Aux Religieuses de l’Assomption

sep 1877 Auteuil RA
Informations générales
  • Aux Religieuses de l'Assomption
  • Retraite - du P. Emmanuel Bailly - attribuée au P. d'Alzon (septembre 1877)
    Quatrième jour - Sur la Sainte Vierge. Sa correspondance à la Grâce, modèle pour nous (Deuxième instruction)
  • DQ 353 (notes anonymes).
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ANNONCIATION
    1 COMMUNION DES SAINTS
    1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRAINTE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 EGLISE
    1 ENFANTEMENT DES AMES
    1 ENFER
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 GRACE
    1 MERE DE DIEU
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 PURIFICATION
    1 SAINTE VIERGE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VIE DE PRIERE
    2 ANTOINE, SAINT
    2 BERNARD DE CLERVAUX, SAINT
    2 JOSEPH, SAINT
    3 BETHLEEM
  • Religieuses de l'Assomption
  • RA
  • septembre 1877
  • sep 1877
  • Auteuil
La lettre

Ave Maria, gratia plena (1).

C’est la tradition de l’Eglise, mes chères Soeurs, que la Sainte Vierge était en prière quand l’Ange vint lui annoncer le mystère de l’Incarnation. Hier nous avons parlé de la prière et de la prière comme prolongée dans l’intimité avec Notre-Seigneur-Jésus-Christ. Ce matin je viens vous parler du fruit de la prière qui est la grâce.

La prière produit la grâce, elle l’attire en nos âmes. Et de même que le mystère de l’Incarnation s’accomplit en Marie pendant qu’elle prolongeait sa prière, ainsi la visite de la grâce qui n’est autre chose qu’une communication de Dieu en nous a lieu ordinairement pendant notre prière. L’entrée de l’ange c’est l’entrée de la grâce, comme le dit St Bernard: Ingressus angeli, ingressus gratiae in anima. Il ne convient pas ici d’examiner ce qu’est la grâce en elle-même. L’Eglise impose aux théologiens d’éviter de se préoccuper sur la nature proprement dite de la grâce de pensées trop subtiles. Encore moins convient-il que de simples fidèles entrent là-dessus dans des recherches curieuses et tout au moins inutiles. Mais il convient d’étudier ensemble dans quelles conditions nous devons être pour recevoir la grâce et pour l’accepter.

Et ici, mes chères Soeurs, je vous demanderai la permission de laisser de côté tous les docteurs qui ont parlé de la grâce et de prendre pour modèle la Très Sainte Vierge toute seule, afin qu’elle nous enseigne par son exemple comment nous devons nous comporter à l’égard des visites de la grâce. – Comment a-t-elle reçu la grâce ? L’Ange lui dit Ave gratia plena, Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus. Or, mes Soeurs, quand la grâce de Dieu vient vous saluer comme l’Ange, n’a-t-elle pas le droit de vous dire aussi: « Salut, vous qui êtes déjà pleine de grâces depuis votre naissance, vous dont l’âme a été dès l’enfance prévenue et comme comblée des prévenances et des dons de Dieu, vous avez été inondée du sang de Jésus-Christ dont les flots divins sont chargés de la grâce ». N’est-ce point là le langage que peut tenir l’Esprit Saint quand il demande à pénétrer dans votre âme. Et ne peut-il pas ajouter encore: Dominus tecum, « Le Seigneur est avec vous », à vous qu’il a choisie pour vivre sous le même toit que lui, pour agir sans cesse sous son regard, pour vivre côte à côte avec lui, de telle sorte que partout vous soyez en sa présence, et à la chapelle, et dans votre cellule, qui est comme une extension de la chapelle puisque le même toit les abrite, toujours et partout en vérité le Seigneur est avec vous. Et toutes ne sont pas ainsi favorisées, il n’en a point agi de même avec toutes les filles d’Israël, il n’a point donné ce privilège à tous, vous êtes vraiment bénies entre les femmes, benedicta tu in mulieribus.

C’est déjà un grand point que ces paroles qui vous sont adressées comme à la Sainte Vierge. Or voyez comme elle les reçoit, avec quelle humilité, quelle confusion, quelle admiration. Elle est toute surprise, tout étonnée. Son âme est convaincue qu’elle n’a rien par elle-même, or elle est comme confondue des grandes choses qui lui sont annoncées. Elle les recevra dans un étonnement profond, elle traversera les merveilles de Dieu avec le sentiment seulement de son néant. – Et il n’est pas surprenant, mes chères soeurs, que la sainte Vierge ait senti cet étonnement, cette admiration en présence de la grâce. Elle savait le prix infini de la moindre grâce, or elle qui déjà était pleine de grâce, elle ne croyait pas pouvoir se contenter de celles qu’elle avait déjà reçues, mais elle acceptait toute joyeuse et pleine d’admiration les nouvelles visites de Dieu à son âme. Elle est encore une fois comme toute surprise aux paroles de l’ange, parce que Dieu s’abaisse encore une fois vers elle.

C’est là, mes soeurs, la première disposition qui convient à notre âme pour correspondre à la grâce, c’est d’en avoir une très haute idée et une grande estime. Et en vérité la grandeur de la grâce, c’est l’immensité même de Dieu. On parle de la puissance du Dieu créateur dans la Création du monde, et en effet c’est là un acte merveilleux de son pouvoir. Mais la moindre grâce est un acte plus merveilleux encore puisque c’est l’acte par lequel Dieu se communique à une âme. C’est comme une inclination de la Trinité adorable vers une âme pour lui donner quelque chose de sa nature divine. C’est un acte plus prodigieux de la toute-puissance de Dieu que celui par lequel il a jeté dans l’espace les mondes que nous y admirons. Car pour venir jusqu’à sa créature et pour s’y incarner en quelque sorte de nouveau, il faut à Dieu un acte de volonté plus puissant, plus grand que dans la Création. Aussi la sainte Vierge convaincue de cette grandeur des opérations de la grâce est toute pénétrée d’adoration et de surprise. Et c’est l’attitude qui convient à toute âme aux approches de la grâce. Comprenez-vous que la grâce de Dieu venant solliciter une âme, cette âme soit distraite, dissipée, absorbée par d’autres préoccupations, qu’elle se laisse aller à la liberté de discuter si elle la recevra et dans quelle mesure elle y répondra ? Comme cette âme a peu l’idée de la grandeur des opérations de la grâce et de l’adoration profonde avec laquelle il convient de la recevoir!

Saint Thomas définit la grâce le commencement de la vie divine en nous, une opération qui établit en nous le germe de la vie éternelle, une vie éternelle commencée: Gratia est vita aeterna inchoata. Et dès lors comme il faut recevoir les visites de la grâce avec étonnement, avec admiration, avec reconnaissance. St Bernard dit de la Vierge Marie Gratiam quaesivit, elle a cherché la grâce, quaesita invenit, et à cause de cela elle l’a trouvée, et inventa aliis perfundit, et l’ayant trouvée elle cherche à la donner à tous. C’est là encore une préoccupation de l’âme en présence de la grâce: Comment en fera-t-elle profiter les autres ? Chaque grâce en effet est envoyée du ciel pour l’Eglise toute entière, et pour servir à tous, quelque soit le canal par lequel elle passe. C’est là le grand principe de la communion des Saints dans l’Eglise, de la réversibilité des grâces et des mérites; de telle sorte qu’une grâce n’est donnée à un membre de l’Eglise que pour contribuer au salut de tous, à la vie de l’Eglise universelle, et que nous avons à répandre sur d’autres les trésors que Dieu verse en chacune de nos âmes.

La Très Sainte Vierge était préoccupée de tout cela, elle savait qu’elle recevait le salut pour tous, et dans cette préoccupation généreuse, cette préoccupation catholique, si j’ose dire, elle pensait à nous tous et acceptait la grâce pour nous. Ah! mes Soeurs, comme il importe d’attacher cette importance souveraine aux moindres grâces, d’écouter avec une adoration attentive les moindres inspirations de l’Esprit de Dieu, que ces inspirations regardent une action petite ou grande, peu importe, ce qui importe c’est de les accepter toujours avec une fidélité parfaite parce que vous ne pouvez pas calculer les suites que votre acceptation ou votre refus de la grâce peut avoir et dans votre âme et pour les âmes des autres.

Et c’est pourquoi l’âme de la très Sainte Vierge en face de cette grande responsabilité se sent comme émue de crainte, et l’ange est obligé de la rassurer: Ne timeas, Maria, ne craignez pas. St Thomas nous avertit qu’il y a plusieurs sortes de craintes. La crainte mauvaise, qui est celle des âmes mondaines et qui est l’effet du péché résidant dans leur mauvaise conscience. – La crainte servile qui ne se tient au service de Dieu que comme des esclaves qui redoutent le châtiment et obéissent par peur d’être punis. – La crainte initiale, où le coeur partagé entre Dieu et le monde, commence cependant à l’aimer et qui est en l’âme comme le commencement et le principe de la Sagesse et de l’amour. – Et enfin il y a cette crainte parfaite qu’il nomme Timor castus. La crainte aimante et chaste de l’Epouse qui ne craint plus qu’une chose, c’est de déplaire à son Epoux céleste. Timor castus, ah! voilà bien la crainte de la Sainte Vierge, elle craignait de déplaire à Dieu, car enfin elle savait bien qu’elle lui avait voué sa virginité et on lui parlait de devenir une mère divine, et elle craignait de manquer à son voeu et d’encourir le déplaisir de son Dieu. Elle craignait jusqu’à ce que l’ange messager de Dieu réponde à ses doutes Ne timeas, Maria, invenisti gratiam, ne craignez point, Vierge très pure, vous avez trouvé grâce devant Dieu. Et alors il se fit en elle un grand calme, une paix ineffable. Toute crainte a disparu.

Cette crainte chaste, mes Soeurs, il convient que l’âme la ressente quand elle reçoit une visite de la grâce, car enfin toute inspiration ne vient pas de Dieu; trop souvent l’ennemi de nos âmes prend les apparences du bien pour la tromper. Comment saurons-nous discerner entre Dieu et le démon, entre la grâce et notre nature ? La Très Sainte Vierge attend que le messager divin ait parlé et quand, à sa réponse, il se fait sur elle le calme et la paix, elle est rassurée. Car l’inspiration divine produit toujours la paix. Voilà le signe certain qui la fait reconnaître, mes Soeurs, et quand cette crainte chaste s’élèvera dans vos âmes, respectez-la et n’allez au devant de la visite de Dieu que comme les vierges sages, la lumière de votre ange vous guidant et éclairant votre discernement. Si l’inspiration intérieure, après avoir ému votre âme d’un certain effroi, d’une épouvante même passagère, y laisse enfin la paix, c’est de Dieu qu’elle vient. Ne craignez pas.

Saint Antoine, ce grand serviteur de Dieu, qui eut tant de combats à soutenir contre les assauts de l’esprit mauvais se transformant en ange de lumière pour le tromper, St Antoine nous avertit que si le trouble, l’épouvante dure et se prolonge, ce n’est pas la voix de Dieu qui a parlé. Quand, au milieu de vos oeuvres, de vos élans vers le bien vous sentez cette inquiétude, cette peur, ce trouble, ah! prenez garde, vous n’agissez pas sous l’impression de Dieu.

Allez donc pour éclairer votre âme, pour rassurer ses doutes et dissiper ses craintes, allez au messager de Dieu, comme Marie s’adressa à l’ange. Ayez recours à ceux que Dieu a mis en sa place au dessus de vous pour entendre leur réponse. Et s’ils vous disent Ne timeas, ne craignez pas, c’est bien la grâce que vous avez trouvée. – Recevez cette parole comme la voix de Dieu même et allez en paix ouvrant votre âme tout entière à l’inspiration. Sans cela votre crainte ne serait plus une crainte chaste, elle serait mêlée d’idées humaines. Jusque-là vous avez pu sentir votre âme comme dans l’effroi, car lorsque la grâce de Dieu visite l’âme, il n’est pas étonnant que la créature humaine soit comme bouleversée. Quand l’Esprit de grâce descendait au Cénacle sur les Apôtres, ne se manifesta-t-il pas d’abord comme par une secousse violente qui plongea les apôtres dans un étonnement plein d’effroi. – La grâce c’est Dieu qui descend d’en haut et qui vient prendre possession de votre âme; qu’elle soit effrayée un instant, passe encore, mais qu’elle ne craigne pas Ne timeas, car cette grâce divine vous aidera toujours à faire ce qu’elle vous demande.

Mais poursuivons. Aussitôt qu’elle a reconnu la visite de Dieu, la Sainte Vierge se donne sans hésiter à la grâce parce qu’elle croit à son efficacité. Il faut croire que la grâce sera efficace en votre âme, et quand elle se présente, il ne faut pas se tenir comme dans une attitude de méfiance vis-à-vis d’elle. Ce qu’elle exige de vous, croyez qu’elle le fera et livrez-vous à son action sans crainte.

Voilà que la retraite vous demande un changement, une conversion plus parfaite de votre âme à Dieu, il faut que ce soit un changement éternel, que votre âme soit à jamais établie dans cette disposition plus sainte, que le règne de Dieu se fixe dans votre âme –Regnum Dei intra vos est– Et puisque le grâce vous le demande, il faut y consentir avec la même promptitude que la Très Sainte Vierge mit à répondre à l’ange : Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum » – Voici la servante du Seigneur, que sa parole s’accomplisse en moi. Ce qu’il me demande, je le veux et je le voudrai toujours. Et ne dites pas: Mais j’ai peur de ne pas persévérer jusqu’à la fin. Ne vous préoccupez pas d’un avenir qui n’est pas à vous. Que savez-vous si Dieu vous reprendra à Lui bientôt ou plus tard. Et que ce soit un avenir de 8 jours ou de 10 ans, qu’importe, cet avenir ne vous appartient pas, encore une fois, et vous n’avez pas à répondre à Dieu des moments qu’il ne vous donnera peut-être jamais. Donnez-vous à la grâce sans l’ombre d’un retardement. Voyez la Sainte Vierge, elle est prompte comme l’éclair à consentir à la visite de la grâce. Ecce ancilla Domini. Dites comme elle, consentez pleinement à toutes les inspirations divines, suivez sans crainte la grâce dans tous les sentiers où elle vous mène, et ne vous permettez jamais de discuter, de disputer avec Dieu.

St Bernard fait remarquer que ce fut un moment solennel que celui où, l’ange ayant parlé, Marie allait lui répondre. Le ciel tout entier était attentif, la Trinité Sainte attendait le consentement de la Vierge pour accomplir ses plus adorables mystères d’amour, la Terre semblait tressaillir dans l’attente du mot qui lui apporterait le salut. L’enfer lui-même, au plus profond des abîmes, tremblait d’effroi. Satan se sentait comme atterré dans l’attente de ce mystère qui devait briser sa puissance et lui enlever les âmes dont il faisait sa proie. Il sentait que tout était perdu pour lui et que le règne de Dieu allait s’établir sur les ruines du sien propre. Ah! en vérité, c’était un moment solennel et décisif pour le monde.

Mes Soeurs, quand la grâce vous visite, c’est aussi un moment solennel. Au ciel, Dieu, les saints et les anges vous regardent avec émotion. Vos soeurs qui vous ont précédé là-haut, les âmes bien chères qui vous attendent dans la gloire, sont attentives et fixent leurs regards sur vous, attendant l’issue de la visite d’en-haut à votre âme. – Sur la terre, la Sainte Eglise de Dieu attend avec anxiété votre réponse pour savoir si elle doit se réjouir ou s’attrister. Vous ne savez pas quelle perte vous pouvez lui causer par votre infidélité, quel secours lui apporterait votre fidélité. Une seule d’entre vous devenant une sainte pourrait obtenir le triomphe de l’Eglise, le terme de ses épreuves et de ses persécutions, un immense accroissement d’amour et de sainteté pour l’Eglise catholique tout entière. Et une grâce bien reçue peut être pour vous le principe de toute sainteté. – Et au fond des enfers aussi, il y a une attente inquiète. Car là-bas aussi on désire votre âme. Et après la volonté infinie de Dieu qui la veut dans son amour, elle n’excite nulle part des désirs plus ardents, plus violents que ceux qui dans l’enfer sont nourris par la haine. Il tremble de perdre votre âme pour jamais, car il voit que si cette grâce est acceptée, vous voilà plus fortement, plus indissolublement à Dieu et hors de ses atteintes méchantes. Il sent que s’il pourra bien encore vous faire quelque égratignure, il ne pourra plus jamais vous infliger de ces blessures qui lui permettraient d’espérer que votre âme serait un jour en sa puissance, ne fut-ce même que pour un temps dans le purgatoire.

Ah! mes Soeurs, c’est en vérité un moment bien solennel. – Pour une inspiration sainte, petite même, que vous négligeriez, ne voyez-vous pas que l’Esprit-Saint se retirerait triste, désolé ? – N.S. vous attend dans cette retraite, il sait que si vous êtes fidèle, c’en est fait, vous appartiendrez pour toujours à Dieu, vous serez toute à Lui. Ah! n’hésitez pas, donnez-vous comme la Sainte Vierge s’est donnée dans la promptitude et la plénitude du consentement le plus entier. Quand avec une soumission pleine d’amour, elle acceptait ces mystères insondables, elle acceptait la volonté de Dieu tout entière et sans excepter rien des sacrifices qu’il faudrait faire en conséquence. Et c’est là, mes Soeurs, la dernière et la plus parfaite disposition que la grâce doit trouver en nous, la générosité.

La volonté de Dieu vous imposera des sacrifices, c’est très certain, ah! dites-lui que vous lui donnerez tout ce qu’il vous demandera. Lorsqu’il fut dit à la Très Sainte Vierge :Concipies et paries Filium, vous enfanterez un fils, elle prévit toutes les conséquences douloureuses et humiliantes pour elle qui devaient en résulter. Car elle était vierge et elle devait devenir la mère d’un enfant divin. Et ce mystère adorable ne devait-il pas l’exposer aux soupçons, très justes mais très humiliants pour elle de Joseph. Et ensuite elle devait être rebutée et repoussée de partout à cause de ce très saint Enfant, et c’est à peine si elle pourrait obtenir pour lui une humble crèche abandonnée. Elle devrait demander comme une aumône les pauvres langes dont elle le couvrirait, jugez ce que devait souffrir Marie qui savait que cet enfant était Dieu et qui l’aimait avec tous les trésors d’adoration et d’amour que son coeur de mère pouvait contenir. – Elle accepte tout, dans son consentement elle n’a rien réservé, rien excepté.

Ainsi, mes Soeurs, acceptez les visites de la grâce avec toutes leurs exigences, avec toutes leurs conséquences. Elle vous demande d’enfanter Jésus-Christ dans vos âmes d’une manière toute mystérieuse mais très réelle. Il ne faut pas vous bercer de l’illusion que ce sera sans de grandes souffrances. Il ne faut pas vous dire que parce que vous avez déjà reçu bien des grâces, vous n’aurez plus rien à sacrifier à Dieu. Plus la grâce nous visite, plus notre âme sent le besoin de se purifier, plus elle doit se livrer à l’action purifiante de la grâce. Acceptez donc tous les sacrifices qu’elle vous imposera et qui seront d’autant plus douloureux qu’elle sera entrée plus puissante dans votre âme.

Et quand viendra l’heure des ténèbres, des doutes, des angoisses, vous vous souviendrez de la lumière reçue auparavant et qui a illuminé votre consentement libre et entier. – Vous direz à Dieu: Mon Dieu, quand j’ai choisi de vous suivre dans la lumière de votre grâce, j’ai voulu tous vos desseins sur moi, j’ai dit que je marcherai dans toutes vos voies, je vous ai dit sans réserve: Prenez mon âme, embrasez-la, consumez-la. Ce que j’ai dit alors dans la lumière de votre grâce, Seigneur, je le redis aujourd’hui dans toute l’énergie de ma volonté, je me suis donnée alors, je me donne et je me redonne encore à chaque instant. Et c’est ainsi que la conversion de votre âme s’établit d’une manière définitive et complète.

C’est ainsi que Jésus enfanté dans votre âme, y vivra à jamais comme il vivait en Marie après le mystère de l’Incarnation. Ouvrez-lui donc votre âme sans crainte et sans réserve. Ah! dans ces temps malheureux où nous vivons, Jésus n’est-il pas chassé de partout, l’Eglise comme une mère pauvre et affligée se voit refusée partout quand elle veut enfanter Jésus dans les âmes; toutes les portes se ferment, où Jésus-Christ se réfugiera-t-il ? Ne dites pas que votre âme est indigne. Elle n’est pas plus indigne que la pauvre crèche, que l’étable de Bethléem. Et en vérité, trop peu d’âmes consentent à recevoir l’Enfant-Dieu et à lui donner asile pour que, quelque pauvre et froide, et misérable que soit la chétive crèche de votre coeur, il n’y entre pas avec joie.

Acceptez-le donc, mes Soeurs, recevez le saint Enfant Jésus et dans le secret de vos âmes vous entendrez les chants des anges: Gloria in excelsis Deo, Gloire à Dieu au plus haut des cieux, parce que vous avez fait sa volonté, et les anges diront encore: Pax hominibus bonae voluntatis, Paix à l’âme de bonne volonté qui s’est livrée comme la Très sainte Vierge à tous les désirs de Dieu. Et le ciel et la terre se réuniront pour vous dire: Ave gratia plena*, Salut, ô vous qui avez reçu la grâce, parce que vous avez cru à son efficacité, voici que s’accompliront en vous les merveilles promises à celles qui reçoivent la grâce de Dieu comme la Très Sainte Vierge.

Notes et post-scriptum
1. Cette instruction existe en deux versions, celle du cahier DQ 352 (p.95-105) et celle du ms DQ 353 (20 pages). L'écriture, plutôt masculine, de ce dernier est autre que celles du cahier. En tête du manuscrit une main postérieure a écrit au crayon "4 septembre". Les différences entre les deux versions sont minimes et de pure forme, le cahier étant par exemple plus prodigue de majuscules et d'abréviations.