Aux Religieuses de l’Assomption

sep 1877 Auteuil RA
Informations générales
  • Aux Religieuses de l'Assomption
  • Retraite - du P. Emmanuel Bailly - attribuée au P. d'Alzon (septembre 1877)
    Troisième jour - Conditions de l'union avec Jésus-Christ (Méditation)
  • DQ 352, p.69-73 (cahier d'auditrices anonymes).
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ACTION DE DIEU DANS L'AME
    1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 ATHEISME
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DEGOUTS
    1 DETACHEMENT
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EGLISE
    1 EMPIRE DE SATAN
    1 ENNEMIS DE DIEU
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 EPREUVES
    1 EPREUVES SPIRITUELLES
    1 GENEROSITE DE L'APOTRE
    1 GLOIRE DE DIEU
    1 HAINE DE SATAN CONTRE JESUS-CHRIST
    1 HARDIESSE DE L'APOTRE
    1 INGRATITUDE ENVERS DIEU
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 MORT
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PATIENCE
    1 PECHEUR
    1 REDEMPTION
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 RENONCEMENT
    1 RUSE
    1 SACREMENTS
    1 SAINTE VIERGE
    1 SALUT DES AMES
    1 SANG DE JESUS-CHRIST
    1 SENTIMENT DES DROITS DE DIEU
    1 SOUFFRANCES DE JESUS-CHRIST
    1 TENTATION
    1 TRISTESSE
    1 VIOLENCE
    1 VOIE UNITIVE
    1 VOLONTE DE DIEU
    1 ZELE APOSTOLIQUE
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 JACOB
    2 JOB, BIBLE
  • Religieuses de l'Assomption
  • RA
  • septembre 1877
  • sep 1877
  • Auteuil
La lettre

« Christ confixus sum Cruci ».

Cette union de nos âmes avec Dieu dont nous avons parlé hier ne peut se faire qu’à certaines conditions. Il ne suffit pas que notre vocation en fasse pour nous un état, il ne suffit pas même à la vouloir d’une manière vague et générale, il faut accomplir certaines conditions pour qu’elle se réalise en nos âmes.

Et d’abord pour nous unir à Dieu, il faut nécessairement nous séparer de tout ce qui n’est pas Dieu. Il faut davantage. Il faut accepter la lutte que des ennemis acharnés vont nous livrer. L’union de l’âme avec son Dieu excite la jalousie furieuse de Satan, il ne peut accepter qu’une âme se résolve à tendre à cette union, il ne peut supporter qu’elle y arrive. Il l’a possédée autrefois cette union béatifiante et souverainement désirable, il l’a perdue par sa faute, il ne peut se le pardonnner et il ne peut pardonner à d’autres d’y tendre. Donc, toute âme qui veut s’unir à Dieu doit s’attendre à des haines, à des inimitiés, à des poursuites implacables de Satan. Mais en même temps elle doit s’attendre de la part de Dieu à des exigences d’amour qu’elle ne soupçonne même pas. Quand une âme veut s’unir à Dieu, l’amour de Dieu provoqué par elle, se précipite vers elle avec toute sa puissance, avec toute ses instances, avec toutes ses ardeurs infinies.

Le simple fidèle qui veut faire son salut est exposé à ces deux choses: il est attaqué par les embûches de Satan, il est pressé par les exigences de la Ste loi de Dieu. La Ste Eglise de Dieu, toujours notre modèle, n’y échappe pas, toujours elle est en butte à la haine la plus satanique, aux persécutions, aux épreuves; toujours l’esprit d’amour agit en elle pour lui faire produire de nouvelles floraisons d’oeuvres et de sainteté. La Très Ste Vierge, Mère du Sauveur, la tribu choisie dans laquelle il est né, que de longues et longues préparations n’ont-elles pas subies! Et J.C. lui-même, N.S., échappe moins que personne à cette loi, il est tout à la fois en butte à toutes les attaques du démon et à toutes les exigences de son Père céleste.

L’âme appelée à la vie religieuse ne doit pas s’attendre à un autre sort que celui de l’Eglise, de la Ste Vierge, de N.S. Il faut vous attendre d’abord à toutes sortes d’adversités, de souffrances, de tortures que Satan suscitera contre vous. Et ne croyez pas qu’il aura la simplicité de venir tout droit contre vous par la tentation d’un mal évident; non, il viendra par des voies obliques et tortueuses; par des épreuves, des humiliations, des angoisses où il cherchera à vous faire perdre courage et patience. De même que pour Job il obtiendra de vous frapper dans ce que vous aurez de plus cher, et Dieu le permettra pour augmenter vos mérites. L’Ecriture appelle Satan le marteau universel du monde: « Malleus universus terrae », destiné de Dieu à frapper les âmes pour en tirer un son de louange à sa gloire. Attendez-vous donc à ce que ce marteau vous frappe à coups redoublés. Vous serez frappées dans vos oeuvres extérieures et dans votre famille religieuse. Ce sera une mort inattendue qui brisera vos affections et vos espérances les plus légitimes, vous enlevant un appui sur lequel vous vous reposiez justement; ce sera l’orage de l’impiété qui, faisant irruption jusque dans vos murs, portera atteinte à vos souvenirs les plus chers, et les souillera de ses mains sacrilèges. C’est le marteau qui frappe; il frappe de la part de Dieu.

Mais laissez les épreuves du dehors, entrez au-dedans de votre âme et voyez en vous-même de quelle façon Satan visite votre âme par la crainte, par la douleur, par la faiblesse, l’humiliation de l’âme, les maladies et les faiblesses du corps. Non, il ne vous laissera pas monter facilement jusqu’à Dieu. Vous avez renoncé à lui, à ses oeuvres et à ses pompes. Et d’une façon bien plus complète, bien plus catégorique que l’enfant du baptême, vous l’avez dédaigné et méprisé pour vous attacher à Dieu seul; attendez-vous à ce qu’il vous fasse payer cher votre mépris et vos dédains, à ce qu’il déchaîne contre vous toutes ses ruses et toutes ses violences.

Mais n’oubliez pas cependant que, quoiqu’il puisse faire, il ne peut dominer votre âme que par votre volonté. Job au milieu de ses angoisses, de ses épreuves épouvantables resta inébranlable. Satan avait tout atteint en lui, excepté sa volonté: « Totum invaserat excepto spiritu » Il y aura des jours où vous croirez tout perdu; vous ne pourrez vous empêcher d’être en proie à la tristesse, à la crainte, au dégoût, vos membres mêmes seront brisés comme d’une insurmontable fatigue et ne pouvant même produire les actes de la patience formelle, c’est-à-dire d’une patience résolue et victorieuse, vous n’aurez à opposer que la patience matérielle qui a à peine conscience d’elle-même. Il faut marcher à travers ce brouillard, il faut traverser cette mer apparente, cet état où il semble que Satan ait tout vaincu, tout excepto spiritu! Excepté ce que St François de Sales appelle la fine pointe de l’âme qui reste pourtant fidèle à Dieu au plus intime d’elle-même.

Voilà la première condition de notre union à Dieu et voyez-la réalisée dans J.C. supportant sur la Croix tous les coups de la rage des enfers. Dans ces coups qui déchiraient sa chair très pure, c’était le bras de Satan qui s’acharnait contre le Juste par excellence ou plutôt c’étaient des milliers de coups qui dans la suite des temps devaient être déchargés sur Jésus par la main, par le bras de tous les pécheurs, par toutes les ingratitudes des âmes, par toutes les impiétés, les injustices, les haines de ceux qui veulent se perdre. Rendez-vous compte, si vous le pouvez, de tout ce que J.C. a souffert sur la croix d’acharnement de la part de Satan, à qui il laissait pour ainsi dire libre carrière. « Haec est hora vestra »… et ne pouvant souffrir comme Dieu, il lui laissait sa Ste Humanité tout entière comme une proie. Et ces fureurs de Satan accomplissaient l’oeuvre voulue de Dieu, et notre Rédemption s’opérait. Ainsi quand notre âme semble s’affaisser sous la tristesse, la souffrance, relevons-la en disant: Dieu veut que je sois éprouvée, n’importe d’où me vient l’épreuve et d’où monte l’assaut qui m’est livré, c’est pour Dieu que je souffre et que je lutte.

Mais considérez encore le Seigneur Jésus et voyez que, si l’acharnement de ses bourreaux et de Satan le couvre de plaies au dehors, au dedans de lui-même, son coeur est travaillé d’un immense amour qui réclame des issues pour se répandre et ces issues ce sont ses plaies par où son sang s’écoule à flots, cédant aux exigences de l’amour qui le presse. Ses plaies divines ce sont des bouches éloquentes qui nous parlent de ses tendresses infinies. Considérez ce double travail en J.C., les attaques de Satan au dehors, le travail de l’amour au dedans. Il en sera de même pour vous. L’amour divin a des exigences infinies, car c’est l’amour d’un Dieu. Et qui dira ce que sont ces divines exigences pour une âme religieuse qui tend à une union parfaite avec Lui ? Quelles instances secrètes, quelles rigueurs, quels sacrifices nouveaux chaque jour; il inflige à cette âme!…

Ah! Voulez-vous être unies à Dieu!.. Ne croyez donc pas pouvoir rien réserver, ni que Dieu s’arrête jamais dans ses demandes, dans ses exigences pleines d’amour. Il vous veut trop à Lui, il vous veut d’une volonté éternelle, infinie, immuable, il y a des siècles et des siècles qu’Il vous veut, et d’un amour sans borne et sans réserve, donc il vous prendra tout entière. S’Il vous sollicite lentement parce qu’il a égard à votre faiblesse, si c’est peu à peu qu’Il avance, il ne s’arrêtera pas, il ira toujours plus avant. Il ne vous permettra pas de lui refuser ceci ou cela, et son amour vous poursuivra de regrets et de remords jusqu’à ce au’il soit devenu le Maître, le Maître absolu. Sera-ce dans l’Eucharistie, dans l’oraison, dans la règle pratiquée plus généreusement ? Je ne sais, mais à toute heure l’amour divin vous fera sentir ses exigences pressantes et irrésistibles. Regardez encore Jésus sur la croix. Son coeur travaillé d’un amour immense, est enfin ouvert par la lance, et avec ses dernières gouttes de sang, c’est le dernier effort de son amour qui en jaillit, c’est l’Eglise Catholique avec les Sacrements et tous ces mystères de grâce.

Et de votre vie qu’en sera-t-il ? Quels fruits produira-t-elle pour glorifier Dieu et sauver les âmes ? Ah! laissez agir Dieu et son amour, luttez de générosité avec Lui. Ainsi Jacob lutta avec l’Ange dans les ténèbres d’une longue nuit. L’Ange est l’image de Dieu. Dans le secret d’une lutte humble et persévérante, Dieu veut être vaincu par notre générosité et de même que l’Ange disait à Jacob: « Laissez-moi! », et que Jacob lui répondait: Je ne vous laisserai point aller que vous ne m’ayez béni, ainsi quand l’amour divin semble se retirer, il faut le provoquer en quelque sorte et lui dire qu’il ne doit pas nous laisser jusqu’à ce que nous soyons comblés de ses bénédictions.

Ces conditions de la lutte sont nécessaires aux simples chrétiens, elles le sont bien plus encore, je le répète, aux âmes religieuses. Mais je dirai que vous, Religieuses de l’Assomption, vous êtes particulièrement appelées à l’offensive de l’amour. Que d’autres se tiennent sur la défensive, se tenant en quelque sortes passives sous l’action de Dieu, vous vous êtes obligées à l’offensive dans l’amour, vous devez en quelque sorte provoquer les exigences de cet amour divin et lui demander de ne pas mettre de limites à ses instances, et par une adoration plus intime, par ce caractère apostolique qui est le vôtre, donnez à l’amour le moyen de se manifester et dites à Dieu: De même que je veux être uniquement à vous, à mon Dieu, de même pour vous posséder pleinement, je veux accepter les conditions de l’amour et les accomplir comme votre divin Fils sur la Croix.

Notes et post-scriptum