Souvenirs d’un ancien.

Si je prends la plume pour rappeler mes souvenirs, c’est que je vois tant de générations passer dans cette chère Assomption qu’il est à craindre de lui voir perdre son antique esprit. Il a oscillé quelquefois, mais comme les sapins battus par la tempête, après avoir penché leur tête en des sens divers, se hâtent de fixer leur cime vers le ciel, je voudrais que notre vieil et si bon esprit d’autrefois, après ses épreuves, tempora mea, comme dit Cicéron, revînt à sa primitive direction. Qui suis-je? Qu’est-ce que cela vous fait, ami lecteur? Pourvu que je vous intéresse en témoin fidèle! Croyez-vous que si je vous ennuie, il me plaise de vous voir bâiller à la seule vue de mon nom? Je suis des vieux: que cela vous suffise pour comprendre que je sais des choses que vous ne savez pas. J’aime les jeunes, et comme disait un grand vicaire de Moulins, je ne vois pas pourquoi un sot depuis cinquante ans serait préféré à quelqu’un qui n’a de l’esprit que depuis vingt-cinq. Du reste, à l’Assomption, les vieux aiment les jeunes; les jeunes respectent les vieux; grande consolation pour les vieux qui peuvent être ennuyés d’être vieux, et pour les jeunes qui seront vieux à leur tour; dans tous les cas, méthode essentiellement antirévolutionnaire.

L’Assomption et ses œuvres, 1875, n° 1, p. 1-2.

<br>