Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)

26 feb 1875 Nîmes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)
  • Séances destinées à préparer les travaux du Congrès
    Séance du 26 février 1875
  • CC 6, pp. 1-7.
Informations détaillées
  • 1 AGRICULTURE
    1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 ATHEISME
    1 BONHEUR
    1 CAISSE D'EPARGNE
    1 CAPITAUX
    1 CERCLES CATHOLIQUES
    1 CONGRES CATHOLIQUES
    1 CORPORATIONS
    1 DIMANCHE
    1 ECONOMIE
    1 ECONOMIES
    1 EDUCATION EN FAMILLE
    1 ENFANTS
    1 ESPRIT CHRETIEN
    1 FAMILLE
    1 HERITAGES
    1 LAICISME
    1 LUXURE
    1 MACHINES
    1 MARIAGE
    1 MAUVAISES LECTURES
    1 MOEURS ACTUELLES
    1 MOEURS DE LA FAMILLE
    1 MORALE INDEPENDANTE
    1 MORALISATION DU PAUVRE
    1 OEUVRES OUVRIERES
    1 PAIX
    1 PERE DE FAMILLE
    1 PLANS D'ACTION
    1 PROLETARIAT
    1 PUBLICATIONS
    1 QUESTION SOCIALE
    1 RESTAURATION DES MOEURS CHRETIENNES
    1 SOCIALISME
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    1 TRAVAIL
    1 TRAVAUX AGRICOLES
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 BOUET, LAURENT-MARIE
    2 COUREGE, DE
    2 EVERLANGE, HENRI D'
    2 PANSIER, RAYMOND
    2 RENE, ABBE
    3 MONTPELLIER
    3 NIMES
    3 NIMES, EGLISE SAINT-BAUDILE
    3 PARIS
  • 26 février 1875
  • 26 feb 1875
  • Nîmes
La lettre

La séance s’est ouverte à huit heures et demie du soir, sous la présidence du R.P. d’Alzon. Etaient présents M. l’abbé René, MM. Pansier, de Courège, d’Everlange, Allemand, Bouet.

Une réunion tenue le 18 février à huit heures du soir, dans la maison de l’Assomption, avait adopté en principe la double idée de convoquer à Nîmes, dans un avenir plus ou moins prochain, un Congrès catholique, et dès maintenant, d’ouvrir tous les lundis à huit heures du soir, dans le même local, des conférences destinées à préparer les travaux de cette assemblée. Par exception, la première a été fixée, non au lundi 22, mais au vendredi 26 courant(1).

Dans la séance du 26, après avoir confié le soin de rédiger le procès-verbal à M. Bouet, aussi reconnaissant que surpris de cet honneur, le R.P. d’Alzon a successivement appelé notre attention sur l’époque, le caractère et le programme du Congrès. Après un échange d’observations entre M. le Président et les divers membres de la réunion, on a pris à l’unanimité les résolutions suivantes:

1° Sans attendre les fêtes de la consécration de l’église S. Baudile, que des lenteurs plus ou moins imprévues pourraient de beaucoup retarder, le Congrès s’ouvrira dans deux ans.

2° Il faut imprimer aux travaux de cette assemblée un caractère de christianisme et d’utilité pratique. Il faut donc qu’elle se place tout particulièrement au point de vue chrétien, qu’elle tende à la régénération chrétienne de la société, que, dans ce but, les études les plus sérieuses soient faites au sein des commissions, et qu’aux séances publiques les résolutions soient proposées dans des rapports aussi brefs qu’intéressants et par des improvisations destinées à frapper plus vivement encore les auditeurs.

3° (relatif à la durée du Congrès et de ses séances. Supprimé: voir procès-verbal suivant).

4° Il faudra restreindre à quelques hautes questions le programme du Congrès. En effet traiter de tout ce qui intéresse la société chrétienne, c’est se condamner à toucher légèrement chaque question et à réduire ce que publicistes et Congrès ont déjà élucidé. Pour donner des résultats quelque peu nouveaux, les études du Congrès doivent perdre en étendue et gagner en profondeur. La spécialité du reste ne fait pas obstacle à la pluralité des questions, retenue dans des limites convenables. Enfin elle présente un avantage tout particulier au point de vue pratique. Elle permet de choisir les questions qui, par leur nature, intéressent plus directement les pays dont les délégués assisteront au Congrès.

5° Comme à Paris et à Montpellier, un programme sera publié d’avance. Les collaborateurs du Congrès devront le suivre fidèlement. S’il écarte certaines matières et qu’il éloigne ainsi les hommes spéciaux qui les ont exclusivement étudiées, n’oublions pas que les séances n’étant pas nombreuses, le nombre des orateurs ne doit pas être grand, et que d’ailleurs, les sujets adoptés, tout limités qu’ils puissent être, seront encore assez vastes pour toucher de près à toutes les branches de la science économique. Toutes les oeuvres qui intéressent les Comités catholiques sont assurément de la plus haute importance. Mais à l’Assemblée nationale par exemple, ne voit-on pas à chaque session un nombre restreint de questions discutées et résolues?

Ces prémisses posées, le R.P. d’Alzon fait part à la réunion d’une idée qui le frappe: la famille n’offrirait-elle pas au Congrès le sujet d’études le plus fécond? Il indique trois points à traiter: 1° Etablir que la famille a cessé d’être chrétienne; 2° démontrer la nécessité de son retour à l’esprit religieux; 3° énumérer et discuter les moyens qui le rendront facile. – Que de questions réunies en germe dans cet essai de programme!

Accuser publiquement, dans les membres de la famille, l’incrédulité et l’immoralité, tristes effets de l’ignorance religieuse, de la propagande des livres impies et obscènes, de la multiplication des lieux de plaisir, de la contagion des mauvais exemples…; dans l’unité morale de la famille, la substitution du principe civil au principe religieux, et ses fatales conséquences: abaissement du mariage au niveau des contrats, impatience de la vie de famille, pratique du malthusianisme le plus exagéré, décadence de l’autorité paternelle, énervée par les lois, outragée par l’esprit d’indépendance individuelle… N’est-ce pas là tout un ensemble de recherches et de constatations qui se rattachent au premier point?

Le second point attire l’attention sur les bienfaits du retour de la famille au christianisme: union des membres, paix au foyer domestique, esprit de sage économie, voilà pour le bonheur privé; adoucissement des passions populaires, restauration de l’harmonie sociale, voilà pour le bonheur de l’Etat. Pour la richesse publique, l’accroissement de la population, la régularité désormais assurée du travail seront les gages infaillibles du plus bel avenir.

Pour obtenir cet heureux résultat, il faut, et c’est là le troisième point: 1° Moraliser l’individu, c.à.d. répandre de plus en plus l’instruction religieuse, propager les bons livres, pousser à l’économie par l’oeuvre de la caisse des familles, recommander l’observation du dimanche, exercer l’apostolat individuel au moyen de la parole et surtout des bons exemples. 2° Sanctifier l’agrégation, c’est-à-dire purifier les unions illicites, revendiquer pour le mariage un caractère essentiellement religieux, resserrer les liens domestiques (ici l’on voit surgir la question des Cercles), et remettre en honneur la fécondité du mariage par la réfutation du malthusianisme. 3° Fortifier l’agrégation, c.à.d. rendre au père la liberté testamentaire comme sanction de son autorité.

Veut-on ajouter à cette étude une discussion sur la famille ouvrière, sur la famille dans ses rapports avec le travail: on peut rechercher:

Comment et dans quel esprit elle se livre au travail. Cette question se décompose facilement: conditions matérielles de la vie ouvrière actuelle; haine du travail; découragement ou désespoir qui enraye bien des ouvriers dans l’ornière de la routine; options dangereuses pour la société dans le choix du travail, et notamment désertion de l’industrie agricole et de la vie rurale.

2° Comment et dans quel esprit elle doit se livrer au travail. Au point de vue spirituel, le travail est un châtiment salutaire, une épreuve de quelques années. D’où question: de l’influence des idées religieuses sur l’ouvrier et sur le travail. Au point de vue matériel, le travail est la source unique de la richesse: d’où réfutation des théories socialistes sur le capital et le droit au travail. Faut-il suivre les progrès des arts mécaniques et adopter les méthodes nouvelles d’exploitation, éprouvées et jugées bonnes? C’est toucher à la théorie de l’alliance de l’esprit de progrès avec le culte des traditions. Enfin signaler, en matière de profession, l’inconstance des familles, apprécier ce fait et mesurer l’influence qu’il a subie du partage forcé successoral, c’est là une autre face de la question ouvrière, d’un intérêt pratique et scientifique tout à la fois.

Comment ramènera-t-on la famille ouvrière à la pratique sage et chrétienne du travail sainement compris. – D’un côté, en rehaussant le travail par une conception pure, religieuse, vulgarisée avec intelligence et netteté. D’autre part et surtout, en relevant l’ouvrier*. Il faut donc améliorer avec une affectueuse sollicitude le sort des travailleurs; c’est le côté des intérêts matériels; pour les besoins de l’âme, ne doit-on pas protéger l’inexpérience de l’enfant, la faiblesse de la femme, lutter contre l’immoralité qui envahit de plus en plus l’atelier, remettre en pratique les traditions religieuses et les habitudes chrétiennes dans l’usine, le chantier, le magasin ou le domaine, faire observer la loi du dimanche et oublier la coutume du lundi et les orgies qu’elle consacre…? – L’étude serait trop incomplète si l’on ne soulevait pas en outre la question des corporations ouvrières, de leur rôle historique, de leur influence sociale, de la législation qui les régit actuellement, de ce que l’avenir réserve en leur faveur.

Il a été convenu que ces questions seraient mentionnées dans le procès-verbal et appréciées à la réunion suivante.

Avant de nous séparer, le R.P. d’Alzon nous a fait contempler avec lui le spectacle bien encourageant que donnent les grandes oeuvres catholiques de notre siècle, victorieuses de tant d’obstacles. Plusieurs ont déjà triomphé et sont à toujours florissantes. D’autres, comme l’enseignement chrétien, gagnent leur dernière bataille.

La séance a été levée à 10 heures moins le quart.

Notes et post-scriptum
1. Sur cette séance et les suivantes, v. *Lettre* 5245 et note 2.