Sermons divers

24 feb 1861 Nîmes
Informations générales
  • Sermons divers
  • Carême prêché en 1861 à St-Charles de Nîmes
    Second Dimanche de Carême: *De L'Eglise*
  • GO 1, p.87-124; Ecrits du P. Bailly, 18, p.187-194.
Informations détaillées
  • 1 ANGLICANISME
    1 APOSTOLICITE
    1 ATHEISME
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BAPTEME
    1 CIEL
    1 CONCILE OECUMENIQUE
    1 CORPS MYSTIQUE
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 DOGME
    1 EGLISE
    1 ENFANTS DE DIEU
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 GENEROSITE DE L'APOTRE
    1 HERESIE
    1 HUMILITE
    1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
    1 JUSTICE
    1 LIBRE PENSEE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 MAGISTERE
    1 MISSIONNAIRES
    1 MORTIFICATION
    1 PAGANISME
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PERSECUTIONS
    1 PRESSE REVOLUTIONNAIRE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 PRUDENCE DE LA CHAIR
    1 SACREMENTS
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINTETE DE L'EGLISE
    1 SAINTS
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 SCHISME
    1 SCHISME ORIENTAL
    1 SUCCESSION APOSTOLIQUE
    1 UNITE DE L'EGLISE
    1 UNIVERSALITE DE L'EGLISE
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 ALEXANDRE, EVEQUE ANGLICAN
    2 AMBROISE, SAINT
    2 ARIUS
    2 AUGUSTIN DE CANTORBERY, SAINT
    2 CALVIN, JEAN
    2 CYPRIEN, SAINT
    2 DAMARIS
    2 DENYS L'AREOPAGITE
    2 FRANCOIS XAVIER, SAINT
    2 GORHAM, DOCTEUR
    2 GREGOIRE I LE GRAND, SAINT
    2 JACQUES LE MINEUR, SAINT
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 LUTHER, MARTIN
    2 NESTORIUS
    2 PAUL, SAINT
    2 PELAGE
    2 PIERRE, SAINT
    2 VICTORIA, REINE
    2 WILBERFORCE, ROBERT-ISAAC
    2 WILBERFORCE, SAMUEL
  • 24 février 1861
  • 24 feb 1861
  • Nîmes
  • Eglise St-Charles
La lettre

Credo unam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam.

Ce sont là les quatre caractères que l’Eglise réunie dans sa 1ère assemblée générale sous l’inspiration du St-Esprit se donne à elle-même et je ne pouvais prendre un texte plus approprié au sujet que je viens traiter devant vous, l’Eglise.

L’Eglise est assistée de l’Esprit de Dieu et l’Esprit de Dieu est la 3ème personne de la Ste Trinité, Dieu lui-même, et quand l’Eglise de Dieu parle c’est cet Esprit même qui parle: Ille docebit vos omnem veritatem (St Jean, 16,13).

C’est donc d’après les notions que l’Eglise nous donne d’elle-même que nous allons l’étudier. Ces 4 notions sont l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité.

Je crois qu’un monsieur protestant a trouvé 37 notions, plus ou moins peu importe, pour combattre l’Eglise catholique, voilà ce que fait l’erreur, mais quand on parle avec le St-Esprit, avec l’Eglise de J.-C. son épouse immaculée, on en compte quatre seulement pour établir le vérité de cette Eglise.

Avant d’aborder cet examen, plus que jamais, mes frères, invoquons, invoquez pour moi l’Esprit qui assiste l’Eglise; mettons-nous sous la protection de la Mère de Dieu, et demandons-lui qu’elle mette sur mes lèvres des paroles convenables afin que je puisse prouver la divinité de son Fils. –

Ave Maria. –

Nous allons, mes frères, étudier les quatre notions de l’Eglise que je vous ai annoncées, mais nous commencerons par la dernière et remonterons ainsi jusqu’à la première.

I.- Apostolicité de l’Eglise.

Transportons-nous au moment solennel où J.C., prêt à quitter ses Apôtres les réunit, leur déclare que toute puissance lui a été donnée et leur communique une part de cette puissance.

Ils sont chargés d’annoncer la vérité et ils l’annonceront, leur 1er titre pour remplir cette mission est d’être les envoyés de Dieu comme J.-C. lui-même; ils rendent témoignage avec une grande puissance, cum magna virtute; ils témoignent devant les Juifs en leur disant: c’est vous qui avez crucifié J.-C. et c’est ce même Jésus que nous venons prêcher; les princes des prêtres s’en irritent, les font arrêter et c’est alors que Pierre et par lui tout le collège apostolique répond à la défense qui lui est faite de continuer son enseignement par ces mots: Jugez s’il vaut mieux obéir aux hommes qu’à Dieu.

Ils se répandent à travers le monde qu’ils se sont partagé, mais leur mission devait avoir un terme; comme J.-C. lui-même ils devaient mourir. L’apostolat portait certainement avec lui un caractère miraculeux, mais il devait avoir aussi un caractère de conformité à la nature humaine.

Et cependant N.-S. leur avait dit: Je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles, il fallait donc que cette promesse qui n’avait pas son accomplissement en eux, l’eût dans les successeurs des Apôtres.

Or sans revenir à ce que nous avons déjà dit, je m’arrête à une seule demande. Où est l’Eglise qui peut se glorifier de remonter par une suite non interrompue de docteurs et d’apôtres jusqu’aux premiers apôtres?

Est-ce l’Eglise d’Allemagne? Luther s’est appelé l’Ecclésiaste; Calvin n’était même pas prêtre.

Est-ce l’Eglise d’Angleterre ? Le 1er évêque protestant de cette Eglise a pu être un archevêque de Cantorbéry successeur de ce moine Augustin envoyé par Grégoire le Grand; c’est-à-dire envoyé de Rome au moment où d’après les protestants l’erreur y était arrivée à son comble!

Je ne parle pas de cet évêque Alexandre anglais envoyé à la demande du roi de Prusse qui ne croit pas aux évêques, envoyé, dis-je, par la reine d’Angleterre, puisque dans ce pays ce sont les femmes qui envoyent les évêques, à Jérusalem pour représenter sur le siège de St Jacques l’Eglise réformée.

Est-ce le schisme grec? Mais il a son centre à Constantinople qui n’est pas un siège apostolique, et à Jérusalem même nous ne trouverons pas un évêque schismatique qui puisse se dire successeur de St Jacques; car si St Jacques était apôtre, où sont les successeurs dont la chaîne se relie jusqu’à nos jours, et d’ailleurs les évêques schismatiques actuels ne se donneront pas sans doute pour les successeurs des évêques qu’ils ont chassés.

Je cherche une succession apostolique et je n’en trouve plus qu’une, celle de Rome. Je sais bien cependant que quelques auteurs protestants ont prétendu que St Pierre n’était pas mort à Rome, mais je puis trouver d’autres auteurs protestants qui prouvent ce fait et il pourrait me suffire de leur répondre: Mettez-vous d’accord entre vous; mais laissons-les sans réfutation, nous savons que les 1ers Pères ont été là, que tous les monuments historiques sont là et que la tradition universelle nous dit que St Pierre a fondé la 1ère Eglise de Rome. St Paul a scellé en quelque sorte de son sang le siège apostolique de Pierre et de là devaient partir des milliers d’évêques qui porteront partout la puissance apostolique. Dans les premiers siècles Pierre pourra confier à d’autres dans les villes d’Alexandrie et d’Antioche le pouvoir d’instituer des évêques; mais dès que la paix se fera sur l’Eglise, on reviendra à l’unité et à mesure qu’un évêque mourra dans le monde, un autre évêque envoyé par Pierre viendra le remplacer. Malheur aux Eglises qui songent à rompre cette unité et à se séparer de Rome! Malheur aux hommes qui disent qu’on peut se passer du successeur de Pierre pour l’institution de l’épiscopat!

Etudions maintenant la 2de notion de l’Eglise, la 3ème dans l’ordre du Symbole.

II. Catholicité de l’Eglise

C’est un fait bien extraordinaire que déjà, aux 1ers siècles, ce titre de catholique est déjà le titre particulier d’une certaine Eglise. Au 2ème siècle St Augustin le remarque et dit: Voulez-vous allez aux Ariens, on vous montrera l’Eglise des Ariens. Voulez-vous allez aux Donatistes, on vous indiquera l’Eglise des Donatistes. Voulez-vous aller chez les Pélagiens, tout le monde vous indiquera l’Eglise des Pélagiens, mais il est une Eglise qu’on appelle Eglise catholique et que tout le monde, hérétiques et païens connaissent sous ce titre spécial.

Si ces paroles avaient été prononcées depuis le 15me siècle, on pourrait dire que ce titre est une usurpation de l’Eglise romaine, mais c’est le grand Augustin qui parle ainsi dès le 4ème siècle, c’est cet Augustin que les protestants prétendent être leur docteur dans la grâce, celui dont ils vendent les images; il leur dit: si vous êtes une secte on vous désignera par le nom de votre fondateur, mais la seule vraie Eglise est celle que tout le monde reconnaît pour l’Eglise catholique.

Il y a bien une Eglise schismatique de Russie qui prend le nom d’Eglise orthodoxe, laissons-lui ce titre menteur, contentons-nous d’avoir pour nous l’orthodoxie elle-même, mais ce n’est pas l’Eglise catholique.

Il faut maintenant que notre Eglise prouve sa catholicité. Elle le fait de deux façons. Elle montre qu’elle est catholique quant à la durée et quant à l’espace.

1° Quant à la durée. Au moment où J.C. monte au ciel il a dit: Voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles, usque ad consummationem saeculorum, il n’a pas voulu prononcer le mot d’éternité, afin que des hérétiques ne puissent pas venir dire qu’il s’agit ici de la vie éternelle; c’est tous les jours à tous les instants, comme nous le disions dans notre dernière instruction que J.C. est avec son Eglise.

Ce que je veux dire ici, c’est que la catholicité convient à tous les temps. Nous pourrions le prouver dès l’époque des prophètes, mais bornons-nous aux siècles de l’ère chrétienne. Or je vous le demande, que vous soyez protestant, incrédule, schismatique, répondez-moi. Y at-il eu depuis J.C. une Eglise qu’on appelle catholique? Je vous fais seulement cette question; je ne vous demande pas si c’est une erreur de l’appeler ainsi, mais seulement le fait: Est-elle appelée catholique? Eh bien! si elle a toujours porté ce nom sans qu’aucune Eglise puisse le lui enlever, il y a là pour moi une preuve suffisante de la vérité de cette Eglise.

2° L’Eglise montre sa catholicité quant à l’espace.

Vous rendez-vous compte, mes frères, d’une parole de St Paul empruntée aux prophètes; St Paul, cet homme qui a porté la parole à un degré si elevé, s’adressant aux Juifs quelques années après sa conversion, leur donnait cette preuve de la mission de J.C. [blanc](1).

Ainsi déjà au temps de St Paul l’Eglise possède ce caractère de catholicité quant à l’espace, et St Paul ne croyait pas le donner comme signe de sa mission divine.

Toute la terre a entendu la parole de J.C. et depuis lors ce caractère s’est maintenu toujours et toujours. Remarquez que j’ai dit que la parole a été entendue partout, il n’est pas nécessaire en effet qu’elle ait été acceptée partout, il suffit de savoir qu’elle a été réellement entendue partout, qu’elle a passé partout, n’y eût-il eu qu’une ou deux conversions comme après la prédication à Athènes où il ne convertit que Denis et la femme Damaris.

Voilà donc établi pour l’Eglise le titre de la catholicité dans l’espace.

Et ce qu’il y a de plus admirable, c’est que cette parole, que rien n’arrête, est l’objet d’incessantes persécutions, elle vole malgré les chaînes et St Paul nous dit que s’il est dans les fers la parole n’y est pas: Verbum Dei non est alligatum. Ni la fureur des persécuteurs, ni les invectives des princes des prêtres, ni les sophismes des philosophes et des païens ne peuvent l’arrêter, non est alligatum, partout elle est présente, on l’entend au milieu des amphithéâtres et des tortures, non est alligatum, elle marche au milieu de ces barbares qui viennent renverser l’empire romain et élever une nouvelle société sur ses ruines. Verbum dei non est alligatum.

Arius, Nestorius, Pélage et tous ces hérétiques si pressés qu’on ne peut les compter s’élèveront contre elle et malgré les envahissements des barbares, à travers les orages des hérésies, au milieu du chaos de la société elle vit toujours et des missionnaires la portent au bout du monde. Verbum Dei non est alligatum.

Mais traversons les siècles et arrivons à quelques centaines d’années de notre époque; alors on voit des désertions nombreuses dans l’Eglise. Luther lève le drapeau de la révolte, Calvin lui répond; en Angleterre un homme dont ses amis eux-mêmes ont dit qu’il n’a jamais soustrait un homme à sa vengeance, ni une femme à sa lubricité, consomme un schisme au moyen de persécutions que les protestants eux-mêmes nous ont racontées; eh bien! dans ce moment critique un nouveau monde vient de se découvrir et Las Cases part pour l’Amérique, St François-Xavier pour les Indes et les vaisseaux qui les portent entraînent avec eux la parole de Dieu qui va conquérir des mondes nouveaux. Verbum dei non est alligatum.

Et c’est aujourd’hui, après ces exemples, qu’on vient nous parler de je ne sais quelle sotte prudence qui n’est pas à coup sûr dans l’Evangile, qui dit au contraire: prêchez sur les toits. Non, non, pas plus aujourd’hui qu’autrefois on n’arrêtera la parole de Dieu, Verbum dei non est alligatum. Des missionnaires partiront, des générations s’élèveront ailleurs par l’ordre de Dieu, la mère stérile donnera plus d’enfants que celle qui devait être féconde: Surge Jerusalem.

Voilà qu’elle a des fils nouveaux et un nouveau peuple apparaîtra, Verbum Dei non est alligatum.

III. Sainteté de l’Eglise

Cette sainteté n’est autre que la sainteté de Dieu; l’Eglise est assistée par le St-Esprit qui dans son nom même porte le nom de sainteté. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait des méchants et des impies dans son sein, nous savons que le royaume du ciel est semblable à un champ où l’ennemi est venu jeter l’ivraie pendant le sommeil du maître; qu’il est semblable au filet qu’un pêcheur jette dans la grande mer et qui se remplit de toutes espèces de poissons; mais au temps de la moisson l’ivraie et la paille sont séparés du bon grain et brûlés; le bon poisson sera séparé du mauvais qu’on rejettera avec ignominie.

Il y aura donc toujours des méchants dans l’Eglise de Dieu, mais elle aussi aura un caractère de sainteté que les vices et les défauts de ses enfants n’empêcheront jamais de reconnaître, c’est la sainteté qui vient de son enseignement.

Et si vous vouliez comparer la notion de la sainteté qu’elle nous donne avec celle que donnent les Eglises séparées de la nôtre, la comparaison ne pourrait se soutenir un instant.

Ainsi Luther dit que J.-C. le Saint des saints est mort pour le genre humain, que sa sainteté suffit à notre sanctification, et que cette sainteté éclate d’autant plus que l’homme est plus coupable, de sorte que là où le péché abonde, la grâce surabonde; d’où il résulte qu’il est parfaitement inutile de faire le moindre effort pour vaincre ses mauvais penchants; la grâce nous est donnée comme un manteau qui couvre notre misère. Quel blasphème! N’est-ce pas la canonisation de tous les vices?

Nous au contraire, nous déclarons que nous sommes nés dans le péché de notre premier père, enfants de colère, natura filii irae, mais qu’aussitôt que le baptême nous a purifiés, nous devenons des enfants d’adoption, la grâce nous prend, nous réforme, cum enim infirmus tunc potens sum, elle nous rend capables de mériter, mais Dieu nous traite avec assez de respect pour que nous puissions être saints chacun à notre tour et par notre volonté.

Je puis me dire: par les mérites de mon Sauveur, je pourrai, moi aussi, concourir à mon salut et je sais que toutes les actions que je ferai pour cette fin me seront comptées, même un simple verre d’eau donné au nom de J.-C.

C’est cette notion de sainteté qui nous révèlera ces magnifiques dévouements, source des dévouements apostoliques; c’est cette notion qui nous apprendra à mépriser les biens de ce monde, c’est encore cette notion de sainteté qui m’apprend à faire d’un corps de péché l’habitation d’un ange. C’est déjà beaucoup et cependant j’ai à vous dire davantage encore, car il a été dit: ce n’est plus l’homme qui vit en moi, c’est J.-C.; jam enim non vivit homo, sed Christus in me; voilà la grande merveille à laquelle les autres servent de préparation; il faut que le roi des saints vive en nous: Vivo, jam non ego, sed Christus vivit in me, et dès lors toutes mes pensées, toutes mes aspirations, je les prends dans le sein de Dieu; voilà la doctrine de la sainteté dans l’Eglise!

Cette sainteté réside dans son chef et ce chef est J.-C., c’est de lui que la sainteté découle dans les membres comme la vie dans nos corps se répand de la tête à tout notre individu; il y aura des membres indignes, malades, paralytiques, morts; mais le chef demeure saint et chaque membre, si indigne qu’il soit, peut devenir saint. Cet enfantement des saints est le perpétuel travail de l’Eglise de J.-C., et c’est ce qui fait que ce qui paraît un malheur aux yeux des hommes est quelquefois un grand bonheur; ainsi voyez dans l’histoire, quand y eut-il plus de saints qu’au temps des persécutions et les moments de repos n’ont-ils pas été les plus dangereux pour le zèle de l’Eglise ? Au temps de la Réforme nous comptons plus de 60 saints connus et nous ne savons pas combien il y en eut dans le silence des cloîtres et devant Dieu; aussi au milieu des tourments qui semblent se préparer, je me console et je m’écrie: Persécutez mon Dieu; bouleversez, s’il le faut, afin qu’une nouvelle génération de saints apparaisse.

Et c’est parce qu’elle prêche la sainteté que l’Eglise est persécutée; si en la prêchant en effet elle disait: Vous êtes libre de l’accepter ou de la rejeter, si elle consentait à toutes les modifications que réclament les progrès du temps, on ne la persécuterait pas. Mais il y a dans la sainteté de l’Eglise quelque chose qui va contre toutes les passions; une doctrine de chasteté qui va contre les impudiques, une doctrine de justice qui va contre les voleurs et les usurpateurs, une doctrine de mortification qui va contre les voluptueux, une doctrine d’humilité qui va contre les orgueilleux, une doctrine d’obéissance par la foi qui va contre les libres-penseurs. Et vous voudriez que tous les impudiques, tous les voleurs ou usurpateurs, que tous les voluptueux, les orgueilleux et les libres-penseurs de la presse ou autres, ne s’unissent pas contre la sainteté de l’Eglise de J.-C.! Mais si nous y songions sérieusement, de toutes les preuves morales en faveur de l’Eglise, voilà la plus grande, c’est la haine de toutes les puissances de l’enfer.

IV. Dernier caractère de l’Eglise, son unité.

Un auteur protestant qui est passé de l’Eglise anglicane à la foi de l’Eglise de J.-C., en faisant comme cet autre protestant que je vous citais vendredi, les plus beaux et les plus grands sacrifices pour accomplir sa conversion, homme éminent et dont le père avait été appelé le chef du parti des saints dans la Chambre des Lords, et dont le frère est encore aujourd’hui évêque d’Oxford, le Docteur Wilberforce, était frappé de la manière dont l’Eglise anglaise établie s’en allait en se dissolvant. Or par la permission de Dieu il arriva que le gouvernement anglais voulut nommer évêque un certain M. Gorham, qui n’avait qu’un inconvénient, il ne croyait pas à la nécessité du baptême; le Chapitre en Angleterre nomme les évêques, mais à la condition qu’il choisisse toujours le candidat désigné par la reine; en cette circonstance le Chapitre protesta. C’était grave, M. Gorham ne voulait pas renoncer au bénéfice de 200.000 de rente, d’autre part on ne pouvait pas rejeter absolument un candidat présenté par le Gouvernement. L’affaire fut portée au ban de la reine; on n’appela point les docteurs en théologie, ils n’ont que faire dans ces procès-là et d’ailleurs fussent-ils consultés, ils auraient été ici fort embarrassés, comment en effet trouver dans la Bible la nécessité du baptême, puisque M. Gorham, lui n’y croit pas.

Après bien des embarras, un arrêt fut enfin rendu, portant que tout en laissant à tous ceux qui croient au baptême la liberté d’enseigner la nécessité du baptême, les autres ne sont pas obligés de l’admettre.

Si nos tribunaux civils rendaient de tels arrêts, comment se tirerait-on d’affaire?

C’est alors que le Dr Wilberforce rentra dans l’Eglise catholique en même temps que beaucoup de protestants éclairés, et il écrivit un livre sur l’unité de l’Eglise où il prouva la nécessité d’un principe d’unité. Il est indispensable que la véritable Eglise ait un principe d’unité et ce principe est J.-C. lui même, l’assistance du St-Esprit donné à l’Eglise.

Et c’est pour cela que l’Eglise a été appelée les cinq plaies de N.-S., le corps de N.-S., et l’assistance qu’elle reçoit est comme l’âme de ce corps. de même qu’en nous, dès que l’âme quitte le corps, la corruption commence pour ce dernier, de même pour l’Eglise; il faut absolument qu’elle reste une de l’unité de Dieu; c’est de l’Eglise qu’il a été dit: Qu’ils soient uns comme vous, mon Père, et moi nous ne sommes qu’un. Ainsi donc le modèle même de l’unité de l’Eglise se trouve dans la Ste Trinité, dans l’essence de Dieu.

Or, je vous le demande, est-ce par nos corps ou par nos intelligences que nous sommes unis à J.-C.? Evidemment, c’est par nos intelligences et c’est pour cela que le caractère fondamental de l’Eglise de J.-C. c’est l’unité dans son enseignement et l’unité dans son chef, caractère qui durera jusqu’à la fin des temps.

De même que J.-C. n’est qu’un, une seule personne, la personne divine de J.-C. s’étant unie à la nature humaine avec la nature divine sans l’absorber, de sorte que cette personne divine est seule en lui, de même dans l’Eglise la perfection de l’unité est d’arriver à se perdre en l’unité de J.-C.

L’unité doit exister dans la vérité; mais la vérité n’était pas visible, car c’est J.-C. lui-même, et voilà pourquoi il se fera homme et par lui il y aura unité dans l’enseignement et dès que quelqu’un s’écartera de cet enseignement il y aura anathème sur lui.

Il y a unité dans les sacrements et ce sont là les sept merveilleuses sources de la grâce.

C’est l’ensemble de cette doctrine qui fait dire à St-Paul unus Deus, una fides, unum baptisma.

Unus Deus; il n’y a donc chez nous, catholiques, qu’un seul Dieu, et les protestants ne pourraient pas en dire autant, puisqu’ils ont imaginé chacun un J.-C. à leur façon.

Una fides, nous avons une seule foi; diront-ils, eux, au milieu de toutes leurs divisions, qu’ils ont une seule foi?

Unum baptisma, un seul baptême, oseront-ils dire qu’ils n’ont qu’un seul baptême, quand nous voyons que pour plusieurs ce n’est plus qu’une vaine cérémonie.

Ils n’ont pas davantage une seule espérance. Croyez-vous au Purgatoire? Quelle idée vous faites-vous du paradis?

St Paul en parlant du ciel a dit: Voilà que nous entrons dans notre repos, et une dame protestante s’est donné la peine d’écrire un volume pour dire l’ennui que lui causerait ce repos absolu.

Chez eux la division est partout. Chez nous, au contraire, nous trouvons une merveilleuse unité, gardons-la toujours; qu’elle soit rendue visible aux hommes par la parole et les sacrements.

Mais qui sera chargé de maintenir l’unité dans la parole, de distribuer les sacrements? Un grand corps sera formé pour remplir cette mission: l’épiscopat. Un saint évêque dont le sang a coulé pour la foi, Cyprien, disait que l’unité de l’Eglise se résume dans l’unité de l’épiscopat. Il n’y a en effet qu’un épiscopat qui est celui des St Jean Chrysostome, des St Augustin, de St Ambroise et qui est aussi celui de l’évêque de Nîmes, de l’évêque de Montpellier et de tous les évêques du monde.

Il faut que cet épiscopat, le même partout, ait un centre vivifiant, un centre visible qui le régisse; c’est la chaire de Pierre qui a reçu la plénitude de ce pouvoir: Paissez mes brebis, paissez mes agneaux. C’est elle qui envoie les évêques dans tout l’univers. Que Jésus ou Pierre parlent par la bouche de Grégoire ou de Pie, peu importe, c’est toujours J.-C. enseignant avec le pouvoir de son Père et retranchant aussi avec ce pouvoir ceux qui veulent déchirer les entrailles de leur mère.

Oui, groupons-nous autour de cette merveilleuse unité, admirons les desseins de Dieu et soyons fiers d’avoir pour patrie une société aussi grande que le monde.

Prenons notre part à sa sainteté, car si j’ai parlé des notions générales de sainteté qu’on trouve dans l’Eglise, je n’ai pas dit tous les saints que ces notions peuvent enfanter. Et de même qu’au temps de la Réforme une pléiade de saints s’est répandue sur l’Eglise, je ne serais pas étonné que ce temps plein de troubles que nous traversons soit aussi fécondé par un grand nombre de saints et pour moi, si j’avais l’honneur d’administrer le sacrement de baptême, je me dirais intérieurement chaque fois que je verserais l’eau régénératrice: peut-être qu’en ce moment je fais entrer dans l’Eglise une âme qui sera sainte et qui protestera contre tous les désordres de notre époque.

Groupons-nous donc et sachons au besoin combattre avec ces notions de sainteté et nous rendre dignes du bonheur que N.-S. nous réserve.

Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1. Le canevas du P. d'Alzon lui-même (D00695) nous permet de combler le blanc laissé par Vincent de Paul Bailly: il s'agit de Ps.19, 5 cité dans Rom.10, 18.