PROPOS DU P. D’ALZON RAPPORTES PAR H. GALERAN

sep 1859 Lavagnac GALERAN
Informations générales
  • PROPOS DU P. D'ALZON RAPPORTES PAR H. GALERAN
  • La leçon d'une chasse au lapin
  • H.D. Galeran, Croquis du P. d'Alzon, B.P. (1924)
  • Extrait de "Leçon de tir au lapin" p.288-289, dans *Croquis du P. d'Alzon*, p.285-291.
Informations détaillées
  • ** Aucun descripteur **
  • Abbé Galeran
  • GALERAN
  • septembre 1859
  • sep 1859
  • Lavagnac
  • Parc du château
La lettre

[Invité par le P. d’Alzon, « un jour du mois de septembre 1859 » (1), à chasser le lapin dans le parc du château, Galeran a, contrairement à son hôte, honteusement manqué son coup. Le P. d’Alzon tire la leçon.]

« Ecoutez, dit le Père, vous avez manqué et raté votre lapin comme vous manquez et ratez une foule de choses dans un autre ordre d’idées. Vous êtes pressé, impatient et trop ému par la pensée et l’impression enthousiaste que vous allez faire un beau coup. Avec des qualités, que je ne veux pas dire incontestables, vous manquez souvent le but parce que vos défauts paralysent vos qualités. Je vais donc vous donner, en retournant à Lavagnac, une leçon de tir qui pourra vous servir dans l’ordre moral aussi bien que dans l’ordre physique si vous savez faire un bon usage de mes conseils.

« Les pricipales qualités pour bien tirer sont: avoir du nerf, faire attention; posséder une humeur calme, du coup d’oeil, un grand pouvoir de concentration.

« Pour avancer dans la perfection, il faut bien voir les choses, être doué d’un jugement sain, agir avec calme, précision et énergie.

« J’ai lu quelque part qu’un anglais fameux dans les exercices corporels – il s’appelait Benjamin Richardson – avait écrit un livre sur l’art de développer les forces musculaires, de former de vrais athlètes et d’adroits tireurs. Il établit dans ce livre que quatre spécifiques sont indispensables.

« Les voici: S’abstenir de tout ce qui est nuisible et débilitant; avoir un tempérament calme; être influencé par une ambition louable; prendre des habitudes de régularité en toutes choses. L’auteur ajoute qu’il est d’absolue nécessité de s’abstenir de liqueurs alcooliques et de l’usage du tabac à fumer. Voilà ce que les athlètes doivent faire, d’après un homme de grande expérience.

« Mettez à côté de ces prescriptions la parole de saint Paul: Omnis autem qui in agone contendit ab omnibus se abstinet…, et cela pour gagner une couronne corruptible. Que devons-nous faire, nous, qui visons à obtenir une couronne incorruptible? Suivre les mêmes règles. Changez les termes, et vous saurez bientôt que les spécifiques pour les athlètes de Jésus-Christ sont: mortification des sens et de tout, patience, zèle, régularité. Et il sera encore d’absolue nécessité de pratiquer le détachement jusque dans les plus petites choses, pour n’être les esclaves d’aucune habitude inutile, quoique innocente en soi. »

C’est ainsi que me parlait le Père, le long du chemin, jusqu’à la porte du château.

– Mon Père, lui dis-je quand il eut fini, nous voilà bien loin des lapins…

– Mon ami, vous devriez vous estimer heuruex d’en être loin, pour faire oublier votre maladresse. Toutefois, n’oubliez pas ma leçon de tir (2).

Notes et post-scriptum
1. Le P. d'Alzon séjourna effectivement à Lavagnac du 15 au 24 septembre 1859, mais on ne peut s'empêcher de penser que, dans la mémoire de M. Galeran, les propos du P. d'Alzon se sont quelque peu enrichis de sa propre expérience postérieure de la vie anglaise.
2. Le lapin foudroyé par le P. d'Alzon dans le récit de Galeran, n'a pour compagne d'infortune, dans la correspondance du premier, qu'"une pauvre caille, seule dans mon carnier, frappée par moi d'un plomb meurtrier, après que j'ai eu chassé pendant 4 h." (à La Gournerie, 14 août 1829). Emmanuel avait pourtant prévu dans son règlement à Lavagnac, en 1830, un moment quotidien pour la chasse (8 mai, à d'Esgrigny) et il avait, tout près de sa chambre "un cabinet pour ses ustensiles de chasse" (au même, 25 novembre 1831). Il est vrai que le domaine de Lavagnac n'était pas très giboyeux et que, si l'on voulait chasser au fusil ou au filet, il fallait l' approvisionner en gibier à poil ou à plumes, "en quadrupèdes et en volatiles" (13 décembre 1828, à son père). D'après les souvenirs de Sr Charlotte d'Alzon, quinze jours avant de gagner le séminaire, Emmanuel participa à une partie de chasse de quatre ou cinq jours dans la montagne, avec quelques jeunes gens (VAILHE, *Lettres*, I, p.278 n.). Fut-ce sa dernière partie ? Le croquis de M. Galeran nous permet de penser qu'il lui arriva encore de temps à autre d'épauler son fusil.