Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes

14 dec 1864 Nîmes Tertiaires Hommes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes
  • Réunion du Tiers-Ordre de l'Assomption [1864]
    [16] Réunion du 14 décembre - 7 h
  • Cahier CE 16.
Informations détaillées
  • 1 BONHEUR
    1 CORPS MYSTIQUE
    1 EGLISE SOUFFRANTE
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 JOIE
    1 LACHETE
    1 MARTYRS
    1 PRIERE POUR L'EGLISE
    1 SAINTS
    1 SOUFFRANCE
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    2 PAUL DE LA CROIX, SAINT
    2 PAUL, SAINT
  • Tertiaires de l'Assomption
  • Tertiaires Hommes
  • 14 décembre 1864
  • 14 dec 1864
  • Nîmes
  • Collège de l'Assomption
La lettre

Présidence du R.P. d’Alzon.

Présents: Les frères Germer-Durand – Sauvage – Bardonnenche – Raynouard – Trotman – Donat de St Coux – Allemand.

Communicantes passionibus Christi, gaudete(1). Il y a un siècle à peine, le fondateur des passionistes donnait au monde le spectacle de grandes austérités(2).

Personne n’échappe à la souffrance. Nous sommes nés à la fois pour souffrir et pour être heureux. Jésus-Christ seul peut faire en nous cette conciliation. Seul, Jésus-Christ donne aux saints la joie dans la douleur. Quel bonheur de communiquer avec les souffrances de Jésus-Christ! Il veut bien souffrir en nous, membres de son corps mystique; nos souffrances, il les fait siennes, il les prend en lui-même d’une manière admirable(3). Dans son corps naturel, il ne souffre et ne meurt plus. Christus resurgens a mortuis jam non moritur(4). Mais il souffre encore dans son épouse, dans ce corps mystique dont nous sommes les membres, souffrants et joyeux avec ce corps qui est l’Eglise, avec l’âme de ce corps qui est Jésus-Christ. Il n’y a pas moyen d’éviter la souffrance: mais il y a plusieurs sortes de souffrances et plusieurs manières de souffrir.

Il en est qui la fuient et la rencontrent tous les jours. L’habitude de la fuir les rend mous et lâches: leur caractère s’énerve et se perd; ils n’ont point de part aux souffrances de Jésus-Christ, et leurs souffrances personnelles, sans mérite et sans joie, ne finiront jamais.

Il y a donc la souffrance mauvaise procédant d’un mauvais principe. Il y a la souffrance indifférente qu’on peut tempérer et sanctifier par une joie sainte. Il y a la souffrance envoyée par Jésus-Christ, c’est-à-dire la souffrance endurée dans un ministère de charité, dans l’enseignement, etc. Il y a aussi la souffrance intérieure de l’âme, les saintes tristesses de l’amour, les inénarrables gémissements du Saint-Esprit. A ce genre de souffrance appartient la participation aux souffrances de l’Eglise.

Toujours l’Eglise a souffert. Elle a souffert dans ses innombrables martyrs; et quand il n’y a plus eu de martyrs en masse, les Saints sont allés jouir des souffrances du désert. De nos jours, la grande lutte engagée entre la Révolution et l’Eglise, prépare à celle-ci de nouvelles souffrances. Disposons-nous sérieusement à prendre part aux combats, aux douleurs de l’Eglise, et à communiquer par elle aux passions de Jésus-Christ.

Gaudete et exultate(5), a dit le Sauveur. C’est toujours la même doctrine qui se soutient. Réjouissons-nous jusqu’à l’exultation. Et St Paul, qui ne connaissait Jésus-Christ que par des révélations particulières, avait l’inspiration prophétique, lorsqu’il annonçait les passions des saints qui devaient, comme lui, accomplir dans leur chair ce qui manque aux souffrances du Christ(6) pour son corps qui est l’Eglise et se réjouir de communiquer ainsi aux passions de Jésus-Christ. Soyons donc heureux de souffrir, heureux et honorés de penser que c’est Jésus-Christ qui souffre en nous; faisons, des souffrances de l’Eglise, nos souffrances propres; entrons avec courage et sans défaillance dans la lutte qu’elle soutient et qui s’annonce grande, décisive. Dieu sans doute n’abandonnera pas son Eglise; mais ne veut-il pas se servir de nous dans la mesure qu’il connaît?

Notes et post-scriptum
1. Référence explicite à l'expression même de la 1ère épître de Pierre: 1 P 4, 13.
2. Saint Paul de la Croix (1694-1775) a centré l'essentiel de sa prédication, de sa direction spirituelle comme de sa fondation religieuse sur "la mort mystique" du Christ. Lui-même est entré dans "l'épaisseur de la Croix" avant de donner à sa congrégation ce voeu spécifique: "propager dans le coeur des fidèles le souvenir des souffrances du Christ". A l'époque, il n'était pas encore canonisé (1867) et sa fête ne sera instituée qu'en 1869, fixée au 28 avril, transférée aujourd'hui au 19 octobre, le lendemain de sa mort.
3. Le ms a *admirablement*.
4. Le P. d'Alzon cite de mémoire l'épître de Paul aux Romains, Ro 6, 9: "scientes quod Christus resurgens ex mortuis iam non moritur".
5. Expression fréquente dans les évangiles, y compris dans un contexte de souffrance et de persécution: Mt 5, 12; Lc 6, 23; Ap. 19, 7.
6. Application à Saint Paul de la Croix d'une appropriation faite par l'apôtre Paul, transcrite ici presque littéralement de l'épître aux Colossiens, Col 1, 24: "Qui nunc gaudeo in passionibus pro vobis, et adimpleo ea, quae desunt passionum Christi, in carne mea pro corpore eius, quod est Ecclesia".