Et c’est là le propre de sa libéralité [de Jésus] qu’en nous donnant la possibilité de continuer son œuvre, de l’étendre, de la dilater, il nous met à même de lui rendre quelque, chose de ce qu’il nous a donné. Je vous avoue que le titre de sauveur, que les chrétiens doivent porter, à leur tour, s’ils ont la plénitude de l’esprit de Jésus, me touche extrêmement, puisque le degré le plus haut de cet esprit, c’est de faire que non seulement ils soient sauvés, mais qu’ils puissent aider au salut des autres. En sorte qu’ils reçoivent, comme le flambeau qu’un autre flambeau allume, la lumière et la chaleur, c’est-à-dire la vérité et la charité, et encore ils aident à les communiquer. Comme Jean-Baptiste, ils ne sont pas la lumière (1), mais ils sont des lampes, d’autant plus ardentes et brillantes qu’ils participent davantage à l’action rédemptrice du Sauveur.
Lettre à Mère Marie-Eugénie de Jésus (Lettres, t. C, p. 542).
(1) D’après Jn 1, 8. Le mystère de la Rédemption, le P. d’Alzon l’a bien compris, est au cœur de la foi chrétienne et constitue l’envers de celui de l’Incarnation. Mais le P. d’Alzon ne se contente pas de répéter ou de paraphraser le dogme, il cherche à en tirer pour l’homme toutes les implications possibles. Par l’Incarnation mystique, le chrétien est poussé à engendrer la vie chrétienne; par la Rédemption, il est appelé à se préoccuper du salut de son prochain. L’Eglise devient le mouvement spirituel et incarné de cette collaboration ou de cette solidarité dans l’œuvre apostolique missionnaire. Jean-Baptiste en offre une illustration saisissante, lui qui n’était pas la voix mais le porte-voix, lui qui n’était pas la lumière, mais le flambeau ou la lampe préparant ou précédant cette lumière.