A des dames ou jeunes filles

sep 1863 Nîmes
Informations générales
  • A des dames ou jeunes filles
  • Retraite à Saint-Maur en 1863
    Quatrième instruction - La faiblesse de la volonté, obstacle à la perfection
  • BZ 9, pp. 79-91.
Informations détaillées
  • 1 ACTION DU CHRIST DANS L'AME
    1 AMITIES PARTICULIERES
    1 APATHIE SPIRITUELLE
    1 AUSTERITE
    1 CHATIMENT
    1 COMMUNION FREQUENTE
    1 EFFORT
    1 ENFER
    1 EXAMEN DE CONSCIENCE
    1 IMITATION DES SAINTS
    1 INCONSTANCE
    1 JOIE SPIRITUELLE
    1 JUIFS
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MORTIFICATION CORPORELLE
    1 ORGUEIL
    1 PAIX DE L'AME
    1 PERSEVERANCE
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 PRUDENCE DE LA CHAIR
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 REFORME DU COEUR
    1 RESISTANCE A LA GRACE
    1 RESPECT HUMAIN
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    1 SCANDALE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 VANITE
    1 VERTU DE PENITENCE
    1 VERTU DE RELIGION
    1 VIE DE PRIERE
    2 PAUL, SAINT
    3 JERUSALEM
  • Du 15 au 20 septembre 1863
  • sep 1863
  • Nîmes
La lettre

Le peuple de Jérusalem a commis un grand péché, et il s’y est abandonné par la faiblesse de sa volonté.

Quel est le plus grand obstacle à la perfection? n’est-ce pas cette faiblesse de volonté, ce je veux et ne veux pas, qui fait qu’après être tombé dans quelque faute, on y languit, on ne cherche point à l’expier, on persévère même dans cet état de langueur, parce que on ne se sent pas la force de rompre ouvertement avec tel ou tel sentiment, telle ou telle personne. On comprend que l’on n’est pas bien avec Dieu, la conscience reproche quelque chose, on veut et on ne veut pas sortir de cet état, on hésite, on a la volonté de servir Dieu, mais cette volonté est si faible que la nature l’emporte, on se laisse aller à la faiblesse de son coeur, et comme le peuple de Jérusalem, après avoir commis un péché, on s’y abandonne, parce qu’on n’a pas la force de rompre avec la nature.

Cherchons quelles sont les causes qui produisent la faiblesse de la volonté et quels sont les remèdes que nous pouvons y apporter.

D’abord les causes. J’en trouve trois:

1° l’inconstance;

2° le scandale;

3° le respect humain.

La première cause est l’inconstance. Oh! oui, l’enfer est peuplé de: je veux et ne veux pas, et qui souffrent néanmoins des tourments inimaginables. On dit: Je veux bien faire tel sacrifice, renoncer à telle liaison, mais fait-on ce qui est nécessaire pour briser avec telle personne? cherche-t-on à sortir du péché dans lequel on a eu le malheur de tomber? On le veut, mais on ne fait rien pour en venir à l’effet, on flotte entre ce je veux et ne veux pas, on se laisse emporter par le courant, quelquefois très rapide, de la nature; la volonté finit, tôt ou tard, par triompher, tant a été faible ce désir de revenir entièrement à Dieu. Oh! malheureuse inconstance, que de ravages ne fais-tu pas dans le coeur d’une jeune personne!… Et vous, mes chères filles, ne vous abandonnez pas à cette inconstance, hélas! si répandue dans le monde, et qui est si fatale au bien des âmes. Et pendant ces jours de retraite, fixez-vous, voyez ce qui, dans votre coeur, doit être retranché, et ne vous contentez pas de dire: Je veux bien faire telle chose, prendre telle résolution; mais tranchez, prenez et surtout fixez votre volonté, et rappelez-vous ce que je vous ai dit en commençant: que l’enfer était peuplé de beaucoup de personnes qui avaient dit avant vous: je veux, et qui en étaient restées là, flottant incertaines dans leur volonté, sont demeurées indécises entre ce je veux et ne veux pas, et ont fini par mériter le châtiment réservé à toute personne qui s’abandonne à l’inconstance de son coeur.

J’ai dit aussi que le scandale était une cause de la faiblesse de la volonté. Et comment? Nous scandalisons notre prochain, même sans nous en apercevoir, et par là nous lui faisons un très grand mal. Le scandale affaiblit peu à peu la volonté qui s’est déjà trouvée ébranlée par l’inconstance qui nous a tenues si longtemps indécises entre l’accomplissement d’un devoir et l’abandon. Deux personnes unies par les liens de la plus douce amitié se porteront mutuellement au mal par le scandale. Elles se feront part de leurs désirs, de leurs impressions, de leurs luttes, de leurs affections, elles s’entretiendront dans leur répugnance à suivre l’attrait de la grâce, et dans leurs épanchements intimes elles s’exciteront à braver, à étouffer les reproches de leur conscience, et mutuellement elles se scandaliseront. Et si la volonté de l’une d’elles était de céder aux vives instances de la grâce, une parole imprudente de son amie la détournerait du bien et la ferait retomber dans cette faiblesse de volonté qu’elle avait paru un moment surmonter… Ah! malheur à celui qui se scandalise; mais plus grand encore est celui par lequel le scandale arrive…

Oui, je le répète, le scandale est une cause de la faiblesse de la volonté, parce qu’il paralyse tout le bien qui pourrait se faire, je dis plus, parce qu’il éteint tout sentiment religieux, altère la vertu et étouffe les bonnes impressions, et insensiblement il conduit à un je ne sais quoi, pardonnez-moi l’expression, qui pulvérise et détruit tout le bien qui avait été fait.

La troisième cause, c’est le respect humain. Hélas! que de fautes ce malheureux respect humain ne fait-il pas commettre! On craint de paraître tel que l’on est, on ne veut pas passer pour pieuse, on rougit de pratiquer la vertu dans le monde, de faire tel ou tel acte qui pourrait nous faire un peu remarquer, sous le prétexte qu’on ne veut pas attirer l’attention des personnes. Fausse humilité, qui n’est qu’un orgueil raffiné. On se fait, dans le monde, du respect humain une espèce de rempart derrière lequel on rejette tous les reproches que la conscience pourrait faire, on cherche à se faire illusion soi-même, et sous prétexte de ne pas faire tourner la religion en ridicule, on ne pratiquera pas une vertu qui, je l’admets, dans le premier moment aurait pu exciter des sourires de pitié de la part des mondains, mais qui plus tard aurait été relevée par ceux mêmes qui s’en étaient moqués. On ne veut pas s’approcher souvent de la table sainte, et pourquoi? parce que l’on craint les dits et les redits du monde; on ne veut pas être le sujet de bien des conversations, et sous un prétendu voile de l’humilité, on cachera un défaut très grave pour le bien de l’âme, le respect humain, on s’éloignera de la pratique des sacrements pour éviter les pourparler. Je ne veux pas, dira-t-on, passer pour une dévote, je veux bien pratiquer ma religion, mais toute seule, sans être vue, belle résolution! Vous craignez de passer pour une dévote; fâcheuse réputation, n’est-ce pas? et vous ne craignez pas de passer pour une légère, pour une personne qui n’aime que la toilette et les plaisirs; vous craignez, dites-vous, qu’en pratiquant la religion d’une manière trop extérieure on la tourne en ridicule, et vous ne craignez pas de blesser cette même religion par vos exemples, quelquefois si pernicieux. Ah! vains prétextes, où va se réfugier le respect humain cause principale de cette faiblesse de volonté, si fatale au salut…

Le respect humain se glisse partout et se trouve dans tout. Tous, plus ou moins, nous avons une dose de respect humain, tous nous avons à gémir sur les ravages qu’il fait dans nos âmes. Que de bien ce respect humain n’empêche-t-il pas? et que de mal ne fait-il pas? Les personnes, même les plus pieuses, ne sont pas exemptes de ce défaut. Il se glisse dans la solitude des cloîtres, aussi bien que dans le monde; mais là il y règne, sans être combattu, tandis que dans ces pieuses retraites, il subit tous les jours et à chaque instant du jour de nombreuses défaites.

C’est ce respect humain qui occasionne cette inconstance dans la volonté, ce scandale qui paralyse le bien et qui met, bien souvent, dans l’impossibilité apparente de pratiquer la vertu. Ah! vous qui avez à vous reprocher d’avoir agi quelquefois par respect humain, hâtez-vous de vous en dépouiller, agissez franchement, et que les hommes apprennent par vos exemples combien la vertu est douce et agréable, même dans ce qu’elle a, à leurs yeux, de plus austère et de plus rebutant.

Cependant il y a des remèdes à opposer à ces causes, et j’en trouve également trois:

1° le vouloir;

2° la lutte;

3° le châtiment après le péché.

A l’inconstance de la volonté opposons le bon vouloir, cet acte par lequel la volonté vivement persuadée du besoin qu’elle a de se fixer, prononce ce mot puissant, et qui a quelque chose de magique dans la bouche d’une femme: Je veux

Il suffit de vouloir, et tous les obstacles semblent s’aplanir d’eux-mêmes; il suffit de vouloir, et tout paraît facile; il suffit de vouloir, et la vertu n’a plus d’aspérité; il suffit de vouloir, et les difficultés les plus insurmontables ne sont plus rien; il suffit de vouloir, et les sacrifices les plus pénibles ne coûtent plus autant; en un mot, il suffit de vouloir, et vous voilà toutes changées. Ah! que ce mot: Je veux a de puissance pour l’âme et pour le coeur. Je veux, direz-vous, et vous voilà à l’oeuvre; plus d’inconstance, plus d’hésitation, vous êtes fixées. Oh! mes chères filles, prononcez ce mot pendant votre retraite; il est court, mais plein de force; il est court, mais il renferme beaucoup; de là dépend votre salut, votre perfection. Dites-vous, à vous-mêmes: Je veux briser avec telle personne, renoncer à telle affection; je veux devenir plus pieuse, je veux prendre telle résolution; et si vous prononcez sérieusement ce mot, je vous le dis d’avance, cette faiblesse de volonté disparaîtra, l’inconstance de votre coeur sera fixée, et fermes dans votre vouloir, vous marcherez de vertu en vertu, et vous serez des filles accomplies.

Mais ce vouloir, cette bonne volonté ne viendront pas d’eux-mêmes, il faudra lutter et lutter avec acharnement contre cette nature si souvent rebelle; il faudra opposer à ses récriminations les armes de la prière.

Oui, la lutte est un puissant remède à opposer à cette faiblesse de volonté qui nous entraîne et qui nous abat quelquefois; luttez avec force contre votre volonté, contre votre coeur; je le sais, il se récriera, mais ne vous découragez pas dans votre lutte. Jésus est là, là pour être témoin de vos combats et pour vous récompenser si vous sortez triomphantes de la lutte.

Pendant ces jours de retraite, vous êtes remplies toutes de bonne volonté; toutes, vous vous sentez fortes, c’est-à-dire, toutes, après avoir examiné quelle était chez vous la partie la plus faible, vous avez pris de bonnes résolutions, vous vous sentez fortes et capables des plus grandes choses. Mais malheureusement cette force ne durera pas toujours. Quand vous serez sorties de retraite, le démon sera là, et près de vous il recommencera son office, il tâchera de nouveau à faire quelque brèche à votre coeur, il cherchera à faire revivre ce que vous aviez si soigneusement émoussé pendant la retraite, et voilà qu’une nouvelle lutte recommencera, et peut-être sera-t-elle plus acharnée. Oh! c’est alors qu’il faudra employer l’arme de la prière; il faudra constamment lutter contre cette faiblesse de volonté qui se manifestera encore; mais sachez que si vous voulez être victorieuses dans vos combats, il faudra que vous luttiez avec Dieu; Dieu doit être votre appui, comme il sera votre récompense.

Cependant la lutte ne suffit pas encore pour combattre cette faiblesse de volonté, si funeste à tant d’âmes; il faut encore le châtiment après le péché.

Vous avez toutes péché, et vous pécherez encore: voilà l’espoir que je vous donne. Oui, malgré vos bonnes résolutions, malgré tout ce que vous aurez pu faire pour détruire vos défauts, vous retomberez dans les mêmes défauts, vous manquerez à vos résolutions. Vous commettrez encore ce péché qui est pour vous, maintenant, un objet d’horreur. Cependant, ne vous découragez pas. Dieu nous a donné un moyen de réparer nos fautes: c’est la pénitence. Relevez-vous promptement, mais châtiez-vous; il faut un châtiment après la faute, et ce châtiment imposez-vous-le vous-mêmes, car le péché n’est pardonné qu’après la pénitence ou satisfaction que le pécheur s’impose. Si vous voulez que vos défauts ne reparaissent plus, coupez-en la racine. Et comment, me direz-vous, arracher cette racine du terrain quelquefois si dur du péché? Comment? par la pénitence, la mortification. Le châtiment après le péché est un remède très puissant pour faire disparaître la plaie faite à votre âme. Châtions notre corps, ne craignons pas, montrons au monde, peut-être étonné de notre pénitence, comment il faut expier le péché, et marchons sur les traces des saints, qui ne sont parvenus au séjour du bonheur que par la pénitence. Comme nous, ils ont été pécheurs, mais ils ne sont pas restés dans le péché; ils se sont relevés avec courage; comme nous, ils ont eu des défauts, mais ils les ont combattus. Et maintenant, demandez-leur comment ils ont expié leurs fautes, comment ils se sont corrigés de leurs faiblesses; ils vous répondront: c’est par la pénitence, par les châtiments qu’ils se sont imposés. Eh bien! comme eux, marchons dans la route de la pénitence; celle-là aboutit au bonheur, à la joie, à la paix; faisons des mortifications, mais ne nous décourageons jamais, quelque dure et pénible que soit cette voie. Rappelons-nous que le chemin du ciel est semé d’épines, que le royaume des cieux souffre violence, et qu’il n’y a que les violents, c’est-à-dire ceux qui ont lutté jusqu’à la fin, qui l’emporteront. Luttons, combattons contre cette inconstance de notre coeur, évitons le scandale, n’agissons jamais par respect humain. Mais ayons une volonté bien déterminée de faire toujours le bien; ayons également ce bon vouloir sans lequel nous ne pouvons faire aucun acte méritoire, luttons contre cette nature si rebelle; mais surtout châtions notre corps après que nous aurons péché. Ecoutez l’apôtre St Paul: Je châtie mon corps, dans la crainte qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même. Imitons les saints dans leur folie pour la pénitence, et comme eux nous mériterons de jouir de la possession de Dieu, possession qui ne nous sera accordée qu’après avoir combattu, et combattu rigoureusement la faiblesse de la volonté.

Notes et post-scriptum