Procès-verbaux des Conférences de Saint-Vincent de Paul

19 jul 1840 Nîmes CSVP

Selon l’esprit de saint Vincent de Paul, en rapportant tout à Dieu, l’humilité assure le succès des oeuvres de charité. – Celles-ci ont pour résultat la gloire de Dieu, le bien de nos frères et le salut de notre âme – Saint Jean Chrysostome – La mission des laïques chrétiens en notre temps.

Informations générales
  • Procès-verbaux des Conférences de Saint-Vincent de Paul
  • Assemblée générale du 19 juillet 1840
  • [Emmanuel BAILLY AA] Notes et Documents, t.2, sans date.
  • D'après les *Notes et Documents*, 2, p.232-236, reproduisant le procès-verbal de Jules Monnier, conservé aux ACR (8).
Informations détaillées
  • ** Aucun descripteur **
  • Confrères de Saint-Vincent de Paul
  • CSVP
  • 19 juillet 1840
  • 19 jul 1840
  • Nîmes
  • Chapelle capitulaire
La lettre

La première assemblée générale devait avoir lieu à l’évêché. L’évêque était absent (1). M. l’abbé d’Alzon le remplace. C’est le 19 juillet 1840 (2). On se réunit dès 7 heures du matin dans la chapelle capitulaire. M. l’abbé d’Alzon offre le Saint Sacrifice pour les confrères et leur adresse une allocution; nous extrayons quelques traits principaux du résumé intéressant fait par Monnier (3):

« Il nous rappela, dit le secrétaire, les sentiments d’humilité que l’exemple de notre bienheureux patron doit nous inspirer dans l’oeuvre que nous entreprenons. L’humilité, en nous détachant de tout orgueil humain, nous fait agir pour Dieu seul, et, par elle, nous arriverons à la confiance, non pas en nous-mêmes, mais dans l’oeuvre que notre divin Maître semble nous encourager à continuer. C’est rendre hommage à la toute-puissance de Dieu que de ne jamais désespérer du bien entrepris en son nom: la charité fait toujours ainsi.

« Presque toutes les fondations de Saint-Vincent de Paul n’étaient rien au début; elles n’avaient presque rien pour se soutenir. L’oeuvre des Dames de Charité ou de Miséricorde (4) commença par le réunion de 24 dames pieuses: elle couvre aujourd’hui toute l’Europe. Une maison louée à la porte Saint-Victor, contient d’abord 12 enfants trouvés: bientôt ce fut un hôpital, Bicêtre, Saint-Lazare, toute la France.

« Mlle Legras (5) réunit pour la première fois quelques Soeurs de Charité, en petit nombre; aujourd’hui, elles dépassent 10 000. Notre oeuvre prospérera de même, si nous savons nous renoncer et tout rapporter à Dieu. Cinq pains nourrissent 5000 hommes entre les mains de Notre-Seigneur. Les 125 avec lesquels nous avons commencé se multiplieront mystérieusement aussi, tant que l’esprit de charité, l’esprit de saint Vincent de Paul, sera en nous. Jamais Dieu n’a abandonné les bonnes oeuvres lorsqu’elles sont pieuses, lorsqu’elles se font les humbles servantes de ses miséricordes.

« Différentes des oeuvres philanthropiques, où tout est humain, où rien ne se fait en vue de Dieu, elles renvoient, au contraire, toutes choses à Dieu et s’anéantissent dans une entière abnégation. C’est ce qui fait leur force merveilleuse. Aussi, quels droits acquiert la charité! Elle soumet Dieu, si on peut le dire, elle force à rendre à celui qui donne en son nom autant qu’il a donné aux autres. Elle oblige et engage sa miséricorde: le ciel s’ouvre, pour le pécheur charitable, aux prières des pauvres qu’il a secourus et chez lesquels il a répandu l’aumône.

« Luxembourg (6) qui en mourant s’écriait: « Je donnerais volontiers toutes mes victoires pour un verre d’eau donné au nom de Jésus-Christ », disait vrai. Que sont toutes les gloires, toutes les richesses, toutes les élévations du temps, si on les compare à cette éternité bienheureuse promise à l’âme charitable?

« Rapportons donc tout à Dieu, faisons l’aumône dans l’esprit d’oraison, toujours en vue du Seigneur. Elle nous bénira, elle sanctifiera nos visites. Nos anges gardiens nous dirigeront, nous donneront les paroles de consolation qui soulagent le pauvre, les paroles d’espérance qui le soutiennent dans sa misère, les paroles de mansuétude et de zèle qui raniment sa faiblesse et l’affermissent dans le bien. Nous aurons glorifié Dieu, nous aurons allégé les souffrances de quelques frères, nous nous serons sanctifiés nous-mêmes.

« La gloire de Dieu, le bien de nos frères et le salut de notre âme, voilà le triple résultat de toute bonne oeuvre. C’est la couronne la plus brillante. Méritons-la. »

[…] Aussitôt après Monnier lut un rapport général soumis à son Père spirituel qui parlait encore par lui.

[…] Après un court récit des débuts […] le rapporteur signale les lectures choisies pour chaque séance, lectures empruntées à saint Jean Chrysostome, « que nous avons choisi d’après le conseil de M. d’Alzon, pour le guide de notre charité » (7).

[…] « Les extraits des écrits substantiels des Pères, disait-il, valent cent fois vos petits livres de piété ».

[…] Après quelques détails, M. l’abbé d’Alzon reprend la parole et termine la séance en ouvrant un nouvel horizon à cette jeunesse qui ne se lasse pas de l’entendre.

« Il cherche, dit le secrétaire, à nous faire comprendre la mission des laïques à l’époque où nous vivons. Ils ont, eux aussi, un apostolat à remplir. Ils peuvent et doivent aider le prêtre. Ce concours commence à produire en France un bien dont notre patrie a droit de s’enorgueillir.

« Ainsi à Lyon, l’oeuvre de la Propagation de la Foi est dirigée par un laïque. Ainsi notre Société a été jusqu’à ce jour dirigée par un simple fidèle. Le laïque a, en effet, une action immédiate à exercer, et, parfois, plus facilement que ne peut le faire un prêtre.

« Excitons-nous donc à la moralisation de l’ouvrier, du pauvre peuple. Employons-nous, employons nos efforts, nos relations, nos influences à cette charité. Le peuple est dispersé; il est dans les casernes; il est dans les ateliers. Il faut aller à lui, le moraliser, le christianiser. Il en a besoin; sans les sentiments chrétiens, comme il est abandonné, comme il est seul dans ses souffrances! »

Notes et post-scriptum
1. Mgr Jean-François-Marie Cart (1799-1855) avait succédé en 1838 à Mgr Claude-François-Marie Petit-Benoît de Chaffoy (1752-1837), évêque de Nîmes de 1821 à 1837.
2. A cette époque, jour de la fête de saint Vincent de Paul (1581-1660). Depuis la réforme liturgique de Paul VI, cette fête se célèbre le 27 septembre, jour anniversaire de la mort du saint. Béatifié en 1729, il fut canonisé en 1737.
3. Une première Conférence avait été créée à Nîmes par Léonce Curnier en février 1835, moins de deux ans après la fondation à Paris des Conférences de Saint-Vincent de Paul. A ce moment l'abbé d'Alzon était toujours à Rome. Cette conférence se montra active jusqu'au printemps de 1838. Jules Monnier, alors professeur au Collège royal de Nîmes, en fut le refondateur le 22 mars 1840, et l'abbé d'Alzon s'y intéressa dès le premier jour (VAILHE, *Vie*, p.214-215 et 273-274).
4. Cette oeuvre, à laquelle on a parfois donné le nom de "Conférence de Saint-Vincent de Paul des Dames", existait à Nîmes depuis 1824.
5. Louise de Marillac (1591-1660), veuve, en 1625, d'Antoine Legras, fondatrice avec saint Vincent de Paul, en 1633, des Filles de la Charité. Béatifiée en 1920, elle fut canonisée par Pie XI le 11 mars 1934.
6. François-Henri de Montmorency-Bouteville, duc de Luxembourg (1628-1695), le *Tapissier de Notre-Dame*.
7. Il semble que ce soit surtout à partir de son entrée au séminaire de Montpellier (mars 1832), qu'Emmanuel d'Alzon se mit à fréquenter les Pères de l'Eglise et parmi eux, saint Jean Chrysostome. "Je me suis mis à vivre dans le commerce le plus familier avec saint Augustin, saint Chrysostome, Tertullien et quelques autres Pères", écrit-il à La Gournerie le 4 septembre 1832. Deux mois auparavant il avait recommandé à Henri Gouraud la lecture du traité de saint Jean Chrysostome sur le sacerdoce. L'année suivante, dans plusieurs lettres à Luglien de Jouenne d'Esgrigny, il exprimera sa conviction de l'importance de l'étude des Pères et notamment de saint Jean Chrysostome et, quelques années plus tard, en février 1839, il consacrera à ce dernier dans les *Annales de Philosophie chrétienne* un article de 20 pages. Ses notes inédites contiennent, rien que pour les années 1833-1840, 38 mentions du saint à la bouche d'or (les 40 années suivantes n'en livreront que 26, dont 5 seulement entre 1859 et 1879).
Familier de saint Jean Chrysostome, l'abbé d'Alzon n'a pu qu'être ému par les accents passionnés de l'orateur célébrant l'éminente dignité des pauvres (voir à ce sujet la page de F. CAYRE, *Patrologie, I, p.556). Rien d'étonnant donc qu'en 1840, à Nîmes, la faveur des sociétaires de Saint-Vincent de Paul aille, sous son impulsion, à des lectures tirées de l'oeuvre de ce saint.
8. [Le texte original du procès-verbal, qui permettra aussi de compléter la transcription du P. Emmanuel Bailly reproduite ici, reste à confronter avec cette dernière. 12 mai 2000. D.D.]