Les douces pensées de l’amitié.

Ainsi, il me souvient que l’été dernier, à la campagne, par un beau clair de lune, je descendais dans le verger cueillir des pêches glacées par la brise du soir, ou bien j’allais dans les vignes ramasser des raisons à la souche. Les mains pleines de fruits, je me plaisais à me diriger sur une colline aride qui domine le château [de Lavagnac]; de là, à voir dans la plaine la fumée incertaine s’élever sur les toits d’une douzaine de villages; dans la plaine, l’Hérault brailler dans l’obscurité à travers quelques bosquets d’arbres. J’entendais le murmure expirant de ses eaux à une chaussée prochaine. Peu de choses auraient égalé ce qu’en de pareils moments l’amitié offre de délices. Assis sur un rocher nu, le souvenir de mes amis me faisait oublier les heures. Ainsi m’arrivait-il de songer à ce voyage nocturne qui avait terminé un autre voyage de deux cents lieues, où, seul, à pied, j’avais, à minuit, regagné le manoir paternel, et où, pour charmer les fatigues du chemin, je m’étais figuré au bras de celui que j’aime entre tous mes amis, lui racontant les aventures de la route.

D’après T.D. t. 43, p. 219 et suivantes (juin 1829), D00294.

<br>