Aux élèves du collège

1857 Nîmes COLLEGE élèves
Informations générales
  • Aux élèves du collège
  • Instruction religieuse. Classe de Rhétorique.
    Première conférence. De la nécessité de croire aux mystères.
  • Ms de Frédéric Fabrege, élève au Collège de l'Assomption en 1857, Arch. Départ. de l'Hérault 18 F 3; Photoc. ACR.|Photocopies P. Eugène Guyard (mai 1997). Transcription Dominique Lang (juin 1997). Découverte du manuscrit Jean-Paul Périer-Muzet (avril 1997).
Informations détaillées
  • 1 ATHEISME
    1 BAPTEME
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COMMUNION DES SAINTS
    1 CONNAISSANCE DE DIEU
    1 CORPS
    1 CORPS DE JESUS-CHRIST
    1 CORPS MYSTIQUE
    1 DISPOSITIONS AU PECHE
    1 DONNEES DE LA FOI
    1 ELEVES
    1 ETERNITE
    1 EUCHARISTIE
    1 FILS DE L'EGLISE
    1 GRACES
    1 HERESIE
    1 HUMILITE
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 MATERIALISME
    1 MINISTERE SACERDOTAL
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 MONDE CREE
    1 MYSTERE
    1 NATURE
    1 NIHILISME
    1 ORDRE SURNATUREL
    1 ORGUEIL
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 PROTESTANTISME
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 RATIONALISME
    1 REDEMPTION
    1 REVELATION
    1 RHETORIQUE
    1 SACREMENTS
    1 SACRIFICE DE LA CROIX
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SANG DE JESUS-CHRIST
    1 SCEPTICISME
    1 SOCIETE
    1 SOUMISSION DE L'ESPRIT
    1 SYMBOLES DE LA FOI
    1 TRINITE
    2 FABREGE, FREDERIC
    2 GUYARD, EUGENE
    2 LANG, DOMINIQUE
    2 PERIER-MUZET, JEAN-PAUL
    2 VOLTAIRE
    3 HERAULT, DEPARTEMENT
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  • 1857
  • 1857
  • Nîmes
  • Collège de l'Assomption
La lettre

Instruction religieuse

1ère Section

Classe de Rhétorique

Conférences de M. d’Alzon rédigées par Frédéric Fabrege 1857.

[PAGE de garde]

Première conférence.

– De la nécessité de croire aux mystères –

La plus grande objection faite contre les sacrements par les hommes qui en repoussent la doctrine, peut se résumer en ces termes: « Comment est-il possible que Dieu ait recours à un peu d’eau, d’huile, de beaume, de pain etc. pour distribuer aux hommes ses grâces principales ? Quel rapport y a-t-il entre ces éléments grossiers et la purification de l’âme ? Quel rapport y a-t-il entre le monde matériel d’où ces éléments sont pris et le monde surnaturel dans lequel Dieu, dit-on, veut faire entrer les hommes par ces moyens pris dans une sphère aussi grossière ? On ne comprend pas, ajoute-t-on, une pareille supposition, en la fesant [sic] venir de Dieu. C’est rabaisser sa puissance et la réduire à des proportions trop mesquines. »

Au fond de cet argument, il y a, disons-le tout d’abord, une grande objection : « Quel rapport supposer entre le monde des corps qui est fini, et le monde (PAGE 1) divin qui est infini ? » Voilà si nous ne nous trompons, l’objection dans toute sa force. Comme après tout, elle est l’unique et que c’est autour d’elle que se groupent toutes les autres, nous la suivrons dans tous ses développements et pour cela, nous considérerons comme le plus parfait des sacrements, l’Eucharistie.

Nous poserons dès lors l’objection des protestants: « Comment se fait-il qu’un Dieu infini puisse cacher son corps sur tous les points du monde sous des éléments, sous des éléments aussi grossiers que le pain et le vin ? » En d’autres termes: « La présence réelle dans le saint sacrement est une absurdité. »

Admettons l’objection pour un moment. Si certains déistes ont le droit de dire qu’ils repoussent la doctrine des sacrements parce qu’ils ne comprennent pas le rapport de la grâce divine avec des éléments grossiers, il est naturel que les protestants disent qu’ils ne comprennent pas le mystère d’après lequel un Dieu est caché sous les voiles eucharistiques. Supprimons donc la doctrine des sacrements et par conséquent celle de l’Eucharistie. (PAGE 2)

Mais s’il est impossible de croire à la présence d’un Dieu sous les apparences du pain et du vin, est-il plus aisé de comprendre qu’un Dieu donne à l’effusion de son sang le pouvoir de racheter les péchés du monde ? Quel plus grand rapport y a-t-il entre quelques gouttes répandues du haut d’une croix et tous les péchés commis ou qu’en pouvait commettre dans plusieurs milliers d’années tout le genre humain ? Nouvelle incompréhensibilité! Nouvelle absurdité! Ainsi donc le mystère de la rédemption par l’effusion du sang de Jésus-Christ est absurde.

Mais si on ne comprend pas que le genre humain soit sauvé par le sacrifice sanglant de Jésus-Christ sur la croix, pourra-t-on mieux comprendre le mystère d’un Dieu fait homme ? Quel rapport entre Dieu et la nature qui est limitée ? Peut-on concevoir qu’un Dieu se puisse cacher dans le sein d’un homme, d’une vierge. C’est incompréhensible, irrationnel. Donc plus de mystère d’incarnation. C’est la doctrine des sociniens, une des sectes les plus avancées du protestantisme.

Que sera Jésus-Christ pour ces hommes-là ? (PAGE 3) Un envoyé extraordinaire de Dieu.

Comment le saura-t-on extraordinaire ? Dieu parle-t-il aux hommes ? Dieu qui est l’infini, peut-il se faire entendre à l’homme qui n’est qu’un peut de boue ? Cette objection qu’a faite Voltaire est aussi logique que les autres. Donc Jésus-Christ n’est pas un envoyé extraordinaire; donc le christianisme n’est pas divin, et il est faux; la révélation croule par sa base. Rien de plus logique.

Je ne vois pas de possibilité de communication entre Dieu et l’homme : parce que je ne comprends pas le rapport entre Dieu qui est infini et l’homme être fini. Mais comprendrai-je que Dieu ait créé le monde ? S’il ne peut parler à l’homme, peut-il davantage le créer ? Le monde n’a donc pas été créé par Dieu. La matière a été éternelle. Je suis ainsi forcé de reconnaître la matière éternelle.

Mais si la matière est éternelle, elle est infinie quant à la durée. Or la durée infinie implique la négation du pouvoir de Dieu sur elle, puisque en face de sa puissance se dresse un élément contre lequel il n’y a pas de prise. Si la matière est éternelle, (PAGE 4) plus de Dieu. Il ne reste donc plus que la matière. Absurdité! Car je ne comprendrai jamais pourquoi un morceau de bois par exemple, que je couperai, ne pourra plus être ses parties réunies comme antérieurement. Or que des phénomènes tels que la cohésion, la chaleur et tant d’autres resteront toujours inexplicables. Parce que je ne comprendrai pas cela, il s’ensuit que ces phénomènes n’existent pas! Il faut donc tout nier. C’est impossible.

Il est cependant des hommmes qui ont logiquement nié toutes les vérités, ne s’arrêtant qu’aux plus grossières. Mais ces vérités leur échappent s’ils veulent être sincères à leurs raisonnements. Ainsi donc, plus rien de vrai, de faux, mais le néant!

Cette situation est-elle possible pour l’homme ? Evidemment non. Dans tout cercle où s’exerce l’intelligence humaine, il faut expliquer certains faits alors même qu’ils sont incompréhensibles. Mais alors qu’on accepte des faits incompréhensibles, pourquoi rejeter comme incompréhensibles : la création, l’incarnation, la rédemption, la grâce, l’eucharistie, les sacrements ?

Ainsi donc rien de plus absurde que de rejeter une (PAGE 5) doctrine, parce qu’elle est incompréhensible. Toute doctrine divine est incompréhensible jusqu’à un certain point. Tout, sauf la Trinité, repose sur un rapport entre Dieu et l’homme. Or si l’homme ne peut comprendre l’infini, s’il ne peut comprendre sa nature qui est finie, peut-il s’étonner de ne pas comprendre le rapport qui existe entre le fini et l’infini, l’éternel mystère ? Si donc nous sommes obligés de croire à l’incompréhensibilité de la matière, pourquoi ne pas croire à celle des sacrements, à leur efficacité, aux effets merveilleux qu’ils opèrent ? Or dire qui ne comprend pas à la grâce, de l’eau, de l’huile, du beaume, c’est dire qu’on n’a pas pénétré dans les secrets de Dieu et nous l’admettons. Mais de tout cela que doit-on conclure ? Que Dieu connaissant la nature de l’homme composé de corps et d’esprit et en même temps voyant combien le corps pèse [?] sur l’âme pour l’entraîner au mal, comme l’âme aussi se livre à des sentiments d’orgueil, Dieu, dis-je, a voulu humilier l’esprit en fesant [sic] dépendre la distribution des secours surnaturels, qu’il accorde aux hommes, de certains éléments matériels et il a voulu consacrer cette union légitime entre le corps et l’âme en fesant arriver sa grâce par des objets extérieurs (PAGE 6) que le corps pouvait voir et toucher. Il y a encore une raison plus profonde : l’homme est né pour vivre en société et Dieu voulait en fonder une surnaturelle sur la distribution même de secours nécessaires à l’homme pour aller dans la société du ciel.

En dehors de ces grâces intérieures, Dieu a voulu nous en accorder certaines qu’on appelle sociales, et qu’on reconnait à des signes éternels pour lesquels on devrait invoquer le secours d’un autre homme et c’est ainsi qu’il a établi un rapport entre le fini et l’infini ce qui n’est autre chose que l’église.

Si la collation des grâces n’avait pu reposer sur certans signes visibles, évidemment les liens de la société étaient relâchés. Au contraire, si vous donnez à un homme le pouvoir de nous introduire dès notre naissance et à l’aide de quelques gouttes d’eau, dans la société ds enfants de Dieu, voilà tout de suite une hiérarchie établie.

Mais permettez encore à ce même homme de nous distribuer sous les voiles eucharistiques le corps et le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, voyez aussitôt de quel immense pouvoir il est revêtu. (PAGE 7)

Ils sont le lien de la société divine établie par Jésus-Christ et il convient qu’ils soient extérieurs; car les hommes ne jugent de leurs rapports entre eux que par des signes extérieurs.

Les éléments dont Dieu se sert, pourra-t-on répliquer, sont bien grossiers : de l’eau, de l’huile, du pain… Mais comme les sacrements sont pour tous les hommes, il convient que ces objets soient pris parmi les plus vulgaires. Leur vulgarité même est une preuve de la bonté de Dieu qui veut bien se cacher sous des formes ou apparences si grossières. Enfin, et ne l’oublions jamais, il y aura toujours un abîme insondable entre la puissance de Dieu, entre ce que Dieu peut faire et ce que nous pouvons concevoir.

La puissance de Dieu cesserait d’être infinie si elle voyait le point où elle doit s’arrêter. Il faut dès lors reconnaître que les limites de notre raison ne peuvent plus être la forme de qu’il plaît à Dieu d’accomplir. Et si, comme nous l’avons vu, on nie la puissance de Dieu parce qu’on ne la comprend pas, on est réduit à nier (PAGE 8) son existence et celle de la matière.

Prenons décidément le parti de croire aux mystères qui nous environnent dans l’ordre de la nature et de la grâce, et du moment que nous aurons la certitude que Dieu a parlé, sachons soumettre notre intelligence à la voix de celui qui est la sagesse éternelle et qui nous ordonne de croire à des vérités en nous promettant de nous les faire comprendre plus tard. (PAGE 9)

Notes et post-scriptum