Aux Religieuses de l’Assomption

sep 1877 Auteuil RA
Informations générales
  • Aux Religieuses de l'Assomption
  • Retraite - du P. Emmanuel Bailly - attribuée au P. d'Alzon (septembre 1877)
    Septième jour - Attachement à la chaire de St Pierre (Deuxième instruction)
  • DQ 355 (cahier de 24 pages).
Informations détaillées
  • 1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 AMOUR DE JESUS-CHRIST POUR LES HOMMES
    1 AMOUR DU PAPE
    1 AUGUSTIN
    1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 CHAPELET
    1 CIEL
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 EFFORT
    1 ENSEIGNEMENT
    1 EXTENSION DU REGNE DE JESUS-CHRIST
    1 FOI
    1 FORMES MONASTIQUES
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 INFIDELITE
    1 INTELLIGENCE
    1 LIVRES
    1 MAGISTERE
    1 OFFICE DIVIN
    1 ORAISON
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PERFECTION
    1 PLAN DE DIEU
    1 RELIGIEUSES DE L'ASSOMPTION
    1 SAINTETE DE L'EGLISE
    1 SAINTS
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRADITION
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VERITE
    1 VERTUS
    1 VIE DE PRIERE
    1 VOLONTE
    2 PIERRE, SAINT
  • Religieuses de l'Assomption
  • RA
  • Septembre 1877
  • sep 1877
  • Auteuil
La lettre

Ubi Petrus, ibi Ecclesia

En vous indiquant, hier, mes chères Soeurs, les moyens d’atteindre à la perfection de votre sacrifice, je vous ai signalé l’apostolat, le dévouement à l’Eglise et la dévotion à la Sainte Eucharistie. Il convient d’insister aujourd’hui sur un autre point, un de vos caractères fondamentaux, qui est votre attachement à la chaire de St Pierre, c’est-à-dire à la chaire de vérité, à la pureté de la doctrine catholique.

C’est un grand danger, mes chères Soeurs, qu’une vertu qui n’est pas établie sur une grande doctrine. La vertu ne doit pas reposer sur le sentiment, mais sur la vérité, car la vertu qui ne s’appuie que sur le sentiment risque beaucoup de faire un prompt naufrage. St Thomas dit: Voluntas consequitur intellectum. La vérité a besoin pour être soutenue, de s’appuyer sur une doctrine forte de vérité. Si elle n’est poussée que par le souffle du sentiment, elle ne peut pas aller loin, il lui faut le souffle puissant de la doctrine. Et d’ailleurs J.C. ne veut pas être mutilé en nous, il n’est pas seulement amour, mais il est vérité. Il faut l’accepter tout entier, et s’il convient de poursuivre J.C. amour avec tout notre coeur, il convient de poursuivre J.C. vérité avec toute notre intelligence. Il y a, dit St Augustin, des âmes fumeuses qui ne savent pas plaire à Dieu, parce qu’elles ne se nourrissent que d’une sentimentalité toute humaine, et ne voient pas qu’elles se cherchent elles-mêmes au lieu de chercher Dieu, âmes fumeuses qui ne font monter vers le ciel qu’une flamme tout obscurcie de je ne sais quellles vapeurs grossières, et qui ne saurait être agréable à Dieu. Quand c’est la vérité qui nourrit cette flamme de l’amour, elle est ardente, elle éclaire le monde.

Il faut, mes Soeurs, que votre flamme soit ardente et brillante, que votre âme soit tout illuminée de J.C. vérité, pour atteindre J.C. amour. C’est là la grande loi du monde spirituel. Quand dans la poursuite de la perfection il se glisse une idée fausse, on ne se fait pas une idée du mal que cela fait à une âme et des dommages infinis qu’elle en reçoit dans la pratique. Il importe de mettre à la base de nos efforts une doctrine sûre si nous voulons arriver loin et haut. Il est à remarquer que dans l’Eglise, après les grands conciles, il y a toujours eu une grande floraison de sainteté, et c’est tout simple, un grand épanouissement de vérité produit toujours un grand épanouissement d’amour. Après que les saints Docteurs ont fait resplendir la doctrine de nouvelles clartés, il s’est produit autour d’eux comme des multitudes de saints. Mais quand la vérité diminue parmi les enfants des hommes, alors il faut s’attendre à des crimes abominables parce que Satan reprend ses droits. Et si vous demandez pourquoi les saints ne sont plus parmi nous en aussi grand nombre qu’autrefois, je vous répondrai avec le psalmiste: « Defecit sanctus quoniam diminutae sunt veritates a filiis hominum ».

Mes Soeurs, votre congrégation doit être un foyer de vérité, il faut qu’elle porte partout J.C. à la fois amour et vérité. Il a dit: « Ego vita et veritas ». S’il est la vie, il est aussi la vérité par son Eglise et c’est pourquoi vous avez un attachement si profond à cette chaire de St Pierre, centre de la doctrine, attachement qui est encore l’un de vos cachets. Examinons comment il convient d’entretenir en vous cette pureté de la doctrine, par vos prières, par vos coutumes et vos usages religieux, et enfin par vos oeuvres.

Par la prière d’abord. Heureuses êtes-vous, mes Soeurs, d’avoir à réciter la seule véritable prière, la grande prière révélée et pleine des inspirations du Saint Esprit, les unes dans l’Office divin que vous récitez, les autres dans le rosaire de la Très Ste Vierge. Comme il est bon de ne pas s’appuyer sur des prières imaginées par des âmes pieuses et bonnes, mais plus ou moins inspirées; vous, mes Soeurs, pour ranimer votre zèle, vous avez la flamme de la parole révélée de Dieu et que l’Eglise impose à ses enfants, c’est le langage de l’Eglise, et le langage de l’Eglise est infaillible comme elle, et les prières que vous récitez sont abritées d’une autorité suffisante puisqu’elles vous sont enseignées par l’Eglise, perpétuellement inspirée de Dieu. Aussi, mes chères Soeurs, comme il convient de respecter cette grande prière, de réciter cet office dans une ferveur toute particulière, d’y chercher la lumière de Dieu avec l’attention complète qu’y avaient les saints, dont c’était la grande et en quelque sorte l’unique prière.

Pensez au culte rendu à cette parole divine pendant de longs et de longs siècles, dans les cloîtres, parmi les larmes des pénitents, au pied des autels et comment cette parole soutenait tant de saints et tant de saintes. Pensez que sur chacune des pages de ce livre sont tombées les larmes de tant d’âmes en proie à la tristesse, à l’angoisse, au dégoût, et elles y retrouvé le courage et la vie. C’est là la prière toute puissante en vérité pour sanctifier les âmes. Dites-la donc avec une recherche perpétuelle de la vérité et de la lumière qu’y ont trouvées les saints.

Le Psalmiste dit: Ignitum eloquium suum vehementer », la parole du Seigneur est une parole de feu. Quand vous récitez ces paroles, des étincelles divines s’en échappent qui illuminent votre âme et que vous chercheriez en vain dans beaucoup d’autres prières, car la parole de Dieu seule a le pouvoir de lancer de ces éclairs et de ces foudres qui entrent au plus intime de notre âme pour la transformer.

Verbum Domini, gladium acutum, c’est un glaive qui pénètre, ad instar gladii ancipitis, comme une épée à deux tranchants, penetrabilior omni gladio, plus aigu et plus acéré que tout glaive, pertingens usque ad medullam, atteignant jusqu’aux profondeurs les plus intimes de l’âme, usque ad divisionem animae, jusqu’à la division de l’âme d’avec elle-même. Comme c’est bien là, mes chères Soeurs, le rôle de cette prière admirable, comme c’est là l’action, qu’elle a exercé souvent sur nous; suivons-la, plaçons-nous sous l’action et sous les rayons de cette lumière. Ayez une attention, une ferveur, un respect souverain pour cette prière divine, quand vous la récitez, concentrez toutes vos facultés sur chaque parole pour en faire jaillir toutes les clartés que Dieu veut vous communiquer et quand une de ces divines étincelles tombent sur votre âme recevez-la avec toute la vigilance possible, méditez-la avec toute la vigilance possible car c’est là que vous trouverez la vérité qui éclaire et qui donne des forces par l’action.

Voilà comment vous devez vous efforcer de conserver l’attachement à la doctrine catholique par la prière; et en dehors de l’Office divin, vous ferez cela encore par le Rosaire qui est une autre forme de prière divinement inspirée, ou par l’adoration Eucharistique en vous mettant en face de J.C. vértité, vous lui direz: Mon Dieu, jetez dans mon âme tout ce que vous êtes, c’est-à-dire la vérité et l’amour, jetez dans mon intelligence la lumière dont elle a besoin pour discerner avec sagesse ce qui vous est agréable. Et c’est ainsi que remontant sans cesse par l’adoration de J.C., par la Très Ste Vierge, en qui vous sont communiqués les dons de Dieu, par la prière inspirée de l’Eglise, remontant sans cesse à la source inépuisable et surabondante de toute lumière, vous pénétrerez vos âmes des vérités divines et d’un attachement toujours plus profond à la pureté de la doctrine catholique.

Mais j’ai dit encore que vous devez conserver la doctrine au moyen de vos coutunes et de vos usages religieux. Et ici je ne parle pas précisément des règles, mais des usages monastiques que vous avez le bonheur de posséder et qui vous attachent aux anciens ordres religieux. Vous avez su conservé ces usages antiques en y apportant les modifications indiquées par l’Eglise et nécessaires à cause de la diversité des temps, mais vous les avez adoptés cependant dans toute l’étendue possible. Soyez bénies de cette intelligence de la vie religieuse que Dieu vous a donnée. Conservez-la avec un soin jaloux. Il pourrait se faire que quelques esprits imbus des idées modernes de dévotion ne comprennent pas l’utilité de ces usages, [n’arrivent pas à] en saisir le but, et les blâment ou les jugent inutiles. Ne vous arrêtez jamais devant ces jugements.

Ces usages saints que vous suivez ont été suivis par les plus grands saints qui y ont trouvé des forces de sanctification étonnantes; ils ont été consacrés par l’autorité de l’Eglise, ils sont comme la tradition qui est le canal de la vérité, et puisqu’ils reposent sur l’autorité de la Ste Eglise et la consécration des saints, ils sont comme un ensemble d’hommages rendus à la vérité, et nous ne devons pas nous préoccuper de l’esprit du monde, s’il les blâme ou les désapprouve. Et en vérité, depuis qu’on s’est attaché à d’autres moyens, depuis qu’on a pris d’autres chemins pour aller à la perfection, il est vrai de dire que la sainteté ne rayonne plus de la même façon et avec le même éclat sur le monde. Les saints et les plus grands saints ont suivi ces coutumes, ils y ont puisé la force et la vie, par là ils ont édifié le monde par leurs vertus et vous savez comment ils y tenaient et comme ils s’attachaient aux moindres de ces usages avec une sorte de minutie.

Maintenez, mes Soeurs, maintenez cet esprit religieux parmi vous et ne souffrez jamais qu’on y porte la plus légère atteinte; c’est un caractère de votre Congrégation et un caractère tel que s’il s’affaiblissait, quelques mois ne se passeraient pas sans que vous constatiez une déchéance étonnante de l’esprit qui vous a animées jusqu’ici. Ce sont, croyez-le, ces coutumes et ces usages monastiques qui sont le grand moyen de votre sanctification. Vous ne vous en apercevez pas toujours, vous en êtes, pour ainsi dire, tellement enveloppées, votre âme s’y est tellement faite depuis votre entrée en religion, qu’ils ne vous frappent plus et que vous cessez de voir le rapport entre la cause et l’effet. Mais il n’en est pas moins vrai qu’ils sont pour vous un canal divin de grâces, par ce qu’ils sont basés, non pas sur le sentiment, mais sur la vérité et les traditions des saints.

Il faut, mes Soeurs, faire pour ces coutumes saintes ce que l’on fait pour sa conscience. Si on a en soi-même une faiblesse, un défaut à corriger, on va consulter son directeur et il vous donne tel conseil, il vous indique telle direction, tels moyens à prendre pour arriver à la correction de ce défaut. Mais l’esprit humain recule quelquefois, ne voyant pas bien la nécessité de la route indiquée, le rapport du moyen donné avec l’effet que l’on veut obtenir, il raisonne, il hésite et ne veut pas se soumettre pleinement et sans hésitation, et cependant la perfection et un avancement en dépend: et malgré la peur de l’esprit humain on marche et on a raison; ainsi en doit-il être de tout cet ensemble de moyens de perfection qui constituent vos usages religieux, quelles que soient les réclamations de la nature, les hésitations de l’esprit propre; il faut étouffer tout cela, mes Soeurs, il faut écouter seulement la voix de la tradition de l’Eglise, la voix de l’inspiration de saints et nous rappeler que c’est une des gloires de l’Eglise d’avoir toujours donné aux hommes ces moyens abondants de sanctification.

Mais enfin la vérité ne doit pas seulement régner en vous par la prière et par l’attachement à vos usages religieux, elle doit encore établir son règne par vos oeuvres. Vous avez l’enseignement. Ah! l’enseignement est le grand levier de la vérité, un moyen admirable de sauver les âmes. Vous devez communiquer aux âmes la doctrine catholique dans toute son étendue, et vous devez la leur donner avec cet apostolat de distinction dont je vous parlais hier. Il faut leur donner la vérité, la plus grande, la plus complète, les principes catholiques sans réserve et dans leur magnifique affirmation, ne mettez pas de limite dans cette communication de la vérité. Ayez un tel culte des âmes et de la vérité, un tel culte de la vérité dans les âmes, que vous ne leur fassiez jamais ce tort immense de leur donner une vérité amoindrie par vos hésitations et vos faiblesses, non, non, donnez-leur la vérité tout entière, sans mesure, ce sera leur plus magnifique trésor; qu’elles puissent y trouver toujours leur richesse incomparable dans toutes les épreuves qu’elles auront à traverser. Ah! si plus tard elles peuvent faiblir dans leur volonté et tomber dans ces péchés de faiblesse si fréquents, hélas! à la pauvre nature humaine, au moins qu’elles gardent toujours ce trésor de la vérité que vous avez déposé dans leurs âmes, c’est là le plus grand service que vous puissiez leur rendre, car de tous les naufrages si nombreux qui attendent les âmes loin de Dieu, le plus triste, le plus douloureux, le plus à déplorer, car c’est hélas! souvent le plus irrémédiable, c’est le naufrage dans la foi! Préservez-les à tout jamais de ce malheur suprême, afin que, quand à leur agonie le prêtre viendra leur apporter le pardon de leurs faibleses et de leurs fautes quelles qu’elles soient, il puisse dire du moins avec assurance, que cette âme n’a jamais nié le Dieu trois fois saint et qu’au milieu des défaillances d’une chair mortelle, son esprit a toujours été rempli de foi à toute la vérité catholique.

Mais pour donner la vérité avec cette plénitude, il convient que vous la développiez en vous par vos lectures, dans vos études. C’est là que, la développant toujours davantage, vous trouvez de quoi la donner avec abondance. Appliquez-vous surtout à donner aux âmes l’histoire vraie de l’Eglise, l’histoire de J.C. visible en ce monde et se manifestant par son action souveraine au milieu de tous les événements humains, l’histoire de l’Eglise dominant toutes les autres histoires et les animant d’un souffle divin de vérité! Ah! quand on aime J.C., quand on aime l’Eglise, on doit surtout faire connaître la gloire de J.C. roi du monde, et de l’Eglise, sa continuation magnifique. Qu’importe toute science, tout enseignement en dehors de là, les païens n’en savent-ils pas là-dessus tout autant que nous et ne peuvent-ils pas enseigner ces choses aux hommes tout comme nous, ce n’est plus qu’une question de plus ou de moins de capacité, d’intelligence à intelligence, il ne s’agit plus ici que de marchands d’instruction.

Ah! mes Soeurs, nous avons tout autre chose à faire, notre enseignement doit être un sacrifice offert à la vérité, il faut que parlant aux âmes tous les jours, nous tendions par tout notre travail à les amener dans la vérité. C’est ainsi, mes Soeurs, que vous devez consacrer votre vie à étendre le règne de J.C. dans les âmes, c’est en dilatant le règne de la vérité catholique par toutes vos oeuvres. St Thomas nous enseigne que dans le ciel les âmes qui auront rendu ce culte à la vérité, brilleront d’un éclat plus grand et comme d’une lumière de gloire spéciale. Ayez donc ce culte de la vérité et Dieu vérité vous glorifiera dans le ciel par une révélation plus complète et plus magnifique de Lui-même. Veillez à ce que ce cachet de votre Congrégation se développe de plus en plus.

Mais il convient d’insister encore et de nous rendre compte d’une manière plus complète de ce que nous devons d’efforts à la vérité, pour qu’elle établisse son règne en nous. Nous devons d’abord l’étudier attentivemment. Le Psalmiste se plaint de ce qu’il n’y ait personne sur la terre qui pense et repense en son coeur: « Nemo recogitet corde ». Etudiez donc longuement et attentivement la vérité. Voyez comme les saints s’appliquaient à cette étude, comme ils y donnaient toute l’énergie de leur intelligence, comme de leur amour. Il ne faut pas dire: mais je connais la vérité, j’ai fait telles études, j’ai reçu telle éducation, j’ai vécu dans tel milieu. Cela ne suffit pas, mes Soeurs. La vérité se communique comme l’amour en proportion de l’effort qui est fait pour l’atteindre. La vérité comme l’amour se communique à chaque individu en récompense d’un effort; elle exige de notre part un travail quelquefois pénible, et comme le sacrifice de quelque chose de nous-même; mais elle se donne en proportion et d’ailleurs, ce culte sérieux de la vérité, croyez qu’il sera pour vous la source d’actions saintes. Si vous voulez embraser votre vie par l’amour, laissez illuminer votre intelligence par la vérité, tendez-y par un effort, un effort prolongé, étudiez la vérité longuement, patiemment.

Mais quelle vérité étudierez-vous ou plutôt quel attribut de la vérité ? Il n’importe, quand vous aurez scruté avec effort et patience une des faces de la vérité, vous y recevrez la vérité toute entière, car elle est comme Dieu, en qui un seul attribut contient tous les autres; vous y trouverez une direction forte et lumineuse, votre âme sera dans la force parce qu’elle aura la lumière; poursuivez la même pensée, la même direction sans vous lasser, elle vous sera indiquée par un attrait secret et correspondra au besoin intime de votre âme, à la vertu dont vous aurez le plus besoin, peut-être à votre insu; mais allez à la recherche de cette lumière et mettez-y la patience, l’attention, l’effort soutenu et prolongé que vous devez mettre à vous donner à l’amour et au sacrifice. Revenez souvent sur la même pensée, car souvent une pensée chrétienne vous suffira, un mystère vous attirera particulièrement, dans la vie d’un saint ce sera un acte de ce saint, qui vous révèlera soudain un attrait de la vérité divine ignorée jusque-là de votre âme et qui l’entraîne; arrêtez-vous, savourez cet attrait longtemps, goûtez-en tous les points de vue, ne faites pas de ces lectures qui suffoquent et où l’âme nourrie de trop de chose excellentes ne peut s’en assimiler aucune.

Poursuivez la vérité dans tous ses sentiers, suivez-la partout où elle vous mène. Pensez et repensez. Recogitate, revenez, revenez sans cesse sur une lecture qui a fait du bien à votre âme. Ne dites pas: j’ai déjà lu cela, je le connais, cela m’a fait du bien, c’est vrai, mais je n’en ai plus besoin. Quand le pilote doit faire entrer son navire dans un port dangereux, il a déjà passé bien des fois par ces passes difficiles, il connaît et les écueils qu’il doit éviter, et le phare qui doit éclairer sa marche, et cependant avant d’avoir considéré ce phare toujours le même, et d’avoir reconnu la flamme particulière de la lumière qui doit le guider, il n’avance pas. Mes Soeurs, cette vérité qui vient éclairer votre âme, c’est le phare qui doit la guider, phare de lumière qui a des faces différentes car la vérité, elle, a des trésors infinis et elle se présente aux âmes sous mille faces diverses, quoiqu’au fond ce soit toujours la même vérité. Etudiez-la avec amour et avec un soin plein de respect et n’avancez qu’en tenant vos yeux fixés sur ce phare resplendissant et cette flamme divine aura sans cesse de nouvelles profondeurs et revêtira de nouvelles faces pour illuminer votre route et vous préservera des écueils déjà anciens ou des écueils nouveaux qui surgiraient sous vos pas.

C’est donc une nécessité de revenir souvent humblement sur la même vérité. Faites comme la Ste Vierge, dont il est dit qu’elle gardait toutes les choses divines et les méditait en son coeur. « Conservabat omnia haec conferens in corde suo », elle repensait en son coeur, revenant sans cesse sur les merveilles de Dieu. Gardez ainsi précieusement et avec un véritable culte tout ce que la vérité vous enseigne au dedans. Dans la prière, dans la lecture jaillissent parfois comme des éclairs qui sillonnent l’horizon de votre âme et y jettent des splendeurs de lumière incomparable. Arrêtons-nous, écoutons et adorons car c’est la vérité qui nous parle, c’est Dieu qui passe; laissez-le parler et agir dans votre âme, suivez la divine inspiration. C’est une soeur converse qui, dans son oraison, est éclairée tout à coup d’une lumière inattendue sur une vérité, sur un mystère qu’elle méditait. Gardez cette lumière, suivez cet attrait divin, rendez un véritable culte d’adoration à la vérité souveraine se manifestant à vous, et qu’elle vous suive et vous éclaire au milieu de toutes les actions de votre journée sans que les occupations et les distractions des oeuvres extérieures laissent jamais échapper la clarté divine reçue dans la contemplation.

Ne soyez pas de ces âmes qui font une certaine part à la vérité, trouvant assez de lui donner une partie de leur temps, de leur vie, et ne croyant pas possible de se laisser toujours et partout envahir par elle. La vérité se prête à tout. Elle est comme l’esprit de Dieu, infinie, universelle et elle veut tout dominer et tout pénétrer dans notre vie. Dans ce culte que vous lui rendez ayez donc une foi admirable à la puissance de la vérité divine. On nous dit: insistez sur telle ou telle vérité, et nous hésitons parce qu’une première fois nous n’y avons trouvé aucun attrait, aucune lumière particulière. On insiste et l’on nous dit que c’est dans telle pensée de la foi, dans telle forme de la vérité que nous nous sanctifierons, et nous ne voyons pas comment, nous ne savons pas comment elle pourra nous guider; une seconde, une troisième fois, nous n’y voyons pas grand chose, ayons la constance de persévérer. L’eau qui tombe sur le rocher ne l’amollit pas tout à coup, mais en tombant goutte à goutte pendant longtemps, elle finit par amollir le roc et lui laisser l’empreinte qu’elle veut y tracer. Notre volonté rebelle est aussi un rocher qui résiste à la vérité, elle est dure, comme la pierre et elle refuse de recevoir l’empreinte de la vérité, parce que cette vérité a des conséquences qu’elle redoute. Mais ayez patience, laissez le vérité tomber goutte à goutte sur cette piere très dure, et après quelques années peut-être vous serez surprises de voir les conséquences merveilleuses de cette pensée de foi dans la transformation de cette vie.

Enfin, mes chères Soeurs, il faut s’attacher à la vérité avec enthousiasme, il ne faut pas avoir pour elle un culte platonique, un culte d’abstraction, il faut en considérer les charmes et les attraits souverains, capables de séduire votre coeur tout entier. La Samaritaine, en s’appuyant sur le bord du puits de Jacob, ne comprenait pas encore que celui qui lui parlait était la souveraine vérité de Dieu et Jésus lui disait : « Si scires donum Dei », Si vous saviez le don de Dieu. Le don de Dieu, c’est la vérité, mes Soeurs, ce que vous ne comprenez pas encore, adorez-le, c’est la véritable adoration de Dieu en esprit et en vérité.

Et si nous sommes sincères, nous avouerons que la vérité a des attraits divins pour captiver nos âmes sous ses formes diverses, nous ne sommes pas des esprits angéliques, capables d’embrasser à la fois l’étendue de la vérité divine. Mais une seule pensée de foi peut renfermer pour nous toute vérité et un seul attrait de la vérité de Dieu, auquel notre âme obéira y amènerait tous les autres. La seule âme humaine suffit à satisfaire plusieurs vies, la vie matérielle, la vie végétative, la vie animale, la vie intellectuelle, la vie surnaturelle. C’est l’image de la vérité qui elle aussi est tout entière dans toutes ses parties en sorte qu’une seule vérité suffit à toutes les vies de notre âme, vie contemmplative et vie active, vie intérieure et vie extérieure.

Vous vous appliquerez donc à un, deux ou trois attributs tout au plus de la vérité et il ne s’agira pas seulement de l’attention, de la réflexion de l’esprit, il s’agira de votre volonté qui elle aussi doit rendre hommage à la vérité. Ce sera l’attrait général qui vous a sollicité vers la famille religieuse où vous êtes entrées. Mais il peut s’y joindre un attrait particulier en dehors de celui-là. Quel est le mystère de la religion qui charme davantage, quelle est la vérité qui captive votre âme, quelle est la pensée de foi qui vous sollicite et vous attire plus que les autres ? C’est le secret de Dieu et le secret de votre âme, mais allez avec confiance dans ce don de Dieu, croyant qu’il contient pour vous tous ses dons. Rendez à la vérité ce culte qu’elle attend de vous et ne refusez rien de ce que cet attrait divin sollicite de votre générosité. C’est aujourd’hui, c’est demain qu’il convient de prendre vos résolutions, prenez-les dans cette lumière que Dieu vous donne, souvenez-vous qu’il vous sera demandé compte plus tard du regard particulier d’amour que J.C. a jeté sur votre âme, du charme spécial par lequel il veut l’attirer à Lui et que vous auriez méprisé.

Ah! livrez-vous, mes Soeurs, à ces bons plaisirs de Dieu, à ses desseins sur vous, à ses caprices divins, à ces jeux mêmes où il paraît se complaire dans sa conduite toute d’amour. Ah! Laissons-le avec un abandon filial et une confiance absolue, laissons-Le se jouer en quelque sorte de notre âme, s’Il lui plaît, et trouver en nous cette jouissance complète qu’il veut avoir, de répartir comme il Lui plaît ses attributs divins. Laissons-nous prendre sans réserve par les attraits de sa justice comme par ceux de sa miséricorde, afin de pouvoir en nourrir notre âme et les communiquer aux autres avec abondance, en attendant qu’Il se communique Lui-même tout entier et sans mesure à nous dans le ciel.

Notes et post-scriptum