Tout commence avec Augustin d’Hippone. Au IVe siècle après J.-C., ce jeune romain originaire de l’actuel Maghreb, va devenir un évêque réputé, orateur apprécié et théologien prolixe qui marquera la pensée chrétienne occidentale pendant des siècles. Mais l’homme était aussi capable d’introspection, curieux de comprendre l’action de Dieu dans sa vie. Dans ses célèbres Confessions, écrites à l’âge de 45 ans, il s’interroge ainsi sur son cheminement personnel et spirituel, de l’enfance à la maturité. Sans doute la toute première autobiographie spirituelle de l’Histoire.
Devenu évêque, il écrit une règle qui fixe les fondamentaux d’une vie communautaire pour les prêtres avec qui il travaille, à la manière de la première communauté chrétienne racontée dans les Actes des Apôtres.
Cette règle est devenue le fil rouge des nombreuses congrégations d’hommes et de femmes dites «augustiniennes», qui vont naître au fil des siècles suivants. L’originalité de cette grande famille? Se nourrir des intuitions spirituelles d’Augustin: initiation à l’intériorité, place importante de la prière, souci du bien commun, et surtout proximité et place centrale du Christ qui révèle à tous l’amour gratuit de Dieu.
Puisque Augustin était un évêque diocésain soucieux de la vie spirituelle de ses prêtres, la règle qu’il a écrite a souvent servi, à travers les siècles, pour réformer des diocèses en difficulté ou pour insuffler une dynamique spirituelle renouvelée pour les prêtres. C’est le cas, par exemple, au haut Moyen Âge qui voit émerger la figure de «chanoines réguliers» au sein de cet ordre. Autrement dit, des prêtres diocésains qui décident de suivre ensemble cette règle de vie, souvent en se regroupant autour d’un sanctuaire spirituel qu’ils animent. Les chanoines du Grand-Saint-Bernard, en France, en sont un bon exemple.
C’est la réforme de la vie religieuse demandée par le quatrième concile de Latran, en 1215, qui va relancer l’intérêt pour la règle de saint Augustin. Car, jusque-là, ce sont surtout les règles monastiques traditionnelles (de saint Pacôme, de saint Basile, de saint Benoît…) qui servaient de texte canonique pour la vie des moines et des moniales. Mais au XIIIe siècle, l’émergence de cités et d’une nouvelle vie économique et sociale pousse à créer des ordres religieux d’un autre genre, itinérant et mendiant. Le concile demande aux membres de ces ordres nouveaux de choisir, eux aussi une règle de vie: ce sera très souvent celle de saint Augustin, plus adaptée à leur dynamique. Les religieux dominicains feront ainsi ce choix, en ajoutant leurs propres statuts complémentaires.
Quarante ans après ce concile, le regroupement de plusieurs groupes d’ermites italiens donne naissance à une nouvelle congrégation qui, elle aussi, adopte la règle augustinienne. D’abord appelée «Ordre des ermites de Saint Augustin», puis rebaptisée ultérieurement «Ordre de Saint Augustin (OSA)», il s’agit de la congrégation-même dont est issu le nouveau pape élu, Léon XIV.
D’autres surgeons vont suivre. Née d’une branche réformée portugaise, des «Grands Augustins» vont prendre forme, notamment à Paris, repérables par le fait de marcher pieds nus. On les appellera ainsi les «Augustins déchaussés», mais aussi les «Petits pères». Soutenus par les autorités royales de l’époque, ils vont essaimer quelques temps. Ils adouciront leurs pratiques un peu plus tard au cours d’une nouvelle réforme qui annonce aussi leur déclin futur.
Les Augustins récollets, eux, naissent en Espagne au XVIe siècle. Plus tard, encore, à Nîmes, le jeune vicaire général Emmanuel d’Alzon va fonder une congrégation en 1845 qu’il placera, lui aussi, sous la règle augustinienne. Ces «Augustins de l’Assomption», dits aussi Assomptionnistes, poursuivent leur mission notamment dans la presse, à travers le groupe Bayard qu’ils ont fondé à la fin du XIXe siècle.
Des branches féminines
Autour de ces branches masculines, de nombreuses branches féminines vont naître à travers l’Europe. Brigittines, Ursulines, Visitandines en font partie. Ces Augustines travaillaient, par exemple, à l’Hôtel-Dieu à Paris.
Au XIXe siècle, en lien avec les religieux Assomptionnistes, quatre branches féminines viennent élargir la famille: des éducatrices, les Religieuses de l’Assomption (RA) ; des femmes missionnaires, les Oblates de l’Assomption (OA) ; les Petites sœurs de l’Assomption (PSA), engagées dans le travail social ; et enfin, des contemplatives, les Orantes de l’Assomption (ORA).
On l’aura compris, la famille d’inspiration augustinienne est une nébuleuse de congrégations, grandes et petites, qui ont surgi au fil des siècles. Toutes témoignent de l’intérêt et de la vitalité de la règle de saint Augustin à travers le temps. Au cœur de ces vies communautaires et fraternelles, un même fil rouge: le désir de témoigner d’un Évangile à la fois accessible et pétri de charité.