Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)

22 mar 1875 Nîmes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)
  • Séances destinées à préparer les travaux du Congrès
    Séance du 22 mars 1875
  • CC 6, pp. 16-24.
Informations détaillées
  • 1 AUTORITE PAPALE
    1 BONNES OEUVRES DES LAICS
    1 CATHOLICISME
    1 CITOYEN
    1 CLERGE
    1 CONGRES CATHOLIQUES
    1 CONSPIRATION MACONNIQUE
    1 CORPORATIONS
    1 DOGME
    1 DOUTE
    1 ENNEMIS DE DIEU
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENNEMIS DE LA SOCIETE
    1 EPISCOPAT
    1 ETATS PONTIFICAUX
    1 FAMILLE
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 HERESIE
    1 JANSENISME
    1 LUTTE ENTRE L'EGLISE ET LA REVOLUTION
    1 MENEURS
    1 MISSION DES LAICS
    1 OEUVRES DE DEFENSE RELIGIEUSE
    1 PATRIE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 REPUBLIQUE ADVERSAIRE
    1 SACRILEGE
    1 SATAN
    1 SEMINAIRES
    1 SOCIETES SECRETES
    1 SOUVERAIN PROFANE
    1 TEMPLIERS
    1 UNIVERSALITE DE L'EGLISE
    2 ADONIRAM
    2 ALBERT DE BRANDEBOURG
    2 ALEXANDRE VI, PAPE
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 BISMARCK, OTTO VON
    2 BOUET, LAURENT-MARIE
    2 CAIN
    2 CLEMENT V
    2 CLEMENT XIV
    2 COULET
    2 COUREGE, DE
    2 CRETINEAU-JOLY, JACQUES-AUGUSTE
    2 DOUMET
    2 GOUBIER, LOUIS-GUSTAVE
    2 GREGOIRE XVI
    2 GUILLAUME I, EMPEREUR
    2 MAURIN
    2 MAZZINI, GIUSEPPE
    2 MICHEL, SAINT
    2 MOLAY, JACQUES DE
    2 PANSIER, RAYMOND
    2 PHILIPPE LE BEL
    2 PROUDHON, PIERRE-JOSEPH
    2 RENE, ABBE
    2 SAINT-ALBIN DE
    2 SALOMON
    2 ZOROASTRE
    3 BRANDEBOURG
    3 EGYPTE
    3 FRANCE
    3 GRECE
    3 ITALIE
    3 PARIS
    3 PERSE
    3 PRUSSE
    3 ROME
  • 22 mars 1875
  • 22 mar 1875
  • Nîmes
La lettre

La séance s’est ouverte à huit heures et quart. M. l’abbé René, MM. Pansier, Maurin, de Courège, Allemand, Coulet, Goubier, Doumet et Bouet se trouvaient réunis sous la présidence du R.P. d’Alzon. Après le Veni Sancte Spiritus, le procès-verbal de la dernière séance a été lu et adopté sous le bénéfice de deux rectifications. M. Allemand a fait observer que les cercles italiens créaient, dans les communes rurales, moins de succursales que de véritables sections détachées. Le R.P. d’Alzon a dit à son tour que, dans ses voeux, les cercles ne devaient pas sans doute être exclusivement dirigés par des prêtres, mais qu’entre le clergé et les cercles devait intervenir une alliance, acceptée par les cercles, et destinée à donner au prêtre la place qui lui convient, surtout dans les questions où la religion est intéressée.

M. Allemand, prié de donner les conclusions écrites de l’étude qu’il avait faite dans la séance précédente, a déclaré qu’il se bornait à adopter purement et simplement le résumé contenu dans le procès-verbal.

L’ordre du jour appelait aujourd’hui un travail sur la franc-maçonnerie. Le R.P. d’Alzon a exposé successivement le but de cette étude, l’origine des sociétés secrètes et en particulier de la franc-maçonnerie, les sources où cette institution puise ses forces, les genres d’auxiliaires qu’elle se donne, l’oeuvre qu’elle poursuit, l’habileté infernale qui préside à la combinaison de ses plans.

I. But de ces recherches. – Il s’agit, d’une manière générale, de préparer nos esprits aux discussions du Congrès et, en particulier, de comprendre la nécessité d’opposer aux mauvaises sociétés les sociétés chrétiennes. Tout aujourd’hui se réduit à la distinction entre Dieu et le mal, entre les amis de J.C. et les ouvriers de Satan.

II. Origine des sociétés secrètes. – La passion du secret est un des caractères de l’homme. Aussi dans tous les temps on a formé des sociétés secrètes. Pourtant il n’y a pas entre elles la connexité que l’on prétend y trouver.

Suivant des rituels de la franç-maçonnerie, elle remonterait à Dieu le Père, ou à St Michel, ou à Caïn. Mais ces affirmations ne sont pas sérieuses. On veut aussi reconnaître cette institution dans les sociétés secrètes de la Perse, au temps de Zoroastre, ou dans celles de l’antique Egypte. La Grèce a eu ses mystères, et Rome a caché dans ses murs des associations ténébreuses. Mais toutes ces réunions, toutes ces sociétés n’avaient qu’un lien, l’amour du secret, la haine de la société publique. La franc-maçonnerie ne descend pas d’elles, et la faire remonter à Salomon, c’est prendre pour une histoire vraie le mythe d’Adoniram.

Les Templiers formaient aussi une société secrète où se commettaient des abominations qui justifièrent les rigoureuses décisions du Pape et du roi de France. Ils avaient probablement adopté le principe et le culte du dualisme. N’y aurait-il pas une allusion à cette croyance dans la distribution de leurs églises en deux nefs? Quoi qu’il en soit, il y a entre eux et les Francs-Maçons une certaine affinité. Comme les Francs-Maçons de nos jours, les Templiers avaient la haine de la papauté et de la royauté. Elle est caractérisée par l’appel de Jacques Molay, citant Philippe et Clément au tribunal de Dieu. Mais peut-on dire que la maçonnerie soit une suite immédiate, une continuation déguisée de l’Ordre du Temple? Son origine est plus récente, si l’on en croit les Jésuites de Civitas Cattolica. On peut dire toutefois qu’elle est une résurrection de l’Ordre des Templiers.

La Franc-Maçonnerie offre aussi bien des points de contact avec la Réforme.

III. – Ce qui fait la force de la maçonnerie. – La maçonnerie tire sa force du secret et du nombre. Mais le secret appartient réellement à peu d’hommes, et le nombre, après la victoire, se morcelle et se réduit, sous l’influence des méfiances et des rivalités. Il y avait, en 1789, trois cents sociétés secrètes à Paris. Cinq ans plus tard, on n’en comptait que trois ou quatre. L’Eglise au contraire ouvre à tous ses temples et prêche à tous ses dogmes. Considérée comme société humaine, elle a le grand avantage de reposer sur un chef reconnu, au-dessus de toute ambition, car il est au faîte des hommes et vers lui tout converge.

IV. – Auxiliaires de la maçonnerie. – La maçonnerie ouvre ses rangs aux princes. De la plupart elle fait des dupes. Quelques-uns l’ont employée comme un utile instrument de leurs desseins. Tel fut l’Electeur de Brandebourg qui créa le royaume de Prusse avec l’appui des Francs-Maçons. Il y a peu de temps le roi de Prusse était le chef de la maçonnerie européenne, et 5 ans avant la guerre franco-allemande, des auteurs parlaient de la possibilité d’écraser la France par la franc-maçonnerie. Mais, somme toute, Guillaume est dupe. La franc-maçonnerie travaille pour la République Universelle, et c’est probablement sous la haute et mystérieuse directions de M. de Bismarck.

V. – Oeuvre que poursuite la maçonnerie. – La franc-maçonnerie fait la guerre à l’Eglise, mais cette lutte, c’est le combat entre la société antithéiste et la société fondée par N.S.J.C. Proudhon a répondu solennellement le jour de sa réception que l’objet du devoir maçonnique, c’était la guerre faite à Dieu.

M. Allemand, prenant alors la parole, fait remarquer que les paroles de Proudhon: Dieu, c’est le mal, veulent dire: c’est l’auteur du Chaos, l’ennemi de Lucifer, qui a apporté dans le monde le feu, la lumière, l’ordre, c.à.d. la vie et la beauté.

Le R.P. d’Alzon reprenant la suite de sa conférence, nous apprend que les rituels maçonniques disent à l’apprenti qu’il suffit d’être bon père, bon époux et bon citoyen, que les dogmes importent peu… Le catholicisme, au contraire, impose des articles de foi précis et obligatoires. C’est qu’il est une affirmation. La maçonnerie veut y substituer le doute qui conduit à la négation. Pourtant cette société reconnaît Dieu; mais c’est pour le haïr: elle est, non pas athée, mais antithéiste. Toute porte à croire que dans les hautes Loges le culte du bien et du mal est adopté.

VI. – Habileté des combinaisons maçonniques. – Le R.P. d’Alzon lit quelques pages, empruntées par M. de Saint-Albin à l’ouvrage de M. Crétineau Joly, « L’Eglise en face de la Révolution ». Elles contiennent une instruction de la vente suprême d’Italie, destinée à tracer les devoirs des initiés en présence de l’Eglise et de la papauté. On peut ainsi les résumer:

1° Les ventes d’Italie doivent amener l’affranchissement de l’Italie et du monde, l’établissement de la République Universelle.

2° Elles doivent diriger tous leurs efforts contre la papauté qui exerce une grande influence sur l’Italie, l’employer, si elles peuvent, à l’oeuvre commune, puis l’anéantir.

3° Pour mieux réussir, elles doivent se couvrir d’apparences religieuses et faire le premier pas vers l’Eglise afin de vaincre l’Eglise et le Pape. Il ne s’agit pas de convertir la papauté aux idées maçonniques. On ne songe pas même à faire arriver un franc-maçon sur la chaire de St Pierre: ce serait une élévation, trop grande pour lui, trop dangereuse pour les Loges. On ne veut pas davantage susciter un Alexandre VI. Malgré tous les vices qu’on lui prête, ce pape et resté fidèle et intraitable dans les affaires de la foi. Il faudrait un Ganganelli, tolérant pour l’erreur et faible envers les incrédules. En attendant, il importe d’une part de compromettre les évêques hostiles à la franç-maçonnerie, de leur tendre des pièges, de mentir pour les perdre, « de les écraser, s’il en est besoin, à force de calomnies. » D’un autre côté, il faut entraîner à son insu la jeunesse vers les sociétés secrètes, pour cela gagner l’estime des familles, obtenir la direction des études, pénétrer même dans les séminaires, réveiller les haines nationales et les allier au zèle religieux, pour s’adresser à la foi et au patriotisme, envahir ainsi les coeurs généreux par une influence toujours croissante, puis flatter les passions, faire éclater la lutte en sein même de la place et se rendre maître d’une citadelle dont on aurait peu à peu occupé tous les points.

Ce programme reçut à la mort de Grégoire XVI un commencement d’exécution. On voulait à prix d’argent faire élire un pape tel que le rêvait la maçonnerie. La prompte décision du conclave fit échouer ce projet. On vit alors les Maçons venus se donner pour mot d’ordre de détruire lentement l’Eglise par l’Eglise. L’une d’elles, qui avait rejeté Mazzini comme n’étant pas assez pur, comptait 37 membres qui allaient à la Table sainte pour mieux cacher leurs intentions, mais cherchaient à acheter des professeurs capables d’infiltrer avec modération et persévérance les doctrines maçonniques dans les séminaires.

Tels sont les plans de la franc-maçonnerie. Elle redoute surtout les corporations religieuses, cette vaillante milice de l’Eglise, et déchaîne contre elles les fureurs de ses adeptes. Elle imite ainsi les hérésies et entre autres le Jansénisme, dont le Protestantisme est le frère aîné(1).

Le R.P. d’Alzon, concluant, nous dit qu’il faut travailler avec ardeur à former des corporations chrétiennes laïques, pour lutter contre les sociétés secrètes, et en particulier contre les Loges de la maçonnerie.

Avant de nous séparer, il est convenu que la prochaine réunion est renvoyée au lundi 5 avril, à raison des vacances de Pâques. M. Bouet parlera du sentiment général de l’humanité sur le caractère du mariage.

Le Sub tuum récité, la séance est levée à dix heures.

Notes et post-scriptum
1. Voir *Lettre* 5268 et n.3. - Dans le cadre de l'affaire Cazaux (v. *Lettres* 5253 et 5256 et leurs notes), le P. d'Alzon publia en trois fois dans la *Gazette de Nîmes* (11, 14 et 16 avril 1875) un article intitulé : *L'Université, séminaire de la Franc-maçonnerie selon de maladroits défenseurs* (dans cette banque de données: C00032 à C00034).