Itinéraires Augustiniens n°36 : Le miracle

Qu’est-ce qu’un miracle ? La définition qu’en a donnée Augustin est classique. « J’appelle miracle, écrit-il, tout événement insolite qui manifestement surpasse l’attente ou les capacités de celui qu’il étonne » ( De l’utilité de croire XVI, 34). S’il était simplement attentif au cours ordinaire des choses, l’homme y verrait le spectacle d’un miracle permanent : il serait « écrasé de miracles ». Mais son regard est émoussé. Il ne s’étonne plus de rien. Par leur côté inhabituel, les miracles éveillent l’attention. Ils orientent le regard vers les réalités spirituelles, à commencer vers l’auteur de toutes ces merveilles.

Editorial

Des miracles à profusion, par Marcel NEUSCH

  J’appelle miracle, écrit-il, tout événement insolite qui manifestement surpasse l’attente ou les capacités de celui qu’il étonne

Qu’est-ce qu’un miracle ? La définition qu’en a donnée Augustin est classique. « J’appelle miracle, écrit-il, tout événement insolite qui manifestement surpasse l’attente ou les capacités de celui qu’il étonne » ( De l’utilité de croire XVI, 34). S’il était simplement attentif au cours ordinaire des choses, l’homme y verrait le spectacle d’un miracle permanent : il serait « écrasé de miracles ». Mais son regard est émoussé. Il ne s’étonne plus de rien. Par leur côté inhabituel, les miracles éveillent l’attention. Ils orientent le regard vers les réalités spirituelles, à commencer vers l’auteur de toutes ces merveilles.

A l’époque de sa conversion, Augustin ne prêtait guère attention aux miracles. Lors de la découverte à Milan des corps des saints Gervais et Protais, découverte qui s’était accompagnée de nombreux miracles, il resta à l’écart de l’engouement populaire ( Conf. IX, 7, 16). Ces miracles, qu’il rappelle dans la Cité de Dieu (XXII, 8, 2), il dit les avoir « oubliés ». A cette époque, il exigeait en toute chose une « certitude qui fut du même ordre que celle de 7 et 3 font dix. » ( Conf. VI, 4, 6). En tous les cas, les miracles n’ont exercé aucune influence sur sa conversion.

Quand il rédigera la Cité de Dieu , trente ans plus tard, il ne manifeste plus le même désintérêt. Au livre XXII, il relève avec une minutie de notaire les nombreux miracles contemporains, tous sollicités au bénéfice de la foi chrétienne. S’ils sont moins connus que les miracles du Christ, ces miracles récents ne sont pas moins réels. La conclusion s’impose : « Il se produit donc maintenant encore de nombreux miracles et le Dieu qui les accomplit par ceux qu’il veut et comme il veut est le même qui a accompli les miracles que nous lisons » dans les Evangiles (XXII, 8, 22).

Pourquoi tous ces miracles ? Il convient de ne pas se tromper sur leur portée. Augustin ne les tient pas pour indispensables au regard de la foi, d’autant plus que la foi étant largement répandue dans le monde, le miracle comme argument en sa faveur lui semblait superflu. Le vrai miracle, c’est la foi elle-même, répandue dans le monde entier. De toute façon, le miracle reste ambigu, car en tant que signe, il requiert la foi pour être reconnu comme venant de Dieu et interprété correctement.

Augustin n’est pas plus crédule que nos contemporains. Sa réserve à l’égard du miracle rejoint celle dont fait preuve aujourd’hui l’Eglise. Les miracles sont des signes de la sollicitude de Dieu, et comme le dit Augustin, ils doivent tout au plus offrir dans la catéchèse « une entrée en matière heureuse ».

Marcel NEUSCH
Augustin de l’Assomption

Augustin en son temps

Le sens du miracle dans la pensée d’Augustin, par Marcel NEUSCH

« Etonne-toi donc ! Réveille-toi !
Parce  qu’une chose est insolite, tu l’admires
sans songer que celles que tu as coutume de voir
sont plus étonnantes encore. »
(Sermon 126, 4)

Qu’est-ce qu’un miracle ? Voici la  définition  qu’en donne un catéchisme pour enfants : « Un miracle, c’est une action qui sort de l’ordinaire  et qui étonne. En plus,  c’est un signe de Dieu. »  Cette définition réunit  trois  sens distincts, le plus souvent dissociés, qui étaient déjà familiers à saint Augustin : un sens physique, un sens psychologique et un sens théologique. Au sens physique, le miracle  est ce qui sort de l’ordinaire, ce qui se produit apparemment, dit Augustin,  « contre le cours ordinaire de la nature »[1]. Au sens psychologique, c’est un phénomène qui suscite l’étonnement du spectateur par son côté insolite, rare, merveilleux  : «  J’appelle miracle, écrit Augustin,  tout événement insolite qui manifestement surpasse l’attente ou les capacités de celui qu’il étonne[2] ». Enfin, le miracle revêt un sens théologique, pour autant qu’il est un signe de Dieu (admonitio) qui tend à réveiller l’homme de sa torpeur  spirituelle  et à susciter en lui un regard de foi.

Chez saint Augustin, ces trois sens sont en étroite corrélation[3]. Mais il convient de les hiérarchiser. Augustin  ne s’attache guère à l’aspect physique, sinon pour souligner que la nature offre le spectacle d’un miracle permanent, sauf que nous n’y sommes plus attentifs. « Les miracles accomplis journellement par Dieu ne te frappaient pas, non pas que Dieu cessât de les faire avec une prodigieuse facilité, mais parce qu’il continuait  de les faire » (Sermon 126, 4). C’est parce que nous sommes devenus insensibles  à ces miracles « naturels », si l’on peut dire,  que Dieu en a fait de nouveaux, mais le but est le même : ce sont des signes qui doivent d’abord nous conduire à « reconnaître  l’artisan  des merveilles ordinaires » (ib.).  Autrement dit, tout est signe. Au-delà de la matérialité des faits miraculeux, il faut surtout percevoir leur  sens spirituel. Les phénomènes naturels, tout comme les miracles plus spectaculaires, doivent faire l’objet  d’une interprétation.

I Le miracle permanent de la nature

  Si le miracle apparaît comme une intervention de Dieu dans le cours naturel des choses, cette intervention n’est pas hors normes

Ce qui, dans le miracle, paraît le plus évident pour nos contemporains, c’est l’aspect physique : le miracle leur apparaît comme une dérogation aux lois naturelles.  Augustin n’ignore pas cet aspect. Ainsi qu’il se plaît à le reconnaître, « certaines lois sont naturelles  »,  en ce sens que le « cours ordinaire  de la nature » leur obéit[4]. « Un grain de blé ne vient pas d’une fève ni une  fève d’un grain de blé ; une bête ne vient pas d’un homme ni un homme d’une bête » (ib.). Que les êtres soient soumis à des lois naturelles se traduit par deux traits : ils  portent en eux un certain dynamisme, « une force vitale », qui les oriente dans leur existence ; mais aussi ils sont limités dans leur expansion. « Ces lois, « sources primordiales » (primordia) des êtres, commandent leur durée de vie et leur succession »[5].  D’une certaine façon, le miracle vient perturber  ces lois naturelles.

Mais il ne faut pas se laisser égarer par les apparences. Si le miracle apparaît comme une intervention de Dieu dans le cours naturel des choses, cette intervention n’est pas hors normes. D’abord, la puissance de l’ordre naturel  (lex naturæ ) n’est pas indépendante du pouvoir divin.  Celui-ci est posé au-dessus du pouvoir de la nature, le Créateur se gardant la possibilité  de « tirer de tous ces êtres d’autres effets que ceux qui sont inclus en ces sortes de raisons séminales » (ib).   Autrement dit, les « raisons séminales» que Dieu a mises dans les choses pour les gouverner ne les déterminent jamais de façon absolue, au point de les soustraire  à la puissance de Dieu, et de limiter son pouvoir sur elles. Il n’y a pas de nature véritablement autonome. Quand, dans le cours naturel  des choses, on voit se produire des effets extraordinaires,  miraculeux, ces effets relèvent du même pouvoir de Dieu qui a institué les lois de la nature.  Si le miracle constitue, selon les apparences, une « exception »  aux lois naturelles,  Augustin se refuse d’y voir une « contradiction ».

 Tout bien considéré, le miracle n’est pas en effet une exception aux lois de la nature

Tout bien considéré, le miracle n’est pas en effet une exception aux lois de la nature. Car, dans la nature même, tout est déjà miracle, à telle enseigne que la frontière entre l’ordre naturel et le miracle est assez artificielle. En tous les cas, le miracle ne perturbe cet ordre naturel qu’en apparence. Estimer que certains faits miraculeux dérogent à « l’ordre des causes naturelles »,  c’est faire preuve de myopie, car ces faits, loin de contredire l’ordre naturel,  s’y intègrent sans solution de continuité.  L’exemple qu’invoque Augustin est la transformation de l’eau  en vin,  aux noces de Cana. Où est le miracle ?  Comparant le miracle accompli par le Christ  au processus naturel de la pluie  qui produit le raisin qui, pressé,  donnera le vin,  Augustin conclut que le Christ ne fait qu’introduire une accélération à un processus tout aussi miraculeux  dans la nature. Celle-ci est un miracle permanent.

« Qui ne sait en effet que l’eau mêlée de terre, aspirée par les racines de la vigne, nourrit le bois et y prend une qualité nouvelle qui provoque le progressif surgissement de la grappe ?  qu’à mesure que celle-ci grandit, ce jus devient un vin  qui s’adoucit en mûrissant [.] ? que ce vin prend force en vieillissant  et devient une boisson utile et agréable ? Pourtant le Seigneur eut-il besoin de cep ou de terre ou de ces laps de temps, lorsque par un admirable raccourci il changea l’eau en vin et en vin de telle qualité que les convives, bien que légèrement ivres,  en vantèrent le mérite (Jo 2, 9) ? Le créateur du temps eut-il besoin du concours du temps ? [.] Or, ces prodiges, lorsqu’ils arrivent, n’arrivent pas contre les lois de la nature, si ce n’est pour nous qui ne connaissons de la nature que son cours normal, mais non pour Dieu pour qui la nature est ce qu’il a fait. [6]»

  La nature est pleine de miracles que l’assiduitas a dévalorisés, et les hommes ne sont frappés que « de faits et de paroles miraculeuses », qui sortent de l’administratio courante de la nature

Aux yeux d’Augustin, il  n’y a donc pas de véritable discontinuité entre ce qui relève de la nature et ce qui relève du miracle au sens courant. D’un côté comme de l’autre, c’est la même action divine qui se manifeste. Il suffit de bien ajuster le regard pour s’en rendre compte. S’appuyant sur le même exemple de l’eau transformée en vin, et d’autres exemples bibliques  (la pluie obtenue par la prière d’Elie, le bruit  « inaccoutumé »  et « désordonné »  de l’orage  sur le Sinaï, etc.)[7],  Augustin met chaque fois en évidence la continuité qui existe entre ces phénomènes miraculeux et les phénomènes naturels. « La nature est pleine de miracles que l’assiduitas a dévalorisés, et les hommes ne sont frappés que « de faits et de paroles miraculeuses », qui sortent de l’administratio courante de la nature ».  Inversement, on doit dire que les miracles  ne diffèrent des phénomènes naturels  que par leur caractère « insolite ». La différence n’est donc pas du côté de Dieu, mais uniquement du côté de la subjectivité humaine trop émoussée.

II L’esprit de l’homme  mis en éveil

Dans le miracle, c’est l’aspect psychologique qui est le plus souvent mis en valeur par Augustin. Au regard de l’ordre de la nature, « le miracle  est un fait inhabituel plutôt qu’un événement incompréhensible »[8]. D’une certaine façon, dans la nature, le miracle  est partout, mais nous ne savons plus nous en étonner, notre regard s’étant atrophié. La visée des miracles, en sortant de l’ordinaire,  est d’abord d’aiguiser notre regard. Si Dieu produit des miracles, c’est-à-dire des phénomènes qui nous surprennent et nous étonnent, c’est pour produire en nous une insomnie, un réveil. Miraculum : le terme « dénote l’effet d’étonnement provoqué chez le spectateur. Augustin l’utilise comme terme générique regroupant toute la typologie des prodiges ». Si « cet aspect subjectif du « miracle » est fondamental à ses yeux »[9], c’est non pas en raison de la différence entre miracle et phénomène naturel, mais en raison de leur efficacité sur l’esprit humain.

« Comme tous ces miracles (naturels) ne  te frappaient plus, il est venu lui-même pour en faire d’inaccoutumés, et t’obliger ainsi à reconnaître en lui l’artisan des merveilles ordinaires. Il est venu Celui à qui il a été dit : « Renouvelle les signes ».  « Fais éclater davantage ta miséricorde ».  Certes, il les répandait ces miséricordes, il les versait à flots et personne n’y faisait attention ; et il est venu, petit, vers les petits ; médecin, vers les malades.» (Sermon 126, 4)

Dans la Cité de Dieu,  Augustin  parle  d’une « exubérante forêt de miracles » (XXI, 8, 5).  Dans cette « forêt », il  distingue quatre sortes de miracles : les monstra, terme qui désigne moins les monstres que les prodiges,  ainsi dénommés « parce qu’ils montrent quelque chose tout en le signifiant ». Viennent ensuite les ostenta, de ostendere, terme dont le sens est immédiat, signifiant simplement « montrer ». Augustin y rattache les portenta, terme qui viendrait de præ-ostendere, c’est-à-dire « indiquer par avance ». Enfin, les prodigia  (de porro-dicere, selon l’étymologie douteuse d’Augustin), qu’il interprète ainsi : « dire de loin, c’est-à-dire prédiction des choses futures ». Quoi qu’il en soit de ces étymologies, tous ces phénomènes ont la même fonction : « signifier, montrer, prédire et annoncer par avance que Dieu réalisera tout ce qu’il a prédit de faire à l’avenir  concernant les corps des hommes ». Ces phénomènes exceptionnels manifestent chacun à sa manière  le pouvoir de Dieu, un pouvoir  capable non seulement de créer les natures, mais encore de les  « changer en tout ce qu’il voudra ».

  Un travail de discernement s’impose,  c’est-à-dire qu’il faut  scruter les intentions de ceux qui les accomplissent

Le seul avantage du miracle par rapport aux phénomènes naturels, c’est donc qu’il suscite l’étonnement. La différence n’est pas du côté du pouvoir de Dieu. Dire que les miracles  sont  des phénomènes qui se produisent « contre nature »,  c’est ignorer ce pouvoir  de Dieu, qui n’est limité  par « aucune loi de la nature »  (Cité de Dieu,  XXI, 8, 5).  La différence n’est pas non plus du côté de la nature.  Il n’y  a pas plus de merveilleux  dans un miracle que dans la nature. Car le miracle est partout dans la nature[10]. La différence est du côté du sujet percevant. Il ne faut d’ailleurs pas trop vite voir dans le miracle une action de Dieu. Le miracle en tant que prodige étonnant est ambigu.  Qui nous garantit qu’il est d’origine divine ? Les magiciens du Pharaon accomplissaient des prodiges comparables à ceux de Moïse. Les miracles sont donc susceptibles d’abuser les esprits. Un travail de discernement s’impose,  c’est-à-dire qu’il faut  scruter les intentions de ceux qui les accomplissent.

« Lors donc que les magiciens font des choses pareilles à celles que les saints font parfois, elles  ont bien l’air , à ce qu’on voit, d’être pareilles, mais elles sont accomplies dans une autre intention et à un autre titre. Car les premiers agissent en cherchant leur propre gloire, les seconds en cherchant la gloire de Dieu[11].»

III Les miracles: Un appui à la  foi en Dieu

A quoi sont destinés les miracles, sinon justement à mieux percevoir la gloire de Dieu qui se reflète dans la création ? Ce sont des signes que Dieu adresse à l’homme. L’étonnement doit éveiller l’esprit à la réalité par rapport à laquelle le miracle n’est qu’un signe dans la nature qui doit orienter le regard vers le Créateur. Augustin écrit : les miracles sont des signes dont la « mission  est de transmettre à nos sens quelque message divin » (de Trin. III, 10,  19).  Si Dieu  fait des « miracles »  qui transgressent le cours habituel des choses, c’est d’abord pour remédier à la faiblesse de notre foi. Dieu est « toujours partout et tout entier », sauf que nous y sommes devenus insensibles[12]. Le miracle a comme première fonction de nous éveiller à cette présence universelle de Dieu comme Créateur.

L’étonnement doit éveiller l’esprit à la réalité par rapport à laquelle le miracle n’est qu’un signe dans la nature qui doit orienter le regard vers le Créateur

«  Mais, parce que les hommes, occupés ailleurs, ont cessé de considérer les ouvres de Dieu qui devraient chaque jour leur faire louer le Créateur, Dieu s’est pour ainsi  dire  réservé d’accomplir des ouvres extraordinaires  afin de réveiller les hommes qui s’étaient comme endormis et de les exciter par des merveilles à l’adorer. Un mort est ressuscité, les hommes sont étonnés ; il y a tant de naissances chaque jour, et nul ne s’étonne ! Pourtant, si nous y regardons avec plus de discernement ; il faut un plus grand miracle pour faire être qui n’était pas que pour  faire revivre qui était[13]. »

Augustin s’intéresse en particulier aux miracles  du  Christ, dont la fonction est double[14]. Si le Christ accomplit des miracles, c’est en premier lieu, afin d’ouvrir les yeux de l’homme à la présence agissante de Dieu dans l’univers. « Puisque tout cela avait pour toi perdu de sa valeur,  (le Christ) est venu faire des choses insolites pour que tu reconnaisses ton Créateur même dans les choses accoutumées » (Sermon 88, 1, 1). Les miracles du Christ ont en outre comme seconde fonction de prouver sa divinité, comme les souffrances devaient prouver son humanité[15]. Les miracles sont donc des signes, qui doivent conduire à ce qu’ils  attestent. Tel est le sens des miracles du Christ :  ils attestent au cour de son humanité sa nature divine.

« Fais attention à ce que tu vois, et crois à ce que tu ne vois pas. Les créatures te semblaient des signes négligeables ou de trop faibles indices pour t’élever au Créateur. Il est venu en personne ; il a fait des miracles ; tu ne pouvais pas voir le Dieu, mais tu pouvais voir l’homme, et le Dieu s’est fait homme et il t’a présenté dans le même être de quoi satisfaire et tes yeux et ta foi » (Sermon  126, 5).

Tout compte fait, dans les miracles, Augustin est surtout sensible à leur sens spirituel.  Les miracles transmettent un enseignement, ce sont des « ouvres qui parlent »,  déclare-t-il à propos de la multiplication  des pains (sermon 95, 3). En rester à l’aspect matériel, c’est se comporter comme celui qui ne sait pas lire et se contente d’admirer  dans un manuscrit la beauté des lettres : « Le sens lui en reste fermé » (Sermon 98, 3). Les miracles  sont des signes qui renvoient à un sens spirituel : le moindre détail y fait sens. Il faut donc constamment passer de la matérialité des faits, qui ne sont pas négligeables,  au sens spirituel, c’est-à-dire  à  ce qu’ils donnent à penser. Ainsi, les trois résurrections visibles  opérées par le Christ  sont le signe des milliers de morts invisibles qu’il a ressuscités et continue de ressusciter :

« Jésus-Christ  voulait qu’on entendît dans un sens spirituel les miracles qu’il opérait sur les corps. Il ne faisait pas des miracles pour les miracles seulement, mais il voulait qu’en excitant l’admiration de ceux qui les voyaient, ils fussent encore pleins de vérité  pour ceux qui en comprennent le sens.  [.] Ainsi, ceux qui ont été les témoins oculaires des miracles de Jésus-Christ, et qui n’ont point compris le sens et la signification mystérieuse qu’ils révélaient, ont admiré le fait matériel du miracle; d’autres, non contents d’admirer les faits extérieurs, ont compris ce qu’ils signifiaient. Voilà ce  que nous devons être à l’école de Jésus-Christ »  (Sermon 98, 3)

 Les miracles pourraient même devenir un obstacle à la vraie foi,  laquelle ne s’attache pas au visible, mais doit regarder vers l’invisible

Sans nier la réalité matérielle des miracles accomplis par le Christ, Augustin ne leur accorde qu’une faible valeur apologétique. D’abord, ses miracles font l’objet de  contestation dans les milieux juifs et païens. De plus le Christ n’a pas eu l’exclusivité du pouvoir d’accomplir des miracles,  quelle que soit la manière dont on s’explique les miracles accomplis par d’autres. Enfin, les miracles n’ont qu’un faible intérêt  pédagogique, dans la mesure où l’auditeur risque de se laisser fasciner par l’aspect merveilleux  au lieu  d’y voir un signe vers autre chose.  Certes, les miracles, « ceux que le Christ fit lui-même et qu’il fit par ses serviteurs »,  rendent crédible sa parole. Ce sont des signes de la sollicitude de Dieu,  mais dans la catéchèse, ils doivent tout au plus offrir une « entrée en matière heureuse ».  On devra amener l’auditeur  très vite à en saisir la portée spirituelle.  « Il faut, bien sûr, faire passer son attention des miracles  et des songes de ce genre à la voie plus solide des Ecritures[16] .»

Si les miracles ont été utiles pour enraciner la foi en ses débuts, Augustin estime qu’ils  sont devenus aujourd’hui inutiles puisque la foi est partout répandue dans le monde. C’est ce qui explique leur rareté. Les miracles pourraient même devenir un obstacle à la vraie foi,  laquelle ne s’attache pas au visible, mais doit regarder vers l’invisible. C’est ce qui lui avait  fait écrire : « Une fois l’Eglise catholique répandue et établie par toute la terre, Dieu n’a pas laissé ces miracles continuer jusqu’à nos jours, par crainte que notre humanité ne s’arrêtât au visible et que, s’habituant à eux, l’humanité  ne perdît l’ardeur que, nouveaux, ils lui avaient communiquée[17]. »  Relisant  cette observation au moment des Retractationes, Augustin ajoute cependant un rectificatif : « Il ne faut pas entendre ce que j’ai dit de manière à penser que maintenant il ne se fait plus de miracles au nom  du Christ » (I, 13, 7). Et de rappeler tout ce qu’il sait au sujet des miracles contemporains, impossibles à « énumérer ».

Conclusion

Augustin n’a pas été de son vivant un faiseur de miracles, comme d’autres saints. Possidius fait mention de deux cas : un exorcisme qui n’a  rien de spectaculaire,  et la guérison d’un malade. Celui-ci vint  trouver Augustin  pour qu’il lui imposât la main pour sa guérison. Augustin, lui-même déjà malade et alité, répondit que, « s’il  y pouvait quelque chose, il  se la fût certainement appliquée en premier ». Mais l’autre  prétendit qu’il avait entendu en songe une voix qui lui avait dit : « Va trouver l’évêque Augustin pour qu’il lui impose la main  et il sera guéri. »  Augustin intercéda, et le malade fut guéri sur le champ[18]. S’agit-il d’un miracle ?  On peut en douter. Van der Meer ajoute ce commentaire : « Deux miracles seulement : ce qui signifiait autant que rien  pour le cinquième siècle. »

Il ne semble pas d’autre part que Augustin ait été lui-même le témoin direct de miracles accomplis en son temps.  A Milan même, où il a entendu parler des miracles qui accompagnèrent la découverte des corps des saints Gervais et Protais, il n’a connu ces faits,  semble-t-il,  que par ouï-dire[19].  En tous les cas, les miracles  qu’il relate dans la Cité de Dieu (au nombre de vingt-cinq) proviennent d’archives ou lui furent racontés par des témoins plus ou moins fiables. A ceux qui lui objectent l’absence ou la rareté des miracles  en nos jours, il répond simplement qu’ils sont devenus inutiles, l’argument décisif en faveur de la foi chrétienne étant, non pas les miracles, mais  son universalité.

« Pourquoi n’arrivent-ils plus de nos jours, ces miracles (évangéliques), dont vous dites qu’ils ont eu lieu jadis ? Je pourrais répondre qu’ils étaient nécessaires avant que le monde crût, pour l’amener à croire. Quiconque réclame encore des prodiges, pour croire, est lui-même un grand prodige pour ne pas croire malgré la foi du monde ! » (Cité de Dieu XXII, 8, 1)[20]

Marcel NEUSCH
Augustin de l’Assomption

Augustin maître sirituel

Le miracle comme argument de foi chez saint Augustin, par Jean-Paul SAGADOU

Introduction

Il se produit donc maintenant encore de nombreux miracles,
et le Dieu qui les accomplit par ceux qu’il veut
et comme il veut, est le même qui a accompli
les miracles que nous lisons..
»
(Cité de Dieu XXII, 8, 22)

Comme il l’a été pour la notion du temps, et pour celle de la Trinité, Augustin fut sans doute le premier vrai penseur des miracles. Exégètes, historiens et théologiens ne peuvent explorer la question du miracle sans rencontrer celui dont le vrai miracle fut d’abord sa propre conversion. Sa pensée sur le miracle va marquer durablement la tradition chrétienne. Evidemment, aujourd’hui, le mot miracle éveille bien de questions : la foi repose-t-elle sur les miracles ? Ceux-ci sont-ils la preuve que Jésus est Dieu ? Ne faut-il pas ranger les miracles du côté de la magie ? Une chose est sûre : les Evangiles foisonnent de miracles. Dans l’évangile de Mathieu, ce sont les miracles qui font de Jésus le « Seigneur de sa communauté », chez Marc, les miracles sont « un appel à la foi », chez Luc ils attestent que « Jésus est Sauveur » et enfin chez Jean ils sont le signe que « nous avons vu la gloire de Dieu ».

Les lignes qui vont suivre ont pour ambition de traiter du miracle comme argumentum fidei chez saint Augustin. C’est une question difficile. Elle nous plonge d’emblée dans un certain embarras et notre esprit épris de rationalité ne sait pas toujours comment se situer face à ce qui lui apparaît être de l’ordre de l’inexplicable.  Alors comment s’y prendre ? Nous allons nous appuyer sur l’étude de Leopold Tanganagba sur le miracle[1]. Le plus simple serait de commencer par montrer la conception progressive qu’Augustin a eue du miracle. Ensuite, il va falloir donner la signification du miracle chez Augustin. Si la question des contemporains de Jésus était : « au nom de qui fais-tu cela ? », notre question aujourd’hui est : comment le miracle est-il argument de foi ? Nous verrons ce qu’il en est à partir de l’évêque d’Hippone.

I. Augustin et le miracle : un positionnement progressif.

 Augustin accepte les miracles de la Bible, mais il se montre incrédule vis-à-vis des miracles contemporains

Les meilleurs spécialistes d’Augustin le reconnaissent : la pensée d’Augustin est « essentiellement évolutive »[2]. Augustin a lui-même écrit qu’il  « s’efforce d’être du nombre de ceux qui écrivent en progressant et qui progressent en écrivant »[3]. Son intelligence des miracles a été aussi très progressive à travers le temps. Comme l’écrit Goulven Madec, Augustin « avait (.) l’esprit trop rationnel sinon rationaliste ; il voulait être certain des choses qu’il ne pouvait voir comme il était certain que sept et trois font dix [4]». Il prenait du temps pour penser les questions qui se présentaient à lui. Il ne pouvait donc pas mettre sa foi de façon immédiate dans les miracles. Très concrètement, on peut observer, selon Léopold Tanganagba, trois positions successives chez Augustin :

La première position correspond au moment où Augustin se méfie un peu des miracles. Ou, pour le dire autrement, ici, Augustin se méfie des miracles contemporains, c’est-à-dire, ceux  accomplis à son époque. Il considère que le christianisme est la seule vraie religion révélée par Dieu et authentifiée par des signes dont les principaux sont les miracles. Il n’ y a donc pas à chercher ailleurs. Dans le christianisme, l’Eglise catholique est la seule institution à laquelle le Christ a confié son autorité divine tout en l’accréditant de miracles. En fait pour Augustin, « être croyant » n’équivaut pas à « être crédule ». Cela fait qu’il opte fermement pour les miracles bibliques. Donc d’emblée, il accepte les miracles de la Bible, mais il se montre incrédule vis-à-vis des miracles contemporains, ceux qui se produisent autour de lui et auxquels les manichéens, donatistes et pélagiens mettaient leur foi. Mais Augustin n’en restera pas là. Les événements vont le pousser à se positionner autrement.

Ce repositionnement correspond à la période dite intermédiaire, où Augustin commence sa confession de foi dans les miracles. Cette position correspond à son expérience personnelle, avec l’invention des corps des saints Milanais ( les corps de Gervais et Protais préservés de la corruption. (Cf. Conf. 9 ;7 ;16.), mais aussi la guérison miraculeuse d’un malade qu’il fit lui-même et enfin par sa propre guérison miraculeuse de rage de dents (Conf. XI, 4, 12). Voici ce qu’il écrit dans les Confessions à propos du miracle de Gervais et Protais :

« Vers cette époque, à ton évêque que j’ai mentionné (Ambroise), tu révélas dans une vision le lieu où se trouvaient les corps des martyrs Protais et Gervais. Pendant des années, tu les avais préservés de la corruption et cachés dans le trésor de ton secret, pour les en tirer en temps opportun, afin de confondre une rage de femme, mais aussi de reine. En effet, pendant que ces corps, découverts et exhumés, étaient transférés avec tout honneur requis à la basilique d’Ambroise, des hommes tourmentés par les esprits immondes recouvraient, de l’aveu même de ces démons, une santé parfaite. Bien plus quelqu’un qui était aveugle depuis plusieurs années, un citoyen très connu de la cité, entendant l’allégresse tumultueuse de la foule, en demanda la cause, l’apprit, bondit sur ces jambes et pria son guide de le conduire sur les lieux. Arrivé là, il obtint de s’approcher pour toucher de son mouchoir le brancard où reposait, précieusement devant ton regard, la dépouille mortelle de tes saints. Il le fit, puis porta l’étoffe à ses yeux ; à l’instant les voilà ouverts. »[5]

C’est alors qu’Augustin fait cette mise en garde : que personne n’objecte que  Jésus-Christ ne fait plus de miracles aujourd’hui, reconnaissant seulement ceux de l’Eglise primitive. Dans les Confessions il commence à confesser la réalité des miracles et rend grâce à Dieu pour ses prodiges.

Dans un troisième moment, l’attitude d’Augustin se veut très positive vis-à-vis des miracles. Dans le Sermon 320, il écrit :

« Nous nous habituons à entendre les relations de miracles opérés par Dieu à la prière du bienheureux martyr Etienne. La relation faite par cet homme consiste à le voir ; les caractères sont sa physionomie, ils sont écrits sur son visage. Vous qui vous rappelez ce que vous voyiez en lui avec douleur, lisez maintenant avec joie ce qui vous frappe, afin de glorifier plus amplement le Seigneur notre Dieu et de vous garder dans la mémoire de ce que porte cette relation vivante »[6].

Ou encore dans la Cité de Dieu XXII, 8, 22 :

« Il se produit donc maintenant encore de nombreux miracles, et le Dieu qui les accomplit par ceux qu’il veut et comme il veut, est le même qui a accompli les miracles que nous lisons. »

Tout cela étant, comment mieux cerner le miracle chez Augustin ?

II.   Qu’est-ce que le miracle ?

 Le miracle est inscrit dans l’ordre de ce qui dépasse l’humain

Comment définir le miracle dans la pensée d’Augustin ? Il semble qu’Augustin n’ait pas laissé une définition toute faite du miracle. Pourtant dans la Cité de Dieu, on peut lire ceci : « J’appelle miracle tout ce qui, étant difficile et inaccoutumé, dépasse l’attente et le pouvoir du spectateur qui s’étonne [7] ». D’emblée, le miracle est inscrit dans l’ordre de ce qui dépasse l’humain. D’après Tanganagba, ce qu’Augustin écrit du miracle dans ses ouvrages  permet de définir le miracle de la manière suivante : le miracle est comme « tout phénomène ardu, insolite et étonnant au-dessus du pressentiment et des capacités naturelles de l’homme, opéré par Dieu comme signe du salut et argument de la foi »[8]. Pour bien comprendre cela, il faut faire retour aux formes traditionnelles du miracle déclinées suivant leurs finalités en miracles Montra, ostenta, portenta, et prodigia. Essayons de nous déterminer par rapport à ces formes en donnant quelques indications quant à leur signification.

Les miracles monstra dérivent du verbe « monstrare » qui signifie indiquer, désigner, montrer, signaler, dénoncer, faire connaître, exposer, démontrer, prouver. Ici, on est dans l’ordre de la symbolisation. Augustin entend le mot « monstra » dans le sens de symbole et de signe. Ainsi, les miracles « monstra » servent soit à représenter, soit à indiquer, soit à symboliser la volonté divine.

 Ici il faut se référer au verbe « ostendere » qui veut dire mettre devant les yeux, montrer, faire entendre, mettre sous les yeux, révéler, manifester et réaliser

Ensuite il y a les miracles ostenta. Ici il faut se référer au verbe « ostendere » qui veut dire mettre devant les yeux, montrer, faire entendre, mettre sous les yeux, révéler, manifester et réaliser. Le mot « ostentum » a le sens de présage, de fait extraordinaire annonciateur de graves événements.  En reprenant ce mot, Augustin insiste sur le caractère ostentatoire du miracle, celui de la manifestation de la bonté de Dieu et des avantages que les hommes en tirent. Plus précisément, le miracle manifeste aux fidèles la bonté de Dieu, sa bienveillance gratuite et quelque chose de son être. Il est pour les chrétiens un chemin vers Dieu.

La troisième forme correspond aux miracles portenta. Ce mot dérive du verbe « portendere » qui signifie indiquer par avance, prédire préfigurer, faire pressentir, annoncer, se révéler. Augustin use de ce mot dans le sens figuratif de l’interprétation biblique, où tous les personnages et les événements du Premier Testament sont figuratifs de ceux du Nouveau.

Enfin, il y a les miracles prodigia. Ce dernier mot dérive du latin « prodicere », qui signifie dire au loin, indiquer d’avance. Augustin entend justement ce mot dans le sens de annoncer à l’avance, prévenir. Le mot « prodigium » a le sens de prodige, merveille, miracle, présage, phénomène extraordinaire. Les miracles prodigia prédisent les choses à venir. Ainsi les miracles de résurrection des morts accomplis par Jésus sont comme l’annonce par avance de sa propre résurrection et de celle des élus. Dieu est capable de prédire ce qu’il réalise par la suite.

Ainsi les miracles ont pour but de montrer, de prédire, d’annoncer par avance que Dieu réalise et réalisera tout ce qu’il a prédit de faire concernant les hommes et les autres créatures. Ces différentes formes du miracle sont importantes pour mieux comprendre le miracle comme signe et comme preuve de la foi chez Augustin par le détour de l’approche biblique.

III.   D’un point de vue biblique

 Augustin considère l’Ecriture comme ce qui nourrit et fortifie la foi des fidèles

Augustin est un grand explorateur de la Bible. L’approche qu’il fait de la Bible est une approche existentielle. Cela veut dire qu’il considère l’Ecriture comme ce qui nourrit et fortifie la foi des fidèles. Bien plus, chez lui, l’Ecriture en elle-même peut être perçue comme un argument  au service de l’affermissement de la foi des fidèles. Chez Augustin, la Parole de Dieu n’est pas une lettre morte, mais un discours vivant, un message actuel. Il a un souci pastoral extraordinaire qui explique la forme de langage avec laquelle il aborde l’Ecriture.  A travers les hommes auxquels il s’est adressé autrefois, c’est aux hommes d’aujourd’hui que le Christ parle. Dans son désir d’actualiser la Parole de Dieu, et de rester au plus près des étapes de l’histoire du salut, Augustin, sans jamais les systématiser, est resté attentif aux miracles du Premier et du Nouveau Testament.

Augustin découvre plusieurs sens dans les textes bibliques suivant les genres littéraires employés par les écrivains sacrés : le sens historique, allégorique, analogique et étiologique. Le sens historique considère écrit ce qui est vraiment arrivé au cours du temps ou ce qui paraît plausible. Le sens allégorique prend l’Ecriture comme une métaphore ou une représentation symbolique. Le sens analogique établit une harmonie entre le Premier et le Nouveau Testament. Le sens étiologique donne l’origine, le pourquoi et la signification de faits, paroles, actes, rites et noms compris dans les Ecritures.

Augustin tiendra fortement compte de ces distinctions dans les commentaires qu’il fera des miracles bibliques. Ce qui l’intéresse, c’est le sens profond pour nous de ce qu’a dit et fait le Seigneur, ainsi des miracles. Dieu a opéré les miracles pour attester de la vérité de la promesse faite à Abraham, qu’il sera le père d’une multitude de nations. Ainsi, le miracle de la femme stérile et vieille qui lui donne un fils (Gn 18, 1-118).

Dans le Nouveau Testament, le miracle de la guérison de l’aveugle de Jéricho ( Lc 18, 35-43), constitue un « lieu » d’exhortation qu’Augustin adresse aux fidèles. Exhortation visant à la persévérance face à la foule de chrétiens aveugles, n’ayant de chrétien que le nom, et menant une vie d’impies (Cf. Sermon 88). En fait l’argument biblique est lui aussi en faveur de la foi. Les miracles de la Bible visent la foi. C’est très typique dans le NT. L’enfant du centurion romain est guéri sur la foi de ce dernier. Jésus loue d’abord sa foi, ainsi de la femme atteinte d’hémorragie (Lc 8, 48), du lépreux ( Lc17, 11-18), etc.

IV.    Détermination théologique sur le miracle

1) D’un point de vue  apologétique

On le sait : pendant longtemps, la théologie s’est préoccupée de divers signes de la Révélation. Ces signes ont souvent été vus comme des « arguments » pour notre foi. Du coup l’étude qu’on en a souvent fait s’est située d’abord dans une perspective apologétique. C’était une tâche urgente et nécessaire. Si par la suite ce point de vue sera très critiqué, on ne peut omettre que l’argumentation apologétique ait pris une place chez Augustin au sujet des miracles. Comment rendre compte de ce point ?

Pour Augustin, l’essence du miracle est dans sa qualité de signe proposé par Dieu à l’attention des hommes. Reconnu par la foi, il ouvre au mystère de Dieu et de son envoyé Jésus-Christ ainsi que Pierre le dira le jour de la pentecôte : «  Israélites, écoutez ces paroles : Jésus le Nazaréen, cet homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous..Dieu l’a ressuscité » ( Ac, 2, 22-24).

L’approche augustinienne du miracle est fondamentalement liée à l’histoire du salut et au surgissement de Dieu dans le temps. Dès le commencent du monde, Dieu n’a cessé de parler aux hommes et de confirmer, par des miracles, sa parole et ses diverses promesses faites à travers les patriarches et les prophètes. Dans l’Ancien Testament, les miracles ont pour but de consolider la foi au vrai Dieu, celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, mais aussi d’interdire l’idolâtrie et le polythéisme. Dans une perspective morale, les miracles enseignaient aussi au peuple à la nuque raide, ce qu’il devait faire pour suivre Dieu et réglementer ses relations avec lui dans la droiture et la justice. Ici, Augustin se situe dans les temps pré-messianiques.

Ensuite , lorsque les temps furent accomplis,  Jésus apparut sur terre et avec lui une pluie de miracles.  Dieu se « montre aux hommes dans la personne d’un homme véritable et concret »[9]. L’Incarnation, l’Epiphanie, la descente de l’Esprit sur Jésus sous la forme d’une colombe, sa Transfiguration, la Résurrection, l’Ascension etc. sont les miracles qui attestent de cette « présence » de Dieu auprès des hommes. Enfin dans les temps, post-messianiques, la Pentecôte est le grand miracle de la naissance de l’Eglise. Cela dit, le miracle chez Augustin n’est argumentum fidei que parce qu’il est d’abord signe.

2) Les miracles comme signe

Pour comprendre la réalité théologique du miracle chez Augustin, il est nécessaire de passer par la compréhension de sa théorie du signe. La première approche du signe chez Augustin se trouve dans le De dialectica. Là, il définit le signe comme «  ce qui se montre soi-même au sens, et qui en dehors de soi, montre encore quelque chose à l’esprit »[10]. Comment comprendre cette dialectique ? La dialectique du maître et du disciple peut aider : dans le domaine de l’enseignement, le maître pour enseigner, recourt aux choses ou aux signes, et le disciple apprend des choses au moyen des signes. Il comprend les choses au sens propre de leur réalité. Pour faire court, les signes sont des moyens de connaissance qui font appel soit à la mémoire du déjà connu, soit au désir de ce qui n’est pas encore connu, de l’inconnu. On peut distinguer dans la pensée d’Augustin, les signes naturels, les signes donnés et les signes conventionnels.

Les signes naturels sont des « signes qui, sans aucune intention ni désir de signifier, font à partir d’eux-mêmes connaître quelque chose d’autre en plus d’eux-mêmes »[11]. Ils ont une signification qui vient de la nature des choses, comme par exemple la fumée, le signe de feu. Il suffit d’observer une fois ce spectacle naturel, pour en comprendre le signe.

Les signes donnés sont ceux que tous les êtres vivants s’adressent mutuellement pour manifester autant qu’ils le peuvent les mouvements de leur esprit, tout ce qu’ils sentent et tout ce qu’ils pensent. Les signes donnés sont les véhicules de communication entre deux sujets, un émetteur et un récepteur. Il s’agit pour un être humain de communiquer quelque chose à quelqu’un d’autre. La différence entre les signes donnés et les signes naturels est liée au fait que les premiers sont voulus, alors que les seconds ne le sont pas.

Enfin les signes conventionnels sont des signes qui ont été fixés par la convention des hommes, tels les lettres de l’alphabet, ou les panneaux routiers.  Ils tiennent leur signification «  non de leur nature, mais d’une convention arbitraire »[12] adaptée à la société des hommes. De tels signes frappent donc diversement les esprits, selon la diversité des conventions adoptées dans la société à laquelle ils appartiennent : ils ne sont pas adaptés pour avoir une telle signification par eux-mêmes ; mais leur sens provient seulement d’un accord établi par arrangement social. Mais où situer les miracles à l ‘intérieur de ces distinctions ?

3) Les signes donnés par Dieu

Disons-le tout de suite : Augustin place les miracles dans les signes donnés, car ceux-ci portent en eux leur signification qu’il faut découvrir. Dit autrement, ce qui intéresse Augustin ce sont les « signes donnés par Dieu »[13]. Or ces signes sont contenus dans les saintes Ecritures et les Ecritures nous parlent de Jésus-Christ. Pour comprendre les signes, il faut donc se mettre à l’école du Christ, Maître de l’homme intérieur. En regardant le Christ s’exprimer aux hommes, on remarque qu’il a utilisé non seulement la parole, mais aussi les actes comme signes.

« Assurément, affirme Augustin, par l’odeur du parfum répandu sur ses pieds, le Seigneur a donné un signe ; par le sacrement de son corps et de son sang, il a signifié sa volonté par le sens du goût, et par  le geste de la femme qui, en touchant la frange de son vêtement, fut guérie ( Mt 9, 21) il a encore signifié quelque chose »[14].

Pour Augustin les miracles sont des « signes » donnés pour montrer de façon visible, la présence de Dieu et sne volonté de sauver son peuple. Dans l’Ancien Testament, de nombreux miracles ont accompagné le peuple hébreu sur son chemin de libération de l’Egypte. Jésus, l’Envoyé de Dieu pour le salut des hommes a accompli des miracles pour confirmer la volonté divine.

4) Les miracles : preuve de la foi

La démarche est assez simple pour comprendre la position de saint Augustin. Comme il peut en être aujourd’hui encore, au temps de saint Augustin, il existe des hommes qui par leur attachement aux réalités terrestres ont du mal à lever les yeux vers le ciel. Les biens matériels empêchent de penser aux biens éternels. Par conséquent, Dieu qui est dans les cieux fait de temps en temps des miracles sur la terre, afin d’amener l’homme attaché aux choses de la terre à croire à son invisible créateur.

Les miracles que Dieu fait sont des miracles extraordinaires, c’est-à-dire surnaturels, dépassant les possibilités et l’entendement humains. Ce qui est déterminant, c’est que ces miracles jouent le rôle de lumière sur le chemin qui amène les hommes à la foi. Ils exercent l’esprit de l’homme à comprendre l’intelligence de Dieu[15]. Mais pour être un homme de foi, il ne suffit pas de comprendre, il faut vivre cette foi. Dans ce sens, les miracles tournent les hommes vers Dieu. Il s’agit de faire voir que le miracle ne vaut pas pour lui-même, au contraire, il est fait pour quelque chose d’autre qui est la foi. Les miracles ne sont pas de simples signes, ils sont signes de la foi.

5)  Les miracles : signes de la foi

Les miracles sont donc des signes de la vraie foi et de la vraie religion fondée sur le Christ. En effet, par ses miracles, le Christ guidait les simples gens vers une foi inébranlable.

« Le Christ apportait le remède qui guérit la corruption des mours : par ses miracles, il s’est acquis l’autorité, par son autorité il a acquis la foi, par la foi il a ramassé la masse, par la masse il s’est assuré la durée, sur la durée il a assuré la religion »[16].

La valeur théologique du miracle se situe dans l’ordre de l’économie du salut. Cela veut dire que Dieu veut que tous les hommes passent du visible à l’invisible pour jouir du Bien suprême. Le miracle ne vaut pas par lui-même mais par le salut dont il est le signe. Avec Jésus, les miracles deviennent des signes divins du salut de l’homme tout entier, corps et âme. Ils deviennent surtout les signes de la foi en Dieu.

Comme on peut l’observer, Augustin ne fait pas du miracle simplement un « argument massu » pour prouver rationnellement la vérité de la révélation, la divinité de Jésus Christ. Il opère dans son ouvre une interprétation existentielle de l’Ecriture. Cela signifie que, pour lui, l’Ecriture est d’abord et avant tout la nourriture spirituelle dont les hommes ont besoin pour leur vie de chaque jour. Ainsi, en présence des miracles, l’homme est invité à penser à Dieu et à passer des miracles à Dieu.

Conclusion

La doctrine catholique a toujours lié la phénomène du miracle à la foi ; soit pour y faire ressortir le contexte de croyance religieuse dans lequel les miracles surviennent, soit pour indiquer la finalité d’éveil de la foi que comporte le miracle[17]. Ainsi, jamais n’est absente du miracle la dimension de signe. Mais le miracle est de l’ordre de ce qui est fondamentalement dans le secret de Dieu. On a bien vu que chez Augustin, c’est cela même qui forme la base d’une solide réflexion sur le miracle.

Jean-Paul SAGADOU
Augustin de l’Assomption

Augustin dans l'histoire

Les miracles du Christ chez saint Athanase d’Alexandrie, par Fr. Lucian Dinca

Saint Augustin (354-430) n’a jamais rencontré physiquement saint Athanase d’Alexandrie (298-373). Cependant, dans ses Confessions , l’évêque d’Hippone rappelle deux épisodes de sa vie où il fait intervenir le souvenir de l’évêque alexandrin.

  il raconte la conversion à la vie monastique de deux « chargés de mission » grâce à la lecture de la Vie d’Antoine de saint Athanase

Au livre VIII, parmi les exempla le conduisant à la conversion, il mentionne le fruit du récit fait par Ponticianus de la conversion d’Antoine le Grand : Je lui appris (à Ponticianus) que je consacrais mes plus grands soins à ces Écritures, et la conversation s’engagea. Il raconta l’histoire d’Antoine, ce moine égyptien, dont le nom brillait d’un éclat prestigieux auprès de tes serviteurs, mais qui pour nous, jusqu’à lors, restait caché. Dès qu’il s’aperçut de notre ignorance, il s’attarda sur le sujet et nous découvrit peu à peu ce grand homme ( Confessions VIII, 6, 14). Un peu plus loin, il raconte la conversion à la vie monastique de deux « chargés de mission » grâce à la lecture de la Vie d’Antoine de saint Athanase. En se promenant ils trouvèrent là un livre qui retraçait la vie d’Antoine. L’un d’eux se mit à la lire ; et le voilà qui s’émerveille et s’enflamme et, tout en lisant, songe à embrasser la même vie, à quitter la milice du siècle pour te servir ( Confessions VIII, 6, 15).

Au livre X des Confessions , lorsque l’évêque décrit les tentations qui l’assaillent encore, il parle également de la tentation de l’ouïe quant à la beauté du chant des psaumes dans les églises : Je vais si loin, par moments, que pensant à toutes les mélodies et suaves cantilènes qui accompagnent généralement les Psaumes de David, je voudrais les écarter de mes oreilles et de celles de l’Église elle-même. Alors me paraît plus sûre la pratique de l’évêque d’Alexandrie, Athanase ; on m’a dit souvent, je m’en souviens, qu’il faisait prononcer le lecteur du psaume avec une flexion si légère de la voix que c’était plus près de la récitation que du chant ( Confessions X, 23, 50).

Ces deux événements rappelés par saint Augustin nous montrent bien la renommée et l’influence que saint Athanase d’Alexandrie commençait à avoir non seulement en Orient, mais aussi en Occident. Lorsqu’on parle des miracles du Christ chez saint Augustin, nous sommes en droit de voir dans le contexte immédiat qui a précédé l’évêque d’Hippone comment on pensait et quelle théologie on développait sur ces miracles. Saint Athanase nous aide à découvrir que même si les miracles sont à l’heure actuelle ignorés, voire rejetés car trop peu scientifiques dans notre culture, ils restent de l’ordre de l’inexplicable ; ils appellent surtout un saut qualitatif. Dans la recherche des miracles du Christ, ce qui est en jeu n’est pas de l’ordre des prodiges mais du signe, c’est-à-dire d’une orientation christologique, théologique, parfois eschatologique et surtout pédagogique du Christ. Le principal saut qualitatif demandé est de l’ordre de la foi afin de passer du scientifique au mystère de Dieu.

Incarnation virginale du Christ

 Saint Athanase a dû lutter toute sa vie contre la doctrine d’Arius, curé de Baukalis, localité proche d’Alexandrie, et de ses disciples qui niaient la divinité du Christ

Saint Athanase a dû lutter toute sa vie contre la doctrine d’Arius, curé de Baukalis, localité proche d’Alexandrie, et de ses disciples qui niaient la divinité du Christ. Devenu évêque de la grande métropole alexandrine en 328, alors qu’il n’avait pas encore 30 ans accomplis, saint Athanase se dédie corps et âme à la défense de la divinité du Christ proclamée officiellement et dogmatisée par l’Église au premier concile œcuménique tenu à Nicée, en 325, à travers le terme homoousios – c’est-à-dire le Fils est de la même substance que le Père. Par conséquent, il jouit de l’éternité avec lui et partage la même gloire et le même honneur. Au slogan arien, « il y eut un temps où le Fils n’existait pas », saint Athanase répond : le Père est tandis que le Fils est aussi, il est celui qui est (cf Ex 3, 14 et Jn 8, 58) et il est le Père du FilsLes divines Écritures ne disent pas quelque chose de tel au sujet du Sauveur, mais bien plutôt qu’il est depuis toujours avec le Père ( Contre les Ariens I, 11).

Saint Athanase est un pasteur qui s’appuie sur l’Écriture lorsqu’il affirme quelque chose sur le Christ. Le prologue johannique lui révèle qu’« au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » (Jn 1, 1). Cependant, ce Verbe, éternellement avec le Père, par amour pour le genre humain, a pris un corps semblable au nôtre en tout, excepté le péché (cf. Hymne aux Philippiens , Ph 2, 6-11). Ainsi, l’évêque alexandrin voit une double génération du Verbe : éternelle de la substance du Père et temporelle dans le mystère de l’Incarnation au sein de la Vierge Marie. L’enseignement fondamental et la marque propre de l’Écriture, … c’est la double annonce qu’elle présente au sujet du Sauveur : 1) depuis toujours il était Dieu et il est le Fils, étant le Verbe, le Rayonnement et la Sagesse du Père ; 2) par la suite, à cause de nous, prenant chair de la Vierge Marie , la Theotokos (mère de Dieu), il s’est fait homme ( Contre les Ariens III, 29).

Sa naissance virginale, annoncée déjà par les prophètes de l’Ancien Testament (cf. Gn 3, 15 ; Is 7, 13), un miracle qui dépasse toute explication scientifique biologique, est une preuve de sa divinité : lorsque sa chair a été engendrée de la Theotokos Marie , celui-là même qui donne aux êtres de venir à l’être est dit avoir été engendré, de telle sorte qu’il transporte en lui-même notre naissance et que nous ne retournions plus à la terre, comme n’étant que terre (cf. Gn 3, 19), mais que nous soyons élevés jusqu’aux cieux par le Verbe, comme étant conjoints au Verbe venu du ciel ( Contre les Ariens III, 33). Le fait même que le Verbe prenne une chair humaine de la Vierge Marie , la Theotokos , dépasse toute compréhension humaine et nous incite à donner notre adhésion de foi. Le Verbe de Dieu s’est fait homme pour que nous devenions Dieu ; il s’est rendu visible en son corps, pour que nous nous fassions une idée du Père invisible ; il a supporté les outrages des hommes, afin que nous ayons part à l’immortalité » (Sur l’incarnation du Verbe, 54, 3). Dans cette phrase est concentrée toute la pensée de saint Athanase concernant l’incarnation du Verbe du sein virginal de Marie qu’il appelle Theotokos avant même la querelle qui opposera saint Cyrille d’Alexandrie et Nestorius de Constantinople.

L’évêque d’Alexandrie adopte donc une position dogmatique qui place la conception virginale dans la perspective de la divinisation de l’homme. Il présente le mystère de l’incarnation comme les deux limites du récit réel et de l’histoire surnaturelle, deux portes ouvertes à l’inconnu divin où la foi est invitée à adhérer dans la lignée de la tradition chrétienne, comme des ouvertures au mystère de Dieu. L’intérêt de saint Athanase est de conduire les adversaires de la divinité du Christ à la reconnaissance du Christ comme Sauveur annoncé par les prophètes en vue de la divinisation de l’homme. Par cette naissance virginale, Dieu ne veut pas défier les lois naturelles humaines, mais il veut tout simplement montrer à l’homme que pour Dieu tout est possible. Quand il aime l’être humain rien n’est de trop. Pour que l’homme atteigne la perfection en vue de laquelle il a été créé, Dieu s’incarne d’une Vierge, l’image de l’Église qui enfantera, dans les eaux du baptême, un peuple immense de croyants. Les récits bibliques doivent être interprétés théologiquement dans la perspective de la divinisation de l’être humain, sans toutefois nier leur sens littéral. Ainsi, ce qui semble être impossible, voire inimaginable à nos yeux, devient possible et source du salut de l’homme aux yeux de Dieu.

Les miracles de la vie publique de Jésus Christ

 Quand on lit les ouvrages de saint Athanase, on constate son grand souci de présenter le Christ à la fois comme vrai Dieu et véritablement homme

Quand on lit les ouvrages de saint Athanase, on constate son grand souci de présenter le Christ à la fois comme vrai Dieu et véritablement homme. La divinisation et l’incorruptibilité de l’homme sont les deux motifs de l’incarnation du Christ. Dans la pensée de l’évêque alexandrin, la naissance virginale du Christ n’est pas seulement délivrance du péché et destruction de la mort, elle est un renouvellement total de l’homme, à l’image et à la ressemblance de l’image selon laquelle il a été créé au commencement. S’il est vrai que le Verbe nous divinise, et cela les théologiens orientaux l’admettent, il s’ensuit qu’il est véritablement Dieu. Les miracles de sa vie publique sont un argument en ce sens : Donc quand les théologiens qui nous parlent de lui nous disent qu’il mangeait et qu’il buvait, et qu’il était mis au monde, sache que c’est le corps qui était mis au monde et se nourrissait des nourritures appropriées, mais qu’en lui le Verbe de Dieu uni à ce corps ordonnait tout l’univers, et par les œuvres qu’il opérait en son corps se faisait connaître non pour un homme, mais pour le Dieu Verbe » ( Sur l’incarnation du Verbe , 18, 1).

Si le parti arien réplique contre la divinité du Christ à cause des faiblesses de la chair, saint Athanase argumente que même incarné, le Verbe demeure véritablement Dieu. Ainsi, il veut distinguer clairement ce qui ressort de l’activité humaine de Jésus et ce qui appartient au Verbe de Dieu uni à cette nature humaine : On dit de lui tout cela, parce que ce corps mangeait, était mis au monde, souffrait, n’était pas le corps d’un autre, mais bien celui du Seigneur ; et puisqu’il s’était fait homme, il convenait que cela fût affirmé de lui comme d’un homme, pour qu’on vît bien qu’il avait un corps véritable et non pas imaginaire. Mais de même que tout cela faisait connaître sa présence dans un corps, ainsi les œuvres qu’il opérait par son corps le faisaient reconnaître pour le Fils de Dieu. Aussi criait-il aux Juifs en leur disant  : « Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ; mais si je les fais, même si vous ne croyez pas en moi, croyez à mes œuvres, pour que vous sachiez et connaissiez que le Père est en moi et que je suis dans mon Père » (Jn 10, 37) ( Sur l’incarnation du Verbe , 18, 2-3 // Contre les Ariens III, 55, 2-3).

Comme les Juifs au temps de Jésus, les ariens au temps de saint Athanase s’arrêtaient seulement à la personne de Jésus sans pénétrer, grâce à la foi, au-delà de son humanité pour contempler sa divinité. Ainsi, ils viennent avec des arguments bibliques insistant sur les faiblesses et les passions humaines de Jésus qu’ils appliquent également à sa divinité afin de conclure son état de créature comme les autres créatures : Ces passions n’étaient pas par nature propres au Verbe en tant que Verbe, mais le Verbe était dans la chair qui éprouvait ces passions, ô ennemis du Christ. Car ces passions ne sont pas dites de lui antérieurement à l’assomption de la chair : c’est seulement quand « le Verbe s’est fait chair » (Jn 1, 14) et est devenu homme que l’Écriture les dit de lui humainement. Ainsi, par exemple, celui auquel l’Écriture attribue ces passions a lui-même ressuscité Lazare d’entre les morts, changé l’eau en vin, accordé la vue à l’aveugle-né et a dit « Moi et le Père, nous sommes un » (Jn 10, 30) (Contre les Ariens III55, 1). Donc, dans la pensée de saint Athanase, préoccupé de la défense de la divinité du Christ et de sa réelle humanité, il ne faut pas s’arrêter sur un seul aspect de la vie de Jésus mais tenir comme dans une balance en équilibre ce que l’Écriture nous révèle de sa divinité et de son humanité.

Ce double aspect de la pensée christologique athanasienne nous aide à mieux comprendre le but des miracles du Christ et nous conduit à la profession de foi en sa divinité et en sa consubstantialité au Père. Saint Athanase ne se contente pas simplement de rappeler l’identité du Verbe de Dieu avec Jésus de Nazareth dans le mystère de l’incarnation, mais il va encore plus loin en attribuant les miracles divins et les passions humaines respectivement au Verbe de Dieu comme tel et à la chair qu’il a portée par amour pour nous en vue de notre divinisation. Le Verbe a supporté nos faiblesses et nos passions charnelles afin de les détruire en nous communiquant son impassibilité et sa liberté proprement divine, en et par sa chair divinisée, puisque le Verbe portait les faiblesses de la chair et que la chair collaborait aux miracles de la divinité.

Passion, Mort et Résurrection du Christ

 La passion, la mort et la résurrection constituent le miracle par excellence accompli par le Christ en vue de notre divinisation et de notre immortalité

La génération éternelle du Verbe, sa naissance virginale, sa vie, sa passion, sa mort et sa résurrection constituent l’économie du salut de l’être humain. Si l’arianisme « fabriquait » un Sauveur créé par Dieu et élevé à la divinité grâce à sa vertu, saint Athanase proclame la divinité du Sauveur qui par amour pour l’homme est allé jusqu’à mourir, et mourir sur une croix (cf. Ph 2, 8). Donc, la passion, la mort et la résurrection constituent le miracle par excellence accompli par le Christ en vue de notre divinisation et de notre immortalité :

Il convenait parfaitement, semble-t-il, que le Sauveur fit tout cela, pour que les hommes qui avaient méconnu sa providence à l’égard de tous les êtres, et n’avaient pas reconnu sa divinité à travers la création, regardent au moins les œuvres qu’il accomplissait par son corps, et par lui se fassent une idée de la connaissance du Père, remontant, comme je l’ai dit, du détail de ses œuvres à sa providence universelle. A voir son pouvoir sur les démons, à voir les démons reconnaître qu’il est le Seigneur, qui hésiterait encore et se demanderait si c’est bien lui le Fils de Dieu, et sa Sagesse, et sa Puissance ? Il n’a pas laissé la création elle-même garder le silence, mais, ce qui est admirable, dans sa mort même, je veux dire sa croix, toute la création confesse que celui qui se fait connaître et souffre en son corps, n’est pas simplement un homme, mais le Fils de Dieu et le Sauveur de tous. Quand le soleil se détourna, que la terre trembla, que les montagnes se fendirent, tous furent saisis de frayeur (cf. Mt 27, 45, 51-53)  ; mais tous ces prodiges montraient que celui qui était sur la croix était le Christ de Dieu, et que toute la création était sa servante, témoignant par sa frayeur de la présence de son maître. C’est ainsi donc que le Dieu Verbe se manifeste aux hommes par ses œuvres ( Sur l’incarnation du Verbe , 19, 1-2).

Le regard de saint Athanase sur la passion et la mort du Christ sur la croix n’est pas un regard fataliste, au contraire, sa pensée est dominée par l’idée de la mort glorieuse du Christ et la croix est le trophée de sa victoire sur la mort. En supportant les limites et les passions de notre condition charnelle, le propre Fils du Père a mis en œuvre sa puissance divine en sa propre chair en ressuscitant d’entre les morts. Ainsi, la pensée théologique en général, et christologique en particulier de saint Athanase, est dominée par le mystère pascal grâce auquel nous sommes devenus participants à la divinité et à l’immortalité. Sur la croix, le Christ a assumé toutes nos faiblesses afin de nous rendre libres et de nous introduire dans la connaissance de Dieu. La résurrection est l’aboutissement final de la reconnaissance du Christ véritablement Fils de Dieu et Fils de l’Homme fait chair pour notre divinisation et notre vie en Dieu.

Conclusion

Lorsqu’on parle des miracles du Christ chez saint Athanase, nous ne pouvons pas faire abstraction du souci qu’il porte comme évêque d’Alexandrie : affirmer, à temps et à contre temps, la vraie divinité du Christ et de sa réelle humanité. Les actes du Christ conduisent le théologien à reconnaître en lui à la fois l’homme qui accomplit les gestes physiquement et le Dieu qui agit spirituellement. Dans la pensée de saint Athanase, le Christ n’accomplit pas des miracles pour faire sensation autour de lui, mais pour susciter la foi des gens afin de reconnaître en lui l’envoyé de Dieu pour le salut du monde. Vivant éternellement auprès du Père, le Fils prit notre chair mortelle naissant d’une Vierge et accomplissant des œuvres divines afin de faire de nous des enfants de Dieu par adoption, participant à sa vie divine grâce à la résurrection.

Fr. Lucian Dînca
Augustin de l’Assomption
Communauté d’Alzon, Québec-Canada

Présence d’Augustin dans l’encyclique de Benoît XVI, par Marcel NEUSCH

Présence d’Augustin dans l’encyclique de Benoît XVI, « Deus caritas est ».

Comparée à d’autres encycliques, celle de Benoît XVI, Deus caritas est , datée du 25 décembre 2005, comporte peu de citations : 36 au total. Augustin n’est cité que quatre fois, ce qui est peu, mais aucun autre auteur ne fait mieux. Justin ou Ambroise ne sont cités qu’une fois. Saint Thomas n’est pas mentionné, alors qu’il y a des références à des auteurs « profanes » : Descartes, Nietzsche, sans compter les auteurs de l’Antiquité : Platon, Salluste. Voici les quatre références à Augustin :

N° 17 (fin) : Dieu est « plus intime à moi-même que je ne suis à moi-même ». Citation tirée des Confessions III, 6, 11 : « Mais toi, tu étais plus intime que l’intime de moi-même, et plus élevé que les cimes de moi-même ». Benoît XVI fait appel à ce passage pour montrer que la volonté de Dieu ne s’impose pas de l’extérieur, mais s’identifie avec ma propre volonté.

N° 19 (début) : « Tu vois la Trinité quand tu vois la charité. » Citation tirée du traité sur la Trinité (VIII, 8, 12). Elle introduit la deuxième partie de l’encyclique sur l’exercice concret de la charité. C’est dans le prochain que Dieu se rend visible et se donne à rencontrer. Le même thème se retrouve ailleurs chez Augustin :

« Comment nous exercer à cet amour (de Dieu) ? par amour fraternel. Tu peux me dire : je n’ai pas vu Dieu ; mais peux-tu dire : je n’ai pas vu l’homme ? Aime ton frère. Si tu aimes ton frère que tu vois, par le fait même tu verras Dieu, car tu verras la charité même, et Dieu habite en elle. » ( In Jo Ep . V, 7)

N° 28 (début) : « Un Etat qui ne serait pas dirigé selon la justice se réduirait à une grande bande de vauriens.  Remota itaque justitia quid sunt regna sine magna latrocinia  ? » La citation ( Cité de Dieu , IV, 4) illustre l’exigence de justice sur le plan politique.

N° 38 (millieu) : «  Si tu le comprends, alors il n’est pas Dieu. Si comprehendis, non est Deus . » ( Sermon 52,16).Citation d’Augustin à propos de Dieu et la souffrance.

Que Benoît XVI ait une préférence pour Augustin ne surprend guère. Il faut se souvenir qu’il a réalisé autrefois une thèse : Volk und Haus Gottes in Augustins Lehre von der Kirche (1951, réédition 1992 EOS Verlag Erzabtei St. Ottilien) (Peuple et maison de Dieu dans la doctrine d’Augustin sur l’Eglise. Non traduit). On remarquera que trois des citations viennent des trois œuvres majeures d’Augustin : les Confessions , qui relatent son expérience personnelle de Dieu ; la Trinité , un exerce spirituel pour entrer en communion avec le Dieu d’amour ; la Cité de Dieu , esquisse d’un idéal de société humaine fondée sur la justice et l’amour.

M. N.

Augustin aujourd'hui

Les critères d’évaluation du miracle aujourd’hui à Lourdes, par Isabelle SAMSON-EWALD

Aujourd’hui, en France, qui dit « miracle », pense « Lourdes ». Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, le « miracle » à Lourdes, est tout à fait à l’ordre du jour.

En 2004, le Bureau médical de Lourdes a enregistré 36 déclarations de guérisons inexpliquées : un nombre record (cf La Croix du mardi 23 novembre 2004) . Depuis 121 ans que ce Bureau existe, ses archives conservent plus de 7000 dossiers de guérisons (dont 2500 ont été reconnues inexpliquées). Or, seules 66 ont été reconnues « miraculeuses » par l’Église. La prudence, voire la méfiance, de l’Église s’enracine d’une part dans l’histoire de Lourdes et d’autre part dans la nécessité de définir des critères de discernement très clairs pour des événements dont la foule des pèlerins est certes très friande, mais qui pourraient aussi les détourner de l’essentiel de la foi chrétienne.

Un bureau médical unique au monde

En 1858, la petite voyante de la grotte de Massabielle attire les foules et dérange l’ordre établi. L’Église doit se prononcer sur le message que la Vierge a confié à Bernadette : apparition surnaturelle ou mystification ? Guérisons extraordinaires ou simulées ? … L’époque baignant dans un climat anticlérical virulent, alimenté par l’essor du rationalisme scientifique, la polémique fait rage. Une guérison doit être constatée dans les règles de l’art médical.

Le 28 juillet 1858, Mgr Laurence, évêque de Tarbes, s’appuyant sur les critères retenus au siècle précédent par le cardinal Lambertini, futur Benoît XIV, pour la reconnaissance des faits miraculeux, engage le processus de contrôle des guérisons : il crée « une commission canonique, chargée de constater l’authenticité et la nature des faits. » La commission est composée de 16 ecclésiastiques et médecins. Une sous-commission est plus particulièrement chargée des guérisons, qui fait un tri et retient 29 cas de guérison. Son rapport est présenté à un médecin, le professeur Vergez. Qui ne retient que sept dossiers. Le rapport Vergez sert alors de base au rapport officiel de la commission, qui est rédigé par un ecclésiastique. Et c’est sur ce dernier rapport que Mgr Laurence s’appuie pour publier le 18 janvier 1862, un mandement épiscopal qui affirme et l’authenticité des apparitions de la Vierge à Bernadette et le caractère surnaturel des guérisons survenues.

Sous des formes qui vont évoluer au fil des années, ce va-et-vient complexe entre autorités médicales et religieuses persistera jusqu’à aujourd’hui. En 1884, un Bureau des constatations médicales est fondé à Lourdes, ouvert à tous les médecins de passage, croyants ou sceptiques, pour constater ou contester. En 1905, le pape Pie X recommande aux responsables du sanctuaire de confier les enquêtes aux évêques responsables des diocèses d’où sont issus les malades guéris. Il souhaite notamment « que les procès portent sur l’identité des personnes, sur les constatations des médecins et sur les dépositions des témoins qui ont vu les malades avant leur guérison. »

Entre les deux guerres, le contrôle médical prend une telle importance, qu’en 1941, ce sont les médecins qui déclarent : « le cas de cette jeune fille rentre dans le cadre des guérisons miraculeuses de Lourdes ».

Heureusement, en 1947, les rôles de chacun sont clarifiés : « À la médecine le jugement médical ; à l’Église, le jugement théologique et la sentence canonique. »

Aujourd’hui encore, la mission du Bureau médical, conférée par l’évêque de Tarbes et Lourdes, reste de « recevoir les témoignages des personnes se disant guéries par l’intercession de Notre-Dame de Lourdes, en vue de les authentifier pour une éventuelle reconnaissance de guérison miraculeuse. »

Des critères traditionnels

La foule des malades n’avait pas attendu les apparitions de la Vierge à Bernadette pour attribuer à la puissance divine ou à l’intervention d’un saint, des guérisons extraordinaires… L’histoire de l’Église en témoigne. Et les théologiens n’ont pas attendu non plus pour réfléchir aux conditions dans lesquelles une guérison peut être déclarée miraculeuse. Mais le XVIII e siècle, siècle des Lumières, est l’époque d’une incrédulité croissante notamment à l’égard des miracles. Le cardinal Lambertini, devant la nécessité qu’un miracle soit reconnu pour procéder à une béatification, puis d’un autre miracle pour une canonisation, a rédigé en 1734 un grand traité, qui est resté un texte de référence : De servorum beatificatione et beatorum canonisatione .

Il y rappelait et précisait les sept critères qui permettent de juger qu’une guérison peut être considérée comme miraculeuse.

  1.     Que la maladie soit grave et impossible ou difficile à guérir ;
  2.     que la maladie dont on guérit ne soit pas arrivée à son dernier stade, de telle façon que, peu après, elle aurait dû décliner ;
  3.     que des médicaments n’aient pas été pris ou qu’ils se soient avérés inefficaces ;
  4.     que la guérison soit soudaine et instantanée ;
  5.     que la guérison soit parfaite ;
  6.     qu’elle ne soit précédée ni d’une évacuation notable, ni d’une crise ;
  7.     enfin que la maladie effacée ne revienne pas.

Ces critères ont été utilisés à Lourdes et servent encore de référence pour le travail d’enquête sur les guérisons déclarées.

En 1968, dans son ouvrage : A travers le monde de la foi (Cerf, Cogitatio Fidei N° 31), Jean Mouroux rappelait que « l’apologiste a le devoir de construire d’une façon serrée, objective, résistante aux prises de la raison, les preuves du message divin. L’Église exige pour la reconnaissance officielle des miracles une critique sévère… » Et il observait que la vérification critique du miracle aura toujours à s’adapter aux progrès des sciences : « Il est sans doute parfaitement impossible, mais aussi parfaitement inutile à l’apologétique de répondre aux difficultés qu’élèveront les techniques du XXX e siècle : il lui suffit de répondre à celles du XX e (…) Si les médecins s’occupent de Lourdes dans quelques siècles, ils diront peut-être : les procédés de contrôle étaient bien gros et nous apparaissent insuffisants ; ils n’auront aucune raison pour dire : ce n’étaient pas des miracles, les techniques n’ayant pas à prouver qu’il y a miracle, mais simplement à montrer qu’il n’y a pas objection recevable (à leur plan) contre cette affirmation, laquelle exige pour être parfaitement posée, de tout autres éléments intellectuels. »

Du miracle au signe

Depuis Vatican II, tout en respectant le domaine médical, les théologiens ont changé l’angle de leur réflexion sur le miracle. Plutôt que de s’attacher à la notion de « preuve », ils préfèrent s’intéresser à celle de signe.

Comme l’expliquent Charles Perrot et Jean-Louis Souletie dans  Les Miracles tout simplement  ( Ed. de l’Atelier, 1995), dans Dei Verbum , « les miracles ne sont plus présentés comme des arguments qui garantissent de l’extérieur la révélation avec laquelle ils n’avaient que peu de liens. Désormais, ils sont rattachés, attribués au Christ qui manifeste dans sa vie d’homme, la gloire cachée de Dieu lui-même. (…) Tout entier signe de la Révélation , le Christ suscite la réponse de la foi qui déchiffre l’énigme du Signe qu’il est pour nous. Le Signe ici n’est pas contraignant et n’oblige donc personne à croire ». (…) Dignitatis Humanae observe : « Certes, le Christ a appuyé et confirmé sa prédication par des miracles, mais c’était pour susciter et fortifier la foi de ses auditeurs, non pour exercer sur eux une contrainte. »

Mgr Dagens, évêque d’Angoulême, a été amené à statuer sur le cas du 66e « miraculé » de Lourdes, Jean-Pierre Bély, guéri en 1987 d’une sclérose en plaques avérée. Dès sa première intervention, en 1996, il rappelle qu’il conviendrait de « ne plus s’enfermer dans la problématique étroite qui fait dépendre la reconnaissance de l’action de Dieu de l’impossibilité de trouver une explication médicale acceptable au phénomène considéré. » Et il demande que soit reconnue la place de l’Église qui « donne un avis dans le cadre de la vie de l’Église. »

Fort de cette prudence, le mardi 9 février1999, il « fait connaître l’interprétation que l’Église se juge autorisée à donner de cette guérison subite et inattendue » : « Au nom de l’Église, je reconnais publiquement le caractère authentique de la guérison dont a bénéficié Monsieur Jean-Pierre Bély à Lourdes, le vendredi 9 octobre 1987. Cette guérison subite et complète est un don personnel de Dieu pour cet homme et un signe effectif du Christ Sauveur, qui s’est accompli par l’intercession de Notre Dame de Lourdes. » La guérison n’est pas déclarée miraculeuse, mais authentique. « Le miracle » a laissé sa place au « signe ».

Quand on « clique » aujourd’hui sur le site Internet de Lourdes, au chapitre guérison, s’affiche un message de Mgr Jacques Perrier, évêque de Tarbes et Lourdes, daté du 17 mars 2003, qui se termine par ce rappel : « l’attitude actuelle des médecins est très respectueuse du magistère de l’Église. Comme chrétiens, ils savent que le miracle est un signe d’ordre spirituel. Ils ne veulent pas s’en faire les juges. De plus, pour un esprit moderne, il est difficile de dire, à propos de quelque réalité que ce soit, qu’elle est inexplicable. On peut seulement dire que jusqu’ici, elle est inexpliquée. »

Isabelle SAMSON-EWALD
Auteur d’une dissertation de licence en Théologie
Institut catholique de Paris, 2000

Le rôle du miracle dans les procès de béatification, par Christelle JAVARY

  L’Eglise souhaite encourager les fidèles à marcher dans la voie de la sainteté (vocation universelle des chrétiens, comme l’a rappelé le concile Vatican II) en leur proposant des modèles et des intercesseurs fraternels

Dépassé, le miracle ? Il semble au contraire « merveilleusement » bien se porter ! Alors que Benoît XVI semble poursuivre l’ambitieuse politique de béatification de son prédécesseur (lui-même appelé par la foule, dès ses funérailles, aux honneurs des autels), la congrégation pour les causes des saints annonce régulièrement qu’un miracle a été attribué à l’intercession de tel « serviteur (ou servante) de Dieu », nom officiel du « candidat » à la béatification. Car si les papes de l’époque contemporaine ont eu à cœur, depuis Pie XI jusqu’à Jean-Paul II, de simplifier et de moderniser la procédure de reconnaissance de la sainteté d’un baptisé, le miracle continue d’y jouer un rôle indispensable.

On pourrait s’en étonner. Pourquoi garder au miracle un tel statut, alors que notre époque aurait tendance, au moins en Occident, à n’y voir qu’une archaïque survivance médiévale ou une discutable concession à la piété populaire ? Avant d’examiner les arguments qui peuvent justifier cette situation – j’en proposerai quatre – il n’est sans doute pas inutile de rappeler brièvement le cadre général de la procédure de béatification.

L’Église n’a jamais prétendu dresser la liste exhaustive de ceux de ses enfants qui partagent la gloire de leur Seigneur. D’une part, c’est le secret de Dieu, et d’autre part, promet l’Apocalypse, il s’agit « d’une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer » (7, 9). Par contre, elle souhaite encourager les fidèles à marcher dans la voie de la sainteté (vocation universelle des chrétiens, comme l’a rappelé le concile Vatican II) en leur proposant des modèles et des intercesseurs fraternels. La béatification est donc la reconnaissance publique de la sainteté d’un(e) baptisé(e) défunt(e). La canonisation n’est pas un grade supplémentaire, mais l’extension à l’Eglise universelle du culte plus restreint autorisé lors de la béatification. Dans les deux cas, la procédure prend la forme d’un procès au cours duquel vont être présentés les arguments pour et contre. Elle commence à l’échelon du diocèse, en principe cinq ans au plus tôt après le décès, par l’enquête diligentée par l’évêque du lieu où est mort le serviteur de Dieu. Puis elle se poursuit par le transfert du dossier à la congrégation pour les causes des saints. Après la publication du décret établissant « l’héroïcité des vertus », la personne est déclarée « vénérable ». C’est là qu’intervient obligatoirement, sauf dans le cas du martyre, au moins un miracle attribué à l’intercession post-mortem du vénérable. S’il fait défaut, le processus est bloqué : entre mille exemples, on peut citer le cas de Pauline Jaricot, dont le décret sur l’héroïcité des vertus date de 1963. Quand le miracle a été authentifié, il est annoncé par décret. Le pape peut alors décider de procéder à la cérémonie de béatification. La canonisation obéit aux mêmes règles : c’est une seconde procédure, et elle requiert un autre miracle, cette fois y compris pour les martyrs.

Le miracle a donc valeur de preuve. Quelle justification théologique peut-on tenter d’en donner ?

1. Le miracle témoigne de la réputation de sainteté

C’est une évidence : il n’y a pas de miracle attribué à un serviteur de Dieu si son intercession n’a pas été sollicitée par un fidèle. Comme la béatification est liée au caractère public de la sainteté de tel ou tel, ce point est important. On pourrait dire qu’il est fait ici appel à un aspect du sensus fidei (le sens de la foi des fidèles) : la capacité à percevoir quasi intuitivement l’autorité propre à la sainteté. Et puisqu’il s’agit pour l’Église de donner des modèles au peuple chrétien, il est important de relever que certaines personnes jouent déjà ce rôle auprès d’un nombre significatif de fidèles.

2. Le miracle atteste de la faveur divine

Encore une évidence : c’est Dieu qui accomplit le miracle, et non le futur bienheureux ! Mais l’intercession « efficace » de ce dernier permet de juger qu’il est bien entré dans l’intimité de son Seigneur. On pourrait dire avec humour que c’est un moyen de vérifier que Dieu est d’accord… C’est pourquoi les groupes qui militent en faveur de la béatification d’une personne diffusent des prières où les grâces sont demandées autant pour elles-mêmes que pour le succès de la procédure. Voici par exemple un extrait du texte proposé par le site internet officiel consacré à la béatification de Jean-Paul II : « Par son intercession, accorde-nous, selon Ta volonté, la grâce que nous implorons, animés du vif espoir qu’il soit élevé au plus tôt aux honneurs des autels. Amen. »

3. Le miracle va dans le sens de la grâce, qui va dans le sens de la vie

Dernière évidence : le miracle fait du bien ! Ce n’est pas d’abord un acte inexplicable en l’état actuel des connaissances humaines, c’est un cadeau accordé gracieusement à une personne en état de grande détresse. Le miracle fait jaillir la vie là où la mort semblait devoir triompher. En ce sens, il rend témoignage à la bonté de Dieu et au soin qu’il prend des hommes : oui, il est le Maître et ami de la vie, « il n’a pas fait la mort » (Sg 1, 13). Le miracle est le signe donné sur la terre d’une espérance qui s’épanouira dans le ciel. Loin de dévaluer la vie présente, le miracle nous rappelle que Dieu s’y révèle. Tout en étant spirituel, le miracle a un caractère profondément réaliste, car concret et constatable (y compris par des experts non croyants). C’est d’autant plus vrai que le miracle consiste presque toujours en une guérison. On rejoint là le statut privilégié que la foi chrétienne accorde au corps : n’est-ce pas par son Incarnation que le Fils de Dieu est venu à notre rencontre ?

4. Le miracle est un signe de la communion des saints

Parce que le miracle est lu comme la réponse d’un baptisé glorifié à la demande d’un baptisé accablé, il crée un lien entre l’Église du ciel et l’Église de la terre, l’Église triomphante et l’Église militante, selon les termes traditionnels. C’est l’une des manières dont on peut comprendre la communion des saints, mentionnée dans le Symbole des apôtres. Or les saints, on l’a déjà vu, n’ont pas tous une auréole sur la tête ! Dans la mesure où la sainteté est la vocation de tout chrétien, les fidèles qui se confient à l’intercession d’un futur bienheureux peuvent et doivent reconnaître en lui un modèle, c’est-à-dire un encouragement concret à avancer sur la voie d’une vie toujours plus évangélique. D’ailleurs, la demande d’intercession n’est pas faite au hasard : elle manifeste le plus souvent une forme d’affinité spirituelle. La personne que l’on prie n’est donc pas un demi-dieu, mais un frère ou une sœur aînée ayant parcouru le chemin que l’Église indique à tous ses enfants.

Dans son caractère réaliste et concret, voire provocant, le miracle est donc comme un sceau qui authentifie le caractère dynamique et vivifiant de la sainteté vécue dans une vie humaine. Il rejoint ainsi ce qu’exprime la liturgie. « Car tu es glorifié dans l’assemblée des saints : lorsque tu couronnes leurs mérites, tu couronnes tes propres dons . Dans leur vie, tu nous procures un modèle, dans la communion avec eux, une famille et dans leur intercession, un appui ; afin que, soutenus par cette foule immense de témoins, nous courions jusqu’au bout l’épreuve qui nous est proposée et recevions avec eux l’impérissable couronne de gloire, par le Christ notre Seigneur. » (1 re préface des saints).

Christelle JAVARY
Chargée d’enseignement à la Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses
Institut Catholique de Paris

Saint Augustin écrit : « Quel mérite y a-t-il donc dans l’homme avant la grâce qui la lui fasse obtenir, puisque tout mérite en nous est l’œuvre de la grâce, et que Dieu, en couronnant nos mérites, ne couronne que ses dons ? » ( Lettre 194, 19).

Jalons pour raconter la vie d’Augustin, par un groupe à Madagascar

Ce parcours est une proposition d’un groupe de jeunes Malgaches, né le 13 novembre 2005 : anniversaire de la naissance d’Augustin. Il existait déjà, en lien avec la communauté des sœurs Augustines de Notre-Dame de Paris qui vit à Tananarive, un groupe de laïcs augustiniens. Un membre de ce groupe d’adultes est venu encourager les plus jeunes à créer leur propre groupe. Ils (et elles) sont 18, de 18 à 30 ans, pour un premier rendez-vous joyeux et priant.! La trame d’une rencontre est simple : prière, Parole, partage. L’objectif est grand : apprendre a aimer . Le guide ? Augustin  !

Mais déjà les questions fusent : Qui est saint Augustin ? En quoi son expérience spirituelle est-elle appelante pour de jeunes Malgaches de 2005 ? Un petit outil, qui permettrait de suivre les étapes de son itinéraire en laissant large place aux initiatives, serait bienvenu ! C’est cet outil que legroupe a élaboré, et que nous communique sœur Bernadette Delobel (Fianarantsoa). Il nous a paru utile à d’autres. Merci aux jeunes Malgaches.

A chaque étape :
* Des questions pour encourager le partage de vie
et l’engagement de chacun dans la charité .
* Des citations bibliques et des citations d’Augustin
pour nourrir le partage de foi et d’espérance.
* Des suggestions pour la prière.

1. Augustin, marqué dès son enfance par le signe de la croix du Christ.

  •     Le Nom de Jésus-Christ restera toujours dans son cœur.
  •     Tant que ce Nom lui manque, il ne peut vivre satisfait.

2. Augustin, un jeune doué pour l’amitié et attiré par la sagesse.

  •     Il veut chercher toujours la Vérité , avec des amis.
  •     Il a erré longtemps par des chemins sinueux, mais le Seigneur n’a pas cessé de l’appeler.

3. Augustin, un jeune-adulte saisi par l’humilité du Christ.

  •     Pour aller vers la Patrie de la paix, le Christ est la Voie.
  •     Jésus-Christ, Verbe fait chair, l’humble Dieu des chrétiens.

4. Augustin, un homme brûlé par la Parole de Dieu.

  •     La Parole convertit Augustin et le conduit au baptême.
  •     La Parole , fondement de la vie et de l’œuvre d’Augustin.

5. Augustin, un homme bouleversé par la miséricorde.

  •     Augustin relit son histoire : l’histoire de la miséricorde du Seigneur pour lui.
  •     Augustin, Docteur de la Grâce.

6. Augustin, un chrétien unifié par l’amour.

  •     D’une même charité, aimer Dieu et les frères.
  •     Vivre, c’est apprendre à aimer de l’Amour trinitaire.

7. Augustin, serviteur infatigable de l’Eglise et de son unité

  •     Aime et fais ce que veut l’Amour.
  •     Un saint pour tous les temps, un saint pour aujourd’hui.

1.Augustin, marqué dès son enfance par le signe de la croix du Christ

– Le Nom de Jésus-Christ restera toujours dans son cœur.
– Tant que ce Nom lui manque, il ne peut vivre satisfait.

Confessions : 1,11 et 3,4

Questions pour un partage

1. Dans mon histoire,

  •     Comment je suis venu(e) à Jésus ?
  •     Est-ce que je peux dire :
  •     « C’est Dieu le Père qui m’a attiré(e), et moi j’ai répondu ? »

2. Aujourd’hui,

  •     Comment je vis le signe de la croix ?

3 . Le Nom de Jésus, le Nom du Christ …

  •     Comment je le garde présent en moi ?

 

Parole de Dieu

« Nul ne peut venir à Moi (dit Jésus) si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » Jn 6,44

Citation d’Augustin

« Tu nous as créés orientés vers Toi
Et notre cœur est sans repos
tant qu’il ne demeure en Toi.
»
Conf.1,1

Suggestions pour la prière

Jésus, le Christ
Lumière intérieure,
ne laisse pas mes ténèbres me parler !
Jésus le Christ
Lumière intérieure
Donne-moi d’accueillir ton Amour !

2. Augustin, un jeune doué pour l’amitié et attiré par la sagesse.

– Il veut chercher toujours la Vérité , avec des amis.
– Il a erré longtemps par des chemins sinueux, mais le Seigneur n’a pas cessé de l’appeler.

Questions pour un partage

1. Dans mon histoire

  •     Bonheur de trouver la vérité après un temps de recherche… ?
  •     Joie de partager mes découvertes avec de vrais amis… ?
  •     Quand ?
  •     Est-ce que je peux dire aujourd’hui :
  •     « Dans les moments difficiles,
  •     le Seigneur ne m’a pas abandonné  » ?

2. Aujourd’hui,

  •     Qu’est-ce qui est important pour moi dans l’amitié ?
  •     Je dirais qu’une « amitié dans le Christ » c’est…

 

Parole de Dieu

«  La Vérité vous rendra libres. » Jn 8,32
« Je suis le chemin, la vérité, la vie. » Jn 14,6

Citations d’Augustin

« Ces amis que tu aimes tant, pourquoi désires-tu qu’ils vivent et qu’ils vivent avec toi ?
Pour chercher ensemble, d’un même cœur, à connaître nos âmes et Dieu. Car ainsi, celui qui a le bonheur de trouver la vérité y achemine les autres sans fatigue . » Sol 1,2
« L’amitié que Tu cimentes, ô mon Dieu, entre des âmes unies en Toi par la charité… Cette charité que répands en nos cœurs l’Esprit-Saint qui nous a été donné » C 4,4
« Plus je suis ton ami , et plus je me sens libre.
Et plus je suis franc, plus je suis ton ami » L.155

Suggestions pour la prière

Tu m’as appelé, et ton cri a fini par forcer ma surdité.
Tu as brillé et ton éclat a réussi à chasser ma cécité.
Tu as exhalé ton parfum, et j’ai pu le respirer.

« De toutes mes forces,
celles que Tu m’as données,
je T’ai cherché ! »

 

3. Augustin, un jeune-adulte saisi par l’humilité du Christ.

– Pour aller vers la Patrie de la paix, le Christ est la Voie.
– Jésus-Christ, Verbe fait chair, l’humble Dieu des chrétiens.

Questions pour un partage

– Dans quels passages de l’Evangile je trouve des signes de l’humilité de Jésus ?

– Dans ces passages, qu’est-ce que Jésus nous apprend de son Père ?

– Comment cela peut-il m’aider à vivre mes propres fragilités et celles des autres ?

Parole de Dieu

« Le Verbe s’est fait chair. » Jn 1,14

« Ayez entre vous les mêmes sentiments qui furent dans le Christ Jésus : Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais Il se dépouilla lui-même… » Ph 2, 5…

« Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » 1 Co 4, 7

 

Citations d’Augustin

« Sans humilité, je ne possédais pas le Dieu d’humilité et je ne savais pas ce qu’enseigne sa faiblesse. » C. 7,18
« Si l’humilité ne précède, n’accompagne et ne suit ce que nous faisons de bien… l’orgueil nous en fait perdre le fruit. » L. 118

Suggestions pour la prière

Jésus, doux et humble de cœur
Rends mon cœur semblable au tien !

 

4. Augustin, un homme brûlé par la Parole de Dieu.

– La Parole convertit Augustin et le conduit au baptême.
– La Parole , fondement de la vie et de l’œuvre d’Augustin.

Questions pour un partage

– Quel Passage de l’Ecriture je reçois comme une Parole de Dieu pour moi ?
– Quel appel pour ma vie dans cette Parole ?
– Quand et Comment je prie avec la Bible  ?

Parole de Dieu

« Parle, Seigneur,
ton serviteur écoute. » 1 Sm 3,10

« Ta Parole est la lumière de mes pas,
la lampe de ma route. » Ps 118,105

« Quand Tes Paroles se présentaient, je les dévorais :
Ta Parole était mon ravissement et l’allégresse de mon cœur ! » Jr 15,16

Citations d’Augustin

« Prends et lis ! » C 8,12

« Tu as brûlé mon cœur de ta Parole
et je T’ai aimé. » C 9,2

Suggestions pour la prière

« Ny tenina Tompo ô…»
« Parole qui résonne au fond de moi… »

 

5.Augustin, un homme bouleversé par la miséricorde.

– Augustin relit son histoire : l’histoire de la miséricorde du Seigneur pour lui.
– Augustin, Docteur de la Grâce.

Questions pour un partage

– Comment j’accueille la miséricorde ?
– Comment je suis témoin de la miséricorde ?
– Comment je vis le sacrement du pardon ?

 

Parole de Dieu

« Il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de repentir. » Lc 15, 7

« Il n’est pas question de l’homme qui veut et qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. » Rm 9, 16

« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » Lc 6, 36

Citations d’Augustin

« Pourquoi t’appuyer sur toi-même et rester ainsi sans appui ? Jette-toi en Lui, n’aie pas peur : Il ne se retirera pas, Il ne te laissera pas tomber.
Jette-toi sans crainte, Il te recevra et te guérira. » C.8, 11

« Les confessions de mes fautes passées que Tu as remises et couvertes pour me rendre heureux en Toi, en transformant mon âme par la foi et par ton sacrement, ces confessions …remuent le cœur et l’empêchent de s’endormir dans le désespoir en disant : « je ne peux pas » C.10, 3, 4

Suggestions pour la prière

« Donne ce que Tu ordonnes…
et ordonne ce que Tu veux ! »
Conf de St Aug

Dieu ne peut que donner son Amour,
Notre Dieu est tendresse.
Chant de Taizé

6. Augustin, un chrétien unifié par l’amour.

– D’une même charité, aimer Dieu et les frères.
– Vivre, c’est apprendre à aimer de l’Amour trinitaire.

Questions pour un partage

– Est-ce que je connais la joie d’apprendre à aimer de l’Amour qui vient de Dieu ?
– Est-ce que je reconnais les difficultés d’apprendre à aimer de l’Amour qui vient de Dieu ?
– Est-ce que je reconnais les obstacles en moi et les résistances pour apprendre à aimer de l’Amour qui vient de Dieu ?
– Dans ma vie quotidienne, comment je peux être au service de l’Amour, de l’Unité, de la Communion  ?

Parole de Dieu

« Tu aimeras. » Lc10
« Père, qu’ils soient Un
pour que le monde croie que Tu m’as envoyé ! » Jn 17

Citations d’Augustin

« Apprends à aimer. A mesure que l’amour grandit en toi, te façonnant et te donnant de ressembler à Dieu, tu progresses et tu commences à faire l’expérience de Dieu car Dieu est amour ». EnPs99

« Une fois pour toutes t’est donc donné ce court précepte :
Aime et fais ce que tu veux ;
si tu te tais, tais-toi par amour ;
si tu parles, parle par amour ;
si tu corriges, corrige par amour ;
si tu pardonnes, pardonne par amour ;
aie au fond du cœur la racine de l’amour :
de cette racine, il ne peut rien sortir que de bon ». Jo Ep 7, 8

 

Suggestions pour la prière

Seigneur, donne-moi de vivre par amour de Ton Amour.
Donne-nous, Seigneur, un cœur nouveau !…

7. Augustin, serviteur infatigable de l’Eglise et de son unité

– Aime et fais ce que veut l’Amour.
– Un saint pour tous les temps, un saint pour aujourd’hui .

Questions pour un partage

– Y a-t-il un passage de la vie d’Augustin qui est particulièrement « appelant » pour toi ?
– Y a-t-il une citation de saint Augustin qui te touche particulièrement ? Pourquoi ?
– Comment vis-tu « dans l’Eglise de Jésus-Christ » aujourd’hui ?
– A ton avis, qu’est-ce que les chrétiens peuvent apporter au monde aujourd’hui ? A quelles conditions ?

Parole de Dieu

Que le Seigneur
« illumine les yeux de votre cœur
pour vous faire voir
quelle espérance vous ouvre son appel ! » Ep 1, 18

 

Citations d’Augustin

« Vivante sera ma vie toute pleine de Toi. » C. 10

« Si vous cherchez Dieu, entraînez les autres à L’aimer ». En Ps 33

« Ne préférez pas votre tranquillité aux besoins de l’Eglise ». L. 48

« Le pauvre que tu vois, c’est ton frère ». En Ps 72

 

Suggestions pour la prière

Donne-toi à moi mon Dieu, redonne-toi à moi,
Voici que je t’aime et si c’est peu, je veux aimer plus fort.
Conf. XIII, 8

Bibliographie

Encyclopédie saint Augustin

Encyclopédie saint Augustin. La Méditerranée et l’Europe IV e -XXI e siècle. de Allan D. Fitzgerald (dir.) pour l’édition anglaise. Ed. française de Marie-Anne Vannier (dir.). Cerf. 1489 pages. 120 €. 465 rubriques : personnages historiques (Augustin, ses amis, ses adversaires) ; œuvres (120 écrits !) ; thèmes, etc. (On cherchera en vain… le miracle). C’est l’événement éditorial de l’année augustinienne 2005. On y trouvera un bon fil conducteur pour chaque sujet, avec une bibliographie.

Le firmament de l’Ecriture

Isabelle BOCHET, Le firmament de l’Ecriture. L’herméneutique augustinienne . Institut d’études augustiniennes. 564 pages, 69 €. Le firmament est une figure de l’Ecriture. Celle-ci est la « matrice » de l’œuvre d’Augustin, le critère pour juger de la vie personnelle comme du destin de l’histoire. L’Ecriture est la médiation nécessaire, dans sa condition de créature, pour établir l’homme dans une relation vraie avec Dieu. Un livre magistral, érudit, d’une écriture claire, donc lisible.

Les virtuoses et la multitude

Jean-Marie SALAMITO, Les virtuoses et la multitude. Aspects sociaux de la controverse entre Augustin et les pélagiens . Editions Jérôme Million, 350 pages. 28 €. Pélage : défenseur de la liberté, et Augustin : champion de la grâce. Le premier prêche une morale en affinité avec l’aristocratie romaine (les virtuoses), et le second trace un chemin de sainteté pour le petit peuple d’Hippone (la multitude). L’auteur met ainsi en évidence le clivage social sous les oppositions théologiques. Une approche originale du conflit.

Le monde de la Bible

Le monde de la Bible (Bayard, juillet – août 2005. 9 €). Un dossier: Saint Augustin évêque d’Afrique , le bibliste (G. Madec), sa carrière (Cath. Salles), ses combats (P.-E. Dauzat), la mise au pas de la religion païenne (Y. Modéran), l’héritage spirituel (L. Devillairs). De belles synthèses, riche ment illustrées.

Quelques parutions récentes sur les Pères de l’Eglise.

– Bernard POUDERON, Les apologistes grecs du IIe siècle . Cerf, 355 pages, 35 €. Une vue sur les premiers intellectuels chrétiens et des thèmes qu’ils développent pour défendre le christianisme.

– Jacques de Saroug, Homélies sur la fin du monde . Introd., trad. de Isabelle Isebaert-Cauuet. Pères dans la foi 91, Migne. 225 pages. 15 €. Ecrivain de langue syriaque, Saroug médite sur la fuite du temps et la vanité des gloires humaines (VIe siècle).

– Maxime le Confesseur, Mystagogie . Introd., trad. de Marie-Lucie Charpin-Ploix. Les Pères dans la foi 92, Migne. 202 pages. 17,50 €. Commentaire de la liturgie eucharistique (VIIe siècle).

Bibliographie sélective

Athanase d’Alexandrie, Sur l’incarnation du Verbe , introduction, texte critique, traduction, notes par Charles Kannengiesser, SC 199, Paris, Éditions du Cerf, 1973.

Athanase d’Alexandrie, Les trois discours contre les Ariens , traduction et notes par Adelin Rousseau, Bruxelles, Éditions Lessius, 2004.

Augustin d’Hippone, Confessions , texte de M. Skutella, introduction et notes par A. Solignac, traduction de E. Tréhorel et G. Bouissou, BA 14, Paris, Desclée de Brouwer, 1962.

Kannengiesser Charles, Le Verbe de Dieu selon Athanase d’Alexandrie , (coll. « Jésus et Jésus-Christ », 45), Paris, Desclée, 1990.

Kannengiesser Charles, Arius and Athanasius. Two Alexandrian Theologians , Londres, Variorum, 1991.

Williams Rowan, Arius. Heresy and Tradition , London , Darton, Longman and Todd, 1987 ; seconde édition, Grand Rapids , William B. Eerdmans, 2002