D’une ronde franchise qui n’entame ni la confiance ni l’amitié.

Je crois aussi que vous vous méprenez sur ce qui m’a pu faire croire à un courant nouveau à l’Assomption. Il ne s’agissait pas de moi, il s’agissait de vous. Que quelques mauvaises têtes aient colporté des plaintes sans fondement, qui l’a nié? Qu’en dehors de ces têtes d’autres parlent quelquefois dans un bon esprit, quoique avec tristesse, oui, oui, oui. Avec l’affection que je porte à votre œuvre, je l’ai senti dans un demi-mot, une inflexion de voix, une réticence, et, quand on est au courant des choses et qu’on ne veut pas ne croire qu’aux accusations spécifiées, on saisit ces tristesses, ces nuages, ces étonnements comme au vol, et si on les rencontre chez plusieurs, on se dit: il y a quelque chose. Vous semblez oublier ce que je vous ai confié de mes observations. Or, comment se fait-il que l’ayant fait observer aussi au P. Picard, il y a un, deux, trois et peut-être quatre ans, il a parfaitement été de mon avis? Il m’assurait même que cet avis, vous le partagiez. Qu’était-ce? Bien des riens qui formaient cependant un certain ensemble: quelque chose de moins fort au noviciat, une direction moins large; le P. Mas trouve, sans que nous nous soyons entendus, quelque chose de moins pratique et de plus mystique, trop peu d’assouplissement des caractères, peut-être plus de piété – pour ne pas dire de dévotion – et moins d’esprit de foi, des tristesses de ce que successivement les Sœurs étaient des prodiges dignes de toute votre confiance, et puis étaient rejetées au rebut. Vous pousseriez les hauts cris si je vous disais de qui je tiens ces aveux. Quant à ce qui me concerne, (car je ne veux pas étendre davantage l’autre question), vous avouerai-je que l’impression m’est venue surtout à votre dernier voyage? J’ai peut-être l’esprit bien mal fait, mais une de vos conversations m’avait fait tirer cette conclusion, je crois, d’une façon très fondée. Si vous m’assurez que je me suis trompé, permettez-moi de vous dire que je suis très heureux de le croire.

Lettre à Mère Marie-Eugénie de Jésus (Lettres, t. VII, p. 105-106).

(1) Les questions d’opinions et d’interprétations sont toujours délicates dans le domaine des relations. Le P. d’Alzon et Mère Marie-Eugénie de Jésus ont toujours eu le don de s’expliquer franchement sur des malentendus, des griefs ou d’apparentes divergences concernant l’esprit de l’Assomption, ses origines et son évolution.