Leçons spirituelles de la nature.

Vous vous absorbez dans votre tristesse et dans les causes de votre tristesse. Voilà qui est mal et très mal. Je vous en veux beaucoup de cela, et, autant que je le puis, je vous ordonne de fuir cette absorption. La tristesse est bonne quand elle est un aiguillon qui nous pousse d’avoir recours à Dieu, qui nous rend la joie de son salut, mais s’y absorber, s’y complaire, c’est fort mal. La tristesse acceptée ainsi est le huitième péché capital dont parle Cassien. Sortez-en bien vite, ma fille, et soyez triste seulement de faire si peu, d’être si mauvaise, si raide; mais au fond de tout cela conservez l’espoir que Jésus, doux, humble, patient et souple malgré votre raideur, vous attend pour vous relever et vous conduire à la perfection, quand, vous serez une fois pour toutes douce, petite et humble du fond de l’âme. Vous m’exprimez très bien votre prétendue impossibilité d’aimer, mais tout ce que vous me dites manque par un point, la vérité. Vous pouvez très fort aimer Dieu, non pas par un développement permanent des sentiments qui ont pu être autrefois dans votre âme, mais par une nouvelle série de sentiments; et, puisque vous empruntez la comparaison du fruit qui succède à la fleur, je vous dirai que quand le fruit a été cueilli, les feuilles tombent, le vent du Nord en emporte les dernières, et pendant l’hiver, sous la neige, l’arbre semble mort. On en retranche même souvent les branches émoussées, et au printemps c’est un arbre meurtri et quoique les fleurs et les fruits qu’il donne ne soient pas ceux de l’année précédente, ils n’en sont pas moins bons, ils sont souvent plus savoureux. Les meilleurs vins sont ceux que donnent les plus vieilles vignes, celles qui ont été les plus taillées.

Lettre à Mère Marie-Eugénie de Jésus (Lettres, t. XIV, p. 431-432).

<br>