Aux Religieuses de l’Assomption

sep 1877 Auteuil RA
Informations générales
  • Aux Religieuses de l'Assomption
  • Retraite - du P. Emmanuel Bailly - attribuée au P. d'Alzon (septembre 1877)
    Quatrième jour - Sur la dépendance et l'abandon (Troisième instruction)
  • DQ 352, p.105-117 (cahier d'auditrices anonymes).
Informations détaillées
  • 1 ABANDON A LA MISERICORDE DE DIEU
    1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 AMOUR DIVIN
    1 AUGUSTIN
    1 BAPTEME
    1 DIEU LE FILS
    1 DIEU LE PERE
    1 FIDELITE A L'ESPRIT DE LA REGLE
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 GRACE
    1 IMITATION DE JESUS CHRIST
    1 JESUS-CHRIST MODELE
    1 LUTTE CONTRE LE MONDE
    1 MORT
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 PAUVRETE DE JESUS-CHRIST
    1 PORTEMENT DE LA CROIX PAR LE CHRETIEN
    1 SAINT-ESPRIT
    1 SAINTETE
    1 SAINTS
    1 SIGNE DE LA CROIX
    1 SIMPLICITE
    1 TRINITE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VERTU DE PAUVRETE
    1 VIE DE MARIE
    1 VIE DE SACRIFICE
    1 VIE RELIGIEUSE
    1 VOEU D'OBEISSANCE
    1 VOEU DE CHASTETE
    1 VOEU DE PAUVRETE
    1 VOEUX DE RELIGION
    1 VOIE UNITIVE
  • Religieuses de l'Assomption
  • RA
  • septembre 1877
  • sep 1877
  • Auteuil
La lettre

Pater sicut tu in me et ego in te unum sumus, ita et ipsi in nobis sint.

Hier, après avoir parlé de la prière, je vous ai indiqué l’esprit de prière, et comme sa prolongation pour l’intimité habituelle avec N.S. De même ce soir après vous avoir parlé de vos rapports généraux avec la grâce, il est bon de vous dire quelle est la disposition par laquelle vous serez dans une disposition continuelle à recevoir la grâce; la disposition par laquelle vous pourrez offrir à l’esprit de Dieu les conditions ordinaires selon lesquelles cet esprit divin sera incliné à se communiquer à vous.

A l’intimité avec J.C. correspond dans l’ordre de nos rapports avec l’Esprit St une disposition d’abandon et de dépendance. Il faut que nous ayons à l’égard de Dieu cette disposition d’abandon absolue, entière, universelle, qui enveloppe toute notre vie, pénètre notre esprit et toutes ses intentions, n’y laissant plus rien qui ne dépende de Dieu. Disposition d’abandon total de votre volonté et de vos sentiments, abandon sans réserve à l’égard de tous les événements qui concernent vous ou le prochain. Voilà l’esprit par lequel vous devez répondre au divin Esprit. Si du matin au soir vous offrez à son action cette disposition constante, soyez sûre que la grâce affluera dans votre âme et que vous y recevrez une surabondance des bénédictions de Dieu, parce que son St Esprit prendra en vous ses divines complaisances.

Il faut que cette dépendance, cet abandon soit aussi étendu que possible. Pourquoi? p.c.q. Dieu est un, et la grâce c’est Dieu qui se communique. Or Dieu étant un, pour se communiquer à nous, a besoin de trouver l’unité. Lui est l’être simple et un par excellence, il veut rencontrer dans notre âme une unité, une simplicité qui corresponde à sa simplicité divine. Et cela pas seulement dans un élan passager, dans un effort actuel, mais dans une disposition constante, dans une habitude que Dieu y rencontre toujours et qui rende cette âme une et simple, faisant l’unité dans ses intentions, l’unité dans ses désirs, l’unité dans ses sentiments, l’unité dans ses pensées.

Quel sera le moyen d’unifier, de simplifier ainsi notre âme, de résumer en une seul toutes les pensées de la journée, de réduire à l’unité tous vos actes ? C’est cette disposition de dépendance et d’abandon qui vous fera dire à Dieu: Mon Dieu je veux dépendre de vous en toutes choses, je ne veux que ce que vous voulez, et rien en dehors de votre volonté divine. Il y a là un acte difficile à accomplir à chaque action nouvelle de la journée, mais si dès le matin vous renouvelez en vous cette disposition de dépendance et d’abandon, afin qu’elle enveloppe toute votre vie d’une unité parfaite d’intention et de but, si vous dites: Mon Dieu, je veux faire tout pour vous seul, c’est vous seul qui êtes ce terme simple, unique où tendent toutes mes pensées, ce but exclusif de tous les autres et que je veux poursuivre uniquement. Si vous dites cela et que par cela vous vous attachez à Dieu seul comme à un but suprême qui n’en admet pas d’autre, voyez comme par là vous ramenez sans cesse votre esprit vers Dieu, non pas vaguement et d’une manière générale, mais pratiquement et dans tout ce que vous faites. Que tout en moi, mon Dieu, soit pour vous et pour vous seul, et si tout est pour vous, faites que tout soit digne de vous. Répétez fréquemment cet acte et vous chasserez ainsi tout ce qui embarrasse votre âme dans sa vie, tout ce qui l’encombre. Quel abîme creusé pour que Dieu puisse s’y précipiter avec une grâce surabondante! Dans cet abandon que vous faites librement de toutes choses pour Dieu, Dieu éprouve le besoin de se livrer à vous plus librement, de se donner plus complètement, plus entièrement, plus universellement dans la perfection de son unité, de sa simplicité absolue. Vous êtes comme remplie de Dieu et la grâce surabonde en votre âme.

Voilà la première condition à remplir pour vous tenir sous l’action de la grâce: l’unité de vues, la simplicité de la volonté. La vie de la Ste Vierge n’a pas été autre chose. Voyez comment elle est absorbée dans l’unité de Dieu, dans l’unité d’intention, de vues, dans la simplicité de volonté toujours une avec celle de Dieu. C’est la vie des Sts et des Stes. Leur effort, leur action tendait toujours avec une violence comme inexprimable vers Dieu, l’unité suprême, pour s’y perdre eux-mêmes de telle sorte que Dieu soit le maître unique de leur vie. La Vérité éternelle l’a dit: « Nul ne peut servir deux maîtres ». Et parce que Dieu est notre seul maître à tous les instants du jour, tous vos moments doivent lui appartenir d’une manière absolue. Par vos actes, par vos pensées,par vos intentions, toujours et partout c’est Dieu seul que vous devez servir; que chaque instant vous trouve dans une dépendance complète, absolue de lui seul. Non dans la dépendance de votre amour-propre, de votre volonté propre, ce n’est pas à vous-même que vous appartenez. Et ce n’est pas seulement vous-même que vous devez quitter par un abandon et une dépendance totale, mais il y a le monde extérieur, les créatures, Satan. Tout cela, ce sont des maîtres qu’il ne faut pas servir. L’unité de Dieu votre maître exige l’unité dans la dépendance.

Vous me direz: mais c’est difficile, comment en arriver là ? Considérez, mes Soeurs, la vie des Sts, et voyez comme ils ont travaillé avec effort à ce but unique. Pas plus qu’eux, vous n’y arriverez du premier coup, c’est l’oeuvre de toute votre vie religieuse. C’est, nous le disions, la perfection de l’amour poursuivie par la perfection du sacrifice. Nous parlions hier du sacrifice, de l’immolation, voilà l’immolation excellente que Dieu attend de vous. Immolation non point en paroles, mais en acte, non point passagère, mais permanente. Comme religieuses vous êtes des victimes. Acceptez cet état de victimes, soyez victimes en toutes choses, à tout instant par cette dépendance complète qui absorbe votre vie tout entière et ne vous laisse qu’une pensée, celle d’être et de rester jusqu’au dernier instant les victimes de Dieu.

Travaillez, mes Soeurs, à atteindre ce but magnifique de confondre en quelque sorte votre être tout entier avec l’Etre de Dieu. Encore une fois vous ne l’atteindrez pas tout d’un coup. Mais qu’y a-t-il de plus digne de nos efforts, de plus beau, de plus désirable ? Etre un avec Dieu, c’est la vocation de tous les Chrétiens, car c’est de tous que parlait N.S. en disant à son Père: Ut sint consumati in unum. Mais pour vous, mes Soeurs, c’est une vocation spéciale, et vous pouvez dans votre vie religieuse l’atteindre par une dépendance plus complète. Au lieu donc de vous décourager, de vous effrayer, gagnez du terrain chaque jour; dépendez tous les jours un peu plus de Dieu, et vous verrez combien cela est bon pour lâme, comme elle y puise une facilité merveilleuse à faire le bien, car plus l’âme se vide d’elle-même, plus Dieu y entre, et plus Dieu avance dans une âme, plus ses vertus naturelles se transforment, plus elle apprend à maîtriser ses impatiences et son activité propre, plus elle sent profondément les atteintes de la grâce divine et plus elle reçoit ici-bas comme l’avant-goût du ciel.

Mais allons plus loin. Dieu, fait observer St Augustin, Dieu est un, mais en même temps il est trois. Il est unité, mais aussi Trinité. Un en trois personnes: Père, Fils et St-Esprit. Il est bon, mes Soeurs, pendant une retraite de renouveler au pied de l’autel les promesses de votre baptême, de reprendre l’influence, l’action de la Ste Trinité sur toute votre vie. Au jour de votre baptême, l’Eglise l’a fait pour vous; au jour de votre 1ère Communion, vous avez ratifié ces promesses, vous avez, peut-être sans grande conscience de vos engagements, renoncé à Satan et choisi Dieu pour lui appartenir. Pendant cette retraite, il est bon de renouveler vos saintes promesses, il est bon de se rappeler la bonté infinie de Dieu, votre Créateur et votre Père qui a dit en vous créant: « Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. Or c’est surtout au Baptême qu’Il a réalisé cette divine parole. Vous êtes les enfants de Dieu, et Dieu vous a marquées au sceau des trois personnes divines. Le Père a imprimé en vous l’image de sa puissance; le Fils, le Verbe du Père, a imprimé en vous l’image de sa sagesse, Lui, la Parole éternelle; le St Esprit, l’image de sa Sainteté. Est-ce que cette marque imprimée sur nos fronts et par la main du prêtre est un caractère extérieur ? Est-ce une lettre morte ? Non, non, cette image est imprimée au plus intime de notre âme, elle doit y grandir et s’y développer sans cesse. Vous devez travailler à la rendre chaque jour plus ressemblante à son divin original, mais seules, vous ne le pouvez pas, il vous fallait un secours divin, c’est pourquoi Dieu vous a donné la grâce destinée à achever la similitude de l’image avec le modèle.

Comment faciliter ce travail, comment aider la grâce ? En dépendant d’elle, en dépendant du Père, du Fils et du St Esprit d’une manière absolue; le Père, c’est la puissance; il faut dépendre de la puissance de Dieu en s’efforçant de lui offrir tous vos actes, toutes vos oeuvres. En commençant une oeuvre, mettez-la sous la dépendance de Dieu et dites: elle ne sera que par la gloire de Dieu. Et commencez toutes vos actions au nom du Père, au nom de la puissance qui m’a créée et qui seule me donne le pouvoir d’agir. Donc, j’agirai toujours dans la dépendance du Père, car je veux travailler à renouveler et à perfectionner en moi son image et je ne peux y aider que par une dépendance constante.

Je dépendrai encore du Fils, qui est la Sagesse, la Parole du Père; cette Parole du Père, c’est la loi vivante et quelle loi ? Il dit lui-même: « Mon Père, vous n’avez pas voulu d’holocaustes, mais j’ai mis votre loi au milieu de mon coeur ». C’est la loi du sacrifice, c’est ma Règle. J’en dépendrai entièrement. Je m’abandonnerai à l’action de ma Règle, aux exigences de ma Règle, avec l’esprit du Fils: Deus meus volui, et legem tuam in medio cordis mei, volontairement et en la voulant comme Lui jusqu’au bout. Pas seulement par le dehors et comme fatalement, p.c.q. je n’ose pas m’y soustraire, mais j’en dépendrai de coeur et j’appliquerai toutes mes facultés à accomplir et l’esprit et la lettre de ma Règle, l’esprit surtout. Elle sera comme mon Evangile de tous les instants, la parole vivante et divine avec laquelle je me sacrifierai à Dieu. J’attirerai sa grâce en abandonnant ainsi ma volonté aux détails comme à l’ensemble de ma Règle. Ce sera pénible quelquefois, ma croix sera lourde à porter. La croix de Jésus a été plus lourde. Je veux porter le joug du Fils de Dieu. Mon plaisir, mon bonheur, c’est de dépendre de Lui et de porter son joug. Je l’ai choisi, je l’aime. Peu m’importe ce qu’il m’impose dès que c’est Lui qui me l’impose. Son joug est doux, et vraiment son fardeau est léger, aussi le porterai-je, non par force et avec tristesse mais librement et avec joie, p.c.q. je l’ai voulu, je le veux et le voudrai toujours.

Voilà, mes Soeurs, comment renouveler en vous votre baptême. Ce jour-là, non seulement le voix du Père céleste s’est fait entendre, vous adoptant pour ses enfants de prédilection, mais l’Esprit St, la colombe divine a reposé sur votre tête. Le Baptême a été pour vous le canal de toutes grâces. Pour cela il faut encore que vous dépendiez de la Sainteté de l’esprit de Dieu. Il y a, mes Soeurs, des choses que la Règle ne prévoit pas et qu’elle n’ordonne pas. Il y a tout un ensemble de sainteté qui ne réside pas dans la Règle proprement dite. Pour y arriver, quel est le moyen ? Etre attentive et docile à toutes les inspirations de la grâce, grâce multiforme de l’esprit divin qui se donne sous une infinité de formes, multiformis, grâces variées et multiples qu’Il répand sur les âmes donnant sans cesse aux unes et aux autres de nouveaux dons, Spiritus multiplex. Il faut entendre la voix de l’Esprit St dans un recueillement continuel, car la Sainteté qu’il veut former en nous est de tous les instants.

Ah! qui pourra dire toutes les recherches délicates de l’Esprit de Dieu, qui pourra sonder la profondeur de ses desseins sur les âmes, qui pourra dire les trésors de son amour. Comment y avez-vous répondu ? Quelque chose que la grâce ait demandée, votre conscience a-t-elle toujours été là en éveil pour répondre par une dépendance absolue, sans retardements, sans calculs, sans réserve ? Ah! du moins dans ces jours de retraite, écoutez dans l’intime de votre âme ce que la Sainteté de l’esprit divin vous demande, et si jusqu’à ce jour vous n’avez pas dépendu assez complètement de ses sollicitations pleines d’amour, soumettez Lui aujourd’hui votre âme tout entière, en lui offrant la dépendance, l’abandon sans limite de votre intelligence et de votre volonté. Cette dépendance merveilleuse est le grand secret de la perfection, elle ne sera pas pleine, ni parfaite ici-bas; au ciel seulement quand l’âme sera absorbée en Dieu, elle atteindra ce but qu’elle poursuit de ses efforts, mais il faut y travailler, avancer peu à peu dans cette voie, augmenter chaque jour votre vie d’union à Dieu et il ne faut jamais dire: Je renonce à poursuivre avec ardeur une plus noble entreprise, p.c.q. je ne puis pas y arriver tout de suite.

Donc, il faut dépendre du Père, puissance, en lui consacrant tous ses actes; du Fils, Loi éternelle, en m’attachant de coeur à l’observation filiale de ma règle; de l’Esprit de Sainteté en accueillant avec une docilité pleine de respect les inspirations intérieures de sa grâce.

Mais comment pratiquer cela au jour le jour et le long de ma vie ordinaire ? Quand vous faites le signe de la croix, et vous le faites si souvent, pourquoi le faire sans attention et d’une manière toute de routine ? Le signe sacré vous rappelle votre baptême, en l’imprimant sur vous, c’est votre baptême que vous répétez. De même le baptême a commencé votre vie en le commençant au nom du Père, du Fils et du St Esprit, ainsi en commençant toutes vos actions, oeuvres extérieures, prières, offices, oeuvres de charité, que tout commence et s’accomplisse dans cette triple dépendance du Père, du Fils et du St Esprit.

Mais il y a un autre baptême que vous avez reçu, celui de la vie religieuse. Et même si vous n’avez pas été purifiées par ce grand et solennel baptême dans la profession, n’est-ce pas déjà un baptême que cette inspiration de Dieu qui vous a poussées à entrer au couvent, à vous donner à Dieu et à recevoir l’habit religieux ? N’est-ce pas encore un baptême à l’entrée de cette vie nouvelle que l’on entreprend ? Et enfin, par dessus tout, la Profession, ce grand renoncement, cette consécration décisive de tout votre être à Dieu, or par la dépendance à l’égard de Dieu, vous renouvelez perpétuellement vos voeux.

On réfléchit souvent sur la manière d’accomplir plus parfaitement ses saints engagements. Rappelez-vous, mes Soeurs, qu’il y a un de vos voeux qui les résume tous, de telle sorte que dans les anciens ordres, on ne faisait que ce seul voeu, c’est celui d’obéissance. Et qu’est-ce que l’obéissance, sinon la dépendance totale de la volonté à l’égard de Dieu ? Ah! mes chères Soeurs, à partir de cette retraite, ayez la passion de l’obéissance à Dieu et à ceux qui le représentent. Soyez obéissantes avec une loyauté, une sincérité comme infinies. Que votre obéissance s’élève à hauteur de celle de J.C., fait obéissant pour nous jusqu’à la mort et à la mort de la croix. Que votre obéissance s’étende à tout, qu’elle ne faiblisse et ne défaille jamais. Obéissance intérieure et extérieure, obéisance de jugement, d’intelligence, de volonté! Oh! alors, comme la grâce de Dieu sera attirée vers vous, comme l’esprit d’abandon et de dépendance vous deviendra plus facile!

Quand vous vous serez mise dans cette disposition habituelle de renoncer à votre volonté, de la sacrifier sans égard aux répugnances et aux difficultés, votre volonté s’habituera peu à peu à des sacrifices d’un ordre plus élevé. Dieu la conduira à de plus grandes choses, et vous deviendrez une religieuse parfaite, l’obéissance vous conduira à la perfection par la voie la plus rapide.

Les autres voeux, la pratique des règles deviennent faciles et viennent se ranger comme d’eux-mêmes sous l’obéissance. Par elle vous renouvelez votre voeu de pauvreté. La Pauvreté, c’est le détachement des créatures, des choses de la terre, des plaisirs, des facilités de la vie, le dépouillement de vous-même. C’est au pied de la crèche que chaque année vous venez renouveler ce voeu. Vous venez dire à J.C. que vous voulez rester pauvres pour imiter sa sainte pauvreté. Qu’il est bon de protester par l’esprit de pauvreté contre l’amour des richesses, contre l’attachement aux biens de la terre qui domine aujourd’hui et de venir saluer comme votre roi l’enfant divin dans sa pauvreté et sa misère! Mais ne vous contentez pas, mes Soeurs, de ce renoncement extérieur. J.C. ne s’en contente pas, s’Il ne voit pas en vous d’abord l’esprit de pauvreté dans une parfaite dépendance intérieure. Soyez pauvres en vous, pauvres de vous-mêmes, dépouillées de toute propriété intérieure sur vous-mêmes. Et comme Lui s’est dépouillé de sa majesté pour prendre notre nature et se faire notre serviteur, laissez-vous dépouiller de tout ce qui vous est personnel autant que faire se pourra afin d’être totalement la propriété de Dieu.

Enfin vous avez fait ou vous vous disposez à faire le voeu de chasteté. Je vous parlais ces jours-ci de l’esprit de chasteté. Qu’est-ce ? sinon la dépendance, l’abandon total de toute l’âme à Dieu. Les créatures ne me plaisent plus, mon Dieu, c’est vous, mon Dieu, que j’aime par dessus tout. Je vous ai choisi et je vous aimerai plus que tout le reste. Les créatures je les aimerai pour vous, comme vous le voudrez. Et si j’ai pour elle l’amour de charité que me commande votre loi, je n’aurai de tendresse véritable que pour vous. Vous seul, mon Dieu, vous seul, aurez l’empire définitif de mon coeur. A vous seul je m’abandonne, je n’irai jusqu’à l’intimité qu’avec vous. Vous avez, Seigneur, des charmes plus puissants que toute créature, et à cause de cela, je me livrerai à vous seul. Prenez toute mon âme et entraînez-la où vous voudrez, je m’abandonne à votre amour. Je ne connais pas l’avenir, je ne sais pas les souffrances, les humiliations qui m’attendent. Que m’importe, ô mon Dieu, je suis vôtre, je vous appartiens, vous m’avez tout donné, vous m’aiderez à tout vous rendre. Je ne veux qu’une seule chose, accomplir vos desseins et m’y abandonner plus parfaitement tous les jours. Voilà cet esprit d’abandon et de dépendance qui, unissant votre âme tout entière à Dieu, attire irrésistiblement l’amour de Dieu. Dieu est tellement attiré vers cette âme qu’il s’y précipite avec impétuosité, avec toutes ses grâces, avec sa puissance infinie, et alors de quoi cette âme ne se sent-elle pas capable ? Et que peut-elle craindre encore ? Elle est remplie de Dieu!

Et ne me dites pas: tout cela est très beau, c’est magnifique, mais quand je commence j’ai peur de ma faiblesse et de mes inconstances, j’ai peur de vouloir et de ne pas vouloir, et d’entreprendre au-delà de mes forces. Mes soeurs, n’ayez pas de ces terreurs, de ces effrois pusillanimes qui abattent le courage. Haec est voluntas Dei sanctificatio vestra. Entendez-le bien. Cette sainteté que je vous prêche, Dieu vous la commande. C’est la volonté de Dieu que vous vous sanctifiiez. Or vous le savez bien, Dieu ne peut pas vouloir et ne pas vouloir. Il ne peut pas vouloir l’impossible, vous obliger à des choses au-delà de vos forces. Il ne peut pas vous imposer ce que vous ne pouvez pas faire. Et sa volonté, c’est que vous soyez des saintes. Ne dites donc pas que c’est impossible, que c’est trop difficile. C’est la nature et la faiblesse de votre âme qui seules peuvent parler ainsi. Méprisez ces terreurs, allez à Dieu qui sollicite si puissamment votre âme, déposez à ses pieds vos effrois et vos épouvantes. Offrez-Lui et vos peines et vos craintes, et ellles se dissiperont peu à peu sous l’influence de sa lumière et de son amour.

Ah! mes chères Soeurs, il est un moment solennel où la lumière se fait dans l’âme. Quand arrivent les dernières heures de notre existence, quand nous apercevons les créatures pour la dernière fois, quand ce monde se retire et nous échappe, que l’éternité s’entrevoit et que nous avons comme le pressentiment des lumières divines, oh! alors comme nous sentons Dieu seul tout puissant reprendre tout son empire sur nous! Comme nous sommes prêtes à prendre notre essor vers Lui et à nous abandonner à Lui dans une confiance absolue! Si l’esprit tentateur vient alors vous parler de motifs de crainte et d’effroi, il ne pourra vous convaincre, vous sentez trop bien que Dieu est là et qu’il est assez puissant pour vous aider, et rien ne peut plus vous troubler. Dans cet anéantissement de votre être qui s’opère peu à peu, vous ne voulez plus des créatures, pas plus de leur souvenir qui pourrait vous troubler que de leurs consolations qui détourneraient un instant votre âme de Dieu à qui elle s’abandonne; elle ne veut plus entendre parler d’autre chose. Dans cette dépendance admirable, on sent Dieu qui s’approche, Dieu qui descend dans l’âme et qui s’en empare comme à l’avance, et tout semble facile alors.

Mes Soeurs, la vie religieuse est une mort aussi, une mort de chaque instant à la nature et au monde. Entrez donc dans cette disposition de séparation et d’abandon; exercez-vous à mourir tous les jours un peu plus à la terre, et à vous livrer tous les jours un peu plus à celui que vous voudrez seul alors. Alors le monde vous semblera si peu de chose, si digne de mépris; mais il est à présent le même. Donc, méprisez-le. Ce qui vous semblera méprisable à l’heure de la mort, n’aura pas changé et sera ce qu’il est aujourd’hui; méprisez-le et séparez-vous en. Ce qui vous sera facile alors, vous est facile maintenant, car Dieu qui vous aidera alors, ce Dieu il est toujours le même, et il vous aide aujourd’hui.

Et ne me dites pas: plus tard, plus tard! Ah! mes soeurs, que des mois, des années vous séparent de cette heure, elle approche, elle se hâte; et quand il s’agit de vous donner à Dieu, faut-il des retards, des hésitations ? Non, non, mes chères Soeurs, la vie est trop courte, l’éternité trop longue, et Dieu est trop grand, trop saint, trop bon, pour s’arrêter à calculer toujours avec Lui. Pour Lui vos journées sont un instant rapide. Ne descendez pas dans ces étroitesses, dans ces calculs timides et qui l’offensnet. Que tout en vous dépende absolument de Dieu, et de Dieu tout entier, de son unité et de sa Trinité adorable, de sa puissance, de sa sagesse, de son amour, de sa justice, de sa bonté. Et que renouvelant sans cesse dans cette dépendance parfaite votre consécration totale à sa divine Majesté, Dieu aussi renouvelle sans cesse la donation qu’il veut faire toujours plus complète de Lui-même à votre âme. Ainsi soit-il.

Notes et post-scriptum