Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)

19 may 1875 Nîmes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)
  • Séances destinées à préparer les travaux du Congrès
    Séance du 19 mai 1875
  • CC 6, pp. 62-69.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 ART DE LA MEDECINE
    1 BEAU LITTERAIRE
    1 CONGRES CATHOLIQUES
    1 DEGRES DE L'ENSEIGNEMENT
    1 DON D'INTELLIGENCE
    1 DROITS DE L'HOMME
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 FACULTES DE THEOLOGIE
    1 LEGISLATION
    1 LOI DIVINE
    1 LOI HUMAINE
    1 LOI MORALE
    1 LOI SANS DIEU
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 PLANS D'ACTION
    1 PREAMBULES DE LA FOI
    1 PSYCHOLOGIE
    1 REVELATION
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 THEOLOGIE DE SAINT THOMAS D'AQUIN
    1 THEOLOGIE NATURELLE
    1 UNIVERSITES D'ETAT
    1 VISION BEATIFIQUE
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 BOUET, LAURENT-MARIE
    2 DOUMET
    2 GOUBIER, ALEXANDRE
    2 HOMERE
    2 RENE, ABBE
    2 RICHE
  • 19 mai 1875
  • 19 may 1875
  • Nîmes
La lettre

A huit heures et quart, ouverture de la séance et récitation du Veni Sancte par le P. d’Alzon, président. Etaient présents M. l’abbé René, MM. Allemand, Riche, Doumet, Alexandre Goubier et Bouet. Le procès-verbal de la séance précédente a été lu et adopté.

M. Allemand propose d’ajouter à la liste des sujets énumérés dans la séance précédente cette question: « Du sentiment de la nature dans la Bible et dans Homère ». Ayant la parole sur le développement de son programme, déjà esquissé dans la séance du 10, l’honorable membre nous dit que la vérité peut être considérée sous trois aspects: il y a la vérité se voyant elle-même ou vue en elle-même: c’est la vision de Dieu ou la vision des saints. Il y a aussi la vérité connue par la révélation: c’est à la dégager de toute ombre que la théologie consacre ses efforts. Enfin il y a la vérité connue par les lumières de la raison: c’est la vérité philosophique. Mais pour atteindre cette vérité, l’esprit, au lieu de s’élancer libre et puissant vers elle, doit cheminer lentement, appuyé sur des sciences particulières qui lui permettent de supporter le choc des erreurs et qui le soutiennent dans ses ébranlements. Ce sont les sciences instrumentales. Telles sont la logique, l’histoire, les mathématiques…

L’idéal d’une classification consisterait donc à mettre au centre les sciences philosophiques et tout autour, comme autant de satellites, les sciences instrumentales. Mais en pratique, cela est encore peu réalisable. Toutefois n’imitons pas les facultés de l’Etat, où l’on voit les Sciences faire antithèse avec les Lettres, ces dernières comprenant toutefois les sciences morales, philosophiques et historiques. M. Allemand veut qu’une épithète suive ce nom de Sciences pour exprimer que le groupe ainsi désigné n’est pas à lui seul la Science, mais une partie seulement des sciences. Il ne comprend en effet que les sciences exactes, les sciences physiques et naturelles. Au surplus, ne pouvant en pratique organiser une grande faculté des Sciences instrumentales, il accepte comme une faculté de l’université future le faisceau des sciences exactes, physiques et naturelles.

La Logique, instrument des sciences métaphysiques, sera comprise dans la faculté qui portera le nom de sciences philosophiques.

Que faut-il comprendre sous le nom générique des Lettres, et dans quelle grande faculté les faire entrer?

Les Lettres comprendraient: 1° l’étude des langues; 2° l’étude de la littérature et de la poésie.

Les Beaux-Arts formeraient une section à part. Comme les Lettres, ils rentreraient dans la grande faculté des sciences philosophiques.

Les chaires à créer seraient les suivantes:

1° Cours d’esthétique;

2° Science générale du langage;

3° Grammaire générale et comparée;

4° Littérature comparée;

5° Cours de langue et de littérature hébraïque;

6° Cours de langue et de littérature grecque;

7° Cours de langue et de littérature latine;

8° Histoire de notre langue et de notre littérature;

9° Cours de langue et de littérature romane;

10° Histoire des modifications et transformations de la langue latine.

Au cours de cette énumération et du développement qu’elle comportait, M. Allemand a fait observer que si, dans l’enseignement primaire et secondaire, il faut aborder successivement ce qui intéresse la sensibilité et la mémoire, puis les facultés supérieures à mesure qu’elles se développent…, il faut, dans l’enseignement du troisième degré, suivre un ordre plus logique et gouverné par un principe plus élevé. Or M. Allemand ne veut point que l’on classe les sciences au point de vue subjectif, car on donne à l’homme un rôle trop central; on exalte son orgueil. Il vaut mieux les classer au point de vue objectif.

Comme conclusion pratique, l’honorable rapporteur nous dit que pour le mois de novembre prochain on ne pourra ouvrir que des conférences analogues à celles qui existent déjà dans l’ordre juridique.

M. le président remercie M. Allemand de ses patientes et profondes études. Il invite chacun de nous à suivre cet exemple. Nous pourrons de cette manière présenter dans 18 mois au Congrès catholique un plan large, sérieux, élaboré avec soin d’une université.

Le P. d’Alzon nous fait observer ensuite que dans le langage catholique, les mot science désigne la connaissance des choses créées. La connaissance de Dieu porte le nom de Sagesse. Le don de science ne vient qu’après le don de sagesse. Quels en sont les effets? Tandis que les purs esprits voient face à face la Vérité, les hommes ne la voient que per discursum. Le don de science leur permet de contempler, dans son ensemble, la somme des vérités connues dans l’ordre créé. C’est la doctrine de St Thomas.

Il y a donc deux connaissances:

a. La connaissance des choses incréées. Elle nous est donnée par la théologie et la théodicée.

b. La connaissance des choses créées: psychologie, sciences physiques, naturelles…

M. Allemand répond: sans doute la philosophie est le préambule de la foi. Mais elle ne doit pas être rangée avec la théologie, car elle a son objet, ses règles et ses preuves à part. De là un grand péril pour l’auditeur, si la faiblesse de son intelligence lui faisait confondre la théodicée et la théologie.

Le P. d’Alzon voudrait savoir s’il ne faut pas:

1° à la base mettre toutes les facultés nécessaires à la connaissance en général;

2° placer ensuite dans leur ordre logique les facultés spéciales, telles que le droit, la médecine, les sciences exactes.

Il propose à cet effet d’organiser la classification des sciences dans une université. M. Allemand reverra un travail qu’il a déjà publié dans la Revue de l’Enseignement Chrétien.

Incidemment le P. d’Alzon fait remarquer qu’il faut une chaire d’hébreu dans la faculté de théologie. L’hébreu y sera considéré au point de vue théologique; c’est le rapport littéraire qui dominera dans la faculté des Lettres. Par laquelle des deux chaires faudra-t-il commencer? La question n’a pas été résolue.

M. le président aurait eu volontiers l’idée, nous dit-il, de partir d’une faculté de théologie. Il lui aurait fait correspondre une faculté de philosophie. Le beau instrumental aurait été l’objet des travaux de la faculté des Lettres. Le droit ou harmonie des rapports humains avait une place tout à la suite, car l’harmonie c’est le beau. Enfin l’on aurait créé successivement les chaires afférentes aux sciences exactes, naturelles, à la médecine…

M. Allemand désire que l’on combine tous les efforts pour arriver à la conception d’un plan méthodique et rigoureux. Au reste, pour utiliser ce plan et obéir aux exigences de la pratique, rien n’empêche que l’on ne commence par réaliser les subdivisions inférieures et par organiser tout ce qui a trait aux praeambula fidei et aux sciences instrumentales.

Le P. d’Alzon voudrait que tout, dans la future université, fût pénétré d’un arôme divin et que l’on pût dire au Congrès: Voilà la science chrétienne, voilà l’enseignement chrétien!

Pour éviter l’incohérence des leçons qui se donnent dans les facultés de l’Etat, où les cours sont indépendants les uns des autres et où chaque professeur apporte son système, il faut, dit M. Allemand, établir un lien entre toutes nos facultés. Ce lien sera l’esprit chrétien de l’enseignement; il les fera se grouper toutes autour d’une faculté centrale: la théologie.

Sur la prière du R.P. d’Alzon, M. Allemand se charge d’un travail sur l’unité de l’enseignement catholique par la vérité.

M. Bouet signa les rapports intimes de la loi humaine avec la loi divine, et du droit avec la philosophie et la théologie. Il désirerait qu’une chaire fût créée dans la future faculté de Droit, au vestibule, en quelque sorte, de cette division de notre université, et que le professeur qui en serait titulaire fît un cours d’introduction philosophique et chrétienne à la science du Droit. Le même professeur pourrait, dans un certain nombre de leçons destinées, celles-ci, aux étudiants qui termineraient leurs travaux à l’Ecole de Droit, apprécier les rapports de la morale avec la légalité, telle qu’elle résulte des lois positives que ces étudiants auraient approfondies dans leur séjour auprès de la faculté.

L’ordre du jour de la prochaine séance est ainsi fixé: le R.P. d’Alzon présentera un travail sur le mariage, et subsidiairement, M. Allemand traitera de l’unité dans l’enseignement catholique.

La séance a été levée à dix heures, après la récitation du Sub tuum.

Notes et post-scriptum