Sermons divers

5 mar 1861 Nîmes
Informations générales
  • Sermons divers
  • Carême prêché en 1861 à St-Charles de Nîmes
    Mardi de la troisième semaine. - *Le Pape Pontife*.
  • GO 2, p.239-275; Ecrits du P. Bailly, 18, p.215-222.
Informations détaillées
  • 1 ANCIEN TESTAMENT
    1 AUTORITE PAPALE
    1 BULGARES
    1 EDIFICE DU CULTE
    1 EGLISE
    1 EGLISE CELESTE
    1 EGLISE MILITANTE
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 EUCHARISTIE
    1 GOUVERNEMENTS ADVERSAIRES
    1 HERESIE
    1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 JESUS-CHRIST MEDIATEUR
    1 JUIFS
    1 JURIDICTION EPISCOPALE
    1 LATIN LITURGIQUE
    1 LITURGIE
    1 LITURGIE ROMAINE
    1 LITURGIES ORIENTALES
    1 LITURGIES PARTICULIERES
    1 LIVRES LITURGIQUES
    1 LOI ANCIENNE
    1 LOI NOUVELLE
    1 MAHOMETANISME
    1 PAPE
    1 PAPE DOCTEUR
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PROTESTANTISME
    1 RELIGION NATURELLE
    1 REVOLUTION DE 1789
    1 SACERDOCE
    1 SACERDOCE DE JESUS-CHRIST
    1 SACRIFICE DE JESUS CHRIST
    1 SACRIFICE DE LA MESSE
    1 SOCIETE
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 UNITE DE L'EGLISE
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 ALEXANDRE VI, PAPE
    2 ANANIE
    2 BARNABE, SAINT
    2 CART, JEAN-FRANCOIS
    2 GREGOIRE VII, SAINT
    2 GREGOIRE XVI
    2 HENRI IV, EMPEREUR
    2 JACQUES, SAINT
    2 JUDAS
    2 LOUIS XIV
    2 MAISTRE, JOSEPH DE
    2 NICOLAS I
    2 PAUL, SAINT
    2 PIE IX
    2 PIERRE, SAINT
    2 THOMASSIN, LOUIS
    2 VOLTAIRE
    3 BABYLONE
    3 FRANCE
    3 JERUSALEM
    3 NIMES
    3 ROME
    3 SINAI
  • 5 mars 1861
  • 5 mar 1861
  • Nîmes
  • Eglise St-Charles
La lettre

Tu es Petrus et super hanc petram aedificabo ecclesiam meam.

Tu es Pierre etc.-

L’Eglise n’est pas seulement une école dont le Pape est le souverain docteur, c’est un temple où s’élève une pierre qui est un autel; cette pierre c’est sans doute J.-C., comme l’apôtre nous l’annonce, Christus autem est petra; mais de même que J.-C. a transmis à St Pierre et à ses successeurs le pouvoir d’enseigner, de même J.-C. transmet à Pierre et à ses successeurs le droit d’être la base fondamentale de l’autel sur lequel est offert à Dieu le grand sacrifice et lui transmet en même temps le titre de sacrificateur. C’est à ce point de vue que je viens étudier avec vous aujourd’hui le Pape, le Pape Souverain Pontife. Quand ce titre sublime fut enlevé par les Papes aux empereurs romains, ce ne fut pas sans motif, il y avait là un grand mystère, nous l’abordons en ce moment.

Ave Maria.

Il est impossible, mes frères, de remonter à l’origine d’une société sans y trouver une notion religieuse et, chose triste à dire, le culte religieux s’en va en même temps que se retire la vie des sociétés, c’est un fait historique aussi lamentable que certain; à mesure que les peuples ont eu moins besoin de religion, à mesure qu’ils se sont abaissés dans les vains plaisirs de la matière, on a pu affirmer avec plus de certitude que l’heure de leur mort était prête à sonner.

Je n’ai pas ici à vous parler des rapports intimes de la nature créée et intelligente avec son Dieu, je prends l’humanité dans son ensemble et je la groupe par nations, et je dis que toute nation vivante, énergique a eu besoin d’un culte, c’est-à dire de rapports avec l’Etre le plus grand, le plus souverain de qui on reçoit toute chose. Le culte à ce point de vue est l’expression des rapports de Dieu avec l’homme et des hommages de l’humanité avec son Créateur. Ceci posé comme un fait prouvé par l’origine de l’histoire dans tous les pays, je dis que dans la société la plus parfaite il est indispensable qu’il y ait un culte parfait et la société la plus parfaite étant la société de Dieu avec les hommes, le culte doit y être aussi parfait que possible et par suite c’est Dieu lui-même qui doit le régler. C’est ce qu’il exécute en effet; sur le mont Sinaï il appela Moïse et au milieu des foudres et des éclairs, dans l’appareil de sa majesté se révélant aux hommes de la manière la plus terrible il lui enseigne son culte, il lui donne le modèle de l’arche des tabernacles et des cérémonies en lui disant: Inspice et fac secundum exemplar quod tibi in monte monstratum est (Ex.25).

Or s’il est vrai que tout arrivait dans l’ancienne loi par figure: haec autem in figura contingebant illis (I Cor.X, 11), et si Dieu a pris autant de peine dans la loi ancienne pour des figures, combien plus de peine a-t-il dû prendre dans la loi nouvelle! J.-C. dans cette loi sainte a transmis à ses apôtres ses enseignements merveilleux sur la vérité, sur ce qu’est Dieu, sur ce qu’est l’homme, sur la perfection, sur la dignité de l’homme et sur le mystère de sa rénovation par la grâce et en même temps il lui a plu de tracer les grandes lignes du culte des hommes avec leur Auteur.

Et non seulement J.-C. avait voulu régler lui-même ce culte, mais de même qu’il avait donné à ses apôtres le soin d’enseigner le monde en leur inspirant toute vérité. Spiritum veritatis quem mundus non potest accipere (St J.14, 16 et 17), de même il laissera à ses apôtres inspirés par lui le soin de régler tous les détails du culte. Ils ont fondé ainsi les liturgies et ont laissé les liturgies de St Jacques, de St Barnabé, de St Pierre à Rome qu’on retrouve encore aujourd’hui, et quoique nous ne soyons pas certains que ces liturgies remontent aux Apôtres dans toutes leurs parties, nous croyons néanmoins qu’ils en ont établi eux-mêmes les principaux linéaments.

C’est le propre des choses humaines d’aller en se modifiant, c’est surtout le propre des choses extérieures et comme rien n’est plus extérieur que le culte extérieur, voilà pourquoi il fallait nécessairement une autorité pour ramener et maintenir ce culte dans son unité, et voilà pourquoi J.-C. après avoir fait un souverain Docteur pour conserver la vérité et contenir les erreurs, a dû établir de même un souverain législateur, un grand Pontife. Et de même encore que dans la question d’enseignement une partie de la mission d’autorité est confiée aux prêtres, chargés d’instruire les fidèles, qu’une autre partie, celle qui concerne l’ensemble même du diocèse est confiée aux évêques et qu’enfin les choses d’un intérêt universel sont réservées au Souverain Pontife, de même aussi pour le culte, les détails sont confiés aux curés, les objets d’un intérêt diocésain et plus grave aux évêques et tout ce qui se rattache à la liturgie universelle est réservé au Souverain Pontife.

Permettez-moi ici une courte digression. Ces principes sont assurément fort simples. Eh bien! cependant ils furent longtemps contestés. J’ai parlé dimanche dernier du mouvement par lequel certains évêques s’étaient laissés aller à affirmer que le Pape n’est pas infaillible. Ces mêmes évêques un jour se dirent: nous sommes pontifes et princes dans nos diocèses et ils l’étaient en effet, et par conséquent il nous appartient de régler le culte chez nous. Revoyons le bréviaire, les cérémonies de la messe, le Pape qui s’est occupé de ces questions jusqu’à présent n’y connaissait rien, refondons toute cette liturgie. Etait-ce commettre un mal? Je ne répondrai pas, car je ne veux pas manquer à mes Pères, mais eux dans tous les cas ne respectaient guère le Pape. Or suivant les desseins providentiels de Dieu, pendant que la Révolution balayait toutes choses, le clergé français vint à étudier cette question et à reconnaître les usurpations de pouvoir faites par les évêques. Les Papes voyant naître cet heureux mouvement s’en emparèrent, le développèrent et pendant tout le temps de leur pontificat Grégoire XVI et Pie IX n’ont jamais cessé de presser les évêques de revenir aux anciennes liturgies, et voilà pourquoi, mes frères, votre ancien évêque Mgr Cart, déclarant qu’il obéissait à un devoir impérieux de conscience, a rendu la liturgie romaine au diocèse de Nîmes. Qu’on ne vienne pas me faire de pauvres objections comme celle-ci: mais le latin est moins correct. Que m’importe; est-ce que par hasard parce que votre aïeule aurait quelques cheveux blancs vous lui préféreriez la première fille qui traverserait la rue?

Non, il y a là une question de respect qu’il est très important de ne pas oublier; c’est par ce motif que les Papes ont voulu conserver plusieurs liturgies anciennes à côté des nouvelles.

Voyez à quoi cela peut devenir utile.

Quand Voltaire déclara que le Pentateuque avait été composé pendant la captivité de Babylone, on lui répondit: prenez garde, ce livre dont vous niez l’origine antique, nous le retrouvons parmi les livres sacrés des Samaritains qui s’étaient séparés des Juifs longtemps avant la captivité de Babylone, et il est peu probable qu’ils l’aient emprunté depuis cette captivité aux Juifs, leurs antagonistes acharnés en matière religieuse, donc le Pentateuque remonte au moins aux temps qui ont précédé le schisme des dix tribus et votre assertion n’est pas fondée.

De même lorsque les hérétiques vinrent à nier l’institution divine de l’Eucharistie et à dire: la présence réelle a été inventée à telle époque, on a pu leur répondre: prenez garde, voilà telle liturgie ancienne conservée en Orient non seulement chez les catholiques, mais chez des hérétiques séparés de l’Eglise bien avant l’époque que vous indiquez, tels sont les monothélites, les nestoriens et autres; or ces liturgies contiennent le dogme de la présence réelle et il n’est pas probable que ce dogme nous ait été emprunté par ces frères séparés, donc son insertion, si elle ne remonte pas à J.-C., remonte du moins bien près de lui et votre assertion n’est pas fondée.

L’Eglise a donc bien fait de retenir avec respect les anciennes liturgies, et d’ailleurs comme la liturgie comprend des prières, des professions de foi, il importe qu’un simple évêque puisse venir la bouleverser, mais que le Souverain Pontife en soit le gardien, afin que nous récitions le même acte de foi que nos Pères et qu’à ceux qui nous attaqueraient nous répondions assurément que nous professons la foi de nos Pères.

Vous voyez donc, mes frères, par ce côté toute l’importance d’une liturgie universelle de cette prière commune de toute l’Eglise, et par suite vous comprenez la nécessité d’un Souverain Pontife, règle universelle, qui empêche de changer tout ce qui porterait atteinte au respect du passé ou à l’enseignement de la foi. Il sera juge des changements, des applications diverses que réclament les circonstances et les temps, et c’est ainsi qu’il y a deux mois seulement Pie IX, au moment même où il sollicitait le retour des évêques français à la liturgie romaine, accordait aux Bulgares réunis, qui viennent grâce à Dieu de rentrer dans le sein de l’Eglise, la liturgie qui leur avait été donnée par Nicolas I lors de leur conversion, parce que cette liturgie a des titres plus favorables pour le maintien de la foi chez les Bulgares.

Laissons cette digression et revenons à notre sujet.

J’examine ce qu’est le culte et j’y trouve plusieurs éléments.

1° Elément de prière. La prière est le besoin intime de l’âme souffrante et pécheresse de s’élever à Dieu, mais cette âme est-elle sûre que sa prière montera d’un vol divin vers son but? Non, il faut que quelqu’un lui indique la voie, il faut, comme dit St Paul, toutes les fois que les hommes sont réunis, qu’il y ait un homme pontife: Omnis namque pontifex ex hominibus assumptus pro hominibus constituitur in iis quae sunt ad Deum, ut offerat dona et sacrificia pro peccatis (Heb.5.1).

Ainsi donc tout Pontife et le Souverain Pontife lui-même doit être pris parmi les hommes, ex hominibus assumptus, il doit être établi pour les hommes, pro hominibus constituitur, et sa mission est d’offrir des sacrifices: ut offerat dona et sacrificia pro peccatis.

Voilà la mission du prêtre du côté des hommes et, comme dit Thomassin, il est non seulement la bouche des hommes pour s’adresser à Dieu, il en est aussi le coeur pour prier, il est envoyé ambassadeur de l’humanité vers Dieu, et ce n’est pas seulement cela: Sic nos existimet homo ut ministros Christi et dispensatores mysteriorum Dei (I Cor.IV,1). Que l’homme nous considère, dit St Paul, comme les ministres du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu. Dieu lui dit: Voilà mon pardon, mes grâces, mes biens, mes enseignements, voilà tous mes dons, va les porter aux hommes. Quelle immense et magnifique mission! Or cette mission sublime ne pouvait être remplie par un homme, il fallait, comme dit St Paul, que de même qu’il n’y a qu’un seul Dieu il n’y eût qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, et c’est J.-C. qui a été revêtu de ce caractère merveilleux dans la société humaine Unus enim Deus, unus et mediator Dei et hominum, homo Christus Jesus (I Tim.2,5). Mais ce prêtre placé ainsi entre les hommes et Dieu a un cachet divin et c’est ce cachet divin que Dieu lui a appliqué par un serment: Juravit Dominus et non poenitebit eum; tu es sacerdos in aeternum, etc. J.-C. intercède toujours pour nous, il est toujours vivant, semper vivens ad interpellandum pro nobis (Heb.7, 25).

J.-C. est donc le Pontife suprême, mais puisqu’il habite les cieux, qu’il est invisible pour nous, tandis que son culte est visible et extérieur, il faut un sacerdoce extérieur, un Pontife chargé de le représenter sur la terre; or un seul homme ne suffit pas à cette mission, et c’est là un des plus grands bienfaits de Dieu, il a voulu communiquer ce caractère du prêtre à une foule d’hommes pécheurs comme vous, plus que vous, car ils ont à correspondre à plus de grâces. Ainsi Dieu se conformant à la misère des hommes, prenant en considération la difficulté qu’il y aurait pour eux à se transporter auprès d’un unique pasteur comme les Juifs devaient faire pour le seul temple de Jérusalem, Dieu leur dit: je vous traiterai en bon père; partout où vous serez je vous donnerai la nourriture qui vous conviendra, et comme cette nourriture est une victime, partout où des hommes seront réunis, l’un d’eux sera prêtre et il offrira la victime, et dans la grand nombre de ces pasteurs je retrouve encore, mes frères, la nécessité du pontife souverain et du législateur suprême.

Mais, comme le dit Thomassin, il faut une certaine fécondité pour reproduire le sacerdoce et cette fécondité sera donnée à l’Eglise par l’épiscopat. L’évêque choisit les prêtres, leur impose les mains et leur donne le St-Esprit; il leur dit: les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez et retenus à ceux à qui vous les retiendrez, et en même temps il leur donne cet ordre: vous offrirez le sacrifice pour les vivants et les morts.

Mais comme Dieu dans sa pensée tend toujours à l’unité, que l’Eglise est une et que son culte doit être un, il faut que ces évêques soient institués, recoivent leur pouvoir d’un même homme, et voilà encore que nous apparaît la nécessité ce ce pontife souverain qui, quoiqu’il ne puisse suffire lui-même au sacerdoce universel, malgré son immense charité, a le droit de dire à tous les hommes: Vous êtes mes enfants, je suis le représentant du médiateur par excellence, je donne aux évêques le droit de paître les agneaux, celui d’immoler la victime, et je leur donne aussi le pouvoir de transmettre ce droit à d’autres hommes prêtres comme lui, et voilà un des plus magnifiques spectacles de l’Eglise catholique. En effet, en imposant les mains à ces hommes, il leur dit: tu es sacerdos in aeternum; or le prêtre, sacerdos, est un sacrificateur et c’est un fait que le sacrifice a disparu partout, excepté dans le catholicisme, chez les Juifs l’abomination de la désolation est entrée dans le temple et avec le temple les sacrifices ont été détruits; chez les Mahométans, je vois des docteurs, mais point de sacrificateurs. Quelques hérésies, il est vrai, ont conservé un sacrifice amoindri, mais c’est une justice à rendre au protestantisme qu’il a été logique jusqu’au bout et qu’il a aboli le sacrifice, ses ministres ont redouté de porter la divine victime dans leurs mains, ils n’ont plus voulu que des figures et ils ont remplacé la chair et le sang de Jésus par un peu de pain et de vin.

Laissez-moi vous dire ici, mes frères, que je déplore cet état où le protestantisme s’est placé volontairement, si je vois l’anathème qui pèse sur le Mahométan et le prive de sacrifice, si je vois davantage l’anathème qui pèse sur le Juif coupable du sang de J.-C., je méprise encore davantage, si tant est que je méprise les premiers, ces hommes qui disent: faisons une religion, il faut piper le peuple, lui bâtir des temples, il y fera des mômeries et nous laissera tranquilles; c’est là ce que produit l’Etat révolutionnaire, or il y a quelque chose d’affreux dans cette insulte qu’on fait à Dieu par des mascarades et dans ce mépris abominable pour le peuple à qui l’on dit: le culte est bon pour toi.

Vous mes frères, quand vous entrez dans un temple, faites-le avec respect et dites-vous: c’est ici la maison de mon Dieu; je puis m’y nourrir de J.-C., à la fois mon Dieu et mon frère, et si je n’ai que des haillons, j’y suis néanmoins à l’aise, car à travers toutes mes douleurs et toute ma misère, je vois ce Dieu mon frère m’ouvrir ses bras et m’assurer ses récompenses.

Oui, en voyant nos temples, le luxe de notre culte, ce nombreux clergé, il y a des langues empestées et des plumes irréligieuses qui viennent demander: à quoi bon ces dépenses? Ne pourrait-on pas en donner l’argent aux pauvres? Pourquoi ces parfums répandus? disait Judas,on en aurait tiré [blanc] deniers, c’est-à-dire environ [blanc] de notre monnaie. Pourquoi avec ces sommes dépensées inutilement ici ne pas bâtir des salles de spectacles et des salles de bal?

Eh bien! Etablissons un double budget et inscrivons d’un côté ce qu’on dépense pour les réparations des églises, pour l’entretien du culte et du clergé, pour ces choses qui s’adressent à tous les hommes et sont la consolation du riche comme du pauvre, et de l’autre côté inscrivez tout ce que coûtent ces salles de bal, ces spectacles et cette multitude de femmes qui vivent auprès et ce que coûtent toutes les infamies de certains plaisirs et dites-moi quel est de beaucoup le plus gros chiffre; n’est-ce pas celui du budget de l’infamie?

Et cependant, au lieu de ces consolations dont nous parlions tout à l’heure, au lieu de ces fruits d’innocence que nous trouvons dans les temples, qu’y a-t-il dans vos lieux de plaisir? Je vois beaucoup de victimes et quelques privilégiés qui se nourrissent de leur innocence, voilà tout, et c’est à ces abominables intérêts qu’on voudrait sacrifier le budget du bien. Au jugement dernier, il y aura sans doute un châtiment terrible pour ce mépris du culte divin, et il y aura aussi sans doute quelque chose d’épouvantable pour ces hommes qui, s’enfonçant dans la matière, corrompent toute voie et mènent, à travers toutes les dégradations, les populations jusqu’aux portes des cimetières.

Examinons maintenant, mes frères, dans une seconde partie quelles sont les notions que nous puisons dans le culte.

Ces notions sont au nombre de quatre:

Notions d’expiation, de pureté, de sainteté, de convenance suprême.

1° Notion d’expiation. Pourquoi N.-S. est-il monté sur la croix, sinon pour apaiser, purifier, expier, et per eum reconciliare omnia in ipsum, pacificans per sanguinem crucis ejus sive quae in terris, sive quae in coelis sunt (Coloss.1,20). C’est cette expiation qui tient sans cesse abaissé l’orgueil humain. Le prêtre au pied de l’autel commence le sacrifice en se frappant la poitrine et en disant: Je suis un pécheur, j’ai beaucoup péché, et vous ne comprenez pas, mes frères, qu’il lui faut une assistance divine pour rappeler ces hommes élevés si haut à leur misère, pour empêcher, si je puis parler ainsi, que la tête leur tourne, et pour cela il faut encore le Pontife suprême qui placé à leur tête leur donne l’exemple et leur rappelle sans cesse leur bassesse.

2° Notion de pureté. La notion de pureté a été imprimée dans tous les sacerdoces et c’est là une chose bien extraordinaire qu’on la retrouve partout, ainsi même dans le paganisme nous voyons luire une notion de pureté et de chasteté; vous rendez-vous compte, mes frères, de cette consécration universelle du mariage dans toutes les religions et de cette notion de chasteté pour les prêtres. Il est vrai qu’elle n’a eu son développement, son couronnement que dans l’Eglise apostolique, catholique et romaine, et c’est là sa plus grande gloire de porter la chasteté à son apogée. Elle brille depuis le Pontife souverain jusqu’à ses moindres ministres Mais, dira-t-on, il y a eu des mauvais prêtres, je vous l’accorde, mais si nous ne regardons que les Papes, je pourrai vous faire avec M. de Maistre une simple remarque; parmi ceux que vous accusez, celui à qui vous faites les plus grands reproches, cet Alexandre VI; eh bien! quoique l’étude de l’histoire révèle qu’il y aurait beaucoup à dire sur ces accusations, quoiqu’elles soient fort discutables, j’admets avec vous que calomnies ou vérités elles doivent être telles que vous les produisez et je vous réponds: ces fautes pourraient-elles mises en parallèle avec celles que commit tel grand roi dont vous admirez le règne, avec les fautes de Louis XIV par exemple?

Certes il y a une grande distance et dans votre colère contre le Pontife que vous devez cependant reconnaître moins coupable que le roi, je lis la preuve de la pureté que vous vous croyez en droit de trouver dans nos Pontifes.

Or il faut que cette institution de chasteté se maintienne dans l’Eglise et c’est le Pape qui en est le gardien, voilà une fois de plus la raison d’être de ce pouvoir souverain et quand je parcours les annales de l’histoire, j’admire comment il a rempli cette mission; ce qui me frappe le plus dans cette étude, c’est que le pontife le plus vilipendé de tous, Grégoire VII qui a été mis sur les autels, quoique son office ait été brûlé en France par arrêt du Parlement, St Grégoire VII tire sa gloire de sa résistance aux immondes appétits de l’empereur Henri IV, de la destruction de l’hérésie simoniale et surtout du maintien de la chasteté sacerdotale, et comme l’enfer sait bien que c’est là ce qui lui fait le plus de tort, c’est contre le maintien de cette brillante chasteté qu’il fait plus d’efforts, et voilà pourquoi il a déversé plus de calomnies sur ce Pontife qui n’en est pas moins un saint et un des plus grands Papes.

Cette notion de pureté dans le sacerdoce ne se trouve plus chez les protestants, elle diminue déjà dans les Eglises même catholiques qui s’éloignent de Rome.

Les erreurs même ont compris la force de cette vertu et si elles n’en ont pas voulu, c’est qu’elles ne se sentaient point la force de la porter. Or, dans l’Eglise catholique, c’est cette chasteté qui est féconde, et le prêtre enveloppé de sa chasteté consacre le vin du calice, Vinum germinans virgines.

Alors même, mes frères, que tous vous n’êtes pas appelés à cette virginité, gardez bien cette gloire, c’est une des plus belles de l’Eglise catholique, et ce trésor vous pouvez voir facilement que le dépôt en appartient à Pierre.

3ème notion du culte, notion de sainteté. L’agneau c’est un Dieu fait homme, il est immolé et toujours immolé, et voyez ce travail incessant du sacerdoce prenant un peu de pain et de vin et appelant tous les hommes à y participer, faisant couler un peu de ce sang divin dans les veines de l’humanité. Je ne saurais assez déplorer la misère de ces hommes qui n’ont pas plus soif de ce bienfait, mais néanmoins le volonté de Dieu est là, l’homme est invité à participer à ce breuvage et ce sont les mains sacerdotales qui tous les jours sur tous les points de la terre enfantent N.-S. sur ses autels; mais comprenez encore une fois, mes frères, que dans une mission aussi grande, il faut un docteur, un régulateur suprême, car de même que le mal a ses excès, la charité pourrait avoir aussi les siens qu’il faut prévenir.

Maintenant envisagez ce sacrifice offert par l’Eglise universelle, voyez-le sur tous les points du monde, considérez tous ces pontifes unissant dans leur pensée en face de la même victime le nom de leur évêque et le nom du Pontife Souverain; que ce nom soit Pie, Léon, c’est le même partout, c’est le cri de ralliement universel; rendez-vous compte de cette magnifique unité qui par J.-C. va se perdre dans l’essence même de Dieu.

Tant que l’Eglise militante combattra, il y aura deux Eglises, l’Eglise triomphante du ciel et celle de la terre. L’Eglise du ciel a son Pontife vivant toujours, intercédant pour nous et qui n’a paru qu’une fois aux hommes. L’Eglise de la terre me présente la même victime sur ses autels, mais il lui faut aussi un Pontife vers lequel toutes ses forces convergent; ce Pontife c’est celui à qui J.-C. a donné le droit de paître les agneaux et les brebis, de présenter à Dieu le sacrifice et de nommer partout les sacrificateurs, voilà le Souverain Pontife.

Cette notion nous paraît assez belle et elle explique pourquoi il convient qu’il souffre comme J.-C. a souffert pour le salut du genre humain. C’est ce qu’Ananie disait à St Paul de la part du Seigneur: Tu lui diras tout ce qu’il doit souffrir pour mon Eglise*.

Lorsque Pierre est sur le point d’abandonner Rome pour fuir la persécution, J.-C. lui apparaît: Où allez-vous Seigneur? Je vais mourir de nouveau à Rome, puisque tu fuis cette mort, et St Pierre rentre dans la ville sainte et y meurt martyr, et c’est de là que vient toujours cet attrait divin qui ramène sans cesse les Papes dans Rome, ils peuvent en être éloignés un moment, mais ils reviendront pour y mourir comme ces 50 autres pontifes dont nous parlions naguère qui ont scellé de leur sang le siège de Pierre. Malheur à ceux qui ne comprennent pas ce mystère. Malheur à qui insulte ce Pontife!

Bénissons la Providence, mes frères, qui par des voies admirables accomplit ces grandes choses, et cependant gémissons sur les douleurs qui submergent le coeur du Souverain Pontife et obtenons que les mérites de ses souffrances produisent des fruits dignes de la croix, des fruits dignes de l’éternité!

Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum