Sermons divers

10 mar 1861 Nîmes
Informations générales
  • Sermons divers
  • Carême prêché en 1861 à St-Charles de Nîmes
    Quatrième dimanche. - *Des ennemis de l'Eglise*.
  • GO 2, p.311-343; Ecrits du P. Bailly, 18, p.229-236.
Informations détaillées
  • 1 BON EXEMPLE
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 CURE
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 ENFER ADVERSAIRE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 FIDELES
    1 HAINE DE SATAN CONTRE JESUS-CHRIST
    1 HERESIE
    1 INDIFFERENCE
    1 JANSENISME
    1 LACHETE
    1 LEGISLATION
    1 LUXURE
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 MONDE ADVERSAIRE
    1 MORTIFICATION
    1 ORGUEIL
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PERSECUTIONS
    1 PRESSE
    1 PROFITS D'ARGENT
    1 REGNE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 SCANDALE
    1 SOCIETES SECRETES
    1 TIEDEUR
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 TRIPLE CONCUPISCENCE
    1 VIE DE PRIERE
    2 JEREMIE
    2 JOB, BIBLE
    2 MAISTRE, JOSEPH DE
    2 PAUL, SAINT
    2 PILATE
    2 ZOROBABEL
    3 ANGLETERRE
    3 BABYLONE
    3 BOLOGNE
    3 COLOGNE
    3 JERUSALEM
    3 LYON
    3 ROME
    3 WESTPHALIE
  • 10 mars 1861
  • 10 mar 1861
  • Nîmes
  • Eglise St-Charles
La lettre

Et bellabunt adversum te et non praevalebunt quia ego tecum sum ut salvam te et eruam te, dicit Dominus (Jérémie 15, 20). Ils combattront, etc.

Nous commençons la dernière série de considérations que je me suis proposé de vous exposer sur l’Eglise, cette série qui fera l’objet de la prédication de cette semaine comprend:

1° Considérations sur les ennemis de l’Eglise.

2° Considérations sur les forces de l’Eglise.

3° Considérations sur les destinées de l’Eglise.

J’ai pris à dessein pour texte ces paroles de Jérémie, ce prophète qui avait annoncé la ruine de Jérusalem et la dispersion de Juda et qui cependant, sur ces ruines encore fumantes de Jérusalem, ne craignait pas de dire: Bellabunt adversum te et non praevalebunt. J’ai choisi ces paroles qui soutinrent les hommes de foi au milieu de la persécution et de l’exil de Babylone, et qui se réalisèrent si merveilleusement au temps où Zorobabel reconstruisit le temple, mais qui s’appliquent bien mieux encore à l’Eglise de J.-C. Voilà 18 siècles qu’on l’attaque, mais comme J.-C. est toujours présent, pour la délivrer, Ego vobiscum sum usque ad consummationem, je vois toutes les forces infernales venir l’attaquer et au milieu des tempêtes et des chocs les plus affreux rien ne peut prévaloir: bellabunt adversum te et non praevalebunt.

Cependant il est certaines circonstance, certaines heures fatales prédites par le Sauveur, où sous prétexte de rendre hommage à Dieu, on entreprend de consommer la mort de l’Eglise: Sed venit hora ut omnis qui interfecit vos arbitretur obsequium se praestare Deo (St J. 16, 2).C’était le veille même de sa mort que le Sauveur prononçait cette prophétie, mais en même temps il ajoutait (v.33): sed confidite, ego vici mundum, et c’est cette pensée qui au milieu des épreuves que l’Eglise traverse soutient toujours le chrétien dans sa foi. Je viens vous montrer aujourd’hui quels sont ces ennemis de l’Eglise, quelles sont leurs tentations et vous montrer dans ces combats qui durent depuis si longtemps la meilleure preuve de l’assistance divine.

Auparavant invoquons la protectrice de l’Eglise, l’auguste Marie.

Ave Maria.

Je grouperai les ennemis de l’Eglise en trois principales catégories: L’enfer, le monde et les mauvais chrétiens.

Ier ennemi de l’Eglise, l’enfer.

Je vous dirai peu de choses sur ce sujet, il y a longtemps que cette lutte a commencé, je vous ai déjà dit qu’elle a commencé au ciel dans la révolte de Satan et au Paradis terrestre dans la chute de nos premiers parents et depuis elle a toujours duré. St Jean nous en donne un parfait tableau lorsqu’il nous montre les efforts du dragon contre une femme, la femme par excellence qui apparaît dans le ciel avec le soleil pour vêtement, 12 étoiles pour ornement sur sa tête et la lune à ses pieds; l’enfant vient au monde et il est soustrait aux attaques du dragon qui veut le dévorer. On peut croire que cet enfant est Jésus et que cette femme est Marie; mais d’autres interprètes disent que c’est l’Eglise couronnée par les Apôtres, illuminée par la révélation et foulant aux pieds le monde. Cet enfant c’est le perpétuel enfantement du chrétien qui se revet de ce caractère sacré que lui donne la notion de Dieu.

Quoiqu’il en soit, il est certain que Satan poursuit toujours la femme par excellence, l’Eglise, et tandis qu’il lutte en détail contre les chrétiens, il lutte aussi d’une manière générale contre l’Eglise.

C’est donc, à proprement parler, la guerre entre Satan et J.-C., la guerre entre les deux cités, et comme dit St Augustin, elle n’aura de fin que lorsque l’Ange enchaînera le dragon et posera le sceau de Dieu même sur les abîmes éternels.

Quoique Satan n’apparaisse pas, il est là et vous seriez effrayés si je vous le montrais jouant son rôle dans les choses humaines, il est toujours présent lorsqu’il se forme un complot contre l’Eglise de Dieu et il y a toujours des hommes qui viennent lui prêter leur concours. C’est humiliant de voir tant d’hommes qui pourraient servir Dieu, servir le démon; il est vrai qu’ils se font illusion, ils disent que le démon est sans existence, que c’est un mythe, que c’est le mal; mais c’est là une hérésie, le démon existe, et de même qu’il prit la forme du serpent, il prend le forme de certains hommes, et se préoccupant peu qu’on ne croie pas à lui, pourvu qu’on ne croie pas à Dieu, après avoir dominé dans les formes religieuses, il domine par eux en se retirant, en quelque sorte, afin de diriger une nouvelle attaque contre le culte de Dieu.

Mais c’est surtout des attaques de Satan dans les manifestations extérieures que je veux vous entretenir et je vais établir que dans cet ordre le principal ennemi de J.-C. c’est le monde.

2° Ennemi de J.-C. le monde.

Malheur au monde à cause de ses scandales, a dit N.-S. Vae mundo a scandalis (St Math.18), il faut donc se séparer de cet ennemi.

Or qu’est-ce que le monde?

C’est cet ensemble de doctrines, de maximes, d’habitudes qui sont contraires à la loi de J.-C.; c’est la notion la plus générale qu’on puisse donner du monde. Il y a une notion positive du monde, comme il y a une notion négative de J.-C. Attaquez ses commandements un à un ou dans leur ensemble, vous êtes du monde.

Ce que je trouve surtout dans le monde ce sont les passions et elles se présentent à nous sous la triple forme que leur a donnée l’apôtre St Jean: passion du sang et de la chair, quia caro et sanguis regnum Dei possidere non possunt (I Cor.15, 50). La sentence est formelle; ajoutez à cela une autre parole qui explique pourquoi des hommes très honorables d’ailleurs viennent dire: Je ne comprends pas, homo animal non percipit ea quae sunt Spiritus Dei (Corinth.2, 14). Vous êtes étonné de ne pas comprendre et d’abord il est absurde de chercher à tout comprendre lorsque nous comprenons si peu de chose; mais je serais bien plus surpris que vous comprissiez quelque chose. C’est St Augustin qui nous l’explique dans le commentaire de ces paroles de l’Evangile de St Mathieu (5, 8): Beati mundo corde quoniam ipsi Deum videbunt. Pourquoi ne comprenez-vous rien? C’est que votre coeur n’est pas pur, et non seulement il n’est pas pur, mais si j’osais, je dirais que j’y trouve je ne sais quelles immondices, quelle boue, et vous êtes étonné de ne pas voir Dieu! Vous voulez voir Dieu qui est la sainteté même, vous qui dans votre chair corrompez toutes vos voies, vous qui écartez Dieu de votre âme parce que vous n’êtes plus que chair. Caro enim concupiscit adversum spiritum (Galat. 5, 17). Vous vous étonnez de ne rien comprendre aux choses de Dieu et comme la doctrine de Dieu, ses commandements, sa sainteté condamnent votre conduite, vous trouvez qu’il a tort.

Apparaissez donc tous, voluptueux, lubriques, adultères, voyez cette armée immense d’hommes impurs, c’est l’armée entière des ennemis de l’Eglise; est-ce à l’Eglise de rougir?

Je ne dis pas que tous les hommes impurs soient ennemis de Dieu, il y a des oppositions et des contradictions dans le monde, mais c’est ainsi pour l’immense généralité; maintenant on aura de magnifiques raisons pour colorer ses motifs de haine, on pourra se faire illusion à soi-même; mais la seule et vraie raison est là, l’impureté.

Il y a encore une autre raison de révolte contre Dieu, l’orgueil.

De même que l’impureté est la révolte de la chair contre l’esprit, l’orgueil est la révolte de l’esprit contre Dieu. Ces deux révoltes sont comme deux faits corrélatifs, qu’on commence par l’un on aboutit à l’autre et la réciproque est vraie. Nous défions qu’on trouve un ennemi de l’Eglise qui soit parfaitement chaste. L’orgueil est le principe de toute révolte.

Dites-moi, mes frères, quand des paroissiens ont été tentés de se révolter contre leur curé, je ne parle pas ici pour St-Charles assurément, mais je choisis un fait que je rencontre quelquefois comme grand vicaire, le curé les a blessés, disent-ils, et ils ne veulent pas faire leurs Pâques; le curé est bien attrapé sans doute; qui les pousse-là sinon l’orgueil? Or c’est là ce qui se passe partout, que ce soit révolte des paroissiens contre le curé, des diocésains contre leur évêque ou de ceux-ci contre le Pape. Que ce soit l’orgueil de la philosophie ou celui de l’hérésie, peu importe.

Voyez en effet le premier péché de l’ange déchu, voyez celui de nos premiers parents, écoutez à quelle suggestion ils cèdent: Scit enim Deus quod in quocumque die comedetis ex eo, aperientur oculi vestri et eritis sicuti dii scientes bonum et malum. Comprendre ce que nous ne pouvons pas comprendre, voilà ce qui les excite, nous comprendrons plus tard au ciel dans la bienheureuse lumière de l’Agneau, mais ici-bas ce n’est pas possible; néanmoins voilà où veulent sans cesse arriver les hommes, et les apôtres vivaient encore que les Manichéens disaient: Nous ne croyons que ce que nous comprenons. Or que comprenaient-ils? que comprenons-nous? savons-seulement par quel phénomène la nourriture que nous prenons entretient la vie dans notre corps?

Or il n’est pas étonnant qu’avec cet orgueil il y ait des luttes incessantes. Satan est toujours là qui a dit: Je n’obéirai pas, non serviam. Ne crois que ce que tu comprends, crie-t-il à l’humanité, et voilà comment les orgueilleux deviennent insensés et tombent nécessairement dans le matérialisme.

La troisième passion qui rend le monde ennemi de Dieu c’est l’intérêt. Il y en a deux espèces, l’intérêt privé et l’intérêt public.

1° Intérêts privés. – Dieu qui est infiniment bon veut bien remettre au pécheur toutes les fautes commises contre lui, mais quant aux fautes contre le prochain et la justice, il y apporte tant de respect que les fautes de cette nature doivent être réparées avant d’être pardonnées.

Or dans le monde si je suis voleur, usurier, si j’ai fait du tort à la réputation du prochain, si j’ai calomnié, je ne veux ni restituer ni réparer le tort que j’ai fait à la fortune ou à l’honneur, je ne veux pas dire que j’ai calomnié, je ne veux même pas dire que j’ai médit. Cherchez en effet parmi ceux qui ne veulent pas approcher des sacrements, et vous êtes certains d’y trouver tous ceux qui ne veulent pas réparer leurs torts envers le prochain, les voleurs, les usuriers, les calomniateurs, les médisants sont là, et il n’est pas étonnant que tous ces hommes soient les ennemis déclarés de l’Eglise.

2° Intérêts publics. – Je sens que dans les circonstances actuelles je doive être prudent en traitant cette matière, mais nous nous transporterons si vous le voulez bien à 1800 ans d’ici. N.-S. était descendu sur la terre, il en était propriétaire; il voulut la prendre et l’habiter. Les empereurs romains s’écrièrent qu’il était un usurpateur et les persécutions commencèrent, elles continuèrent pendant trois siècles et on estime qu’il y eut plus de 18 millions de martyrs, la boucherie fut assez grande sans doute; or ce ne fut pas à Rome seulement qu’eurent lieu ces massacres, mais dans bien d’autres villes où l’on trouve des ossuaires immenses, à Lyon où les corps des martyrs enfouis dans le flanc d’une montagne voisine lui ont laissé leur nom, à Cologne où plus de onze mille vierges préférèrent la mort au déshonneur.

C’est ainsi que J.-C. prit possession du monde et peu après le monde devint chrétien; mais il y a deux ou trois cents ans, il se fatigua de l’être trop et à la suite d’une grande hérésie, il se forma une série d’opinions qui se résument dans ce qu’on est convenu d’appeler la Raison d’Etat.

C’est le traité de Westphalie qui consacre cet état de choses en sacrifiant tous les droits de Dieu et des hommes à cette fameuse raison d’Etat et les traditions de cette raison d’Etat se sont transmises d’âge en âge; il a été convenu que toutes les fois qu’elle se présenterait, la morale ne serait plus rien, on traite la religion, la morale comme des éléments dont il faudra tenir compte, mais quand la vérité se manifeste elle n’a pas plus de droits que l’erreur; c’est ainsi que des journaux anglais ont été jusqu’à dire à propos des événements d’Orient que l’Angleterre devait protection aux assassins puisqu’elle est la première puissance mahométane du monde.

J’ose à peine parler de Pilate dans la crainte d’être envoyé devant le Conseil d’Etat(1), quels sont les motifs de son crime? Il avait personnellement la meilleure volonté du monde, il fait flageller Jésus afin de satisfaire le peuple, il le fait présenter avec une couronne d’épines pour ne pas le condamner à mort, mais enfin le peuple le hait, la raison d’Etat exige qu’il le livre.

Je n’attaque personne ici, mais une notion qui ne date ni d’aujourd’hui, ni d’un siècle; il y a déjà 4 ou 5 siècles que des professeurs de droit de Bologne l’ont évoquée en rétablissant le droit romain.

Et cependant, je vous le demande, au-dessus des pouvoirs de la terre, est-ce qu’il n’y a pas le pouvoir de Dieu?

En vous transportant aux raisons historiques, vous voyez pourquoi les rois sont devenus ennemis de l’Eglise, c’est la raison d’Etat qui le veut ainsi; voilà la Révolution, j’en ai déjà parlé, je n’y reviendrai pas; seulement je suis épouvanté quand je vois comment certains principes sont soutenus par certains hommes contre tous leurs intérêts; c’est un phénomène dont on cherche en vain à se rendre compte, la torche qu’ils portent leur brûle la main, mais pourvu que la torche brûle peu leur importe; que la main soit brûlée pourvu que le monde brûle.

Les passions poussent le monde à faire la guerre à J.-C. Maintenant quels sont les moyens qu’il emploie. Un d’eux, [ce] sont les sociétés secrètes, je vous le signale, j’en parlerai en détail plus tard. Pour les définir on a écrit bien des mensonges, mais un fait certain, quand on étudie l’histoire de ses sociétés, c’est que l’homme qui est fait pour la lumière trouve je ne sais quel charme à s’envelopper de mystère, à savoir ce que les autres ne savent pas; et comme l’homme est incliné au mal, il satisfait ce désir par les sociétés secrètes. Voulez-vous savoir quelque chose, lui dit-on tout bas; voulez-vous prendre part à une grande conjuration, il faut faire un serment, mais c’est peu de chose, et on prête le serment qu’on se repentira d’avoir prêté, car ensuite il faut servir ou mourir.

On pourrait expliquer bien des événements politiques d’aujourd’hui avec les sociétés secrètes. Cette tyrannie est celle de Satan lui-même, les chrétiens pourront bien protester, car il est temps de faire son choix.

3èmes ennemis de J.-C.: les mauvais chrétiens.

Le premier caractère de ces ennemis c’est l’indifférence.

Il y a de ces hommes bienveillants qui veulent que tout soit en paix pourvu qu’ils soient tranquilles, pourvu que leurs rentes arrivent; que leur déjeuner soit servi à point, ils dorment dans une tranquillité béate, leur étendard c’est le bonnet de coton.

Ils ont une âme cependant, ils ont été baptisés, confirmés même, je suppose, ils sont donc enfants de l’Eglise, soldats de J.C. Pourquoi ne combattent-ils pas? Job a dit, il y a longtemps: Vita hominis est militia. Mais des armes, des combats, c’est si ennuyeux, qu’on leur laisse faire leur petit chemin et ils sont prêts à dire tout le bien de Dieu qu’on voudra, et même un peu de bien du diable, afin qu’il ne leur fasse pas trop sentir sa griffe.

Y a-t-il beaucoup d’hommes de cette espèce? Beaucoup trop et si nous étudions cette indifférence, nous y trouvons facilement le secret de cette bienveillance pour le mal qui règne aujourd’hui.

Le bien, c’est la lutte; le bien, c’est la résistance aux tentations; le bien, c’est la confession de Dieu en face du monde; comment les indifférents auraient-ils le courage de pratiquer le bien?

Etudions une autre classe d’indifférents:

Ne connaissez-vous pas une foule de catholiques qui observent les commandements de Dieu et presque tous ceux de l’Eglise; ils se confessent trois ou quatre fois l’an pour faire plaisir à leur femme; ils feront leurs prières si leur femme la leur fait; ils mangeront du maigre au jour prescrit si on leur en sert. Prenons même aussi des personnes pieuses qui vont à l’église et qui y font leur méditation. Mais s’agit-il d’avoir cet amour de Dieu qui consiste à aimer de tout son corps, de toute son âme, de toutes ses forces et à confesser le nom de Dieu avec périls, combien y aura-t-il de vrais chrétiens?

Vous êtes le sel de la terre, mais si ce sel s’affadit, et si à force de tolérance vous acceptez tout ce qu’on vous propose à cause des bonnes intentions que vous supposez au fond du coeur de celui qui parle, où irons-nous ? Sal evanuerit. A quoi est-il bon ce catholique, ce chrétien endormi? In quo saletur, nihil valet ultra, nisi ut mittatur foras et conculcetur. Qui me donnera donc de ces chrétiens qui ont une haine vigoureuse du mal?

Second caractère: Scandale des bons.

Dans cette catégorie des coquins et des honnêtes gens, parce que vous n’avez pas tué sur les grands chemins, vous vous croyez un honnête homme.

Hommes honnêtes, rappelez-vous seulement toutes les promesses que vous avez faites à Dieu et que vous n’avez pas tenues, est-ce là l’honneur?

D’où viennent certaines chutes en certains circonstances où elles devaient être facilement prévenues?

Et voilà qui nous amène à signaler encore d’autres ennemis de l’Eglise, ennemis, à cause du bien qu’ils faisaiant et qu’ils ne font plus, à cause du scandale qu’ils donnent, croyant ne pas faire le mal.

C’est là le scandale des bons, il consiste à ne pas faire de mal, mais à omettre le bien auquel on est obligé; et pour faire ainsi on use aussi de la raison d’Etat afin d’interpréter ses petites affaires et de se donner une excuse.

Oh! qu’il est effrayant, ce scandale, et qu’il est terrible quand il est donné de haut!

St Paul parlant des premières persécutions qu’il a subies nous entretient des faux frères; je ne parle pas pour cette enceinte, je sais qu’il n’y en a point, il ne s’agit pas non plus de nos frères séparés, mais il s’agit des catholiques qui ont un nom de vie sur le front et qui sont morts. Nomen habes quod vivas et mortuus es (Apoc.3). Tu as un nom de vie et pourquoi es-tu mort? Parce que tu es un faux frère.

Il y a 25 ans, je lisais un livre magnifique de M. de Maistre intitulé l’Eglise gallicane et j’étais indigné de la sévérité de ses anathèmes contre le Jansénisme, il disait que le mal engendré par cette secte avait été incalculable à cause de l’hypocrisie de ses adhérents; les hérétiques frappés sortent de l’Eglise, eux y sont restés et au nom de leur science, de services réels contre les protestants ils ont pu y répandre l’erreur. Peu importe les quatre principes de Jansenius, ils sont oubliés et je ne vous les rappellerai pas ici, mais l’esprit janséniste est resté dans l’Eglise et une de mes admirations pour Mr. de Maistre est d’avoir vu l’origine de ces inconcevables hypocrisies dont nous sommes témoins.

Ce siècle aura la gloire d’avoir porté au comble l’audace dans l’affirmation du mensonge, du cynisme, dans ces adorations hypocrites où l’on se prosterne en même temps qu’on enfonce le poignard, où l’on met un genou en terre devant un roi en même temps que l’on fait sauter son trône en l’air.

Mais cependant, malgré les attaques de l’enfer et les efforts du monde, malgré les ennemis intérieurs qui sont les mauvais chrétiens, l’Eglise résiste depuis 18 siècles, voilà la réalisation de la prophétie: Bellabunt adversum te et non praevalebunt quia tecum sum; ils combattront contre toi, mais ils ne prévaudront pas, les ennemis du dedans peuvent se liguer avec ceux du dehors, ils peuvent être terribles, ils ne prévaudront pas, non praevalebunt.

Vous le voyez, Jérémie saluant de loin l’Eglise et J.-C. prêt à la fonder se sert des mêmes termes, mais ce que Jérémie dit d’un manière générale, J.-C. le spécifie: portae inferni non praevalebunt; l’un et l’autre annoncent la victoire et cette victoire de 18 siècles est la plus belle apologie de notre foi, cette résistance de l’Eglise est assurément une merveille plus grande que la résurrection de mille morts.

Faisons-nous d’après cette exposition une idée de nos grands devoirs, rien est-il aussi merveilleux que la vocation d’un catholique ? Dieu nous a donné pour armes la prière, la mortification, la charité, le bon exemple, nous en servirons-nous ou les laisserons-nous se rouiller? Ce sont ces armes que je viens vous confier afin que vous vous prépariez aux combats que va soutenir votre Mère et que celui qui vous appelle, quoiqu’il n’ait pas besoin de l’appui d’un bras de chair, vous assure la victoire ici et dans le ciel le triomphe.

Ainsi soit-il(2).

Notes et post-scriptum
1. Aventure survenue au futur Cardinal Pie, évêque de Poitiers, pour un évocation, dans son mandement de carême du 22 février 1861, du rôle de Pilate, dans laquelle le gouvernement vit une allusion à l'empereur.
2. "La suite du cahier contient des notes du P.Galabert sur les instructions du P. d'Alzon traitant des *forces de l'Eglise* et des *destinées de l'Eglise*, mardi et vendredi de la 4e semaine, et sur la *Passion* prêchée par lui le 29 mars 1861." (Ecrits du P.Bailly, 18, p.236).