A des dames ou jeunes filles

sep 1863 Nîmes
Informations générales
  • A des dames ou jeunes filles
  • Retraite à Saint-Maur en 1863
    Septième instruction - Voilà, dit N.S., que je vais renouveler toute chose
  • BZ 9, pp. 112-120.
Informations détaillées
  • 1 ANTIPATHIES
    1 BIEN SUPREME
    1 BONHEUR
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 DEMARCHE DE L'AME VERS DIEU
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 EFFORT
    1 FAIBLESSES
    1 IDEES DU MONDE
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MAUVAISES CONVERSATIONS
    1 PURIFICATIONS SPIRITUELLES
    1 REFORME DE L'INTELLIGENCE
    1 REFORME DE LA VOLONTE
    1 REFORME DU COEUR
    1 RENONCEMENT
    1 RENOUVELLEMENT
    1 TEMPLE DU SAINT-ESPRIT
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE SPIRITUELLE
  • Du 15 au 20 septembre 1863
  • sep 1863
  • Nîmes
La lettre

A mesure, mes chères filles, que nous avançons vers le terme de cette retraite, vous devez examiner d’une manière plus sérieuse que vous ne l’aviez déjà fait ce qui, en vous, a besoin de réformation. Nous avons vu dans les instructions successives que je vous ai faites, d’abord quel était l’avenir que vous deviez vous faire, quels étaient les droits de Dieu sur vous, droits d’abord de miséricorde et d’amour, et ensuite ses droits de justice. Dans une autre instruction, je vous ai parlé des funestes effets que produit la faiblesse de la volonté, les combats et les luttes que nous avions à livrer à notre nature, à nos penchants; enfin je vous ai dit quelques mots du péché. Maintenant je veux aujourd’hui vous parler de ce renouvellement que vous devez opérer en vous.

Les paroles que je vous ai citées au commencement, vous pouvez vous les répéter à vous-mêmes. Voilà, vous direz-vous, que je vais me renouveler. J’ai, pendant ces quelques jours, médité, examiné quels étaient mes côtés faibles; j’ai vu mon ingratitude à l’égard de mon Dieu; j’ai reconnu avec tristesse que je n’avais encore rien fait pour le salut de mon âme; je me suis amusée pour ainsi dire dans cette route que j’ai prise; mais aujourd’hui que j’en connais l’issue, aujourd’hui que je sais ce que je dois faire, je vais me renouveler, changer de vie. A la vie lâche, matérielle que j’ai menée jusqu’à ce jour, je vais faire succéder une vie pleine d’ardeur et de zèle; je vais travailler avec force et courage au salut de mon âme.

Vous voulez, dites-vous vous renouveler, et comment ce renouvellement s’opérera-t-il? Je vais vous indiquer quatre moyens:

1° par la séparation;

2° par la destruction;

3° par la restauration;

4° par le développement de la perfection.

D’abord en vous séparant de tout ce qui, jusqu’à ce jour, a pu être pour vous une cause de péché: séparation avec vos pensées, séparation avec vos sentiments, séparation avec votre volonté, séparation avec telle ou telle personne, séparation complète de ce qui n’est pas Dieu, séparation de ces mille et un détails qui entrent dans la vie d’une jeune personne. Mais, me direz-vous, il faudra donc, mon Père, que je renonce à vivre dans le monde, il faudra donc que j’entre dans un couvent! Non, ma chère fille, vous pouvez opérer cette séparation en restant même au milieu du monde, si Dieu vous y veut. Avez-vous besoin, en restant au sein de votre famille, de rester avec telle ou telle personne dont la conversation vous porte au mal? Non, me direz-vous. J’y vais seulement pour me satisfaire. Séparez-vous donc d’elle. Avez-vous besoin, pour rester dans le monde, d’avoir tel sentiment peu chrétien, d’avoir telles pensées qui vous préoccupent sans cesse et qui vous éloignent de Dieu? Non, me direz-vous. Eh bien! c’est cette séparation que vous devez opérer, si vous voulez changer de vie.

Il serait trop long si je voulais vous énumérer les choses desquelles vous devez vous séparer. Je laisse cela à votre bon vouloir. Mais opérez cette séparation avec toute pensée, tout sentiment, toute personne qui pourrait vous éloigner de N.S.

A cette séparation il faut joindre la destruction. Il ne faut pas vous contenter de vous séparer, il faut détruire, il faut arracher tout ce qu’il y a en vous de mauvais, ne laissez rien, pas le moindre petit sentiment, la moindre petite affection, arrachez, détruisez tout, faites pénétrer jusqu’au fond le fer de la destruction. N.S. est un Dieu jaloux, il ne peut rien souffrir, et si vous voulez que votre renouvellement soit complet, arrachez, détruisez, enlevez jusqu’à la plus petite racine. Il vous en coûtera, sans doute, la nature aura à souffrir, mais qu’importe, Dieu sera content; n’est-ce pas là le plus heureux de tous les témoignages que vous puissiez vous rendre? Ah! mes filles, Dieu ne veut pas de rapine dans l’holocauste, il veut la victime tout entière, il veut l’offrande sans rapine; offrez-vous donc à lui après avoir fait passer dans votre âme le fer de la destruction, après avoir enlevé tout ce qui pourrait être défectueux à des regards divins. Ne gardez rien de votre vie passée, afin que vous puissiez vous dire: je suis entièrement renouvelée; ne conservez aucune affection de la terre. Mais comment, me direz-vous, puis-je vivre sans aimer personne? Oui, aimez, mais aimez les personnes qui peuvent vous porter à Dieu, aimez-les, non pour vous, mais pour accomplir le précepte de N.S. qui a dit: Aimez votre prochain comme vous-mêmes, détruisez toute affection profane, elle ne peut que vous être nuisible.

Après avoir détruit, il faut restaurer ce que vous auriez pu dégrader. Votre âme, par le péché, a perdu de sa beauté; le démon y avait fait de nombreuses brèches par où il pénétrait. Eh bien! il faut, habilement, restaurer cette pauvre âme, la remettre dans son état primitif, la mettre bien avec Dieu, en faire cette salle bien meublée que le divin Sauveur, au jour de sa passion, demandait à ses apôtres pour y célébrer la Pâque. Si votre âme est ainsi restaurée, si vous avez eu soin d’y placer les meubles de vos vertus, N.S. viendra en vous avec complaisance, non seulement il y célèbrera la Pâque, c’est-à-dire il se donnera à vous, mais il s’y établira; car que dit-il dans les saintes Ecritures: Mes délices, dit ce bon Sauveur, sont d’habiter dans le coeur de l’homme juste. Alors vous prendrez une nouvelle force, une nouvelle vigueur, vous commencerez une nouvelle vie, vous passerez, selon l’expression d’un philosophe allemand du non-être à l’être, car jusqu’à ce jour votre vie n’avait pas été une véritable vie, mais bien une espèce, une ombre de vie qui, peu à peu, aurait fini par s’éteindre, et puis qu’en serait-il résulté? Tout aurait-il fini avec cette vie matérielle et terrestre? ne reste-t-il pas, comme je vous l’ai déjà dit, cette éternité, ce fameux peut-être, comme le disent les athées; et là, comment revenir, il n’en serait plus temps. Retranchez, coupez, restaurez, pendant que vous êtes encore sur la terre. Dieu vous en récompensera dans l’éternité.

Le quatrième moyen d’opérer un renouvellement complet dans votre âme, c’est le développement de la perfection. Vous le savez, nous avons tous un degré de perfection vers lequel nous devons tendre; tous nous sommes appelés à être des saints; nous sommes également tous destinés à jouir d’un bonheur éternel. Mais cette perfection ne peut s’acquérir sans travail, ce bonheur ne peut s’obtenir sans l’avoir mérité. Dieu a mis dans nous un sentiment intime de ce que nous devons être et de notre destinée future; mais il veut que nous développions ce sentiment et que nous travaillions tous les jours de notre vie à atteindre ce degré de perfection auquel nous sommes appelés. A mesure que nous avancerons, notre horizon s’étendra; la vie est comme un immense ruban qui se déroule et qui s’étend à mesure que nous faisons quelques pas. Il faut donc ne pas rester oisives, il faut travailler, il faut développer en nous les germes de vertus que Dieu y a déposés; c’est par ce travail continuel, c’est par cette constante application à vous avancer vers la perfection, que vous parviendrez à opérer ce renouvellement, ce changement dont vous comprenez aujourd’hui toute la nécessité.

Eh! bien donc, mes chères filles, séparez-vous du monde et des choses du monde; détruisez, coupez, arrachez toutes ces mauvaises herbes qui croissent ça et là dans le jardin de votre coeur, cette vanité, cet amour de soi-même, cette recherche, ces affections, ces sentiments antipathiques, cette curiosité; en un mot, qu’il ne reste rien d’humain. Restaurez ensuite cette pauvre âme, réhabilitez-la dans sa beauté première, ôtez-lui les chaînes dans lesquelles elle gémit et délivrez-la de ce dur esclavage dans lequel le péché l’avait assujettie; et ensuite, libres et entièrement dégagées de tout, vous travaillerez avec calme, paix et bonheur, au développement de cette perfection que vous avez embrassée, et vous parviendrez un jour à jouir, dans le ciel, de ce renouvellement que vous avez opéré sur la terre.

Notes et post-scriptum