Dans le tournis, à Constantinople (1).

Bon, j’ai soupé. J’ai vu deux personnes, j’ai parlé de terrain à acheter. Mon cher, les terrains sont à un prix fou. Je ne veux pas acheter, je préfère qu’on me donne. N’est-ce pas que ce serait bien mieux? Si vous trouvez en France quelqu’un qui veuille me donner quelque chose, beaucoup de choses en Turquie, dites-lui, de ma part, que cela me fera bien plaisir et que je lui en serai bien reconnaissant. Les Turcs ne se doutent pas du plaisir qu’ils me feraient, s’ils voulaient bien ne pas me traiter de Turc à Maure. Quand vous aurez répondu à cette lettre, vous ne m’écrirez plus à Constantinople, mais à Rome, à moins que, d’ici au second courrier, je n’aie changé d’avis et que je reste huit jours de plus; ce qui est très probable. Je partirai le 18, au lieu de partir le 10, voilà la différence. Vous savez que je renonce à Jérusalem. Le P. Galabert est toujours le même. Je lui prête mon parapluie, il m’en casse la pomme; je lui prête un livre, il me le rend chiffonné; il me porte des lettres, je ne sais s’il les a employées à plier quelque chose; du reste plein de zèle et de bonne volonté, prêt à tout et d’un dévouement absolu. Il trottine en ce moment en Bulgarie à la recherche d’un honnête homme. S’il le trouve, je lui brûle un cierge.

Lettre au P. Hippolyte Saugrain, (Lettres, t. IV, p. 225-226).

(1) Constantinople est le seul grand voyage qu’ait accompli à l’étranger le P. d’Alzon de toute sa vie (hiver 1863), si l’on excepte ses séjours à Rome. Il chercha de concert avec le P. Galabert à préciser les contours d‘une implantation missionnaire de l’Assomption en Orient. Hippolyte Saugrain était économe général, d’où les allusions coquines du P. d’Alzon.