PROPOS DU P. D’ALZON RAPPORTES PAR H. GALERAN

apr 1858 Lavagnac GALERAN
Informations générales
  • PROPOS DU P. D'ALZON RAPPORTES PAR H. GALERAN
  • La famille religieuse ou le symbolisme des pervenches
  • H.D. Galeran, Croquis du P. d'Alzon, B.P. (1924)
  • Extrait de "Les pervenches" p.308-310, dans *Croquis du P. d'Alzon*, p.305-310.
Informations détaillées
  • ** Aucun descripteur **
  • Abbé Galeran
  • GALERAN
  • Printemps 1858
  • apr 1858
  • Lavagnac
  • Parc du château
La lettre

[En se promenant dans le parc du château de Lavagnac, dans les premiers jours du printemps de 1858 (1), avec l’abbé Galeran, le P. d’Alzon commence une vraie conférence sur la vie religieuse].

J’ai présentes à la mémoire ses réflexions sur le type religieux qu’il désirait voir s’établir dans l’Eglise: la plus énergique et universelle activité, unie à la régularité des observances monastiques. Tout en louant les Jésuites, il déplorait qu’ils eussent mis de côté les plus solennelles fonctions de la litugie sacrée. Aucun service religieux, disait-il, aucun exercice de piété n’égalait la beauté des cérémonies de l’Eglise; aucune prière publique ne pouvait l’emporter sur la psalmodie ou le chant de l’office divin en choeur.

Il ajoutait: « l’Eglise est une monrchie dont le Roi invisible est cependant présent sous un voile mystérieux. Cette présence sacrée doit être entourée d’une cour, avec les splendeurs d’une pompe vraiment royale. Quantum potes, tantum aude… Le Cérémonial contient, sous le nom de rubriques, les prescriptions qui régularisent le déploiement de cette pompe ou culte extérieur. Je veux – je cite encore ses propres paroles – des religieux qui sortent de l’office pour monter en chaire, des hommes qui quittent le cloître pour montrer des visages déterminés, sur lesquels on peut voir non les signes de la peur, mais les hardiesses de la foi… »

[…]

Nous marchions lentement, l’entretien continuait en progressant, lorsque, au détour d’une allée, au pied d’un vieux chêne, nous apparut un superbe lit de pervenches cultivées. Le Père s’arrêta silencieux pour admirer. Puis, reprenant la parole, en suivant le cours de ses pensées, il dit:

« Ah! voilà bien l’image gracieuse d’une communauté de moines! Voyez donc ces belles fleurs! Je suis vexé que Jean-Jacques Rousseau en ait fait ses fleurs favorites. Après tout, ce pauvre homme n’y a jamais vu ce que j’y vois. Dieu, qui a créé la pervenche, la fait parler pour sa gloire. N’est-elle pas une illustration de ce que je viens de vous dire sur la famille religieuse?

« Regardez bien: du centre immobile de la plante s’élancent, dans toutes les directions, des tiges flexibles, vigoureuses, gonflées de sève. Ces tiges innombrables rayonnent autour de leur point de départ, c’est-à-dire de leur berceau. Elles poussent et marchent en avant, chargées de feuilles et de fleurs. Elles s’insinuent et pénètrent partout, surmontant les obstacles qu’elles finissent même par recouvrir de leur verdure.

« Les rameaux – remarquez-le bien – n’ont de vie et d’énergie que par leur contact avec la plante-mère. Et ces fleurs! Examinez-les de près: elles portent les couleurs de l’humilité, comme la violette; mais, ce que j’admire, c’est l’attitude de leur tête, qui ne se cache pas sous les feuilles. Non, elle est droite, se redresse et domine. Ces fleurs présentent hardiment leur corolle au soleil, ouvrant leur calice à la lumière qui les féconde.

« Mon cher ami, j’aime ces pervenches! Elles symbolisent à mes yeux mon idéal d’un Congrégation religieuse. N’oublions pas que le divin Maître s’est servi d’une plante pour faire comprendre l’organisation de son Eglise, lorsqu’il a dit: « Je suis la vigne, vous êtes les branches! »

Ici je dois clore mon récit, un Croquis ne doit pas être un volume.

J’ai cité les paroles du Père avec fidélité, telles que ma mémoire les a gardées (2). Je le répète: mes notes écrites ne m’ont fourni aucun renseignement sur cet épisode. Je n’hésite pas toutefois à garantir l’exactitude des détails que je donne, bien que le discours reproduit ne soit qu’un abrégé.

Notes et post-scriptum
1. Au printemps de 1858, le P. d'Alzon passa quelques jours à Montpellier (du 5 au 11 avril) puis aux eaux de Lamalou (du 28 avril au 17 mai) : est-ce pendant l'un de ces deux séjours dans l'Hérault qu'il aurait rencontré Galeran à Lavagnac?
2. La troisième série des *Croquis*, dont font partie "Les pervenches", fut écrite entre 1896 et 1899, c'est à dire quarante ans après la date assignée aux propos rapportés ici. - Nous n'avons trouvé le mot "pervenche" nulle part dans les écrits conservés du P. d'Alzon.