Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)

19 apr 1875 Nîmes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)
  • Séances destinées à préparer les travaux du Congrès
    Séance du 19 avril 1875
  • CC 6, pp. 35-44.
Informations détaillées
  • 1 ANTICLERICALISME
    1 APOSTOLAT
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 CERCLES OUVRIERS
    1 COMITES CATHOLIQUES
    1 COMMUNE
    1 CONGRES SOCIALISTE
    1 COURS PUBLICS
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DIVORCE
    1 EDUCATION HUMAINE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENNEMIS DE LA RELIGION
    1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA THEOLOGIE MORALE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 ENSEIGNEMENT DU DOGME
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 ENSEIGNEMENT RELIGIEUX
    1 FORMATION DU CARACTERE
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 FUNERAILLES
    1 IDEES REVOLUTIONNAIRES
    1 INDIFFERENCE
    1 INSTRUCTION RELIGIEUSE
    1 LAICISME
    1 LEGISLATION
    1 LIBRE PENSEE
    1 MARIAGE
    1 MATERIALISME
    1 MAUVAISES LECTURES
    1 MINISTRES PROTESTANTS
    1 MISSION DES LAICS
    1 MORALE INDEPENDANTE
    1 OEUVRES DE JEUNES
    1 PANTHEISME
    1 PRESSE CATHOLIQUE
    1 PRESSE REVOLUTIONNAIRE
    1 PROLETARIAT ADVERSAIRE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 QUESTION SOCIALE
    1 RADICAUX ADVERSAIRES
    1 SEPARATION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 ARAGO, EMMANUEL
    2 BARESCUT, DE
    2 BARNI, JULES-ROMAIN
    2 BARTHELEMY SAINT-HILAIRE, JULES
    2 BEAUVOISIN
    2 BLANC, LOUIS
    2 BOISSIER
    2 BONHOMME, JACQUES
    2 BOUET, LAURENT-MARIE
    2 CISSEY, LOUIS DE
    2 COULET
    2 COUREGE, DE
    2 CREMIEUX, ADOLPHE
    2 DOUMET
    2 EVERLANGE, HENRI D'
    2 FOURIER, CHARLES
    2 FRANCOIS, JEAN
    2 GAREISO, JOSEPH
    2 GARIBALDI, GIUSEPPE
    2 GERARD, MICHEL
    2 GORON
    2 GOUBIER, ALEXANDRE
    2 GOUBIER, LOUIS-GUSTAVE
    2 MARTIN, HENRI
    2 ORDINAIRE, DIONYS
    2 PANSIER, RAYMOND
    2 POUPIN, VICTOR
    2 QUINET, EDGAR
    2 RENE, ABBE
    2 RICHE
    2 VEISSARD
    2 VERGE
    3 AVIGNON
    3 NIMES
    3 PARIS
  • 19 avril 1875
  • 19 apr 1875
  • Nîmes
La lettre

Plus nombreuse qu’à l’ordinaire, notre réunion comprenait M. l’abbé René, MM. Pansier, d’Everlange, Barescut, de Courège, Allemand, Tiche, Goubier Gustave, Goubier Alexandre, Doumet, Coulet et Bouet, présidés par le R.P. d’Alzon. Après le Veni Sancte Spiritus, le procès-verbal a été lu et adopté, après une légère correction faite sur le texte même, à propos de la différence qui distingue les catholiques des protestants.

La parole a été donnée ensuite à M. l’abbé René qui a bien voulu nous entretenir de la mauvaise propagande. Plus tard, il déduira des faits signalés dans cette première conférence la nécessité de répandre avec activité et dévouement les saines doctrines; il indiquera aussi les moyens efficaces pour réaliser cette oeuvre de salut.

La presse est une puissance qui se met au service du mal et du bien. C’est pourquoi elle attire surtout l’attention des comités catholiques; c’est pourquoi également nos adversaires combinent leurs efforts pour la dominer et s’en faire un instrument.

Ils l’ont déjà employée pour répandre à profusion leurs théories et leurs systèmes. L’initiative individuelle a donné naissance à bien des opuscules. Mais des sociétés fortement organisées font imprimer des brochures qu’elles donnent plutôt qu’elles ne les vendent. C’est de ce genre de publications que M. l’abbé René veut tout particulièrement s’occuper.

On peut signaler trois canaux principaux de mauvaise propagande: la Société Franklin, la Bibliothèque démocratique, la Bibliothèque républicaine.

I. – Société Franklin. Protestante dans les idées qu’elle propage, cette association publie des livres d’origine protestante, et la plupart de ses membres sont protestants. Elle est animée d’un esprit de modération, d’autant plus dangereux qu’il est plus séduisant, et c’est à l’indifférence que cette société conduit fatalement ses lecteurs. Ses succès sont très grands. Elle a reçu des encouragements officiels (lettre de M. de Cissey, ministre de la guerre). En 1873, elle comptait 1180 souscripteurs. Depuis sa fondation jusqu’à cette époque (1867-1873), elle avait répandu 103.300 volumes. Pour envahir les bibliothèques militaires, elle a recueilli 102.185 fr. à titre de souscription. Aussi a-t-elle contribué à la fondation de 244 bibliothèques de caserne, 112 bibliothèques de régiment, 5 bibliothèques à l’usage des marins dans les ports, 45 bibliothèques de pénitenciers! Et pourtant c’est un agent de corruption intellectuelle. Dans sa collection à vingt-cinq centimes le volume, elle offre à tous les hommes, quelles que soient leurs opinions et leurs croyances, une véritable encyclopédie, où l’histoire, la littérature, l’économie sociale et domestique, l’hygiène même servent d’enveloppe et en quelque sorte de véhicule à une idée générale et principale d’indifférence. Les livres à trois sous accusent des tendances plus nettement hostiles à l’Eglise. Jean François y développe des idées fort peu catholiques sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, sur le clergé, sur la plupart des questions sociales. Il voudrait l’exclusion de l’enseignement religieux, le rejet, aux prochaines élections, des candidatures catholiques; il est plus effrayé de l’internationale noire que du spectre rouge.

Dans une série de brochures à 0,20, la politique de Jacques Bonhomme consiste à remplacer dans l’esprit des populations rurales, l’idée de revanche, par une adhésion réfléchie aux principes des Fortunés amis de la Paix, assemblée qui se réunissait naguère aux cris de « guerre à Dieu, guerre à la propriété! »

II. – Bibliothèque démocratique. Elle se compose de quarante brochures de 200 pages environ, au prix de 0,30. Projetée avant les événements de 1870, réalisée en partie avant cette époque, la fondation de cette bibliothèque est due à Victor Poupin et à ses collaborateurs Emm. Arago, Barthélemy d’Hilaire, Louis Blanc, Crémieux, Ordinaire, Quinet, Henri Martin… Elle a pour but la diffusion de ce qu’elle appelle les vérités philosophiques et sociales, la conquête des populations aux idées nouvelles, la victoire de la presse libre-penseuse sur les publications cléricales. On peut citer, au nombre de ses principales brochures, la Séparation de l’Eglise et de l’Etat, les Jésuites, la Confession, le Divorce, les Enfants naturels, l’Association et le Travail attrayant (de Fourier)…

III. – Bibliothèque républicaine. Ses quarante-cinq brochures n. 32, à 0,20, se subdivisent en trois groupes.

1° Politique du père Gérard. Elle se distingue par un esprit d’indulgence pour les hommes de la Commune et de haine contre la religion.

2° Cahiers d’histoire, apologie de la Révolution.

3° Catéchismes et manuels républicains, dus à la plume de Barni, de Goron, de Veissard… Ils affirment les idées matérialistes. Le catéchisme de morale universelle, parvenu à la 23me édition, contient, entre autres blasphèmes, cette théorie que l’idée de Dieu ôte à l’homme toute liberté, toute dignité. Dans un ton plus modéré, les Lettres à Jacques Bonhomme et celles que Jacques Bonhomme est censé écrire, prêchent aux populations rurales la haine de la religion et du clergé.

Sortant des détails, M. l’abbé René fait remarquer que la propagande mauvaise, ardente et puissante après 1870, s’est ralentie en 1873. Mais l’esprit malin ne dort pas. Il sommeille pour reprendre des forces. Les défenseurs de la religion doivent être plus que jamais vigilants et dévoués.

La pensée commune de ceux qui veulent entraîner les populations dans la voie démocratique se révèle à trois points de vue:

1° Dans l’ordre religieux, ils veulent exclure les doctrines chrétiennes, les remplacer par les idées positivistes, panthéistes ou matérialistes, séculariser le mariage et les cérémonies funèbres, opérer la destruction lente et progressive de toute religion.

2° Dans l’ordre purement intellectuel, l’objet de leurs voeux, c’est l’instruction laïque, gratuite et obligatoire; leur haine poursuit l’Internationale noire, c’est-à-dire le clergé, et partout ils combattent l’influence qu’il peut exercer sur les esprits.

3° Dans l’ordre social, ils tendent à légitimer le divorce, à donner aux fruits de l’union illicite une complète similitude avec les enfants nés du mariage. Ils favorisent l’association des ouvriers, ligue dirigée contre ce qu’on appelle la tyrannie des patrons, et le Congrès de la paix, réuni sous la direction supérieure du héros de la liberté, Garibaldi.

Cette oeuvre de propagande est puissamment organisée. Au sommet de la hiérarchie, on voit un comité central, dont le siège est à Paris. Dans les provinces, les comités particuliers perçoivent les cotisations, dont le minimum est de 12 francs. Les 3/4 sont versés dans la caisse du comité central. Les pasteurs protestants et les municipalités radicales les encouragent de leur patronage. M. René cite l’exemple de Vergé et de Beauvoisin. Toutefois, il termine par un hommage rendu au zèle de l’administration supérieure et départementale qui a su réprimer quelque peu ces mauvaises publications.

M. le président fait alors remarquer la touchante alliance qui réunit les ministres protestants et les radicaux. Ils ont la même tactique: fuir la discussion, mais inonder le pays de brochures, que beaucoup liront, sans connaître les ouvrages qui les réfutent. Le R.P. d’Alzon croit que la Société Franklin est surtout maçonnique. Il invite M. l’abbé René à faire des recherches sur ce point. Il le prie aussi de vouloir bien rédiger un rapport où seraient indiqués les passages des mauvais livres, injurieux pour le clergé et susceptibles de former la matière d’une poursuite en justice. Les catholiques doivent s’affirmer énergiquement et par toutes les voies légales en face de leurs adversaires.

L’ordre du jour appelant une discussion sur le projet de fonder à Nîmes des conférences pour la jeunesse chrétienne, M. Bouet a la parole sur cette question. Il rappelle que M. Boissier et lui ont fait au R.P. d’Alzon, qui les a accueillies avec sa bienveillance ordinaire, des propositions au sujet d’une oeuvre destinée à soustraire la jeunesse à la contagion des idées fausses et aux influences malsaines. Il s’agirait d’offrir aux jeunes gens qui sortent des collèges, à la fois des distractions intellectuelles qui les instruisent et une série d’études, conduites dans un esprit chrétien et destinées à faire d’eux les défenseurs compétents et capables des principes religieux, moraux et sociaux. Des conférences peuvent seules remplir ce but. La puissance de ces entretiens d’où le sérieux n’exclut point les charmes d’une douce fraternité, a été reconnue même par nos adversaires. Leurs conférences sont prospères; ils y attirent de jeunes catholiques. Leur influence y gagne de s’étendre sur le terrain où la foi catholique devrait seule dominer. Il faut opposer au mal le remède et mettre au service de la vérité l’instrument auquel l’erreur nous donne l’exemple de recourir.

Quel sera le nombre de ces conférences? Cette question touche de près à celle-ci: quel en sera l’objet? Il importe de s’adresser à tous les genres d’esprit. Le droit est la matière des études de bien des jeunes gens. Il y aura des conférences juridiques. La littérature, et avec elle la philosophie, passionnent des âmes nombreuses: elles seront représentées dans une seconde conférence. Les sciences ne seront pas exclues: une troisième conférence s’ouvrira pour elles. Mais au-dessus de toutes les exigences intellectuelles, il y a le besoin pressant d’une instruction religieuse, car, nous, laïques, nous devons être, à défaut du prêtre que le monde repousse, les apôtres dans le monde des dogmes et de la morale du catholicisme. La quatrième conférence sera consacrée à la théologie.

Le R.P. d’Alzon, après avoir fait l’historique des essais de conférence tentés à Nîmes, dit que l’idée de les reprendre est digne d’attention. Les éléments ne manqueront pas. Il y aura dans le clergé, dans la magistrature, dans le barreau et dans l’enseignement, des hommes dévoués qui se mettront à la tête de ces conférences, et les jeunes gens studieux n’hésiteront pas à prendre part à ces utiles réunions.

M. Allemand signale une science très utile à connaître, car la libre-pensée s’appuie sur ses données pour nous combattre: c’est la géologie. M. René se charge de conférer avec M. le chanoine Gareizo, géologue savant et dévoué, dont le concours direct ou indirect ne nous fera pas défaut.

Le R.P. d’Alzon s’occupera de ce qui concerne spécialement la théologie.

Il confie à M. Bouet le soin de faire un rapport sur l’organisation des conférences de Droit.

Il prie M. Allemand de préparer la fondation d’une conférence de littérature.

M. Pansier propose la création d’un cercle catholique pour la jeunesse. M. d’Everlange appuie fortement cette motion. Avignon nous donne l’exemple de la tentative et du succès. Un cercle est nécessaire pour regrouper les jeunes gens. Il y aura des journaux; la causerie offrira les attraits de ses charmes. Des conférences, le soir, joindront l’utile à l’agréable.

Quel sera le caractère de ces conférences? Elles seront surtout dogmatiques. C’est ainsi qu’elles peuvent être sérieuses. De simples controverses ne présenteraient pas les mêmes garanties. On peut du reste, à un titre secondaire, joindre la discussion à l’exposition méthodique. L’activité intellectuelle de chaque membre pourra ainsi se donner carrière, sans compromettre ni l’oeuvre ni l’esprit de nos réunions.

Comme voies et moyens, le R.P. d’Alzon offre, avec une générosité dont les promoteurs des conférences lui seront toujours reconnaissants, ses locaux et son concours bienveillant.

Après le Sub tuum, la séance a été levée à dix heures et quart. L’ordre du jour de la prochaine séance comprend les rapports divers qui seront faits relativement à nos futures conférences.

Notes et post-scriptum