Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)

24 may 1875 Nîmes
Informations générales
  • Procès-verbaux du Comité catholique de Nîmes (1875-1876)
  • Séances destinées à préparer les travaux du Congrès
    Séance du 24 mai 1875
  • CC 6, pp. 69-77.
Informations détaillées
  • 1 CLERGE NIMOIS
    1 COMITES CATHOLIQUES
    1 CONGRES CATHOLIQUES
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 ESPRIT CHRETIEN DE L'ENSEIGNEMENT
    1 ETUDIANTS
    1 FAUSSE SCIENCE
    1 FORMATION DU CARACTERE
    1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
    1 INTELLIGENCE
    1 LEGISLATION
    1 LIBERALISME
    1 MAITRES
    1 MATERIALISME
    1 ORGUEIL
    1 PAGANISME
    1 PAPE
    1 PLANS D'ACTION
    1 PREAMBULES DE LA FOI
    1 PROCESSION DU SAINT-SACREMENT
    1 PUISSANCES DE L'AME
    1 RATIONALISME
    1 REGNE DE VERITE
    1 THEOLOGIE
    1 THEOLOGIE NATURELLE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    1 UNIVERSITES D'ETAT
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 BACON, ROGER
    2 BONAVENTURE, SAINT
    2 BOUET, LAURENT-MARIE
    2 BRESSY, EDOUARD DE
    2 DAUDE DE LAVALETTE, HENRI
    2 DESCARTES, RENE
    2 DOUMET
    2 FAYET
    2 GOUBIER, ALEXANDRE
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 RENE, ABBE
    2 RICHE
    2 URBAIN V
    3 ALEXANDRIE, EGYPTE
    3 BABEL
    3 CRACOVIE
    3 ROUEN
  • 24 mai 1875
  • 24 may 1875
  • Nîmes
La lettre

La séance est ouverte à l’heure ordinaire par la récitation de la prière habituelle, dite par le R.P. d’Alzon président. Etaient présents MM. Allemand, de Bressy, Daudé de Lavalette, Alexandre Goubier, Doumet, Bouet. M. l’abbé René et M. Riche faisaient aussi partie de la réunion.

Le procès-verbal de la dernière séance a été adopté sous le bénéfice des observations suivantes:

1° La théologie ne dégage pas de toute ombre, mais elle s’attache à démontrer la vérité révélée.

2° Le Droit est moins le beau que le bien, quoiqu’il y ait l’esthétique du Droit. Le bien, c’est le juste, c’est Dieu, car Dieu est la loi suprême: Erit ipse lex, disent les saintes Lettres.

3° Si l’on doit partir de Dieu pour organiser l’université, du moins l’étudiant, pour entrer dans cette cité, passera par les portes, c.à.d. par les praeambula fidei.

M. Allemand est invité à faire son rapport sur l’université dans l’enseignement catholique par la vérité. L’unité est au fond de tout. Et pourtant c’est contre l’unité que s’est révolté l’orgueil des étudiants comme la superbe des peuples. On a fractionné, morcelé l’université. Les facultés de l’Etat n’ont aucun lien commun. La théologie qui devait servir de couronnement à l’édifice et en rattacher les parties a été reléguée dans les séminaires et dans les facultés spéciales. C’est, dit M. Lallemand, la pulvérisation de la science, qui est le caractère de l’organisation actuelle de l’enseignement. Aussi les cours n’offrent plus d’intérêt, et quand la nécessité professionnelle d’y conquérir des diplômes n’y attire pas les jeunes gens, les facultés sont désertes. Ces faits déplorables sont attestés par des ministres et des académiciens. Du reste ils ne se produisent pas seulement dans la sphère de l’enseignement supérieur. M. Fayet et des archivistes de Rouen ont attesté que l’instruction primaire était plus florissante avant 1789 que de nos jours!

Les sciences philosophiques ont eu leur révolution. Descartes ne se crut que libéral: il était révolutionnaire. Il prétendit réserver la foi: ses successeurs ont envahi cette enceinte sacrée.

Le joug du paganisme a paru plus doux aux lettres et aux arts que celui de la foi.

Le droit, avec les idées des légistes, a reçu l’esprit révolutionnaire et subi son influence.

La médecine est dans l’anarchie: les esprits se portent avec passion sur les questions de principe: est-on spiritualiste? est-on matérialiste? Ce débat vient se mêler à toutes les théories, les entraver, les ralentir.

Singulier spectacle! Dans un même édifice s’élèvent des chaires où l’on enseigne les sophismes de l’école matérialiste, s’ouvrent des salles où se distribue l’enseignement de l’école positiviste, parlent des maîtres qui défendent le spiritualisme et la religion!

A la différence de la science antireligieuse, livrée aux hypothèses et aux conjectures, nous aurons notre base, la vérité révélée et chrétienne! Que si les systèmes de la science humaine se rapprochent de cette vérité, d’elle ils recevront à la fois leur puissance et leur unité.

M. Allemand donne à sa pensée des développements scientifiques que nos mémoires, à défaut du procès-verbal condamné à ne pouvoir les renfermer, conserveront précieusement.

Que la science doit de reconnaissance au christianisme? La vérité qu’il apprend au monde sert aux écoles d’un lien que l’antiquité païenne n’a pas connu. Des philosophes groupaient autour d’eux des disciples. Par quoi ces groupes étaient-ils reliés?

La science doit aussi au christianisme l’une de ses plus utiles méthodes. Avant Bacon, St Thomas avait étudié la méthode inductive et constaté que l’esprit doit remonter des effets aux causes après avoir observé un certain nombre de faits. Le paganisme au contraire se hâtait de rechercher les causes occultes, négligeant de constater et d’examiner les faits.

Quel sera le centre de notre université? Dieu, car c’est de lui qu’il a été dit: « Le Seigneur est le Dieu des sciences, et c’est pour lui et par lui que s’élaborent toutes les pensées. » Rois, I, 2. Il y a dans l’humanité un besoin de concentration: faisons tout converger du côté de Dieu. Mais il y a aussi un besoin de vie: ce qui entretiendra la vitalité de notre institution, c’est la variété au sein de l’unité.

Comment introduire ce double élément d’unité et de variété?

Prenons par exemple les mathématiques: les Stes Lettres nous disent que Dieu a tout fait in numero, mensura et pondere.

In numero. – C’est le nombre, le rapport des valeurs. D’où calcul des valeurs en germe, ou calcul infinitésimal; ascension de ces germes aux valeurs elles-mêmes; ou calcul intégral; application aux valeurs finies, ou calcul des variations, des minima et des maxima.

In mensura. – C’est la mesure: à elle se rapportent la géométrie et toutes ses subdivisions: calcul des lignes, des surfaces…

In pondere. – C’est le poids. Or le poids est une force. D’où étude des forces (cinématique, statique, dynamique…).

Cette division des mathématiques a donc été donnée par le prophète à une époque où la plupart des branches de cette science n’avaient reçu encore aucun développement.

L’Ecole d’Alexandrie avait eu son système de classification:

1° logique: reconnaître et choisir les preuves;

2° physique: puissance et sagesse de Dieu;

3° mathématiques: géométrie et astronomie;

4° morale: étude des passions et des moyens de fortifier la volonté;

5° théologie: théologie des anciens poètes ou philosophes, théologie de l’Ecriture sainte.

St Bonaventure a consigné sa classification dans l’Itinerarium mentis ad Deum.

D’après Bacon, l’ordre à suivre devait être ainsi tracé:

1° Mémoire = sciences historiques;

2° Imagination = belles lettres et beaux-arts;

3° Raison = sciences exactes et philosophiques.

Pour nous, que deux principes fassent notre force: liberté du côté des créatures, soumission à l’égard de Dieu. Nous devons:

1° paraître avec un plan,

2° établir fortement la hiérarchie,

3° ajouter à la surveillance du recteur le contrôle d’un inspecteur pour chaque branche de l’université,

4° créer dans chaque science une chaire destinée à l’enseignement des rapports de cette science avec les autres et de sa coordination avec la théologie,

5° dans la faculté des sciences philosophiques, ouvrir un cours de mathésiologie, ou coordination de toutes les connaissances humaines. Ne voit-on pas l’astronomie nous donner l’exemple de la coordination en combinant les efforts de ses savants pour réunir en une seule formule tous les faits relatifs à la dispersion des astres et de leurs mouvements?

6° enfin vérifier tout notre enseignement par l’esprit chrétien, la théologie, fût-elle absente de notre université, comme l’on vit Urbain V refuser cette faculté vraiment capitale à l’université de Cracovie.

A ce propos, M. Allemand fait remarquer que l’on n’est réellement constitué en université que par acte du Souverain Pontife. Tant que cette condition n’est pas réalisée, on ne forme qu’une école.

M. Allemand termine son étude si intéressante en évoquant le souvenir des largesses pontificales à l’égard des universités. Urbain V, par exemple, a accordé mille bourses aux étudiants de diverses facultés.

Le R.P. d’Alzon, après avoir chaleureusement remercié M. le rapporteur, exprime le voeu que son travail soit autographié. M. Allemand répond qu’il a besoin d’être complété par des travaux de détail faits dans chaque grande division: droit, médecine, lettres. Le P. d’Alzon souhaite que ces travaux spéciaux viennent bientôt former une couronne autour de l’oeuvre capitale que M. Allemand vient d’achever.

M. le président fait inscrire à l’ordre du jour de la prochaine séance la distribution des travaux pour les vacances du comité. Les chaleurs vont en effet nous obliger à une séparation temporaire. Il faut mettre à profit nos loisirs et préparer un ensemble d’études pour le Congrès catholique. Sans doute il avait été convenu que nous n’entrerions pas dans le domaine de l’enseignement supérieur, en fixant les matières du Congrès. C’était pour exclure du programme toute théorie déjà traitée et suffisamment développée ailleurs. Mais ce n’est plus de la théorie, c’est une étude pratique que nous offrirons au Congrès, un plan tout construit, le programme motivé, articulé, parachevé d’une oeuvre qui n’attendra plus que le « fiat » pour prendre existence. Et quelle oeuvre! Une oeuvre d’unité en présence du chaos de l’enseignement officiel: le cénacle, dit le P. d’Alzon, en présence de la tour de Babel!

La séance prochaine a été fixée au lundi 7 juin, parce que le lundi 31 mai se trouve compris dans la liste des jours où se font les processions eucharistiques. Le R.P. d’Alzon nous a manifesté cependant la crainte que la procession ne fût pas le seul obstacle à notre réunion. Mgr, nous a-t-il dit, est très malade. Les fatigues de ses visites pastorales et d’une semaine laborieuse, ou la confirmation donnée aux enfants de sa ville épiscopale, et les ordres sacrés conférés à de nombreux ecclésiastiques ont redoublé les forces de la maladie qui menaçait son existence, laissant le clergé dans une douloureuse inquiétude, et la médecine reconnaît qu’une catastrophe est imminente. Ces paroles, accueillies avec tristesse et saisissement, nous ont préparés à la terrible nouvelle qui, dès le lendemain, devait répandre le deuil dans notre ville. Mgr Plantier est mort le mardi 25 mai, à onze heures du matin. Pour honorer sa mémoire, il a été convenu, dans la conférence juridique du 29 mai, que la réunion du Comité catholique, rendue possible par l’absence de procession, aurait lieu dans la première semaine de juin, mais devait être fixée au mercredi, 2ème jour de ce mois, le lundi 31 mai étant laissé tout entier au deuil et au silence.

La séance du 24 mai a été levée à dix heures du soir, après la récitation du Sub tuum.

Notes et post-scriptum