- Aux élèves du collège
- Instructions de carême aux élèves du collège (1871)
Sur les plaisirs - OK 175 (lettre du 19 mars 1871 de Jules Ferret au P. Picard).
- 1 AMOUR DES AISES
1 ANCIENS ELEVES
1 CAREME
1 COLLEGE DE NIMES
1 DECADENCE
1 DEMOCRATIE
1 DEVOIRS SCOLAIRES
1 ELEVES
1 LUXURE
1 MONARCHIE
1 NOBLESSE
1 OUVRIER
1 PARESSE
1 PASSION DE JESUS-CHRIST
1 REPRESSION DES DEFAUTS DES JEUNES
1 SERMONS
1 TRAVAIL DE L'ETUDE
1 VIE CACHEE DE JESUS-CHRIST
2 AUDIFFRET, LOUIS-PAUL D'
2 BAILLY, EMMANUEL
2 BARAGNON, NUMA
2 CABRIERES, ANATOLE DE
2 EVERLANGE, HENRI D'
2 FERRET, JULES
2 JOSEPH, SAINT
2 LOUIS-PHILIPPE Ier
2 LOUIS XIV
2 PICARD, FRANCOIS
3 BORDEAUX
3 NIMES
3 SUISSE - Elèves du collège
- COLLEGE élèves
- 18 mars 1871
- 18 mar 1871
- Nîmes
- Collège de l'Assomption
Mes chers enfants, je vous avais annoncé dans le dernier entretien qu’aujourd’hui je toucherai la question des plaisirs. Ainsi vous ne pourrez pas m’accuser de faire des personnalités. Le P. Emmanuel m’a fait de tristes confidences sur le compte de certains d’entre vous, prenez donc ce qui vous revient dans ce que je vais vous dire.
Oui, il faut ouvrir une croisade contre l’amour des plaisirs; certes l’époque de l’année où nous nous trouvons devrait suffire pour vous retenir dans la pente où nous entraîne la chair. J.C. souffrant et mourant sur la croix ne nous prêche-t-il pas assez la fuite des plaisirs? Mais je laisse ce point de vue et ne veux considérer les plaisirs que dans leurs effets.
Premier effet, et celui-là vous ne me le contesterez pas, c’est de nous inspirer le dégoût du travail. D’où vient en effet que certains élèves d’une certaine classe ont averti leur professeur mercredi dernier qu’ils n’auraient pas leurs devoirs faits pour le vendredi matin? si ce n’est parce qu’ils étaient déjà tout préoccupés de la manière dont ils passeraient joyeusement le jeudi de sortie.
Et puisque je vous ai mis sur le tapis, laissez-moi vous dire quelque chose qui me pèse sur le coeur. Hier j’ai goûté quelques instants les joies d’anciens maîtres. A l’assemblée nationale à Bordeaux siège comme député un ancien élève de l’Assomption. On dit en ville que c’est mon Benjamin. Eh bien! je vous l’accorde. Il était venu passer quelques jours à Nîmes, et aujourd’hui il est reparti prendre son poste. Je cherchais depuis quelques jours à l’inviter à dîner, hier j’ai pu l’avoir. Vous concevez que je me trouvais heureux de voir autour de moi d’anciens élèves tels que M. d’Everlange, M. Numa Baragnon, M. de Cabrières, le P. Emmanuel. Deux élèves sont venus pendant que nous dînions frapper à ma porte pour demander une chose que je n’étais pas le moins du monde disposé à leur accorder. Ils ont eu à peine le temps d’entrouvrir la porte, le domestique la leur a fermée au nez. Savez-vous ce qui les a uniquement frappés? c’est que ça sentait bon. Voilà tout, ça sentait bon. Je ne vous dirai pas quels sont ces deux élèves, je ne connais pas leurs noms, et je défends au P. Emmanuel de me des dire, cela m’humilierait trop pour eux, car je qualifie ce qu’ils ont fait d’avilissement. Et ce sont des palmés; que sont donc les autres? Mais je reviens à mon plan dont je me suis écarté.
Sous la [Restauration](2), ceux qui voulaient parvenir à un but travaillaient. On travaillait encore, mais moins déjà, sous Louis-Philippe, et je vais vous faire une confidence: quand j’étais jeune, j’ai rêvé un moment de devenir député, mon père l’avait été, je voulais l’être aussi; et pour y arriver, je travaillais jusqu’à minuit. Et maintenant qui travaille? personne. On s’amuse. Montrez-moi un homme culminant dans n’importe quelle branche.
Le deuxième effet des plaisirs est de nous abrutir. M. Daudifré (excusez l’orthographe)(3) disait à Monseigneur qu’il avait vu huit cents Français fuir devant cinquante Prussiens. Qu’étaient nos soldats de l’armée de l’est? Quand ils eurent passé en Suisse, on fut obligé de leur envoyer des chargements de coquines pour les aider à respecter les femmes et les filles de la Suisse. Le coup de mort a été porté à la monarchie française quand Louis XIV a voulu légitimer ses bâtards, la reine étant encore vivante. C’est dans l’abrutissement causé par les plaisirs que s’est engloutie la noblesse française. Sans doute elle s’est relevée dans ces derniers temps sur les champs de bataille, mais il en reste trop peu de cette vieille noblesse pour qu’elle puisse espérer revivre un jour.
Et vous, jeunes bourgeois, continuez à mener la vie charnelle et sensuelle dans laquelle déjà vous avez presque les deux pieds, et le gouvernement des ouvriers arrivera, nous aurons la démocratie. Malheur à vous si au lieu de cela la démagogie a un moment la puissance. Je ne parle pas de deux ou trois ans, mais de vingt à vingt-cinq ans. S. Joseph est le patron des ouvriers. J.C. ouvrier a eu le plus d’influence dans le monde. Qui sait si la fête de demain n’a pas été instituée par suite d’une de ces vues prophétiques qui lui ont fait plusieurs fois lire dans l’avenir.
Des notes du P. d'Alzon pour six de ses instructions de carême au collège en 1871 sont conservées (dans cette banque de données = D00797 à D00802). Pour cinq d'entre elles, nous avons une "analyse" de Jules Ferret.
2. La lettre a *république".
3. Il fallait écrire *d'Audiffret*.