Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes

19 jul 1853 Nîmes Tertiaires Hommes

La voie de la perfection de saint Jean de la Croix ne manque-t-elle pas de mesure ? – Pour les grands maîtres de la spiritualité, tout se résume en l’amour de Dieu – Où est l’excès quand on envisage la grandeur de nos offenses envers Dieu ? – Si nous ne pouvons crucifier notre chair comme ils l’ont fait, crucifions du moins notre volonté – Notre temps n’est pas le leur, mais dans l’amour de Dieu, il n’y a pas d’excès.

Informations générales
  • Procès-verbaux du Tiers-Ordre des Hommes
  • Dossier des procès-verbaux 1852-1853
    27. Réunion du 19 juillet 1853
  • DI 163.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DES AISES
    1 AUSTERITE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CRUCIFIEMENT DE L'AME
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DETACHEMENT
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 IMITATION DES SAINTS
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MYSTIQUE
    1 OUBLI DE SOI
    1 PECHE MORTEL
    1 PECHE VENIEL
    1 PURGATOIRE
    1 RATIONALISME
    1 SAINTS
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 TEMPERAMENT
    1 TIERS-ORDRE DE L'ASSOMPTION
    1 TIERS-ORDRE MASCULIN
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
    3 NIMES
  • Tertiaires de l'Assomption
  • Tertiaires Hommes
  • 19 juillet 1853
  • 19 jul 1853
  • Nîmes
  • Collège de l'Assomption
La lettre

Séance du 19 juillet [18]53

Présidence du P. d’Alzon. M. Galabert, m[embre] postulant assiste à la réunion.

Le PV de la dernière séance est lu et approuvé (4 juillet).

Le P. interroge quelques membres sur leurs lectures.

Un membre se demande si la perfection à laquelle saint Jean de la Croix veut conduire le chrétien n’est pas excessive ? La juste mesure ne manque-t-elle pas à ce dépouillement absolu où il veut placer l’âme ?

La conversation s’engage sur ces réflexions. – On répond que nous parlons beaucoup trop de nos jours d’exagérations mystiques. Il importe de se faire une idée plus précise de la spiritualité. Nous voulons toujours faire une part à notre sagesse, à notre raison: ces réserves ne sont-elles pas des défaites, des excuses, des faux-fuyants de notre faiblesse et de notre lâcheté ? – Examinons avant toute chose le principe qui domine les saints et tous ces grands maîtres de la mysticité. Tout se résume pour eux dans la charité: aimer Dieu par dessus toute chose, voilà ce qu’ils nous demandent. Où est l’exagération dans cette dette d’amour envers Dieu qu’ils nous rappellent ? Aimerons-nous jamais assez Dieu ? Aucun acte inspiré par la charité ne saurait être excessif! puisqu’il ne saurait être à la mesure de l’amour de Dieu pour nous, puisque c’est à l’amour infini qu’il se rapporte.

Une autre fausse idée nous abuse à ce sujet. Exagération des saints: mais enfin, dans ces dépouillements qu’ils pratiquent ou qu’ils nous demandent, quel est l’excès, si nous envisageons l’aspect de nos offenses envers Dieu, et toute l’étendue des réparations que nous lui devons. Envisageons donc un peu le Purgatoire. N’en faisons-nous pas trop bon marché, à force de nous illusionner sur le degré d’offense à Dieu que renferme le péché véniel ? Nous avons assurément toute l’horreur possible pour le péché mortel. Mais nous rendons-nous bien compte des expiations que nos péchés véniels nous imposent, et de ce qui nous restera peut-être à acquitter après la mort. Mettons-nous un peu en face de ces idées, et les exagérations dans le renoncement, dans la mortification, dans le dépouillement de la volonté propre diminueront singulièrement à nos yeux.

Il y a dépouillement et dépouillement. – Les effroyables pénitences de quelques saints ne nous sont pas demandées. Mais si nous ne crucifions pas comme eux notre chair, crucifions donc notre volonté. Sur ce chapitre ne parlons pas tant d’exagération: nous capitulons beaucoup trop avec la souffrance quand elle atteint nos aises, nos commodités. Aussi comme nous sommes à calculer avec les sacrifices de temps, d’occupations, d’études personnelles et agréables, contrariées,interrompues, suspendues! comme nous nous nous ennuyons de nos élèves, de nos travaux de classe! Ce serait là cependant le lieu de pratiquer en petit, en détail, sans grand martyre en vérité, le crucifiement de nos volontés, l’esprit de dévouement, en un mot la charité.

S’il y a mortification et mortification, il y a aussi temps et temps. Il faut comprendre le milieu dans lequel ont vécu les saints. Ce qu’ils ont fait à telle époque, dans telle situation des esprits, non seulement nous ne pouvons pas, mais nous ne devons pas le faire. – Au commencement les premiers chrétiens ne s’ensevelissaient pas tous dans le désert. Aujourd’hui nous ne saurions imposer à des tempéraments affaiblis les austérités d’autres époques. – Parmi les ordres nouveaux qui se fondent en grand nombre, diminuent les austérités : d’autres cependant les conservent, même en ajoutent. Qu’est-ce à dire ? Le but poursuivi, l’idée à laquelle on s’attache, l’action que l’on veut exercer, le milieu où l’on vit, tout cela décide et précise les choix.

Mais, et il faut toujours conclure par là, quand on veut aimer Dieu, on ne se préoccupe pas de l’excès. On aime, et c’est là toute la mesure de l’amour. Qui peut moins, donne moins sans moins aimer pour cela. Qui a l’amour large et fort donne plus, sans exagérer jamais. L’objet de cet amour est toujours plus haut que nous ne saurions atteindre.

Notes et post-scriptum