Chemin de Carême – L’expérience de Michèle en Bulgarie !

Ce mot « prendre soin » raisonne tout particulièrement dans le cœur de la soignante que j’ai été toute ma vie. Comme dentiste, j’ai choisi de me tenir au plus près du visage de mes patients, réceptive à leurs émotions, attentive le plus possible à l’ensemble de leur personne. Ces soins prodigués 40 ans durant et les 22 dernières années en milieu pénitentiaire m’ont remplie d’une joie profonde.

Photo : Partage d’un repas fraternel avec les assomptionnistes et les Oblates à Plovdiv en Bulgarie. Depuis quelques semaines, Michèle et son mari y travaillent comme bénévoles.  

Prendre soin raisonne aussi car je sors juste d’un « Covid » assez agressif et donc de neuf jours de maladie. Alors que nous venions avec mon mari prendre soin d’une communauté, ce sont les religieux qui ont eu à s’occuper de nous et d’un autre religieux atteint. Prendre soin c’est donc essayer de rester le cœur confiant et joyeux dans tous les événements parfois traversés, c’est faire attention à sa propre personne mais surtout se laisser toucher par les détresses qui viennent à notre rencontre percutant nos entrailles de femme (en ce qui me concerne) de fille, d’épouse, de mère, de belle-mère et grand-mère, de « Aime ton prochain comme toi-même ».

Prendre soin, c’est faire face à cette nouvelle guerre aux portes de l’Europe, prier pour toutes les victimes de cette violence meurtrière, c’est prier pour les soldats qui défendent leur peuple ou pour ceux qui ont été envoyés au front par des dictateurs peu scrupuleux et avides de pouvoir, en tous lieux de la terre. C’est continuer à croire que la prière et la non-violence et surtout plus de justice et de partage feront advenir la Paix.

Prendre soin, c’est regarder Jésus dans l’Évangile qui a passé son temps à se laisser toucher par ceux qui le suppliaient « Seigneur prend pitié de moi » ou par ceux qui n’avaient plus la force de l’approcher. C’est se plonger dans le regard de Jésus, observer ses gestes, laisser son cœur battre au rythme du sien. C’est demander à l’Esprit Saint cette belle sensibilité de Marie aux événements : « fils, ils n’ont plus de vin. »

Prendre soin, c’est vivre ce nouveau bénévolat à Plovdiv, touchée encore plus par la fidélité de ces religieux d’Orient dans une mission souvent ingrate et peu gratifiante. C’est comprendre combien leur présence est importante pour des populations à la foi très vive car longtemps opprimées par des années de communisme. C’est espérer avec eux que des forces vives les rejoignent et croire que leur mission pourra se diversifier.

Prendre soin, c’est s’ouvrir à la Création tout entière remplie de force, de beauté et de bonté. C’est décider, les jours de combat, de soucis, de tentation, de tristesse, de n’utiliser qu’une seule arme : la louange à Dieu car toujours l’Amour est.

Prendre soin, c’est décider, en écrivant ces quelques mots, de lire un livre ancien de cette bibliothèque de Plovdiv où les pages n’ont pas encore été découpées : Histoire des alumnats (même si une autre version vient d’être publiée) . Les alumnats sont une des causes essentielles de mon attrait pour Emmanuel d’Alzon.

En dernier, et pourtant en premier… c’est prendre soin dans mon cœur ou par des voies que j’ignore de cette Église Universelle et multiculturelle que j’aime et de l’Assomption à l’aube d’un nouveau chapitre. Mais qui suis-je pour le faire, sinon une petite voix peu écoutée, désirant être avec Eux, celle des sans voix.

Dimanche 3 avril, le Seigneur m’a envoyé un ange qui a pris soin de mon âme. Il s’appelle « Martine » en bulgare ou Martin, comme St Martin. Ce jeune homme est venu mendier pour la première fois sur les marches de cette église de Plovdiv dédiée aux trois martyrs assomptionnistes Kamen, Pavel et Josaphat. Il est un des martyrs de nos sociétés actuelles : sans domicile, sans travail, sans pouvoir se laver, en errance. Nous avons pu échanger un peu en anglais. Quelle joie profonde pour nous deux. Ses yeux avides de dialogue et de reconnaissance m’ont saisie. Son corps, ses mains noircies, ses membres encore endoloris par un accrochage avec une voiture il y a 12 jours m’ont bouleversée. Ses poches toutes vides étaient des signes de son extrême précarité.
Mais j’ai honte, comment ai-je pu accepter d’aller manger en fraternité avec les Augustins chez les Oblates sans inviter Martin ? Sans crier ma peine… Bien sûr, les Oblates ont déjà en accueil Alla (réfugiée ukrainienne) et nous fêtions son anniversaire. Mais pourquoi ne pas partager cette Joie de la Rencontre encore plus largement ? Bien plus largement ?

S’ils ne sont pas là, avec nous, les plus pauvres manquent à l’Église. Nous avons besoin de leur force, de leur courage, de leur foi, de leurs témoignages de vie, de leurs regards, de leurs corps. Cette poignée de main avec la main de Martin que j’ai longuement regardée, toute noire de suie et de misère m’a soignée autant que l’Eucharistie. Puissé-je le retrouver dimanche prochain et toujours ? 
« Des pauvres, vous en aurez toujours » nous dit Jésus. Ils nous convertissent, ils nous soignent, ils nous aident à lutter contre l’injustice, à rendre le monde meilleur, ils nous sauvent. C’est ce que je ressens, c’est que je crois profondément.

Et si nous arrivions à marcher ensemble avec eux, dans les faits, dans nos actes, dans nos choix, dans notre réflexion pour faire advenir le Royaume de Dieu, qui déjà est à eux? C’est mon souhait le plus cher, ma prière de tous les jours.

Michèle Petit, Laïque de l’Assomption (Bénévole à Plovdiv en Bulgarie)
 

Une parole pour aujourd’hui

R/ Dans mon angoisse, j’appelai le Seigneur ;
il entend ma voix.

Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !

Louange à Dieu !
Quand je fais appel au Seigneur,
je suis sauvé de tous mes ennemis.

Les liens de la mort m’entouraient,
le torrent fatal m’emportait ;
des liens infernaux m’étreignaient :
j’étais pris aux pièges de la mort.

Dans mon angoisse, j’appelai le Seigneur ;
vers mon Dieu, je lançai un cri ;
de son temple il entend ma voix :
mon cri parvient à ses oreilles.

Ps 17 (18), 2-3, 4, 5-6, 7

Une prière

Pardonne, Seigneur, les torts de ton peuple ; puisque notre faiblesse nous a rendus captifs du péché, que ta tendresse nous en délivre. Amen