE DES ELEVES
    1 TIERS-ORDRE MASCULIN
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VIE DE RECUEILLEMENT
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOIE UNITIVE
    2 ANTOINE, SAINT
    2 BERULLE, PIERRE DE
    2 BLANCHET, ELZEAR-FERDINAND
    2 BONIFACE, SAINT
    2 CARDENNE, VICTOR
    2 CUSSE, RENE
    2 DECKER, FRANCOIS-JOSEPH
    2 DOMINIQUE, SAINT
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    2 GERMER-DURAND, EUGENE
    2 HENRI, EUGENE-LOUIS
    2 HENRI, ISIDORE
    2 IGNACE DE LOYOLA, SAINT
    2 JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE, SAINT
    2 LAURENT, CHARLES
    2 MONNIER, JULES
    2 SAUVAGE, EUGENE-LOUIS
    2 SURREL, FRANCOIS
    2 TISSOT, PAUL-ELPHEGE
    2 VINCENT DE PAUL, SAINT
    3 CITEAUX
  • Tertiaires de l'Assomption
  • Tertiaires Hommes
  • du 24 mai au 21 juin 1846
  • 1846
  • Nîmes
  • Collège de l'Assomption
La lettre

[29] Séance du 24 mai [1846].

Etaient présents: MM. d’Alzon, Tissot, Surrel, Henri, Laurent, Cusse, Blanchet, Cardenne, Monnier, Durand, Sauvage, Decker, Isidore.

Présidence de M. d’Alzon.

L’entretien continue sur le sujet abordé dans la dernière conférence.

M. d’Alzon expose ses vues sur l’art chrétien. Il insiste sur la beauté de l’expression idéale, en dehors de la forme matérielle, qui domine dans l’art chrétien, et, à ses yeux, en fait la supériorité positive. Entrant dans quelques détails il cherche à montrer comment, dans ce sens, la peinture du Moyen-Age, malgré l’imperfection de la forme, demeure par l’idéal, supérieure à la peinture de l’antiquité, dont les traditions subsistent généralement dans l’Ecole moderne. Dans la sculpture également, malgré la raideur des corps, malgré l’inachevé des contours et l’inexpérience du modelé, il y a dans la physionomie des statues du Moyen-Age, une expression de beauté qui vient tout entière de la pensée supérieure qui s’y traduit avec un charme indéfinissable, mais bien saisissant.

Il fait l’application de ces idées à l’enseignement littéraire, et revient sur la nécessité d’élever notre enseignement jusqu’à ce sens chrétien que possédait si admirablement le Moyen-Age. Il nous recommande encore d’élargir nos esprits par des travaux particuliers qui fécondent et alimentent notre foi par la science en même temps qu’ils empêchent nos facultés de s’énerver dans l’indolence. Arrivés à certaines limites, les Maîtres penchent ordinairement vers une certaine paresse. Ils possèdent la matière de leur enseignement et se contentent de ce savoir-faire que leur a donné l’habitude. Les examens sont subis, les difficultés des auteurs ou du programme n’offrent plus rien qui puisse arrêter, on sait de mémoire un cours: on a atteint toute la perfection, c’est assez, on peut se reposer désormais. Dérobons-nous à ces tentations de paresse condamnable. Sachons étendre le cercle de nos études. Travaillons toujours à augmenter nos connaissances.

[30] Séance du 7 juin [1846].

Etaient présents: MM. d’Alzon, Tissot, Surrel, Laurent, Cusse, Blanchet, Cardenne, Monnier, Isidore, Decker, Durand, Sauvage.

Présidence de M. d’Alzon.

M. d’Alzon nous entretient de la présence de Dieu. Dieu pensant toujours à nous, ne serait-il pas convenable que nous pensions à lui? Nous sommes cependant, à cet égard, bien en arrière avec Dieu: nous vivons à peu près comme si Dieu ne pensait pas à nous, et nous admettons dans notre conduite un déisme pratique auquel nous semblons facilement nous habituer.

Que de motifs cependant n’avons-nous pas de penser à Dieu? La reconnaissance d’abord: diligamus quoniam ipse dilexit nos. Ensuite l’honneur auquel il nous élève en s’abaissant jusqu’à s’occuper de nous devrait singulièrement nous préoccuper.

Dieu veut s’unir à la vie de notre coeur et de notre intelligence. Puissance, sagesse et amour, il aime à se proposer à nous comme modèle sous cette triple face de sa personnalité, et nous excite à l’imiter dans cette triple manifestation de sa vie divine en produisant, moyennant le concours de sa grâce, des actes d’intelligence, de vertu, de prière.

Pour entrer dans cette communication merveilleuse de notre personnalité avec la personnalité divine, plaçons-nous dans la présence de Dieu, et mettons-nous sous son action en quelque sorte, afin de nous fortifier de sa puissance, de nous éclairer de sa sagesse, de nous enflammer de son amour.

M. d’Alzon nous indique les moyens pratiques de développer en nous ces dispositions: – vaincre le laisser-aller, la dissipation naturelle, se recueillir; – s’offrir à Dieu dans toutes les actions de la journée; – nourrir son coeur par les dévotions affectueuses; – méditer les mystères de l’Eglise; – considérer dans nos fonctions de Maîtres ou de Surveillants les rapports qui nous unissent à Dieu et remonter sans cesse vers lui; – ainsi, par la littérature, nous rendre sans cesse présentes sa Beauté et sa Vérité; par les mathématiques, sa sagesse qui est nombre et mesure; par l’histoire, la manifestation incessante de sa providence; – ainsi, dans notre surveillance, dans l’application de la discipline, honorer et faire vénérer l’idée de l’ordre divin; – en tout enfin revenir par quelque côté à Dieu, par quelque côté adorer J.C. Et dans notre enseignement, et dans nos fonctions diverses, et dans nos élèves trouver comme des signaux perpétuels qui nous rappellent la présence de Dieu.

A la fin de la séance, M. d’Alzon établit parmi nous une Adoration perpétuelle du St Sacrement. Des heures fixes sont réglées et partagées entre nous, afin que Notre Seigneur, qui est, dans notre chapelle, notre commensal et notre hôte, reste le moins possible dans la solitude et dans l’abandon.

[31] Séance du 21 juin [1846].

Etaient présents: MM. d’Alzon, Tissot, Cusse, Henri, Laurent, Surrel, Cardenne, Monnier, Durand, Sauvage, Decker, Isidore.

Présidence de M. d’Alzon.

M. d’Alzon appelle notre attention sur l’union de l’esprit laïque et de l’esprit ecclésiastique, et considère notre oeuvre sous ce double rapport.

Il envisage historiquement le développement de l’état religieux dans l’Eglise, et cherche à en tirer quelques enseignements pour nous.

A quelle époque a commencé la vie religieuse, et comment s’est-elle présentée dans ses débuts? Sans s’arrêter à l’opinion qui fait remonter l’état religieux jusqu’aux Apôtres, on peut établir plus exactement que la vie religieuse a été fondée au désert avec St Antoine et les anachorètes.

Qu’étaient ces religieux? – Des laïques. On trouve tout au plus un prêtre pour suffire aux besoins spirituels de chaque couvent. Il est bon d’insister sur ce fait, et de constater ici la prédominance de l’élément laïque. St François d’Assise continua cette tradition.

Déjà, il est vrai, St Dominique organisait son sacerdoce dans son Ordre. Fondé pour la prédication il fallait qu’il fût revêtu du caractère sacerdotal. St Ignace, St Vincent de Paul poussent également au sacerdoce leurs religieux, quoique St V. de Paul ne veuille pas de voeux pour ses missionnaires.

Mais la tradition primitive reparaît dans l’oeuvre de l’abbé de La Salle. Ses religieux ne sont pas prêtres; chose remarquable: toutes les fois qu’il veut essayer de donner à sa communauté un supérieur prêtre, la veille de l’ordination, l’homme qu’il a choisi meurt soudainement. Ses religieux sont destinés à enseigner le peuple, ils doivent l’élever par l’instruction à la hauteur de l’affranchissement où les révolutions allaient prochainement l’appeler. Ils seront peuple davantage , en demeurant avec un caractère séculier. L’oeuvre de l’abbé de La Salle se développe en ce sens, et elle dure. Au contraire, l’oeuvre des Oratoriens, fondée par le C. de Bérulle, oeuvre où sont réunis des prêtres et des laïques, ne persiste pas. Elle va se perdre lentement dans le jansénisme, même dans l’athéisme.

Quels enseignements retirer de ces faits?

Ces développements divers d’Ordres religieux correspondant tous aux besoins particuliers des époques où ils apparaissent. Le paganisme devait éteindre l’ardeur de ses sensualités au sein des grandes austérités du désert: il lui fallait surtout la pénitence. Les religieux restèrent alors laïques. Les Barbares devaient être évangélisés, et élevés à la perfection chrétienne: les religieux seront prêtres et aussi laïques. St Boniface fondera das abbayes et bâtira des cathédrales. Il est nécessaire que le sacerdoce agisse sur les peuples nouveaux. La prédication et l’apostolat ont besoin d’ouvriers. Les religieux recevront le caractère sacerdotal, mais l’esprit laïque subsistera toujours au milieu d’eux à côté de l’esprit ecclésiastique.

Un fait remarquable toutefois est à constater. De grands relâchements survinrent dans les Ordres religieux, et la vie religieuse s’éteignit. L’Ordre de Citeaux est un lamentable exemple de cette décadence. Que doit-on en conclure? C’est qu’aussitôt que l’oeuvre cesse de répondre aux besoins sociaux, et n’agit plus, elle s’affaiblit rapidement parce qu’elle est alors isolée, et sans but.

Quels éléments doivent donc de nos jours entrer dans une Association religieuse pour assurer la durée de son succès par l’opportunité de son action.

Y a-t-il aujourd’hui dans la société, malgré ses effroyables désordres, le sensualisme qui souillait le paganisme? Y a-t-il dans l’esprit social l’incrédulité qui obscurcissait les intelligences et corrompait les coeurs lorsque le christianisme commença ses prédications? – Non, assurément. L’influence sacerdotale est-elle la même qu’au Moyen-Age? Il faut bien l’avouer, elle est singulièrement amoindrie, affaiblie. Les préjugés lui font obstacle.

Les esprits étant dans ces dispositions, énervement de la volonté d’une part, obscurcissement de l’intelligence, mais avec un besoin réel d’idées religieuses, un besoin avoué de foi; de l’autre part affaiblissement du sacerdoce, méfiance extrême à son égard; – comment une association qui se propose l’éducation des classes supérieures doit-elle se poser, et dans quelles conditions pourra-t-elle s’établir?

L’idée de l’abbé de La Salle serait-elle ici applicable? Faudrait-il appeler à l’oeuvre des laïques seulement? – Non, les classes supérieures redoutent aujourd’hui l’influence du sacerdoce moins pour elles-mêmes, que pour le peuple. elles se croient plus indépendantes et facilement affranchies de cette influence.

Il faut donc unir l’élément laïque et l’élément ecclésiastique, l’un pour dissiper les présomptions qui s’élèvent contre l’enseignement du prêtre, l’autre pour préparer une fusion ultérieure, fusion aujourd’hui tristement interrompue. La soutane et la sacristie ennuient, importunent, effraient. L’enseignement laïque, à l’abri de ces méfiances penseuses et ignorantes, est accepté par tous: nous nous ferons accepter en le conservant indépendant de l’enseignement ecclésiastique, qui restera avec un caractère religieux et dogmatique; à ce titre l’enseignement laïque autorisera l’enseignement laïque, en lui maintenant un droit devenu incontestable par sa légitimité.

Notes et post-scriptum