Aux élèves du collège

1857 Nîmes COLLEGE élèves
Informations générales
  • Aux élèves du collège
  • Instruction religieuse. Classe de Rhétorique.
    Troisième conférence. Du sacrement de l'Ordre dans ses rapports avec les sacrements de l'Eglise.
  • Ms de Frédéric Fabrege, élève au Collège de l'Assomption en 1857, Arch. Départ. de l'Hérault 18 F 3; Photoc. ACR.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 APOSTOLAT DE LA VERITE
    1 APOTRES
    1 AUGUSTIN
    1 CAREME
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CORPS MYSTIQUE
    1 DIEU LE FILS
    1 DIVIN MAITRE
    1 ELEVES
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ENSEIGNEMENT DE LA VERITE
    1 EUCHARISTIE
    1 FECONDITE APOSTOLIQUE
    1 FOI
    1 GRACE
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
    1 JESUS-CHRIST DOCTEUR
    1 JESUS-CHRIST MEDIATEUR
    1 JUIFS
    1 MAUVAIS CHRETIENS
    1 MINISTERE SACERDOTAL
    1 MIRACLE
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 MYSTERE DU SALUT
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PREDICATION
    1 REFORME DU CARACTERE
    1 RESPECT
    1 RHETORIQUE
    1 SACERDOCE DE JESUS-CHRIST
    1 SACREMENT DE L'ORDRE
    1 SACRILEGE
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 SALUT DES AMES
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 VANITE
    1 VIE SPIRITUELLE
    2 BOSSUET
    2 ELISEE
    2 FABREGE, FREDERIC
    2 FENELON
    2 JEAN, SAINT
    2 JEROME, SAINT
    2 MELCHISEDECH
    2 PAUL, SAINT
    3 ALLEMAGNE
    3 HERAULT, DEPARTEMENT
  • Elèves du collège
  • COLLEGE élèves
  • 1857
  • 1857
  • Nîmes
  • Collège de l'Assomption
La lettre

Troisième conférence

– Du sacrement de l’Ordre dans ses rapports avec les sacrements de l’église –

Dans la dernière conférence nous avons vu comment plusieurs des sacrements institués par notre Seigneur Jésus-Christ étaient les canaux intermédiaires par lesquels la vie divine coule dans les différents membres de l’église, qui est le corps mystique de Jésus-Christ. Nous examinerons aujourd’hui un autre sacrement dont nous n’avons encore rien dit et dont l’institution quoique d’une autre façon concourt au même but. Nous voulons parler du sacrement de l’ordre.

Un des premiers canonistes de l’Allemagne, le docteur Militz [?] dans son beau traité du droit ecclésiastique considère l’Eglise dans ses rapports avec Jésus-Christ en ces termes: « L’église est une société, et Jésus-Christ en est le roi; l’église est un temple, et Jésus-Christ en est le pontife; l’église est une école, et Jésus-Christ en est le maître. » C’est à ce troisième point de vue que nous nous arrêterons aujourd’hui.

(PAGE 20)

Jésus-Christ est toujours vivant à la droite de son Père pour intercéder en notre faveur: « Semper vivens ad interpellandum pro nobis » (St Paul) Mais il est aussi toujours vivant au sein de son église soit par son Esprit dont [il] l’a fait vivre, soit par sa présence réelle au sacrement de l’autel, soit enfin par la vérité qu’il nous communique sans cesse dans la bouche des apôtres et de leurs successeurs.

L’Eglise est une société d’intelligences. La nourriture de l’intelligence est la vérité, et Jésus-Christ vérité éternelle donne à la société formée par lui la nourriture la plus excellente; puisqu’il lui communique la vie avec l’éternelle et unique vérité.

Mais il n’entrait pas dans les desseins de Dieu que les hommes fussent toujours immédiatement instruits par son fils. Dieu a parlé sans doute par ce fils dans la plénitude des temps; mais quand celui que St Augustin appelle l’empereur de la vérité eut accompli sa mission, il éleva la dignité de l’homme à un degré tel que c’est par la bouche d’un homme qu’est arrivée à l’humanité l’éternelle vérité de Dieu. Et c’est là un des plus magnifiques caractères du sacerdoce que d’être l’instrument perpétuel (PAGE 21) de la double et permanente incarnation de Jésus-Christ. Le fils de Dieu a voulu prendre une fois un corps dans le sein de la sainte vierge; il reproduit sans cesse depuis lors ce mystérieux prodige d’une double manière par l’Eucharistie et le sacerdoce. Aussi, St Augustin considérant la dignité du père s’écrie: « O veneranda sacerdotum dignitas in quorum manibus Dei filius, sicut in utero beatae Mariae virginis incarnatus. » Le fils de Dieu en effet s’incarne tous les jours et presque sur tous les points de la terre dans les mains du prêtre par l’Eucharistie. Il s’incarne bien plus encore par la prédication. Qu’est-ce qu’en effet que Jésus-Christ ? Le fils de Dieu, Dieu lui-même et comme fils de Dieu l’éternelle vérité: « In principio erat verbum, et verbum erat apud Deum et Deus erat verbum… In ipso erat vita, et vita erat lux hominum. » (St Jean) Le verbe éternel est l’éternelle vérité. C’est cette parole incompréhensible que Dieu engendre constamment dans son sein.

A qui Dieu donnera-t-il le sacerdoce éternel ? « Juravit Dominus et non poenitebit eum, tu es sacerdos in aeternum secundum ordinem Melchisedech. » En tant que prêtre, Jésus-Christ s’offrira en victime (PAGE 22) digne de Dieu; mais comme prêtre aussi, il enseignera la vérité. Et telle sera la puissance et la fécondité de son sacerdoce qu’il le communiquera à de simples hommes et ceux-ci à leur tour porteurs de la vérité divine la propageront dans tout le monde par la prédication dans tout le monde.

Qu’est-ce donc que la prédication dans l’église de Dieu ? Ce n’est qu’un nouveau mode d’incarnation perpétuelle de la seconde personne de la sainte trinité de celui qui a dit: « Ego sum veritas. Je suis la vérité. » L’éternelle vérité est incompréhensible. Et toutefois elle voulut se communiquer aux hommes et elle s’est en quelque sorte rapetissée. C’est ce qu’ont expliqué les docteurs de l’église en disant : « verbum abreviatum ». Jésus-Christ se proportionne à notre faiblesse pour nous communiquer la vérité qui n’est autre que lui-même, fesant à peu près comme fit Elisée pour ressusciter l’enfant de la sunamite. Il s’étendit sur le cadavre, plaçant sa bouche sur la bouche du défunt, ses yeux sur ses yeux, son nez sur son nez. De même Jésus-Christ s’amoindrit ou si l’on veut encore, il fait à peu près comme le père sur son enfant en bas âge. Pour lui apprendre (PAGE 23) à parler, il se proportionne au peu de développement de son intelligence. Les imperfections de la prédication catholique considérée par le côté humain participent sans doute à la faiblesse de tout enseignement sorti des bouches des hommes. Mais c’est là précisément ce qui nous fait admirer l’infinie bonté de Dieu qui consent pour se faire connaître à nous, à se revêtir comme des langes et des infirmités de notre langage. C’est ce qu’exprime St Paul en disant : « Quia in Dei sapientia non cognovit mundus per sapientiam deum : placuit deo per stultitiam predicationis salvos facere credentes. » (1ère épitre aux Corinth. Ch. I, v.21).

Ce qu’il y a donc d’insensé dans la prédication catholique, c’est précisément ce qui en constitue le miracle, c’est qu’un Dieu après avoir consenti à périr par les juifs consent aussi à subir tous les outrages de la parole humaine sous laquelle il se cache. Voilà certainement un grand prodige. Et cependant on doit tirer deux conséquences : premièrement, la dignité de ceux qui sont appelés à remplir cette mission d’ambassadeurs. Ce que fait entendre St Paul en ces termes: « Pro (PAGE 24) Christo legatione fungimur tamquam deo exhortante per nos. »; secondement, le crîme [sic] des chrétiens qui écoutent la parole de Dieu et ne s’arrêtent en quelque sorte qu’à son enveloppe afin de se donner la triste joie de la blâmer, de la critiquer et même de l’applaudir. Lorsqu’il s’agit de la parole de Dieu, le respect ne supprime pas seulement les blâmes et les critiques, il doit supprimer les applaudissements. Quand Dieu parle, on ne doit qu’écouter, croire et obéir.

Ce qui précède fournit encore deux résultats. En premier lieu la fécondité de cette parole apportée à l’intelligence. Quelle semence plus féconde dans le champ de l’intelligence que la parole de Dieu, si elle ne produit aucun résultat, combien l’homme qui la reçoit et n’en profite pas est-il coupable ? Ensuite nous découvrons l’immortalité même de l’église. Une société nourrie par un aliment divin, éternel trouve dans cet aliment la raison de sa durée. L’église subsistera dans tous les temps parce que cette promesse lui a été faite, mais la raison philosophique vient appuyer cette promesse. Un homme en effet, qui se nourrit de (PAGE 25) poisons meurt bientôt, celui qui prend au contraire des aliments y puise un germe de santé. De même celui qui se nourrit de Jésus-Christ se nourrit d’un aliment divin, éternel, et voilà où il trouve la raison de son immortalité. Le prophète l’avait d’ailleurs prédit : « Quoniam confirmata est super nos misericordia ejus et veritas domini manet in aeternum. »

APPENDICE

Le grand Bossuet, dans un magnifique discours où ressortent et la rigoureuse logique et la sublimité de son génie, fait un parallèle de l’autel et de la chaire, je veux dire, de l’Eucharistie et de la prédication, de la double incarnation de notre sauveur et dans le pain du saint sacrement et dans la parole du prêtre.

Qu’est-ce en effet que Jésus-Christ sinon la vie et la vérité ? Par la communion il nous communique ce premier élément de son être, la prédication nous fait participer au second. Le prêtre nous donne la cause du salut par le premier sacrement et le moyen de nous (PAGE 26) sauver par le second.

Aussi, ceux qui reçoivent mal Jésus-Christ incarné dans la parole de ses ministres sont aussi coupables que ceux qui le reçoivent indignement par la communion. Et la profanation de son enseignement est aussi sacrilège que celle de sa doctrine. C’est pourquoi nous ne devons que recevoir la vérité sans nous permettre de la juger. Ensuite, Bossuet comme St Jérôme et Fénelon conclut de cette similitude que les prêtres doivent mettre le même respect dans la prédication que dans le sacrifice de la messe. Il veut qu’on rejette toute vanité pour ne chercher qu’à toucher et à convertir. Loin de chatouiller les sens, on s’efforcera de convaincre l’intelligences, de parler au coeur et e guérir la conscience. Le chrétien à son tour ne verra pas que la forme de l’enveloppe dont Dieu se sert pour se transmettre à nous : il n’y devra rechercher que ce qui peut l’éclairer, le convertir, le ramener à Dieu (2ème Sermon du second dimanche de carême). (PAGE 27)

Notes et post-scriptum