A des dames ou jeunes filles

sep 1863 Nîmes
Informations générales
  • A des dames ou jeunes filles
  • Retraite à Saint-Maur en 1863
    Sixième instruction - Le péché
  • BZ 9, pp. 104-112.
Informations détaillées
  • 1 AUSTERITE
    1 BUT DE LA VIE
    1 CHATIMENT
    1 CHOIX
    1 CIEL
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 CRAINTE
    1 CREATEUR
    1 CREATURES
    1 DECADENCE
    1 ENFER
    1 ESPRIT DE PECHE
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 GRACES
    1 INSENSIBILITE
    1 JUSTICE DE DIEU
    1 LIBERTE
    1 LUTTE CONTRE LA TENTATION
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MORT
    1 MORT DE L'AME
    1 PECHE MORTEL
    1 RACE DE SATAN
    1 RECHUTE
    1 RESISTANCE A LA GRACE
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SAINTS
    1 SALUT DES AMES
    1 SATAN
    1 SOLITUDE
    1 TEMPLE DU SAINT-ESPRIT
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 CATHERINE DE SIENNE, SAINTE
    2 PAUL, SAINT
  • Du 15 au 20 septembre 1863
  • sep 1863
  • Nîmes
La lettre

Considérez et voyez quel est l’état abject et méprisable de celui qui s’est séparé de Dieu.

Il y a sur la terre une chose qui nous rend les ennemis de Dieu, qui nous éloigne de lui, qui met dans le coeur de Dieu une espèce de répulsion pour sa créature, qui attire sur elle toutes les foudres de sa justice, qui la force à la tenir éternellement éloignée de lui, qui met, entre lui et elle, un mur de séparation, et cette chose est si horrible qu’elle attaque Dieu directement en portant atteinte à ses infinies perfections. Comment donc sommes-nous séparés de Dieu, et quelle est la chose qui peut nous rendre ses ennemis? Ah! vous l’avez déjà comprise cette chose! C’est le péché mortel. C’est ce péché qui, sans tuer le corps, le dégrade néanmoins et donne la mort à l’âme, c’est lui qui creuse ces abîmes où la justice de Dieu retiendra à tout jamais ces âmes mortes dans le péché; c’est ce péché qui détruit l’harmonie établie entre Dieu et sa créature, c’est lui qui nous fait les suppôts de l’enfer, et qui peuple ces antres ténébreux de milliers de victimes. Ah! la mort du corps est mille fois préférable à celle de l’âme; l’une n’est que momentanée: à la résurrection, ce corps reprendra sa vie pour ne plus la quitter, et ce sera une vie heureuse, tandis que l’âme morte par le péché mortel vivra, oui, mais pour souffrir mille morts, sans cependant pouvoir être anéantie. Aussi, écoutez N.S. parlant à ses apôtres: « Craignez, leur dit ce bon Sauveur, ceux qui tuent le corps; mais craignez encore plus ceux qui peuvent, en tuant le corps, donner la mort à votre âme ».

Pour vous inspirer une vive horreur pour le péché, je vais vous faire connaître les ravages qu’il cause dans l’âme de celui qui le commet:

1° il y établit le désordre;

2° il la rend esclave;

3° il la couvre de plaies;

4° il la met dans une difformité complète.

S’il vous était donné, comme à Ste Catherine de Sienne, de voir une âme en état de péché mortel, vous seriez, comme cette sainte, saisie de son état déplorable, vous ne pourriez soutenir longtemps cette vue, et comme elle vous préféreriez marcher sur des charbons ardents que de vous trouver de nouveau en présence de cette âme morte par le péché.

Le péché établit dans l’âme où il habite le désordre le plus complet, il bouleverse tout, il n’y a plus de paix, de calme, plus de tranquillité; l’harmonie qui existait entre elle et son Dieu est détruite; cette âme, rejetée de Dieu, est abandonnée à elle-même; alors que de chutes ne fait-elle pas? Elle cherche en vain à étouffer le cri qui sans cesse se fait entendre, elle ne peut y parvenir, elle se devient insupportable à elle-même. Son bouleversement intérieur se manifeste extérieurement; l’homme en état de péché mortel sentira toujours quelque chose qui l’agite, et sans précisément se rendre compte de ce qui le tourmente, il sent qu’il n’est pas comme il doit être. Ah! que l’âme en état de péché mortel est à plaindre, sans cesse troublée, sans cesse bourrelée; elle ne peut nulle part trouver du repos, tout est renversé, l’ordre qui y régnait est détruit, elle est devenue l’esclave de Satan. Telle est la condition où mène le péché. Nous devenons par lui les suppôts de l’enfer, nous obéissons au démon qui nous a enlacés dans ses liens et réduits à un dur esclavage.

L’homme si avare de sa liberté, l’homme si désireux de l’étendre et si fier quand on veut en repousser les limites, se rend lui-même et volontairement, par le péché, esclave du démon; il croit être libre et il ne l’est pas; extérieurement peut-être jouira-t-il d’une liberté apparente; mais son âme est captive, son âme, cette âme la plus belle partie de son être, est soumise à un tyran qui le tourmente, l’agite et lui donne la mort. En péchant, l’homme dit à Dieu: « Je ne veux plus te servir, j’ai choisi un autre maître, je veux rompre les liens qui m’unissaient à toi, pour en contracter d’autres qui sont en rapport avec mes goûts et mes penchants. Tu veux m’assujettir à ton empire, tu veux faire de moi une créature soumise, tu veux que je t’aime. Eh bien! je veux, moi, je veux ne pas te reconnaître pour mon Dieu, ton empire est trop pénible à supporter; tu me demandes des sacrifices, des privations, non je ne veux pas te suivre. »

Tel est le langage de l’homme pécheur, et l’enfer a applaudi; aussitôt Satan s’introduit dans son coeur, se l’attache, et cet homme qui a rejeté le joug du Seigneur se croit libre! Il se trompe et s’est soumis à un dur esclavage. Il a fait de son âme l’esclave du démon, il la lui a livrée, et maintenant sera-t-il heureux? Ah! j’en appelle à celles qui par un péché mortel ont pu pendant quelques instants vivre sous l’empire du démon. Qu’avez-vous éprouvé? Etiez-vous heureuses et contentes? Ne préfériez-vous [pas] le doux esclavage de la vertu, captivité mille fois préférable… L’âme de l’homme enfermée dans ce corps de mort tend sans cesse à s’élever vers le sein d’où elle est émanée. Elle est sortie de Dieu, elle doit donc retourner vers lui; mais par le péché sa captivité est rendue mille fois plus dure, plus pénible. C’est un lien qui la retient captive; en vain elle se tourmente et s’agite; l’homme insensible ressent tous les jours les liens de son esclavage.

Le péché ne le retient pas seulement captif: il couvre son âme de plaies hideuses dont les cicatrices sont difficiles à s’effacer. Ces plaies, quelquefois si nombreuses, causent à l’âme cette difformité qui la rend méconnaissable. De belle, de pure qu’elle était en sortant du souffle du créateur, elle se voit, par le péché, toute défigurée. Sa beauté s’est flétrie au contact pernicieux du mal, le péché s’est introduit dans son sein, et avec lui le désordre, l’esclavage se sont disputé le souverain domaine. La voilà, cette âme belle, radieuse, ornée d’une auréole de bonheur, en sortant des eaux du baptême. Lucifer a cédé sa proie. J.C. l’a prise sous sa protection parce qu’il en avait fait la conquête par son sang; l’Esprit y a établi son temple. Oh! qu’elle est pure et magnifique, cette âme; les anges sont comme ravis d’admiration… Mais quelle est donc la chose qui a pu lui faire perdre tant de beauté, qui l’a séparée de Dieu qui semblait y avoir établi ses complaisances? Ah! c’est que le péché a pénétré dans cette âme; il y a détruit l’harmonie qui y régnait, a attiré sur elle la colère du Tout-Puissant, l’a rendue esclave du démon… Voyez quels ravages cause à l’âme le péché. Cette âme, naguère magnifique en tout, est maintenant hideuse; sa difformité est complète; Dieu, qui l’a créée, ne peut plus la supporter, il la repousse et la livre tout entière au démon à qui elle s’est donnée.

En pensant à l’outrage que le péché fait à Dieu, à l’injure qu’il fait à cette majesté infinie et aux ravages qu’il fait à notre âme, je ne m’étonne pas de voir tant de solitaires fuir le monde, où le péché règne sans pudeur, et s’ensevelir dans ces immenses déserts pour se livrer à la plus rude austérité; je ne m’étonne pas non plus de voir tant de saints et de saintes de tout âge, de toute condition, mépriser les supplices, les persécutions les plus violentes, parcourir des distances immenses pour arracher une âme à l’enfer et la faire naître du péché à la grâce. Ces saints ont lutté, combattu; ils ont méprisé le monde et ses vains plaisirs.

Inutile, mes chères filles, de vous démontrer par d’autres exemples toute l’horreur qu’ont eue les saints pour le péché. Imitez-les, fuyez ce monstre; ne vous en rendez jamais coupables volontairement, et pour cela méfiez-vous de vous-mêmes, appuyez-vous sur J.C., et dans ces moments pénibles où vous paraîtrez prêtes à succomber à la tentation, écriez-vous avec le grand Apôtre: « Je puis tout en celui qui me fortifie ». Oui, vous pouvez, avec la grâce de Dieu, résister au démon, vous pouvez le vaincre; de vous-mêmes vous serez faibles, languissantes; mais écoutez l’Apôtre des nations s’écrier encore au milieu de ses agitations intérieures: La grâce de mon Dieu me suffit. Elle vous suffira à vous aussi, si vous savez correspondre à ses avances.

Je termine en vous invitant, pour imprimer à votre âme une vive horreur pour le péché, de considérer souvent l’état abject et méprisable d’une âme en état de péché mortel. Cette vue vous fera du bien, en ce sens que, fermement persuadées que Dieu ne peut le supporter, que le péché établit dans l’âme le désordre le plus complet, la rend esclave du démon, et de ses passions, du monde et de ses folles vanités, la couvre de plaies difficiles à guérir, et la rend par une difformité hideuse la vivante copie de l’esprit de ténèbres, vous l’éviterez. Maintenant, après cette méditation vous verrez si vous désirez encore commettre le péché, ou bien si vous voulez rompre avec lui; l’un vous conduira à des supplices éternels, l’autre, au contraire, vous fera aboutir à un séjour de bonheur et de gloire, que je vous souhaite.

Notes et post-scriptum