Aux religieuses de l’Assomption

aug 1872 Auteuil RA

La révolution, voulant détruire l’idée du pouvoir de Dieu, a jeté dans les âmes d’atroces semences de rébellion – Une communauté est une partie du royaume du Christ et Dieu y règne par la supérieure – Ce que doit être l’obéissance surnaturelle – Cette obéissance réalise l’unité de la communauté – L’exemple de la Sainte Famille.

Informations générales
  • Aux religieuses de l'Assomption
  • Retraite prêchée à Auteuil, août 1872
    Treizième instruction - Sur l'obéissance
  • Cahiers d'Alzon, VIII, p.158-165
  • CZ 108-109.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR FRATERNEL
    1 AUTORITE DIVINE
    1 AUTORITE PAPALE
    1 COMMUNAUTE RELIGIEUSE
    1 EPOUSES DU CHRIST
    1 ESPRIT DE COMMUNAUTE
    1 FOI BASE DE L'OBEISSANCE
    1 IDEES REVOLUTIONNAIRES
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 REGLES DES RELIGIEUX
    1 REGNE
    1 SAINT-ESPRIT SOURCE DE LA CHARITE
    1 SAINTE FAMILLE
    1 SATAN
    1 SPIRITUALITE TRINITAIRE
    1 SUPERIEUR
    1 SUPERIEUR DE COMMUNAUTE
    1 SURVEILLANCE PAR LE SUPERIEUR
    1 UNION DES COEURS
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    2 NOE
    2 PAUL, SAINT
    2 THERESE, SAINTE
  • Religieuses de l'Assomption
  • RA
  • Du 18 au 25 août 1872 (1)
  • aug 1872
  • Auteuil
La lettre

« Obéissez à vos supérieurs et soyez-leur soumis car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte, afin qu’ils le fassent avec joie et non avec tristesse, ce qui ne vous serait pas avantageux(2). »

– La révolution nie le pouvoir de commander

Il me semble que saint Paul résume de la façon la plus admirable les relations des supérieurs avec les inférieurs. – L’idée protestante et l’idée révolutionnaire avaient jeté ces semences épouvantables de rébellions dans les âmes dont nous voyons le progrès aujourd’hui. Qu’est-ce que la révolution, si ce n’est l’impatience du joug ? Satan, qui est bien habile, est venu à bout d’établir la haine entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent. Il a voulu détruire la notion du pouvoir chez les hommes afin de détruire ensuite la notion du pouvoir de Dieu dans le ciel. C’est pourquoi la définition précise du dogme de l’infaillibilité du Pape a été nécessaire, afin qu’on sût bien qu’il était le premier représentant de Dieu sur la terre et afin d’établir une hiérarchie dans l’Eglise en face de cette négation de tout pouvoir.

– Dieu règne sur nous par les supérieures

Voilà ce qu’est le pouvoir du supérieur en général; maintenant voyons ce qu’est le supérieur dans une communauté.

Dieu avait créé toutes choses dans l’ordre; le péché a amené ensuite le désordre et pour le réparer il a fallu que le Fils de Dieu, qui est la loi par essence, s’incarnât et vînt dans le monde. C’est alors que Dieu lui dit: « Fais m’en la demande et je te donnerai les nations pour héritage, et pour domaine les extrémités de la terre(3)« .

C’est ce que nous avons vu et c’est ce que nous voyons tous les jours. Le royaume de Jésus-Christ s’étend sur toute la terre, et il a reçu les nations en héritage; il en a cependant perdu plusieurs, il en est qui ont dit: « Nous ne voulons pas de celui-là pour notre roi(4)« . Examinons si nous ne nous sommes pas mises dans cette situation des Juifs qui disaient: « Nous n’avons de roi que César(5)« . Une communauté est un petit royaume et dans ce royaume, Dieu veut commander par son Fils, avec sa puissance, sa sagesse et son amour. Or, si dans une communauté, la Règle représente l’Incarnation de Jésus-Christ, le pouvoir doit être la plus parfaite imitation de Dieu le Père.

– L’obéissance surnaturelle et les défauts des supérieures

La religieuse la plus parfaite sera celle qui verra le plus Dieu dans ses supérieures. En vous appelant à la vie religieuse, Dieu vous a dit: « Mes enfants, je vais vous retirer du monde extérieur, je vous donnerai pour loi ce qui pour d’autres n’est que conseil, et je vous donnerai des supérieures chargées de faire exécuter cette loi ». Le lien entre un pouvoir plus parfait et une loi plus parfaite doit être nécessairement un amour plus parfait. Si donc vos supérieures qui sont des créatures humaines, ont des défauts, c’est à vous à réparer leurs torts avec la plénitude de l’amour et à jeter, comme les fils de Noé, un manteau de respect filial sur ces défauts.

– Aimer ses supérieures malgré leurs défauts et surnaturellement

Une supérieure vous commanderait une chose qui serait un péché, vous ne devriez pas lui obéir; mais en dehors de là, vous devez faire tout ce qu’elle vous dit. Leur commandement peut être mauvais, elles peuvent elles-mêmes faire un péché, et vous, vous faites un acte de vertu en obéissant et vous pouvez toujours vous sanctifier par leur ministère. Que vous ayez une supérieure imparfaite, insupportable, cela tourne à votre avantage: vous verrez moins la personne et un peu plus Celui qu’elle représente. On a aussi quelquefois des déceptions: « Ah! j’aimais tant ma supérieure, je ne m’attendais pas à cela de sa part!… » Il faut aimer vos supérieures sans doute, mais les aimer surnaturellement. Je suppose que vous agissiez naturellement par une passion très douce, très tendre pour vos supérieures, vous serez très souvent désappointées, parce que vos supérieures ne seront pas ce que vous les voudriez. La veille de mon ordination, je fus pénétré de cette pensée: « C’est une folie de travailler pour les hommes et non pas uniquement pour Dieu ». Et cette vérité bien simple m’a été toute ma vie d’un grand appui. Aimez vos supérieures dans l’amour du Saint-Esprit. Laissez ces affadissements d’un coeur qui a toujours besoin de s’endormir sur un autre coeur. Obéissez à vos supérieures parce qu’elles vous représentent Dieu; en les voyant, dites-vous: Voici Dieu. Ah! si vous voyiez ainsi Dieu à travers vos supérieures, comme il vous serait facile de laisser tomber ces petits chagrins, ces ennuis, ces dispositions à s’ouvrir et à se fermer comme une belle de nuit!… Appuyez-vous aussi fortement que possible sur votre supérieure, mais toujours surnaturellement. Ne profanez pas le commandement que Dieu veut vous faire par leur organe. Si vous cherchez la créature, vous trouverez la créature, en cherchant Dieu, vous auriez trouvé Dieu. En voyant Dieu dans vos supérieures, vous agirez simplement, droitement; qu’il n’y ait jamais parmi vous de ces habiletés, de ces prévenances, de ces tendresses affadissantes; prenez quelque chose de plus fort.

– Compassion pour les supérieures à cause de leurs responsabilités

Ayez aussi de la compassion pour vos supérieures: « elles veillent sur vous comme devant en rendre compte à Dieu. » Pas une religieuse ne meurt que sa supérieure ne soit citer avec elle au tribunal de Dieu. Si c’est une chose magnifique de regarder Dieu dans ses supérieures, c’est une chose terrible pour elles d’être obligées de montrer toujours Dieu en elles. C’est pour cela qu’un supérieur des Chartreux avait écrit devant sa cellule: « Un jugement très dur attend ceux qui commandent ». Si vous aimez vos supérieures, voudriez-vous par votre conduite rendre leur jugement encore plus dur? Une religieuse arrache par ses tendresses un acte de faiblesse à sa supérieure, elle en sera punie et c’est vous qui l’aimiez qui en serez cause. Croyez-vous que ce soit agréable pour une supérieure de vous surveiller toujours? Mais c’est son devoir de veiller, et si elle ne veille pas, elle sera rudement châtiée. Quand vous êtes tentées de murmure et de révolte contre vos supérieures, pensez à leur jugement et au vôtre. Si pour elles la responsabilité est terrible, pour vous il est bien facile d’obéir. Voilà une fille qui obéit simplement, droitement, loyalement, toute la responsabilité de ses actes lui est enlevée pour passer sur les épaules de sa supérieure.

– Aidez la supérieure à être joyeuse

Saint Paul veut que les inférieurs rendent le commandement doux, facile et joyeux. Mettez dans une communauté une petite religieuse tracassière, d’un mauvais caractère, d’un mauvais esprit, sa pauvre supérieure ne sera pas toujours satisfaite, elle aura de la tristesse, toute la communauté en sera assombrie et à qui la faute? A la petite religieuse capricieuse!… Il faut que vous aidiez votre supérieure à être joyeuse. Quand une supérieure commande dans la joie, elle rend son commandement plus facile. Sainte Thérèse est très sévère à cet égard. Elle défend de recevoir des filles qui ne sont pas disposées à la joie. C’est cette joie des Epouses de Jésus-Christ qu’on doit apporter comme un tribut à ses supérieures. Les supérieures sont obligées de donner la joie aux inférieures et les inférieures de la reporter aux supérieures. Vous qui aimez tant votre supérieure, est-ce qu’il n’y a pas des jours où vous l’aimez moins? Et comment voulez-vous qu’une pauvre supérieure qui a les oreilles rebattues de doléances et de récriminations puisse apporter grande joie dans sa communauté? Il y a bien des religieuses qui sont un instrument de pénitence pour leur supérieure.

– L’obéissance surnaturelle réalise l’unité dans une communauté

Une religieuse qui obéirait à ses supérieures, voyant Dieu en elles, serait un grand élément de perfection dans une communauté.

L’esprit surnaturel qui la conduira sera comme un courant électrique qui entraînera les âmes de ses soeurs. Souvent une religieuse qui a ce bon esprit peut rétablir l’unité dans une communauté en ramenant les esprits autour de la supérieure et fortifier ainsi la société religieuses sur des bases divines

– Exemple de la sainte Famille

Je voudrais qu’un des fruits de cette retraite fût de vous donner cette cordialité avec vos supérieures, ces dispositions franches, ouvertes, surnaturelles. Les supérieures ne peuvent trop aimer les âmes confiées à leurs soins, mais souvenez-vous que comme elles prennent Jésus-Christ pour modèle dans leurs affections, vous devez aussi dans votre obéissance regarder Jésus Enfant obéissant à Marie et à Joseph dans l’humble retraite de Nazareth. Etablissez vos rapports avec vos supérieures dans l’esprit de la Sainte Famille. Vous deviendrez alors l’image la plus parfaite, ici-bas, de la Très Sainte Trinité, à condition que vous vivrez dans l’obéissance au pouvoir qui représente le Père, dans l’observance de la Règle qui est le Verbe, le Fils envoyé par le Père pour établir l’ordre, et dans l’amour du Saint-Esprit qui unit la Règle et ceux qui l’interprètent. Amen.

Notes et post-scriptum
1. Voir E00541, n.1.
2. He XIII, 17. - 3. Ps II, 8. - 4. Lc XIX, 14. - 5. Jn XIX, 15.