Voulez-vous me permettre maintenant de vous parler de mon petit peuple, et d’un singulier essai que j’ai tenté ces jours-ci? Il m’a si bien réussi que je suis résolu à le renouveler l’année prochaine. J’ai donné la fête des Innocents (1). Pendant vingt-quatre heures, je n’ai plus été le directeur de la maison. J’ai fait nommer par les élèves un directeur, un préfet de discipline, un surveillant général, des surveillants particuliers et des membres du Conseil. Nous leur avons cédé tout notre pouvoir, la bibliothèque pour délibérer, la surveillance, en un mot la conduite de la maison. Nous en avons obtenu de très précieux résultats: 1° Un sentiment indicible de fatigue, de la part de tous ces chefs qui trouvaient tous, à la fin de la journée, qu’il vaut mieux obéir que commander; 2° la certitude que ces enfants nous aiment et sont moins mauvais que nous l’eussions craint. Le seul excès qu’ils se soient permis a été de faire apporter une demi-douzaine de cigares dans une chambre.
Lettre à Mère Marie-Eugénie de Jésus (Lettres, t. C, p. 177-178).
(1) Cette pratique inaugurée au collège de Nîmes en 1847 s’est maintenue longtemps dans la vie des alumnats (petits séminaires de l’Assomption). Le P. d’Alzon s’était sans doute inspiré de sa propre expérience d’élève au collège Stanislas à Paris, marquant ainsi son désir d’acclimater des pratiques pédagogiques de proximité et de confiance.