Sermons divers

12 mar 1861 Nîmes
Informations générales
  • Sermons divers
  • Carême prêché en 1861 à St-Charles de Nîmes
    Mardi de la quatrième semaine: *Des forces de l'Eglise*
  • GO 2, p.345-373 (notes du P. Galabert).
Informations détaillées
  • 1 ANGLICANISME
    1 ATHEISME
    1 AVARICE
    1 BOURSE DE VALEURS
    1 CLERGE SECULIER
    1 CONCORDATS
    1 CORPS MYSTIQUE
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 EGLISE EPOUSE DU CHRIST
    1 ENFER ADVERSAIRE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ENNEMIS DE LA RELIGION
    1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ESPERANCE
    1 FOI
    1 FONCTIONNAIRES
    1 HERESIE
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 INTOLERANCE
    1 LACHETE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MAHOMETANISME
    1 MANQUE DE FOI
    1 MARIE
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 PAGANISME
    1 PAPE
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PERSECUTIONS
    1 POUVOIR TEMPOREL DU PAPE
    1 PRATIQUE DES CONSEILS EVANGELIQUES
    1 PRUDENCE DE LA CHAIR
    1 REGNE
    1 RELIGIONS ADVERSAIRES
    1 SACRIFICE DE LA CROIX
    1 SALUT DES AMES
    1 TIEDEUR
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 TRIPLE CONCUPISCENCE
    1 UNIVERSALITE DE L'EGLISE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VERTU DE PAUVRETE
    1 VERTUS RELIGIEUSES
    1 VIE DE PRIERE
    1 VIE RELIGIEUSE
    2 ANTONELLI, GIACOMO
    2 BOSSUET
    2 CAIPHE
    2 CONSTANTIN LE GRAND
    2 FENELON
    2 JEAN-BAPTISTE, SAINT
    2 JEAN, SAINT
    2 JOSUE
    2 JUDAS
    2 MENOCHIO, GIUSEPPE-BARTOLOMEO
    2 MOISE
    2 NAPOLEON Ier
    2 PAUL, SAINT
    2 PIE VII
    2 PIERRE, SAINT
    2 ZACHARIE
    3 ANGLETERRE
    3 EXTREME-ORIENT
    3 FONTAINEBLEAU
    3 PARIS
    3 POLOGNE
    3 SAVONE
    3 TIBERIADE, LAC
  • 12 mars 1861
  • 12 mar 1861
  • Nîmes
  • Eglise St-Charles
La lettre

Nolite timere pusillus grex, quia complacuit Patri vestro dare vobis regnum (S.Luc cap.12, v.32).

« Petit troupeau n’ayez aucune crainte, car il a paru bon à votre Père de vous donnez le royaume. »

C’est ainsi que Notre-Seigneur s’adressait à ses apôtres, petit troupeau réuni autour de lui. Ils étaient là grossiers, ignorants, lui demandant s’il voulait rétablir bientôt le royaume d’Israël, pensant bien y remplir quelque place de préfet ou de gouverneur. N.S. avait d’autres vues, et pour les rappeler au vrai sentiment de leur position, il les appelait petit troupeau; mais en même temps il leur donnait cette assurance admirable: « il a paru bon à votre Père de vous donner le royaume ».

Ce sont ces mêmes paroles, mes chers frères, que je viens vous rappeler en face de ces ennemis de l’Eglise dont je vous parlais dans la dernière instruction, en face de ces attaques infernales dont l’Eglise est l’objet, en face de toutes ces conspirations horribles où la terre semble donner la main à l’enfer, je viens vous dire: ne craignez rien, petit troupeau, etc, Nolite timere pusillus grex.

Car, quelles que soient les défections, vous ne serez jamais réduits à l’état où l’Eglise était réduite, lorsque J.-C. expirant sur la croix voyait autour de lui sa mère, quatre femmes et le disciple bien-aimé, seul fidèle à son amour pour son maître. C’était là toute l’Eglise. Voilà de quoi l’Eglise était composée en ce moment. Les apôtres étaient en fuite, dispersés, errants; Jésus mourait sur la croix; et la croix du Sauveur en plongeant ses racines dans la terre pénétrait dans l’enfer et prenait la puissance et le pouvoir qu’il devait exercer dans l’éternité. Cette puissance, ce pouvoir, il l’a communiqué à son Eglise; et je viens aujourd’hui vous parler des forces de cette Eglise.

Je considérerai ces forces à trois points de vue. Je les chercherai dans les ennemis de l’Eglise; je les verrai dans les membres de l’Eglise et je les trouverai dans le sein de Dieu lui-même. Et c’est là tout le sujet de ce rapide entretien.

Ave Maria.

[1°] Forces de l’Eglise dans ses ennemis. – En effet, mes chers frères; il y a une parole qui doit nous guider. Lorsque le Prêtre Zacharie eut la bouche déliée au moment où son fils Jean fut circoncis, il entonna les louanges du Seigneur et salua une des plus admirables dispositions de la Providence envers les siens en déclarant qu’il plaisait souvent à la Providence de faire venir le salut des ennemis de son Eglise et de la main de ceux qui la haïssent: Salutem ex inimicis nostris et de manu omnium qui oderunt nos. C’est de ce principe que je pars et ce salut qui nous vient de nos ennemis c’est d’abord l’ignorance de nos forces et la haine qu’ils nous portent.

– Ignorance de nos forces. la foi chez eux est éteinte ou du moins considérablement affaiblie. N’étant plus éclairés par les splendeurs de cette lumière divine, ils considèrent l’Eglise comme une religion quelconque, le Mahométisme, le Bouddhisme, le fétichisme, etc. Ils parlent du fanatisme, de l’exaltation religieuse comme d’un élément contre lequel il faut prendre des précautions, qu’il faut amoindrir. – N’importe, prenez toutes vos précautions, vos attaques sont vaines; vous vous y prendrez toujours de travers. – Vous n’éteindrez jamais le flambeau de la foi. Il pourra passer du levant au couchant; mais vous ne le verrez jamais s’éteindre complètement. Vous le poursuivrez sans cesse, plus rapide que vous il continuera sa course et vous ne l’atteindrez jamais; il éclairera de nouvelles régions. L’on a fait en effet l’observation qu’à mesure que l’on a aperçu le développpement de certaines hérésies dans quelques contrées, d’autres contrées recevaient la lumière de la foi et que ce flambeau brillait d’un nouvel éclat. C’est là le mystère de l’Eglise; mystère de justice et de châtiment pour les hérétiques et les impies; mystère de miséricorde et de bonté pour les justes. Ainsi ignorance des ennemis, force de l’Eglise; ils voient et ils ont toujours vu les efforts avec lesquels ils ont essayé d’ébranler l’Eglise, tourner contre eux.

– Forces de l’Eglise dans nos ennemis venant de leur haine. – La véritable charité, le vrai amour ne subsiste que là où est Dieu; Deus charitas est. Quant aux ennemis de Dieu ils ne peuvent se réunir que dans la haine commune contre les justes. – Laisser le mal se développer, au moment où il est arrivé à son épanouissement complet, ils se divisent entre eux et dans ces temps de luttes intestines, l’Eglise se repose, répare ses pertes et se purifie de ses souillures. – Salutem ex inimicis nostris etc.

– Forces de l’Eglise dans le travail merveilleux de ceux qui préparent certains résultats et arrivent à des résultats tout à fait opposés. Je citerai deux faits, l’un dans l’ordre de la Société, l’autre dans l’ordre de la science.

= L’Empire Romain avait fait la paix avec l’Eglise. Constantin s’était fait chrétien et avait mis fin aux persécutions. Voilà qu’une nuée de barbares idolâtres ou hérétiques envahit cet empire, le détruit, l’anéantit. Il était évident que le développement de l’invasion de ces barbares, Hérules, Goths, Suèves, Vandales, etc. devait annoncer la destruction du christianisme. La plupart étaient encore idolâtres et ceux qui étaient instruits par un évêque arien avaient embrassé l’arianisme. Il fallait que ce ne fussent pas des mains catholiques qui répandissent le sang qui devait purifier le monde. Quand tout semble perdu, quand le célèbre empire s’est enfoncé dans le sang et la boue de ses impuretés, voilà une société nouvelle qui paraît et ces hommes qui s’étaient rués sur les évêques, les prêtres, les monastères, se trouvent être les fils dévoués de l’Eglise.

= Dans l’ordre de la Science. La protestante Angleterre qui veut consulter la tradition afin d’y trouver des preuves de sa croyance, arrive à des conversions étonnantes dans la classe la plus éclairée de la nation, à ces conversions qui ont consolé l’Eglise catholique et préparé ce mouvement qui afflige aujourd’hui le gouvernement anglais, et pour lequel il a voué une haine implacable à la papauté. – Salutem ex inimicis nostris. Comment cela se fait-il? Parce que Dieu le veut, voilà la seule raison que l’on puisse donner. – Lorque le premier empereur Français voulut être couronné par Pie VII, ce Pontife consulta les cardinaux et tous d’une voix unanime répondirent que le Pape ne devait pas aller à Paris. Mais un religieux augustin, à la canonisation duquel l’on travaille aujourd’hui, et qui remplissait auprès de Pie VII les fonctions de sacriste, Mgr Menochio, consulté par le Pape, lui répondit: « Si j’étais cardinal, je vous dirais n’allez pas à Paris; mais si j’étais Pie VII, j’irais à Paris » et il ajouta: « Vous irez à Paris, et vous ne réussirez dans aucun des motifs que vous avez de faire ce voyage; mais il y a des motifs cachés, connus de Dieu seul, qui veut que vous fassiez ce voyage. » Ainsi vous le voyez, mes chers frères, l’homme s’agite, comme dit Fénelon, et Dieu le mène, et souvent, observe Bossuet, ceux qui font les prophéties ne comprennent pas toujours les prophéties. Ainsi, quelques jours avant la mort de Jésus, les princes des prêtres délibérèrent sur les moyens de se défaire de ce novateur. Caïphe, le prince des prêtres, se lève et leur dit: « vous ne savez ce que vous dites, il importe qu’un homme meure pour toute la nation afin que la nation entière ne périsse pas : Vos nescitis quidquam, nec cogitatis quia expedit vobis ut unus moriatur pro populo et non tota gens pereat. » Mais l’apôtre St Jean qui nous rapporte ce fait ajoute: Hoc autem a semetipso non dixit, sed cum esset Pontifex anni illius prophetavit quod Jesus moriturus erat pro gente« . Il ne savait pas cela de lui-même. mais il était Souverain Pontife et comme Souverain Pontife, malgré sa perversité, il était assisté de Dieu; il voulait sauver la nation, et Dieu avait d’autres desseins. La mort de Jésus amena la destruction de la nation juive; mais elle a réuni tous les fils de Dieu dispersés parmi les nations; et non tantum pro gente, sed ut Filios Dei qui erant dispersi congregaret in unum (St Jean, 11, v.49-52).

Est-ce que lorsque Napoléon Ier invitait Pie VII à venir le sacrer à Paris, il connaissait les desseins de Dieu? Nous autres nous voyons aujourd’hui les résultats; le 1er retour aux idées de foi; mais ces résultats sont opposés à ceux que Pie VII s’était proposés, que les ennemis de l’Eglise s’étaient proposés. Ces jours-ci en lisant certaines citations de quelques écrits célèbres vous vous êtes rendu compte de cette habileté étonnante qui profite même des fautes des ennemis pour arriver à ses vues. Pie VII est arrêté, enfermé à Savone, conduit à Fontainebleau, où on lui arrache la promesse d’un concordat qu’il rejette presque aussitôt et voilà que tous les projets des ennemis de l’Eglise s’en vont et Dieu donne une preuve éclatante de la parole de son prophète: Salutem ex inimicis nostris.

[2°] 2ème P[oint] – Forces de l’Eglise en elle-même.

– [1ère force de l’Eglise en elle-même] – Je vais vous paraître paradoxal. La grande force de l’Eglise est sa propre faiblesse.

Il y a longtemps que l’apôtre St Paul nous l’a dit: Videte vocationem vestram (1ère Cor. cap.1, v.26 et sq) fratres, quia non multi sapientes secundum carnem, non multi divites, non multi nobiles. Il n’y a plus de nobles aujourd’hui; autrefois il y en avait beaucoup. Nous voyons des nations entières se lever à l’exemple de leur noblesse pour conquérir le sépulcre de J.-C.; aujourd’hui l’on voit à peine quelques hommes illustres partir pour voler à la défense du St Père.

Il n’a pas beaucoup de riches; non multi divites. Les riches de nos jours ont un temple et un dieu, la Bourse où l’on reçoit leur adoration. Non multi sapientes, il n’y a pas beaucoup de savants, je vous l’accorde. Il y a des cardinaux qui ne savent pas défendre le Pape, il y a des curés absurdes, il y a des chrétiens tièdes, je vous accorde tout. Malgré toutes ces faiblesses, malgré toutes ces hontes, l’Eglise subsiste toujours et c’est précisément ce qu’il y a de plus admirable, c’est que Dieu veut bien se servir des moyens humains. Mais lorsque l’Eglise arrive à certaines époques et qu’il plaît à Dieu de manifester sa puissance, il rejette le secours des hommes. Vous êtes des troupeaux de lâches, semble-t-il dire, je vais combattre moi-même; il permet alors que les moyens humains disparaissent. Il laisse une libre carrière à l’aveuglement de ces impies, à la trahison des autres, à l’abandon de presque tous, et néanmoins son Eglise triomphe. Nous voyons dans l’évangile de St Jean, écrit surtout pour montrer la divinité de J.-C., que lorsque Judas se fut avancé avec les ministres des princes des prêtres pour s’emparer de Jésus, celui leur dit: Quem quaeritis? et ceux-ci répondirent: Jesum Nazarenum, et au milieu des ténèbres, son regard divin les illumine, les terrassent et ils tombent par terre. Ils se relèvent de nouveau; à la même interrogation de Jésus, ils donnent la même réponse. Jésus se livre à eux; il sera garotté, conduit de tribunal en tribunal, de chez Caïphe à Pilate, de Pilate à Hérode, il sera flagellé, couronné d’épines, abreuvé de fiel; il expirera sur la croix, n’importe: il y a eu un moment où il s’est montré Dieu, où il a terrassé ses ennemis; il leur a prouvé qu’ils ont pu s’emparer de sa personne parce qu’il a bien voulu le leur permettre. De même l’Eglise à certains moments d’abandon universel, entourée d’apostats, de lâches, donne des preuves de sa puissance; ce sera une simple déclaration comme la note du Cardinal Antonelli; après cela ses ennemis sembleront triompher; Dieu permettra que son peuple soit flagellé. La divinité s’est montrée, il y a eu dans le coeur des ennemis de l’Eglise un regard qui les a troublés, une lumière qui les a terrassés. Le droit, la justice s’est posée, il y a une déclaration ferme que l’Eglise est toujours l’épouse de J.-C. Dieu s’est montré.

De même que la faiblesse de l’Eglise est une preuve de la divinité de son existence, comme le prouve son histoire de 18 siècles de luttes incessantes, de même, après avoir subi ces afflictions, l’Eglise se dépouillera de ses vêtements de deuil, elle triomphera de ses ennemis, les affligera par la lumière qu’elle répand et telle sera toujours la fin des luttes jusques à l’éternité.

– 2ème force intérieure de l’Eglise. – La Prière.

Voyez Pierre livré à 16 soldats quatuor quaternionibus chargés de le veiller jusqu’au moment de sa mort prochaine. Mais l’Eglise priait sans interruption pour lui; un ange du Seigneur descendant dans la prison, fait tomber les chaînes de Pierre; les portes s’ouvrent et il traverse les rangs des soldats endormis. Telle est l’efficacité de la prière. Tandis que Josué combat dans la plaine, Moyse prie sur la montagne; et aujourd’hui c’est surtout aux faibles, aux pauvres de prier parce que plus on est pauvre, plus on s’approche de Jésus. Est-ce que les ennemis de l’Eglise prient? Nullement. Nous seuls nous prions; que la prière nous soutienne, nous console, nous fortifie.

– 3ème force de l’Eglise [en elle-même]. Vertus religieuses: pauvreté, chasteté, obéissance.

Que vous dirai-je de ces vertus, apanage unique des âmes fortes et généreuses? Je vous disais tout à l’heure que l’Eglise avait des défenseurs absurdes; je vous accorde que parmi les personnes qui se consacrent à Dieu, beaucoup restent tièdes et lâches, mais vous m’accorderez bien aussi que la multitude des révolutions vient de la concupiscence des sens, de la convoitise de la chair, de l’orgueil de la vie. Voilà les trois sources empestées qui souillent le monde. Il y a aussi trois vertus, la pauvreté, la chasteté, l’obéissance, pour en combattre les pernicieux effets; la pauvreté qui nous fait dédaigner les biens de ce monde; la chasteté qui nous fait triompher de nous-même et immole notre chair; l’obéissance qui fait de ce qu’il y a de plus élevé en nous, un sacrifice agréable au Seigneur. Tous ne comprennent pas ce pouvoir; ils n’ont pas l’intelligence de cette puissance de la vertu. Et quand même tous les chrétiens qui s’adonnent à la pratique de ces vertus ne soient pas aussi parfaits que leur modèle, il y a toujours une protestation contre le monde, une force contre le monde, une victoire sur le monde. Car la pratique de ces vertus repose sur la foi, c’est par elle que l’on arrive à comprendre le bonheur des souffrances, des douleurs, des expiations, de l’immolation de nous-mêmes: Haec est victoria, quae vicit mundum fides nostra (I Joan., cap.5, v.4).

Remarquez bien, mes chers frères, mes paroles. Il n’est pas de foi qu’il y aura dans l’Eglise un clergé séculier, mais il est de foi qu’il y aura toujours dans l’Eglise des hommes et des femmes qui pratiqueront les conseils évangéliques, qui embrasseront les préceptes de la vie religieuse, afin de se consacrer d’une manière plus spéciale au service de Dieu. En face des grandes lâchetés, il faut de nobles courages, capables de remplir de grands devoirs. Tout le monde n’est pas appelé, mais Dieu dans les trésors de sa miséricorde prépare toujours à son Eglise quelques âmes dignes d’une telle vocation. C’est là une des causes de la haine profonde que les ennemis de l’Eglise portent contre les Religieux et les Religieuses. Je comprends la haine; c’est la grande force de l’Eglise, c’est le plus grand obstacle à leurs téméraires entreprises. Mais je comprends aussi que Dieu qui s’est fait homme, que J.-C. qui a été le modèle de toutes les vertus, aime à maintenir son esprit dans des âmes d’élite; et ce sont elles qui par leur immolation continuelle, et leurs sacrifices de tous les instants, soutiennent l’Eglise et la fortifient contre les attaques de ses ennemis.

– 4ème force de l’Eglise [en elle-même]. Les Persécutions.

La persécution fortifie, dit-on. – Ce proverbe dans sa généralité est faux: vous avez bien [un] certain fanatisme que la persécution peut susciter, mais il cède à la persévérance dans la persécution. L’Eglise seule peut résister à la persécution. Il peut être bon que l’Eglise soit persécutée; c’est dans la persécution que la paille se sépare du bon grain; mais l’Eglise ne désire pas la persécution parce qu’elle amène la chute des faibles; et néanmoins elle ne cède jamais à la violence. Ses armes sont la résistance. « Que voulez-vous »?, dit-elle à ses ennemis. – Votre conscience – Vous ne l’aurez pas, répond-elle, elle est à Dieu seul. Elle n’appartient à personne sur la terre, empereur ou roi, qu’on dresse des échafauds, qu’on prépare des buchers, je suis libre dans ma conscience. Voilà l’histoire de l’Eglise, avec quelques abandons déplorables. Voilà comment les persécutions sont pour elle une force. Il y a dans le sang des martyrs une généreuse fécondité, qui se transmet de génération en génération. On ne parvient jamais à éteindre le germe. Que n’a-t-on pas fait en Angleterre pour éteindre la foi? et voilà l’Angleterre sur le point de devenir catholique. Dans l’Extrême-Orient des nations secouent le joug du schisme qui leur avait été imposé et renouent avec Rome ces relations qui avaient fait dans le temps leur force et leur gloire. Je ne dirai rien de la Pologne de crainte de toucher à des questions trop brûlantes.

[3°] 3ème Force en Dieu lui-même.

Parole de Dieu. Il y a d’abord l’infaillibilité de ses promesses: « Je suis avec vous jusques à la consommation des siècles ». J.-C. est avec son Eglise, et cependant son Eglise chancelle. Qu’y a-t-il d’étonnant? Rappelez-vous la barque ballotée par les flots sur la mer de Tibériade. Les disciples effrayés se troublent, et Jésus est endormi; ils crient vers lui, il s’éveille, il leur reproche leur peu de foi, et apaise la tempête. Qu’il y ait des mouvements, qu’il y ait des tempêtes, que l’Eglise soit agitée, Jésus est là; nous n’avons rien à craindre; que l’on crie vers le Sauveur, il est bon qu’il sommeille; afin qu’à son réveil il réprimande ces hommes de peu de foi qui crient sans cesse « soyez prudents, soyez prudents! » Pourquoi cette prudence humaine? N’avons-nous pas la parole de Dieu qui est la vérité même? Je voudrais pouvoir vous montrer comment Jésus-Christ, semblable au soleil, se cache parfois derrière les vapeurs d’un nuage, qu’il dissipe par moments. Ayons confiance dans cette parole, c’est Dieu lui-même, vérité infaillible. – L’Eglise est un corps animé; tout corps a une âme; et comme elle est le corps de J.-C., elle doit avoir l’âme de J.-C., c’est-à-dire le Saint-Esprit qui vit dans son Eglise, esprit consolateur et de vérité qui soutient sans cesse l’Eglise. Voilà la véritable force de l’Eglise, la parole de Dieu.

Il y a une parole du prophète qui dit que Dieu a créé toutes choses pour lui: omnia propter seipsum creavit Deus, même l’impie. Il est évident que Dieu a créé son Eglise pour lui-même d’une manière toute particulière. Malheur donc à l’homme qui a été créé pour manifester la colère de Dieu! Mais quelle magnifique vérité pour l’homme qui est créé pour la miséricorde divine? Où sont ces hommes? Dans le sein de l’Eglise. Ceux-là ne se trouvent pas(1). Si Dieu permet les méchants, il n’est pas étonnant qu’il y a des moments d’agitation et de trouble pour séparer les méchants des bons.

Mais cette séparation se fait aussi constamment par l’amour; les créatures qui aiment leur Dieu, qui ne veulent que lui se trouvent dans son Eglise; elles ne peuvent être avec ses ennemis. C’est cet enfantement continuel des saints dans l’Eglise, c’est-à-dire des créatures qui ont été aimées de Dieu d’un amour éternel. Et vous voulez que Dieu abandonne son Eglise. C’est impossible, son amour y est intéressé.

Maintenant que nous avons considéré les forces de l’Eglise dans ses ennemis, dans elle-même, en Dieu, nous voyons une puissance à laquelle le monde ne comprend rien. L’existence de l’Eglise malgré les attaques incessantes de l’enfer est incompréhensible sans la parole de Dieu. Oui sans doute les bons forment un troupeau bien petit; mais qui nous empêche de devenir plus nombreux; montrons-nous catholiques par la pratique des vertus et nous attirerons à nous beaucoup d’âmes engagées dans le vice. Soyons heureux et fiers d’appartenir à cette Eglise, et de pouvoir être de cette grande famille dans laquelle on a pour père un Dieu et pour frère un Dieu fait homme.

Rendons-nous dignes d’un tel honneur et méritons un jour les récompenses qu’il promet à tous ses enfants. – Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum
1. Lecture incertaine et peu satisfaisante.