- Sermons divers
- Carême prêché en 1861 à St-Charles de Nîmes
Vendredi de la troisième semaine: *Le Pape Roi* - GO 2, p.277-309; Ecrits du P. Bailly, 18, p.222-229.
- 1 AUTORITE DE L'EGLISE
1 AUTORITE PAPALE
1 DEFENSE DE L'EGLISE
1 DROIT CANON
1 DROIT COUTUMIER
1 EMPIRE DE SATAN
1 ENFER ADVERSAIRE
1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
1 JESUS-CHRIST DOCTEUR
1 LOI ECCLESIASTIQUE
1 PAGANISME
1 PAPE SOUVERAIN
1 PARDON
1 PARENTS
1 PEUPLE DE DIEU
1 POUVOIR
1 POUVOIR DES CLEFS
1 POUVOIR TEMPOREL DU PAPE
1 PROPRIETES FONCIERES
1 REGNE
1 REVOLUTION DE 1789
1 ROI DIVIN
1 SACERDOCE DE JESUS-CHRIST
1 SOCIALISME
1 SOCIETE
1 UNITE DE L'EGLISE
2 ADAM
2 ALEXANDRE LE GRAND
2 ANANIE
2 CHARLEMAGNE
2 CYPRIEN, SAINT
2 MATHILDE DE TOSCANE
2 PAUL, SAINT
2 PIE VI
2 PIERRE, SAINT
2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
2 SAPHIRE
2 THOMASSIN, LOUIS
3 CORINTHE - 8 mars 1861
- 8 mar 1861
- Nîmes
- Eglise St-Charles
Tu es Petrus et super hanc petram aedificabo ecclesiam meam.
Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise.
Monseigneur,
Nous nous étions proposés pendant cette semaine d’aborder la question du Souverain Pontife et nous emparant de la pensée d’un des plus célèbres canonistes modernes nous avons dit:
L’Eglise est une école et J.-C. en est le Docteur.
L’Eglise est un temple et J.-C. en est le Pontife.
L’Eglise est un royaume et J.-C. en est le Souverain.
Et comparant cette pensée à celle d’un autre canoniste français Thomassin, qui montre en trois paroles comment J.-C. est le chef de l’Eglise en disant qu’il est la tête, le coeur, et la bouche unique de cette épouse du Sauveur, nous avions essayé de démontrer comment J.C. docteur avait laissé à Pierre et à ses successeurs le pouvoir suprême d’enseigner, comment J.-C. Pontife suprême avait mis le pontificat sur une seule tête et en même temps sur l’épiscopat entier, et aujourd’hui je me propose d’examiner comment J.-C. roi des rois, dominateur des dominateurs, Rex regum,Dominus dominantium, a laissé à Pierre le pouvoir de gouverner.
Dans une aussi vaste matière j’ai dû me restreindre et je m’efforcerai de dire en quelques mots seulement, dans une première considération Tout ce qui se rapporte à ce pouvoir, et dans une seconde considération Quels sont les attributs de ce pouvoir.
En général, Monseigneur, il n’est pas de bon goût qu’un grand vicaire adresse en public des éloges à son évêque, cependant dans les circonstances où nous nous trouvons, je pense qu’il peut m’être permis de vous adresser ici la parole, sinon en mon nom, du moins au nom de ces excellents catholiques de St-Charles que vous aimez certainement, Monseigneur, car il suffit pour les aimer de connaître leur foi patriarcale, leurs vertus héréditaires, c’est eux qui me chargent de vous dire combien ils sont heureux de vous voir honorer cette réunion de votre présence. Tous auraient voulu, si l’espace l’eût permis, être auprès de vous à la cathédrale dimanche quand vous avez prononcé du haut de la chaire des accents si épiscopaux; ils vous protestent par ma bouche que plus que jamais ils sont résolus à se grouper autour de vous, car vous êtes l’intermédiaire naturel entre eux et cette chaire si attaquée, si inébranlable dont j’entreprends ce soir de défendre les droits.
Ave Maria.
I. Ce qui se rapporte à ce pouvoir.
La condition indispensable de toute société c’est le pouvoir, sans un pouvoir pour diriger, pour instruire, pour défendre, il est impossible à une société d’exister; c’est là le principe de cohésion des êtres intelligents entre eux et la société divine, la société éternelle renferme dans l’unité des trois personnes divines ce pouvoir infini; c’est ce même pouvoir qu’il a plu à Dieu de déposer en toute société afin qu’elle eût les conditions nécessaires d’existence, car là où le pouvoir s’efface, la société s’écroule bientôt.
Il était donc indispensable que dans la société de Dieu avec les hommes, il y eût un pouvoir et il convenait que dans la société divine il y eût un pouvoir divin.
Si donc la société catholique est bien la société de Dieu avec les hommes, 1° en tant que société elle a nécessairement un pouvoir; 2° en tant que société divine elle a un pouvoir divin.
Ceci posé, je demande quel est le dépositaire de ce pouvoir. Et je trouve tout d’abord celui à qui Dieu a dit: Postula a me et dabo tibi haereditatem tuam et possessionem tuam terminos terrae; voilà dans un Dieu fait homme le pouvoir divin et le pouvoir humain; comme Dieu, il a reçu de son Père tout pouvoir, omne judicium dedit Filio (J.5, 22) et comme homme il possède tout l’univers.
Le Fils en tant que Fils a reçu le pouvoir de son Père, et en même temps, il est aussi puissant que son Père, mais en tant qu’homme il a été oint d’une huile de joie et de consolation, pour porter le bonheur et la consolation sur la terre, et c’est pour cela qu’à sa naissance les anges chantèrent le joyeux Gloria in excelsis et in terra pax hominibus bonae voluntatis; pourquoi la joie et la paix? Parce que l’ordre apparaissait sur la terre et avec lui la tranquillité et la paix.
L’Eglise de Dieu a donc un pouvoir divin dans ce Dieu fait homme qui la dirige et la gouverne, mais il n’entrait pas dans les plans éternels que J.-C. demeurât toujours sur la terre; il avait d’ailleurs déclaré à ses Apôtres qu’il était bon qu’il s’en allât et il est maintenant au ciel, à la droite de son Père: Sedet ad dexteram Patris; là certainement il est roi et il commande, quoique invisiblement, à son Eglise. Mais comme la société des hommes est essentiellement extérieure et visible, il fallait un pouvoir extérieur et visible pour la diriger et la commander, et c’est ce pouvoir extérieur et visible que J.-C. a confié à un homme. Sans doute il y a quelque chose de merveilleux dans cette parole qu’il prononçait avant de monter au ciel et par laquelle il constituait ce pouvoir: de même que mon Père m’a envoyé je vous envoie…
Le Père avait envoyé ce Fils unique en qui il avait mis toutes ses complaisances afin d’établir son règne sur la terre, et en même temps, il donne à ce Fils le droit de déléguer sa puissance: Sicut me misit Pater et ego mitto vos; et le Fils, usant de ce pouvoir, envoie ses Apôtres.
Voilà donc fondé le pouvoir confié à ceux qu’il a chargés d’aller fonder par toute la terre la société des intelligences; voilà ce pouvoir bien clairement établi. Mais il y aura une circonstance où il se manifestera d’une manière plus spéciale quand le Sauveur aura amené St Pierre à faire cette profession: Vere tu es Christus Filius Dei et qu’il lui répondra: Tu es bienheureux, Simon Bar Jona, car la chair et le sang ne t’ont point révélé cela, mais mon Père qui est au ciel; et moi je te dis que tu es Pierre et sur cette piere je bâtirai mon Eglise et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle (St Math.16, 17).
Donc d’abord parce qu’elle est société, l’Eglise renferme nécessairement l’élément du pouvoir et en second lieu, parce qu’elle est société divine, elle renferme un pouvoir divin; or dans l’énoncé même de ces paroles je trouve l’énoncé de ce pouvoir, de cette base fondamentale, de cette pierre de l’Eglise qui ne doit faire qu’un avec J.-C., au point que les anciens Docteurs et entre autres St Augustin se demandent s’il y a deux pierres ou une seule J.-C., et ils laissent le choix aux fidèles, ne voulant trancher la question.
Nous, mes frères, nous n’avons pas à choisir, J.-C. est la première pierre fondamentale et après cette pierre inébranlable en vient une autre inébranlable aussi, non en elle-même, mais par son union avec la première, l’assise éternelle. Pierre et J.-C. ne font pour ainsi dire qu’un et de même que dans les antiques édifices la cohésion amenée par le temps est si intime que les points où les pierres se rattachent se perdent en quelque sorte et qu’on ne peut plus reconnaître où une pierre finit et où l’autre commence, de même quoiqu’il soit évident que le pouvoir de J.-C. vient de lui-même et que le pouvoir de Pierre est le pouvoir transmis, ces deux pouvoirs ne semblent faire qu’un.
Donc à ce triple point de vue il y a une base fondamentale; le pouvoir est un et il a été confié à Pierre et comme J.-C. a dit à ses apôtres: Je suis avec vous jusqu’à la conssommation des siècles, ce pouvoir se transmet d’âge en âge et Pierre vivra sous le nom de Gélase, Agathon, Grégoire, peu importe; il vivra tant qu’il aura des successeurs et il en aura usque ad consummationem saeculorum, jusqu’à la fin des siècles.
Tirons de là des conséquences:
1ère conséquence. Quand par impossible, ce que je n’ai pas à examiner ici, on pourrait dire qu’il y a dans le monde des sociétés dont le pouvoir n’est pas clairement marqué et où ce pouvoir peut supporter des modifications au gré de ceux qui y sont soumis, cela ne serait pas vrai pour la société établie par Dieu. Toutes les sociétés ayant le pouvoir dans leur nature même, il est naturellement divin; mais ici nous avons plus, nous avons un pouvoir directement divin, puisqu’il nous est manifesté par la parole de celui qui a dit: Tu es Petrus et super hanc petram aedificabo ecclesiam meam. Donc toujours, il faut reconnaître ce pouvoir, le proclamer et en profiter.
Seconde conséquence. S’il est vrai que le pouvoir de Pierre subsiste alors même que les autres pouvoirs, tout divins qu’ils sont, pourraient être ébranlés, il faut arriver à cela que si le pouvoir de Pierre est ébranlé, étant le pouvoir le plus incontestable, le plus légitime, le plus haut, le plus divin, tous les autres s’ébranleront bientôt aussi et crouleront en même temps que lui.
Et voilà pourquoi, mes frères, en présence de cet abandon universel des pouvoirs humains, en face du pouvoir suprême attaqué, il n’est pas nécessaire d’être prophète pour assurer que ces autres pouvoirs s’ébranlent et coulent tôt ou tard.
Ce que Dieu réserve en punition de cette affreuse trahison, lui seul le sait, mais ce que je sais, moi, c’est que le premier précepte inscrit sur sa loi a été: Honore ton père et ta mère afin que tu vives longuement; or si tout le monde a son père et sa mère dans une société, tous les Etats qui ne forment qu’une société doivent avoir aussi leur père et leur mère, et quand ce respect s’en va et que l’insulte commence, on peut dire que la mort viendra bientôt venger le père et le mère. Voilà quelque chose que je devais dire au milieu des désolations dont le pouvoir sacré est submergé aujourd’hui. Il a été d’ailleurs logique, naturel, que le mal qui s’attaque à tous les pouvoirs choisisse pour y porter ses principaux efforts celui qui les contient tous en son sein, et il eût été logique aussi qu’une lutte s’étant établie entre les autres pouvoirs et celui-ci, parce qu’étant sur la terre il a des points de contact avec eux, il était logique que si dans cette lutte entre le pouvoir qui a les promesses de l’assistance divine et les autres pouvoirs plus ou moins divins, il y avait une conciliation à opérer, ce fût au pouvoir le plus grand, le plus haut à dire: voilà mes limites. Et dès que ces limites sont posées, il faut qu’on les respecte, car du moment que vous admettrez que le pouvoir divin ne connaît pas ses droits, qui donc parmi les pouvoirs humains pourra dire qu’il les connaît?
Vous le voyez, je reste dans ce qu’il est convenu d’appeler l’ordre spirituel et je puis dire que, si ce pouvoir représentant de Dieu décide quelque chose, c’est lui entre tous les autres qui aura le plus de chance d’avoir bien jugé.
Dans ce simple exposé nous trouverions la solution d’une foule de problèmes actuels; il s’agit simplement de savoir si le pouvoir de l’Eglise vient de Dieu et s’il vient de Dieu, il faut courber la tête, protester serait blasphémer.
II. Quels sont les attributs du pouvoir de l’Eglise?
Le pouvoir établi de Dieu dans la société divine a nécessairement et rigoureusement tous les attibuts du pouvoir social et d’abord il a le
1° pouvoir de législation. Lorsque notre divin Maître envoya ses Apôtres il leur dit: Euntes docete omnes gentes quaecumque mandavi vobis, sur quoi, mes frères, je vous prie d’observer qu’à proprement parler le législateur primitif c’est J.-C. lui-même. Il a dit: Je ne suis pas venu enlever la loi, mais l’accomplir, il y avait une loi, don du Seigneur, avant la loi de J.-C., mais lui aussi est venu apporter ses préceptes au monde en la complétant, et ce sont là ces commandements qu’il ordonne à ses Apôtres de promulguer: Euntes docete omnes gentes quaecumque mandavi vobis. Les apôtres auront donc l’obligation d’enseigner les lois de J.-C. et tout ce qu’ils enseigneront des lois sociales sera l’écho des prescriptions mêmes du Sauveur. Mais il résulte des perturbations de l’humanité, qu’au milieu des vicissitudes qu’elle traverse des modifications deviennent nécessaires, et c’est pour cela que J.-C. a confié à ce pouvoir constitué le droit de donner des lois; elles ne seront jamais que le développement des lois de J.-C., si par impossible elles allaient contre ces lois elles seraient nulles de plein droit.
De plus ces lois secondaires qui découlent des premières ont besoin d’être appliquées et interprétées, il faut donc un législateur, et c’est précisément le pouvoir sur lequel repose l’Eglise de J.-C.
Or ce n’est pas seulement à Pierre qu’a été donné le droit de porter des lois mais à tous les apôtres; l’Eglise prise tout entière a besoin à la fois d’un pouvoir multiple et un, et c’est pourquoi il y aura des législations particulières en même temps qu’un pouvoir unique au centre chargé parfois de réunir les grandes assises de la chrétienté, mais chargé aussi d’encourager et de diriger les réunions particulières des évêques et d’ajouter à leurs décisions le force de son autorité. Ceci est la conséquence de la promesse qui a été faite à l’Eglise de l’assistance de J.-C.
2° Pouvoir d’administration. Il faudra que cette administration, cette économie de l’Eglise, comme l’appellent certains théologiens, se développe à travers les âges et le monde par le Pape et les évêques, selon la parole de St Paul: Deus posuit episcopos regere Ecclesiam Dei. Et toutefois, ainsi que nous l’avons observé, s’il faut pour sacrifier la victime un sacerdoce qui de lui-même n’est pas fécond, mais qui vit par l’épiscopat, de même l’épiscopat se vivifie dans l’unité du suprême pouvoir du successeur de St Pierre selon cette parole de St Cyprien: Unus episcopatus [blanc]
Mais chacun peut demander: où cette unité se manifestera-t-elle? St Augustin le résume par ces mots: Dans le pouvoir qui communique le pouvoir d’administrer à tous les évêques du monde, afin que l’autorité des pasteurs vienne se perdre dans l’autorité de celui qui a dit: Tu es Petrus et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam.
Et vous saisissez alors cette merveilleuse unité de l’Eglise dans ses lois et son administration; un homme à lui seul ne peut en porter le poids et plusieurs hommes condensés dans ce pouvoir viennent puiser à la source le droit de paître les agneaux et les brebis.
3° L’Eglise qui a le droit de porter des lois et d’administrer a de plus le droit nécessaire, incontestable de propriété.
Je ne m’étendrai pas sur ce sujet que j’ai abordé d’une manière spéciale hier dans une enceinte où plusieurs d’entre vous, mes frères, se trouvaient sans doute(1), je vous demande seulement ici pour le besoin de mon sujet de m’acccorder que Dieu a donné à l’Eglise le droit de posséder ce qui lui est nécessaire.
Elle a droit en effet sur tout ce qui est ici-bas à moins qu’on ne conteste au Fils de Dieu, le maître du monde, le droit de posséder un petit toit de chaume, on doit lui reconnaître le droit absolu de propriété, le reste n’est qu’une question de plus ou moins. Ou bien il ne peut posséder une motte de terre, ou il doit posséder toutes les mottes de terre nécessaires à l’Eglise, et comme ce n’est pas du haut du ciel qu’il peut administrer son Eglise, il faut absolument qu’elles soient administrées par ses représentants les dépositaires de son pouvoir. Et s’il se trouve que par un effet de la condescendance divine ces mottes de terre ont été données en donation comme cela est arrivé pour Charlemagne, ou en testament comme pour la princesse Mathilde, il est évident qu’à moins de nier les testaments et les donations il faut admettre que J-C. par ses représentants est aussi légitime propriétaire que qui que ce soit. Et vous tous, propriétaires, quel honneur J.-C. ne vous fait-il pas d’être propriétaire comme vous, quel avantage ne vous accorde-t-il pas en protégeant par là même votre droit de propriété!
Et si contre règle vous vouliez prétendre qu’il faut respecter les droits du moindre citoyen, et n’en respecter aucun quand il s’agit de Dieu, ne craignez-vous pas que Dieu vous dise: vous me chassez de mes droits par la voie légale, je vous en chasse de même par les arrêts de quelque doctrine nouvelle. Vous, frères séparés, vous savez très bien au fond de vos consciences que ce fut un vol quand au 15e siècle vous dépossédâtes les églises et vous ne trouvez pas mauvais cependant qu’il en ait été ainsi.
Et vous, constituants et leurs fils, vous n’avez pas trouvé que ce fût un vol de prendre les biens de l’Eglise, à merveille, je vous l’accorde; vous n’avez pas trouvé que Pie VI entraîné à Valence et arraché à ses Etats fût une affreuse spoliation, à merveille encore, je le veux bien, et aujourd’hui vous ne trouvez pas mauvais que Pie IX soit dépouillé et pour calmer vos consciences vous vous faites servir chaque matin dans vos journaux des articles de mensonges et de sophismes.
Soit. Mais quand le socialisme viendra vous dire: vous avez accepté la spoliation en grand, acceptez-la en petit, que vos maisons, vos champs, vos vignes disparaissent, ce ne sera pas non plus une spoliation.
Dire que J.-C. ne peut être propriétaire, c’est déclarer que lorsqu’au commencement des temps, l’ange rebelle voulut déposséder Dieu, il se conduisit en ange parfaitement loyal, et que lorsqu’Adam, ne se contentant pas d’être le maître du monde, voulut en être le Dieu, il se conduisit comme le premier galant homme de la terre.
4° Droit de puissance, de force et de rendre la justice.
Une des plus solennelles absurdités qui ait été écrite de notre temps, c’est que les mains qui s’élèvent vers le ciel pour prier et pour bénir ne peuvent pas châtier. Est-ce que St Paul cependant ne retranche pas de l’Eglise l’incestueux de Corinthe? Est-ce qu’il ne frappa point d’aveuglement ce sophiste que tous les sophistes de nos jours imitent et qui embrouillent toutes les questions afin de prouver que J.-C. a été un usurpateur? Et avant St Paul, est-ce que St Pierre n’avait pas frappé de mort Ananie et Saphire? Et quel crime venait-ils de commettre? Ils venaient de faire un faux hommage, une offre menteuse de leur propriété. Je n’insiste pas.
5° Droit de légitime défense.
Lorsque N.-S. eut déclaré que St Pierre serait la pierre fondamentale de son Eglise, il se hâta d’ajouter que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre elle; J-C. prévoyait donc la guerre, il prévoyait ce que St Augustin a si bien vu dans son traité immortel de la Cité de Dieu, quand il met la Cité de Dieu et la cité de Satan en présence et qu’il dit qu’elles soient toujours en guerre; il pourra y avoir des moments où la première paraîtra succomber, mais Satan ne prévaudra pas, non praevalebunt portae inferni.
Mais si contre ces machinations de l’enfer il y a des moyens de se défendre, et si elle en dispose elle en usera, et j’ai déjà expliqué quels étaient ces moyens quand j’ai dit que Paul chassa cet impudique de l’Eglise, celui qui ouvre les portes peut les refermer et refuser d’admettre. Ce sont là les clefs que Pierre tient en sa main et dont les éclats sont plus effrayants que la foudre, clefs contre lesquelles le sarcasme pourra bien s’élever, mais qui dans leur patience toute puissante produiront tôt ou tard leurs effets. Ces clefs sont l’excommunication. Or cet arrêt terrible, l’Eglise l’a porté dans sa dernière assemblée universelle contre les usurpateurs de ses biens.
Tous les peuples ont déclaré sacrés les biens qui appartiennent au culte, et dans l’antique Grèce la violation de je ne sais plus quel temple amena une guerre sanglante. A toutes les époques, dans toutes les histoires vous verrez le respect de certains droits dans l’ordre divin pour les choses extérieures, et le paganisme, dans les quelques notions de bien qu’il avait conservées, ne pouvait croire que là où Dieu mettait la main il y eût quelque chose qui ne lui appartînt pas.
L’Eglise donc peut pour se défendre des spoliations user des armes qui lui sont confiées, elle en usera et dans de terribles circonstances, ces armes auront leurs effets; reportez-vous à 50 ans d’ici, un conquérant qui comme Alexandre le Grand avait fait taire l’univers devant lui fut atteint de ses coups; pense-t-il, disait-il, en parlant d’un vieillard qu’il tenait captif, pense-t-il qu’il fasse tomber les armes des mains de mes guerriers? Et cependant voici que les aigles qui n’avaient jamais connu que la victoire apprenaient à fuir et le vainqueur va expirer sur un rocher lointain.
Dieu donne ainsi quelquefois des exemples terribles, mais aussi à certains moments il permet que l’iniquité triomphe, afin de montrer que toute justice ne s’accomplit pas ici-bas, mais qu’il y a un autre royaume.
6° Droit de grâce.
Quand N.-S. était sur la croix entre le ciel et la terre, alors que les bourreaux enfonçaient des clous dans ses mains et dans ses pieds et formaient ces plaies divines que dans une [d’elles] l’Eglise honore aujourd’hui même dans une fête toute spéciale, alors J.-C., oubliant son droit de justice et tous ses autres droits, n’en conserve qu’un seul, il ne fait qu’une prière à son père: Pardonnez-leur, ils ne savent ce qu’ils font*. C’est le droit de grâce et voilà ce droit qu’on a quelquefois aussi reproché au pouvoir successeur de St Pierre, c’est d’être trop faible, de trop imiter son Maître, d’être trop bon.
Je crois, mes frères, vous avoir montré quels sont les attributs de ce pouvoir de Dieu sur la terre, et si vous avez un moment, vous pourrez jeter un coup d’oeil sur l’histoire et admirer combien il est bon que ces attributs lui appartiennent.
En ce moment où l’enfer semble sur le point de prévaloir, c’est pour les hommes de foi une nécessité de courage, de coeur, et de devoir filial de se grouper autour de ce pouvoir calomnié, de cet homme faible et pécheur sans doute, mais que la Providence a bien voulu nous donner pour chef, et c’est là un de ses grands bienfaits. Soyez fiers, énergiques, hardis dans la défense de cette grande patrie, la plus grande de toutes; acceptons les humiliations passagères où il faut que l’Eglise passe comme le divin Epoux lui-même, acceptons cette couronne d’épines qui a précédé sa couronne glorieuse et redoublons d’amour pour celui qui étant notre Père est en même temps notres Souverain.
Nous nous disposerons ainsi à entrer dans cette autre patrie où N.-S. reprenant tous ses droits nous fera régner dans la bienheureuse éternité; c’est ce que je vous souhaite avec la bénédiction de Monseigneur.
Ainsi soit-il.